jeudi 8 février 2024

À FORGES, DE BIENS TRISTES VŒUX …

Le mois de janvier est maintenant terminé et avec lui la saison des vœux. Ce moment républicain et de convivialité est l’occasion de faire le point sur l’année écoulée, à tous niveaux, et de mettre en avant les réalisations et les acteurs locaux dans nos communes. Mais pas à Forges…

Mon passé d’élu me vaut de conserver l’amitié de personnalités encore élues, qui me font le plaisir et l’honneur de m’inviter à la cérémonie des vœux. J’ai ainsi pu me rendre à Briis, Limours, et Saint Maurice (par ordre alphabétique pour éviter toute polémique). Je n’ai, en revanche, pas assisté aux vœux à Forges, ayant un RV médical à la même heure, mais plusieurs de mes amis et proches ont pu y assister et m’en faire un compte rendu. Malgré le ton enjoué de Mme le maire, l’ambiance y était plutôt tiède dans l’ensemble. En effet, si l’on retire les élus présents et leurs proches, et le personnel municipal, on dénombrait une petite quarantaine de personnes présentes, dont nombre se sont empressées de s’éclipser. Cela constate fortement avec le nombre de personnes présentes dans les autres communes, même à Saint Maurice, qui ne compte que 1500 habitants, et où plus de 250 personnes se sont retrouvées dans le gymnase communal…

Par ailleurs, dans les trois communes où j’ai pu assister aux vœux, le ou la maire ont commencé leur discours de façon plus ou moins prolongée en retraçant les évènements marquants de l’année écoulée, pas au niveau communal, mais aux niveaux national et international. Ce point me semble paradoxalement important car la commune n’existe pas en tant qu’entité isolée, ex nihilo, elle est intégrée dans un territoire, pour nous la CCPL et le PNR, et à un niveau supérieur dans un département et une région. Elle est également fortement affectée par les décisions prises au niveau national par le gouvernement et la représentation parlementaire, et au niveau international par les crises de toutes sortes, qu’elles soient politiques ou plus encore environnementales. Cet exercice, certes quelque peu contraint, est l’occasion de comprendre comment la commune, par l’intermédiaire des élus, se perçoit dans l’environnement local, national et mondial. À Forges, on ne peut pas dire que cette vision ait été exposée, confirmant ainsi le sentiment de repliement, d’entre soi, et surtout l’absence de vision et de réflexion politiques globales que je dénonce dans mes billets de blog. Aucun mot par exemple sur la crise écologique… Or, me semble-t-il, la commune est pourtant l’échelon le plus approprié, car le plus proche de la population, pour mettre en place des orientations pertinentes pour cette dernière. Nous sommes, là, dans la traduction pratique du motto « think globally, act localy » (penser globalement, agir localement). Mais pas à Forges…

Par ailleurs, les élus forgeois se sont signalés par leur absence aux voeux dans certaines des autres communes. Il est en effet de tradition qu’au moins un élu communal se rende dans les communes de la CCPL pour assister aux vœux des maires. Or je n’ai vu aucun élu forgeois à Saint Maurice, aucun à Briis. Entre le ou la maire, et les 6 ou 7 adjoints, il devrait pourtant y avoir quelqu’un de disponible. Visiblement, pas à Forges… Plus embêtant, il est de tradition également d’envoyer un mot d’excuse en cas d’impossibilité d’assister. Plusieurs communes l’ont fait (et elles ont été citées et remerciées par les maires), mais, semble-t-il, pas Forges…

Autre élément très frappant, et bien triste, toujours au chapitre des remerciements, ceux de la commune aux acteurs de la vie locale. Si les personnels municipaux ont bien été cités, remerciés et félicités dans toutes les communes, y compris chez nous, il en va différemment des associations. A Briis, à Limours, à Saint Maurice, leur forte contribution à la vie locale a été fortement valorisée, et leur rôle dans le vivre ensemble très mis en avant, que ces associations soient à vocation culturelle, sportive, musicale, ou social. Certaines ont été invitées sur scène, pour d’autres seule la présidente ou seul le président l’ont été, qui pour y être remercié, qui pour recevoir la médaille de la ville… A chaque fois, le rôle majeur que jouent les associations dans le monde communal, dans le bien être apporté à nos concitoyens mais aussi aux citoyens des communes alentours, a été souligné. Mais pas à Forges…

Pas à Forges, ou, de nouveau, les associations semblent toujours n'être que là que pour casser les pieds des élus. Elles ont ainsi reçu de la municipalité voilà quelques semaines, le même incroyable message de préparation de dossier de subventions. Incroyable car il ressemble trait pour trait à celui de l’année précédente. Il y est rappelé plusieurs fois que les subventions ne sont pas des obligations, que pour y prétendre « l’association doit participer à des actions ayant un intérêt public local pour Forges-les-Bains » - comme si l'activité associative n'intéressait aucun Forgois - et qu’il « n’y a aucun droit à la subvention », ce qui est de nouveau une erreur puisque les associations ont bien vocation à recevoir de tels soutiens financiers de la part de collectivités… Enfin comme l’année dernière, le message se termine de façon vulgaire, sans la moindre formule de politesse. Nouveauté cette année, il est de plus signé par une élue récemment décédée. Or, les morts, en général, n’envoient pas de mails d’outre-tombe, mais, là non plus, pas à Forges…


Crédits illustration : 

Montage personnel à partir du personnage du chat de P. Geluck.



mardi 6 février 2024

NOTRE SÉNATEUR PRIS DANS UN NAUFRAGE RÉPUBLICAIN

Ayant été élu pendant 12 ans à Forges et ayant représenté notre commune dans nombre de structures intercommunales, j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’y croiser ou de rencontrer l’ancien maire de Limours, notre actuel sénateur, M. Jean-Raymond Hugonet. Je l’ai toujours considéré comme un élu investi pour sa commune et au-delà pour notre communauté de communes. Au plan personnel, je ne le connais très peu, mais j’ai régulièrement apprécié sa disponibilité et, me semble-t-il, une certaine capacité d’écoute de son interlocuteur, ce qui ne l’empêchait pas - et c’est fort légitime - de défendre souvent ses idées, disons avec vigueur.

Or, je viens de tomber sur le journal municipal de Limours et l’article de l’équipe d’opposition relatif au vote de la loi immigration au Sénat. Dans cet article, il est indiqué que notre sénateur a voté en faveur de cette loi. J’avoue être extrêmement déçu de cette décision de M. Jean-Raymond Hugonet. Il me faut être clair ici : les critiques que j’émets ne sont pas dirigées contre la personne, mais contre sa position politique, qui m’a surpris d’ailleurs, car ce vote ne correspond pas du tout à l’image que j’ai de lui.

Je ne suis pas opposé à l'idée de réguler les flux migratoires, bien que je préfèrerais des solutions visant à débarrasser le monde des causes qui les engendrent. Comme le disait l'ancien premier ministre, M. Michel Rocard, « la France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Ce qui est surprenant, c'est que l'on occulte systématiquement le « mais elle a vocation à y contribuer » qu'il avait ajouté en « off ».  Si l’on regarde d’un peu près cette loi immigration, nous avons été nombreux à dire rapidement que certains de ses aspects étaient simplement une honte pour notre République. Je cite d’ailleurs là les propos de l’opposition limourienne : « on peut déjà dire que les débats du Sénat et les amendements qui y ont été votés, intégrant tous les clichés possibles sur l’immigration, représentent une dérive indigne de la politique de notre pays [] Ce projet de loi qui stigmatise l’étranger comme étant uniquement une menace ou un fraudeur ne fera qu’ajouter des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration. De telles dérives pourraient avoir des conséquences dramatiques pour notre société ». En accord et en exemple, j’ai explicité, dans un billet de ce blog publié plus tôt, pourquoi cette loi nous couperait des liens que nous tentons d’établir au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec les futurs cadres dirigeants des pays dits du Sud.

Il y a cependant plus grave en termes de perte de l’esprit républicain. De facto, cette loi organise, via la « préférence nationale » voulue par les élus du RN et des Républicains à leur remorque idéologique, une inégalité entre Français et étrangers d’autant plus injuste qu’elle impose les mêmes devoirs aux uns et aux autres, mais qu’elle ne leur garantit pas les mêmes droits. Nous avons aussi été nombreux à dire, sans être de grands spécialistes, que plusieurs aspects de cette loi étaient sans doute contraires à la Constitution. C’est d’ailleurs en partie l’avis du Conseil Constitutionnel qui a déclaré non conformes à la Constitution 32 articles de cette loi, qui en comptait 86. Attention cependant à ne pas se réjouir trop tôt, car les motifs de cette censure portent principalement sur ce que l’on appelle des « cavaliers législatifs ». Ces cavaliers sont des dispositions incluses dans le texte, bien qu’étrangères au domaine de la loi votée. Sont entre autres concernées les limitations du regroupement familial, les restrictions des prestations sociales, de l’AME, les restrictions sur les titres de séjour étudiants avec obligation de caution, la fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France, une liste non limitative. Il serait donc possible de présenter de nouveaux textes de loi sur ces seuls sujets, mais il n’est pas certain que ceux-ci puissent être votés en termes identiques au Sénat et à l’Assemblée. Toutefois s’ils l’étaient, le Conseil Constitutionnel sera également et sans aucun doute appelé à se prononcer, cette fois-ci « au fond », sur leur constitutionnalité. Notons d’ailleurs que plusieurs articles de loi ont été en totalité ou partiellement censurés au fond par le Conseil Constitutionnel : il agit de l’article 1er qui prévoyait la fixation du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France (aussi appelé élégamment « quotas d’immigrés ») et de l’article 38 autorisant le relevé des empreintes digitales et la photographie d’un étranger sans consentement. Enfin les articles 14 (restriction pendant un an des nouvelles demandes d’admission au séjour après refus) et 42 (assignation à résidence) font l’objet de censure partielle, interdisant leur validation en l’état.

Le troisième élément de ce que je considère comme constitutif d’un naufrage républicain se situe, lui, au niveau de la Présidence de la République et du gouvernement. Se doutant bien de l’existence de cavaliers législatifs, et doutant de la constitutionnalité même de ce texte de loi, c’est M. le Président de la République qui a saisi le Conseil Constitutionnel, appuyé en cela par Mme Y. Braun-Pivet, l’inénarrable présidente de l’Assemblé Nationale, alors que tous deux ont tout fait pour que ces lois passent… Désolé de dire que les seuls qui ont fait preuve, dans ce cirque politique, de courage sont les députés de gauche qui se sont opposés au texte et qui ont, eux aussi, saisi le conseil Constitutionnel… Quelle honte cependant de voir que le premier personnage de la République et le quatrième n’ont pas eu le courage de s’opposer, en toute connaissance de cause, à ce texte dont ils connaissaient l’illégalité. Il s’agit ici, et je cite ici le communiqué du PS, d’une « faute politique et morale » d’un gouvernement et de sa majorité « alignés sur les positions idéologiques historiques de l’extrême droite ». En cela, ce naufrage concerne aussi notre sénateur, lui qui a voté ces lois, mais, et je tiens ici à le souligner, pas notre députée, Mme Marie-Pierre Rixain, qui s’est elle abstenue alors qu’elle appartient au parti présidentiel.

Dernier point, M. Jean-Raymond Hugonet s’est vu accorder un droit de réponse dans le même numéro du journal municipal de Limours. Il y explique les motivations qui l’ont conduit à voter ce texte, au titre desquelles on retrouve, entre autres, je le cite, la possibilité « de faire face à l’ampleur de la crise migratoire que nous connaissons, d’en finir avec le principe de régularisation massive, de considérer le séjour irrégulier comme un délit, de ne pas transformer le regroupement familial en véritable « pompe aspirante », de systématiser le prononcé de l’Obligation de Quitter le Territoire Français, (OQTR) et l’interruption du bénéfice de la protection universelle maladie pour les déboutés du droit d’asile ». Quant au fait que ce texte serait conforme aux attentes des Français, je rappelle qu'au moment du vote contre le maintien de la peine de mort en France, une grande majorité de Français y étaient encore favorables. Également, je n'ai pas senti cette même volonté d'écoute des Français dans leur combat contre l'accroissement de l'âge de départ à la retraite de la part de notre sénateur, même s'il s'est à l'occasion abstenu de voter, mais passons. Enfin, M. Jean-Raymond Hugonet ajoute qu’il a voté le texte de loi immigration car « j’aime profondément mon pays, la République, son histoire, sa culture et que je n’ai pas envie qu’il bascule dans l’obscurantisme… ». Ce faisant, notre sénateur montre sa méconnaissance totale des raisons qui poussent des gens à fuir les guerres et la misère. Plus grave à mon sens, et à l'inverse, encore une fois, de l'image que j'ai de lui, il s’aligne en réalité sur le discours raciste et xénophobe caractéristique de l’extrême droite désignant l’immigré comme un délinquant voire un criminel en puissance, un opportuniste, venu ici pour profiter des allocations chômage ou du système de santé. Ce discours sera sans doute très apprécié par les quelques 250 000 artisans, 400 000 cadres, 400 000 contremaitres, et 1 600 000 employés ou ouvriers immigrés (données INSEE 2019) qui assurent une certaine prospérité au pays…



Référence :

Pour ceux qui voudraient lire l’avis du Conseil Constitutionnel :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-863-dc-du-25-janvier-2024-communique-de-presse



Crédit illustration :

Service photo du Sénat
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