vendredi 29 avril 2022

LE SECOND TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE DANS LES COMMUNES DE LA CCPL


M. Emmanuel Macron vient donc d'être élu à la présidence de la République. Les commentaires politiques sur cette élection très particulière ont été nombreux et il ne me semble pas nécessaire de revenir longtemps sur ceux-ci, au niveau national. Il reste néanmoins intéressant de regarder quels ont été les résultats de ce second tour dans les communes de la CCPL.

Je m'appuie pour cette analyse sur les documents que m'a envoyés M. Bernard Morin, élu de la minorité à Limours. La première analyse que l'on peut proposer est la comparaison des résultats obtenus par la candidate du RN, Mme Marine Le Pen, et du candidat de LREM, M. Emmanuel Macron, au niveau national et au niveau local. En France, le résultat final de ce second tour montre que 58,5% suffrages exprimés se sont portés sur M. E. Macron et 41,5% sur Mme M. Le Pen. L'abstention s'est élevée à 28% des inscrits, et les votes blancs et nuls à 8,6%. Si l'on exprime les résultats obtenus par les deux candidats non plus en pourcentage des suffrages exprimés mais en pourcentage des inscrits, les résultats deviennent alors 38,5% pour M. E. Macron, 27,3% pour Mme M. Le Pen et 6,2% pour les blancs et nuls. Sachant que plus de 40% des personnes ayant voté pour M. E. Macron l'ont fait « pour faire barrage à l'extrême droite » (1), il ressort que l'adhésion aux propositions du nouveau président de la République n'est le fait que d'environ 22% de la population nationale en âge de voter. C'est très faible, mais cela ne retire rien à la légitimité de l'élection. Le président réélu semble en avoir pris conscience, déclarant « Je sais que nombre de nos compatriotes ont voté pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Ce vote m’oblige pour les années à venir » (1). Reste à voir combien de temps cette évidence restera dans son esprit et également dans celui de ses proches. Il est en effet utile de rappeler que ce 25 avril, c'est à dire dès le lendemain de l'élection, M. Bruno Le Maire n'excluait pas un recours au 49.3 pour faire passer en force la loi modifiant les conditions d'accès à la retraite (2). L'inquiétude est donc légitime.

Au niveau départemental, l'Essonne avait porté M. Jean-Luc Mélenchon en tête des candidats au premier tour. Le score de ce dernier a sans aucun doute résulté des votes majoritaires dont il a bénéficié dans des communes considérées comme défavorisées, et fortement peuplées. Les communes plus « riches », c'est à dire - et pour « faire simple » - celles du nord-ouest et de l'ouest du département, ont voté pour le nouveau président. Dans nombre d'entre elles, cependant, M. J.-L. Mélenchon est arrivé juste derrière M. Emmanuel Macron. Le score de Mme. M. Le Pen résulte de votes préférentiels, voire majoritaires pour elle, dans les communes très rurales du sud et sud-est de l'Essonne. On retrouve cette division géographique, pour ne pas dire ce clivage, dans les résultats du second tour, les communes du sud ayant assez systématiquement placé Mme M. Le Pen devant M. E. Macron. En termes de pourcentages, le score de M. E. Macron dans l'Essonne est sensiblement supérieur à celui qu'il a obtenu au niveau national, à savoir 65,5% des suffrages exprimés. L'abstention dans le département est à peine plus élevée qu'au niveau national, représentant 29,3% des inscrits. Quant aux votes blancs et nuls, ils sont comparables mais légèrement en retrait de ceux observés sur la France entière, atteignant 7,5%. L'ensemble abstention plus blancs et nuls est, lui, tout à fait comparable en Essonne aux valeurs nationales, soit respectivement 37,8% et 36,6% des inscrits.

Au niveau de la CCPL, les communes où l'abstention a été la plus marquée sont Gometz-la-Ville (abstention : 24,5%) et Courson (23,5%), et celles où l'on a le plus voté, Janvry (abstention : 15,6%) et Boullay (15,9%). La moyenne de la CCPL est de 21,3% d'abstention, très inférieure aux valeurs départementale (29,3%) et nationale (28%). On peut également agréger abstention, blancs et nuls, ce permet de repérer les communes qui ont le plus exprimé de suffrages pour l'une ou l'autre des candidats. Dans ce cas, on retrouve Janvry et Boullay en tête, où, respectivement, 78,4% et 75,1% des inscrits ont exprimé un choix. A l'inverse, les communes les plus « taiseuses » ont été Courson, et ex-aequo Gometz et Briis, où respectivement, 66,6% et 68,3% des inscrits n'ont pas exprimé un choix. M. E. Macron réalise ses meilleurs scores Aux Molières, comme au premier tour d'ailleurs, avec 78% des suffrages exprimés, puis à Boullay avec 76,3% et à Gometz (75,3%). Ses moins bon scores sont observés à Angervilliers (57,3%), à Vaugrigneuse (57,5%) puis à Courson (59,6%). Les scores de Madame Le Pen sont bien entendu les compléments par rapport à 100, ces dernières valeurs étant comptabilisées en suffrages exprimés. Enfin, c'est à Forges-Les-Bains que les résultats de ce second tour sont les plus semblables à ceux enregistrés sur la totalité de la CCPL, avec une abstention de 22,5% (CCPL : 21,3%), non exprimés (abstention + blancs+ nuls) de 30,4% (CCPL 29,4%) et un vote pour M. E. Macron à hauteur de 67,5% (CCPL 68,4%).

Ces résultats confirment en grande partie les résultats du premier tour, avec un vote pour Mme. M. Le Pen plus marqué dans les communes rurales du sud de notre territoire. La ruralité n'est sans doute pas le seul facteur explicatif. On peut ainsi considérer que ces différences assez sensibles entre communes du nord (Gometz, Boullay ou Les Molières) et du sud (Angervilliers et Vaugrigneuse) sont possiblement liées aux catégories socio-professionnelles qui caractérisent la population de chacune d'entre elles. La comparaison du coût de l'immobilier dans ces communes est d'ailleurs possiblement significative. Pour un logement individuel, il varie de 2600 euros/m2 à Angervilliers et Vaugrigneuse à 3400 euros/m2 aux Molières et 3500 euros/m2 à Gometz (selon 3). Comme dans bien d'autres régions de France, il semble y avoir une corrélation entre vote pour Mme M. Le Pen et coût de l'immobilier, ce dernier point traduisant probablement les différences de catégories socio-professionnelles que j'évoquais plus haut. En ce sens, le « microcosme CCPL » apparaît bien comme une zone de transition entre les territoires nord et sud de l'Essonne.


Références :

1. Luc Chemla. Présidentielle : 42% des électeurs d'Emmanuel Macron ont voté pour lui pour faire barrage à Marine Le Pen. France-Inter politique. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.franceinter.fr/politique/presidentielle-42-des-electeurs-d-emmanuel-macron-ont-vote-pour-lui-pour-faire-barrage-a-marine-le-pen

2. Anonyme. Retraites : Le Maire n’exclut pas un recours au 49-3, Mélenchon et Roussel vent debout. Le Parisien. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.leparisien.fr/politique/retraites-le-maire-nexclut-pas-un-recours-au-49-3-melenchon-et-roussel-vent-debout-25-04-2022-34NY7CXGEBF45GP4VRD6PDB4UY.php

3. Selon le site meilleurs agents.com
Consultable en ligne :
https://www.meilleursagents.com/prix-immobilier/essonne-91/


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Fichier de M. B. Morin


vendredi 22 avril 2022

CHARYBDE ET SCYLLA, PESTE ET CHOLÉRA



Il n'a échappé à personne, je pense, qu'il reste encore un tour avant de connaître le résultat de l'élection présidentielle. Ce denier tour ressemble au dernier tour de la précédente élection, opposant M. Emmanuel Macron à Mme. Marine Le Pen. La question qu'une part non négligeable des électeurs se pose est clairement comment voter lorsqu'aucun des programmes des candidats en lice ne vous satisfait. Ma réponse n'engage que moi.

Je ne vais pas tourner autour du pot. Je n'ai confiance ni en Madame Marine Le Pen, ni en Monsieur Emmanuel Macron.

Le RN et précédemment le FN ont trop frayé avec l'extrême droite identitaire, avec les jeunes aux cheveux aussi courts que leurs idées, le racisme, la violence, les discriminations de tous ordres - du droit des femmes à l'identité sexuelle - pour accepter qu'un ou une présidente issue de ses rangs dirige un jour notre République. Et puis, il y a toutes les déclarations, plus récentes, de la campagne actuelle. Mme. Marine Le Pen et ses partisans tiennent des propos ségrégationnistes, au sens large. Ces propos ne font pas, par exemple, clairement le distinguo entre islam et islamisme. Elle disait ainsi : « Le voile est un uniforme islamiste et pas musulman, c’est l’uniforme d’une idéologie, pas d’une religion », proposant dès lors l'interdiction du port du voile dans l'espace public. En incidente, il faudra alors penser aussi à interdire les kippas et les croix, ainsi que les médailles des tous les saints ou de Marie également. Or, ce n'est pas cela la laïcité. La laïcité, c'est de permettre à tous d'exercer ses convictions, ses préférences religieuses, des athées aux croyants, sans empêcher son voisin de le faire également. Le seul endroit où ces préférences ne doivent pas être visibles, c'est dans la marche de l'Etat. Ainsi, l'interdiction du port ou de l'expression de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique me parait nécessaire et justifiée, comme symbole de la neutralité, et paradoxalement de la bienveillance de l'Etat en la matière. Pour revenir à Mme. Marine Le Pen, elle propose aussi des mesures discriminatoires lorsqu'elle annonce vouloir mettre fin au regroupement familial, ou réserver les allocations familiales aux nationaux. Dans cette logique, un étranger légalement établit en France, y payant ses impôts depuis des années n'aurait-il donc pas les mêmes droits qu'un Français ? Et un Français marié à une étrangère ne pourrait-il la faire s'installer définitivement en France. Quel délire ! Et son programme environnemental ? Certes, celui de M. Emmanuel Macron est quasi-inexistant, mais que dire, alors que la crise climatique s'amplifie et qu'elle continuera de s'amplifier pendant des décennies en raison de l'inertie de notre biosphère, de sa proposition d'un moratoire sur le solaire ? Ou du démantèlement des éoliennes, défendant ainsi une position complètement orthogonale aux accords de Paris. Enfin, en matière de politique internationale, que dire de ses accointances avec M. Vladimir Poutine, dont elle encensait encore voilà peu, le comportement et la politique nationale. Autre temps, autres moeurs, certes, mais quoiqu'il en soit, je n'ai aucune envie de voir cette personne représenter la France et ses valeurs. Elle ne peut le faire. Elle en est même à l'opposée. 

Quant à M. Emmanuel Macron, j'ai bien explicité dans différents articles de ce blog ses actions et celles des marcheurs, dont les godillots (c'est le terme approprié) ont assez systématiquement approuvé les décisions à l'assemblée nationale. A commencer par la possibilité que cette majorité a offerte au gouvernement de décider par ordonnance, supprimant ainsi le contrôle parlementaire sur les décisions proposées. Or ces décisions, et donc la politique menée par M. Emmanuel Macron, a conduit à une division encore plus accentuée des Français. Au cours du quinquennat, la fortune des plus riches a explosé, merci entre autres à la suppression de l'ISF, et à l'instauration de la flat tax. En même temps, pour reprendre la phraséologie en cours, « la France qui rame » a assez systématiquement fait l'objet de mesures la défavorisant : laminage du droit du travail, blocage des salaires, et pour les plus défavorisés, réduction des APL ou réduction de facto des aides aux handicapés, pour ne citer que quelques mesures. J'y ajoute la poursuite de la casse des services publics, l'hôpital en tête. Je ne sais pas d'ailleurs si celui-ci survivra : il était malade au début du quinquennat, il est maintenant agonisant. Tout cela, combiné aux augmentations du coût de la vie, a conduit à la crise des gilets jaunes, qui n'est à mon sens pas une crise. Une crise présente en effet une durée limitée dans le temps. Or celle-ci se poursuit plus de trois ans après son commencement, et elle n'a disparu des radars, écrans et infos que parce qu'une crise sanitaire sans précédent qui perdure lui a succédé. Tout cela a pour conséquence le fait qu'un Français sur quatre (27%) avouait ne pas manger à sa faim, un chiffre encore en augmentation, et que 20% déclaraient voilà peu devoir sauter certains repas. Cette France d'en bas, terme que je n'aime pas, est en fait celle de l'exclusion. C'est la France exclue des centres villes, des métropoles, de l'emploi pérenne, des services publics. C'est celle qui fait a fait l'objet de toutes railleries de l'ancien président. C'est celle qui coûte un pognon de dingue, qui n'a qu'à traverser la rue pour trouver du boulot, celle qui croise dans les gares des gens qui réussissent, alors qu'eux ne sont rien. Qualifié d'arrogance, la pensée macronienne et la politique qu'il a menée sont en réalité totalement engagées dans un processus de lutte des classes, terme que certains voudraient faire passer pour désuet, obsolète, mais qui fournit pourtant, volens nolens, une grille de lecture pertinente du dernier quinquennat. M. Emmanuel Macron n'est pas que le candidat des riches ou des banques, comme cela a été dit. C'est aussi le candidat d'un apartheid social, différent de celui proposé par son opposante, mais tout aussi pitoyable et impitoyable. Pour s'en convaincre, voici quelques propos qu'il a tenus, lors de discours, de visites, ou d'interviews. Je cite : « les salariés français sont trop payés », « les salariés doivent pouvoir travailler plus, sans être payés plus si les syndicats majoritaires sont d’accord », « la meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler ». D'autres citations montrent toute l'étendue du mépris de classe de l'ex-président, vis à vis d'une partie non négligeable des Français, qu'il devrait, pourtant défendre en priorité. Je cite toujours : « les Britanniques ont la chance d’avoir eu Margaret Thatcher », « je ne suis pas là pour défendre les jobs existants », « le chômage de masse en France c’est parce que les travailleurs sont trop protégés », ou « 35 h pour un jeune, ce n’est pas assez ». Restent également des propos très inquiétants et, curieusement, très peu relevés dans la presse tels que « je suis pour une société sans statuts » et « La France est en deuil d’un roi ». Jupitérien, vous avez dit Jupitérien?

J'arrête là la démonstration. Tout cela indique qu'avec M. Emmanuel Macron, comme avec Mme Marine Le Pen, la France pourra faire le deuil de sa devise « liberté, égalité, fraternité ». Se pose donc la question du vote du second tour, dimanche. L'option logique serait donc le vote blanc, aucun des candidats ne satisfaisant aux critères minimaux que j'exige à titre personnel pour obtenir mon suffrage. A ce stade, que l'on vienne pas me parler de front républicain. Ce n'est pas moi qui a installé ce choix invraissemblable entre un représentant de l'extrême droite et un représentant de la finance et des ultras riches, entre un programme raciste et xénophobe, et un programme de casse sociale généralisée. J'ai d'ailleurs voté pour M. Jacques Chirac contre M. Jean-Marie Le Pen quand il l'a fallu, j'ai rejeté la candidature de Mme Le Pen en 2017, tout cela pour constater que le président élu a ensuite très rapidement oublié la pluralité des opinons politiques des citoyens qui l'avaient porté au pouvoir. Malheureusement, le vote blanc, bien que comptabilisé, passera rapidement aux oubliettes. Il me semble donc, que l'action la plus visible et forte reste l'abstention. Celle-ci sera en effet bien plus discutée et bien plus significative si, comme je l'espère, elle tutoie ou dépasse la barre des 40%. C'est donc l'option la plus raisonnable vers laquelle je me dirige dans le cadre d'un choix impossible entre Charybde ou Scylla, peste ou choléra...


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Rallye lecture. Charybde et Scylla
https://rallye-lecture.fr/charybde-et-scylla-niveau-3/



mardi 19 avril 2022

LE PREMIER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE DANS LES COMMUNES DE LA CCPL



Rendons à César ce qui appartient à César ! M. Baptiste Bonnet est élu à Forges comme conseiller municipal, de l'opposition. Il m'a fait parvenir récemment un fichier « excel » dans lequel il a compilé les données des votes au premier tour de l'élection présidentielle, pour toutes les communes de la CCPL et m'a autorisé à en détailler les résultats sur mon blog.

Les données transmises ne prennent en compte que les suffrages exprimés. Je me suis néanmoins intéressé en premier lieu au taux abstention, disponible sur le site du ministère de l'intérieur. Pour la France, ce taux est d'environ 26%, ce qui représente le deuxième taux le plus élevé pour un premier tour d'une présidentielle depuis le début de la Ve République. Seule l'élection de 2002 avait connu un taux supérieur. Dans la CCPL, l'abstention varie de 14 à 21% (valeurs arrondies) selon les communes, avec une moyenne à 18% environ, une valeur assez sensiblement inférieure à la valeur moyenne observée en France pour ce premier tour. Les communes où cette abstention a été la plus forte ont été Briis-sous-Forges et Fontenay-Lès-Briis, et celles où la participation a été la plus élevée, Saint-Jean-de-Beauregard et Gometz-la-Ville.

Sur la totalité de la CCPL, les trois candidats arrivés « en tête» sont : M. Emmanuel Macron, 34,9%, suivi de M. Jean-Luc Mélenchon, 17,7% et Mme. Marine Le Pen; 17,4%. Ce trio est suivi par un autre trio dont les scores sont proches : Mme. Valérie Pécresse, 6,8%, M. Eric Zemmour, 6,6% et M. Yannick Jadot, 6,4%. Tous les autres candidats sont crédités de scores au dessous de 3%.  Globalement, au niveau de la CCPL, on a donc voté à peu près comme le reste de la France. Cependant, si on regarde de façon fine, on peut observer dans nos communes une sur-représentation du « vote Macron» et une sous-représentation des votes Mélenchon et Le Pen, dont les scores restent, comme au niveau national assez voisins.

Bien que d'interprétation difficile, il peut être intéressant de regarder s'il existe des différences notables entre chacune des communes de la CCPL. Commençons par celles où les candidats ont fait leur meilleur score. M. Emmanuel Macron a obtenu son meilleur résultat aux Molières (arrondi à 42%), puis à Gometz la Ville (40%), puis à Boullay (38%). M. Jean-Luc Mélenchon a fait de même à St.-Jean-de-B. (arrondi à 26%), Briis (21%) et Limours (20%). Ces « bons » scores dans deux des communes les plus peuplées de la CCPL expliquent en partie le résultat final de ce candidat sur la CCPL, car ils « tirent »  la statistique vers le haut. Mme Marine Le Pen a, quant à elle, mieux réussi à Angervilliers (27%), Vaugrigneuse (25%) et Fontenay-Lès-Briis (24%). Ces résultats, dans des communes moins peuplées de la CCPL, expliquent le fait qu'elle soit arrivée en 3ème position sur l'ensemble du territoire. On peut également regarder à quels endroits les candidats du trio de tête ont fait leur moins bon score. Pour M. Emmanuel Macron, c'est à Saint-Jean-de-Beauregard (28%), pour M. Jean-Luc Mélenchon, c'est à Pecqueuse (12%) et pour Mme Le Pen, c'est aux Molières (10%). L'analyse de ces scores à Saint-Jean comme à Pecqueuse doit être très prudente, ceux-ci pouvant être biaisés compte tenu du fait que ces communes sont à faible effectif. Une petite variation du nombre de voix peut dès lors entraîner un effet important en pourcentage sans que celui-ci ne soit réellement significatif.

En lien, et comme je l'indiquais plus haut, l'exploitation de ces résultats et leur interprétation restent difficiles, et les explications proposées peuvent donc être erronées. Tout au plus, je me risquerai à des constatations et des hypothèses. Je reprends la constatation explicitée plus haut concernant la sur-représentation du « vote Macron » et la sous-représentation des votes Mélenchon et Le Pen. Mon hypothèse explicative est la typologie sociale des habitants des communes de la CCPL. En globalité, ceux-ci appartiennent plutôt aux classes moyennes supérieures, voires supérieures, classes qui votent plus pour M. Emmanuel Macron que d'autres. Dans ces catégories, le vote « globalement protestataire » en faveur de Mme Marine Le Pen ou de M. Jean-Luc Mélenchon (même si ces candidats ne recueillent pas uniquement ce type de votes) est moins fréquent. En lien, un des représentants des forces de l'ordre me disait voilà quelques mois que cette typologie sociale expliquait sans doute en grande partie pourquoi la région n'avait pas vu beaucoup de gilets jaunes sur les ronds-points... Deuxième constat, Mme Marine Le Pen recueille les plus forts pourcentages de suffrages dans les communes du sud de la CCPL, à l'exception de Fontenay-Lès-Briis. Je n'ai pas d'explication précise relative au « bon » résultat de cette candidate dans cette commune, mais il faut cependant le relativiser. Il reste en effet très voisin du score qu'elle a obtenu au niveau national. La sur-représentation du « vote Le Pen » à Vaugrigneuse et Angervilliers est, elle, à considérer dans une vision plus globale, départementale, où l'on observe que le vote pour cette candidate est très caractéristique du sud-Essonne, plus rural que le nord. Ainsi, Mme Marine Le Pen est arrivée en tête dans la quasi-totalité des communes du sud de notre département avec des scores de 35% des suffrages à Arrancourt ou à Pussay par exemple. Cette même vision départementale est également à prendre en compte pour le « vote Mélenchon ». Rappelons que ce candidat est arrivé en tête en Essonne, avec plus de 28,1% des voix, juste devant M. Emmanuel Macron (27,6%). Ce « bon » résultat de M. Jean-Luc Mélenchon provient majoritairement des ses scores élevés dans les communes très peuplées et/ou pour certaines défavorisées. Il obtient ainsi 57% des voix à Grigny, 50% à Evry, 46% des voix aux Ulis, et 41% à Fleury-Mérogis. Néanmoins, ses résultats dans l'Essonne s'expliquent aussi par le fait qu'il est arrivé deuxième derrière M. Emmanuel Macron dans bon nombre de communes du département, également peuplées. Hypothèse : ces suffrages ne correspondraient pas à un vote protestataire mais possiblement davantage, soit à un vote dit « utile », soit à un vote d'adhésion, émanant d'Essonniens appartenant aux catégories professionnelles intellectuelles (enseignants, universitaires, chercheurs, cadres intermédiaires du privé). En accord, le « vote Mélenchon » est sensible dans des communes proches du plateau de Saclay, telles que Palaiseau, Orsay, Bures, Gometz-La-Ville, et même Gif-sur-Yvette. Dans le secteur de la CCPL, il est possible que l'effet « plateau de Saclay » que j'évoque plus haut se soit aussi fait sentir, à Limours comme à Briis-sous-Forges.

Il reste bien entendu le second tour pour départager les deux candidats arrivés en tête. Au delà du résultat, il sera, là aussi, intéressant de suivre la répartition des votes par communes, au niveau de la CCPL, comme au niveau départemental.


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Baptiste Bonnet. Extrait Tableur Excel.

vendredi 15 avril 2022

SCANDALES SANITAIRES. À QUI LA FAUTE ?



L'actualité récente a mis en lumière un certain nombre d'événements qui constituent, à mon sens, autant de scandales sanitaires. Je pense bien entendu aux dernières contaminations alimentaires bactériennes (listériose, salmonellose, infections à Escherichia coli enterotoxiques) mais également à la maltraitance de nos anciens dans certains EHPAD. Il y a des points communs entre ces affaires.

Ce dernier point a été particulièrement douloureux. Il fait suite à la publication du livre « les fossoyeurs » de Victor Castanet, dans lequel ce dernier rapporte la façon dont sont traités une partie des résidents fragiles des établissements appartenant au groupe ORPEA. Il y décrit les manquements constatés dans les soins d’hygiène, ainsi que les déficiences de la prise en charge médicale de nos anciens. Il décrit également les rationnements dont sont victimes certains de ces résidents, leur repas étant de plus en plus réduits pour améliorer la rentabilité de l'établissement. Après que l'entreprise ait nié l'existence de tels agissements, la situation a semblé suffisamment sérieuse pour qu'enquêtes internes et enquêtes des services de l'Etat soient lancées. Dans ce dernier cas, ce sont même deux procédures qui ont été initiées, l'une, administrative, de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et l'autre, financière, de l'Inspection Générale des Finances (IGF). Les EPHAD incriminés bénéficient, en effet et à divers titres, de soutiens financiers des collectivités et de l'État. Début avril 2022, et après avoir tergiversé en invoquant « le secret des affaires », le gouvernement s'est résolu à rendre le rapport de 500 pages public tout en en masquant certains aspects (1). Ce dernier confirme une nourriture limitée, les grammages étant jugés « sensiblement et systématiquement insuffisants ». Le rapport relève également des problèmes dans la transmission des informations et plus particulièrement une gestion opaque des signalements faits par les personnels, objets de filtrages au niveau des directions de l'entreprise. Au plan budgétaire, ce même rapport pointe des documents financiers « insincères » et des excédents budgétaires dégagés sur les dotations publiques. Ainsi, selon Jade Peychieras, de France-Bleu (2) : « Sur la seule période 2017-2020, Orpea a ainsi dégagé 20 millions d'euros d'excédent sur ces dotations versées. Ces excédents « ne font l'objet d'aucun suivi comptable précis », si bien qu'une partie pourrait, « le cas échéant », être « distribuée aux actionnaires ». Sur la même période, l'entreprise a également, de façon irrégulière, imputé plus de 50 millions d'euros de dépenses sur le forfait soins, payé par l'argent public. Plus de la moitié de cette somme concerne la rémunération des auxiliaires de vie « faisant fonction » d'aides-soignantes, alors qu'elles n'ont pas de diplôme pour exercer ce métier ». D'une façon générale, les enquêteurs indiquent que la gestion des établissements donne la priorité à la performance financière plutôt qu’à des critères de qualité. Tout est dit.

Passons maintenant aux récents problèmes sanitaires rapportés au sein de grandes groupes agroalimentaires, les derniers en date étant les contaminations bactériennes relevées dans des produits des entreprises Buitoni (pizzas) et Ferrero (Kinder). Dans le premier cas, ce sont une cinquantaine d'enfants qui ont été touchés, dont deux sont décédés, en lien avec une toxi-infection à Escherichia coli. Une autre cinquantaine de cas sont en cours d'analyse. L'origine de l'infection a pu être tracée au niveau de l'usine de Cambrai, dont la production est à l'arrêt suite un arrêté préfectoral. Une inspection a révélé des manquements sérieux en termes d'hygiène, notamment la présence de rongeurs dans l'usine, d'aliments non nettoyés au sol, ou de moisissures en quantité importante sur les murs. Ceci posé, l'origine de la bactérie est le plus souvent animale, celle-ci étant présente dans le tube digestif des ruminants. La probabilité qu'elle provienne donc - encore une fois - de viandes mal préparées reste donc élevée. Il faudra cependant attendre des études complémentaires pour identifier avec précision la source de la contamination. Dans le cas des chocolats Kinder, l'origine de la contamination a été tracée dans l'usine d'Arlon, en Belgique. La source des Salmonelles est le plus souvent le lait et ses produits dérivés. Il est donc probable que dans le cas de la chocolaterie industrielle, ces mêmes produits soient en cause. Au total ce sont plus de 150 cas de contamination par des salmonelles qui ont été répertoriées, et ce dans plus de neuf pays européens.

Dans ces deux cas de contamination alimentaire, un élément est choquant. Il réside dans l'espace de temps qui s'est écoulé entre les premiers signalements et l'arrêt de production. Ainsi, selon l'ONG Foodwatch, la première détection de salmonellose a été rapportée fin décembre 2021 au Royaume-Uni (3). Il faudra attendre le 23 mars, pour que les autorités sanitaires de Grande-Bretagne, enquêtant sur une épidémie, préviennent l'entreprise et pointe du doigt l'usine belge. Ce délai, en lui-même, ne me surprend pas, parce qu'une étude épidémiologique destinée à identifier une source de contamination est généralement longue. Ce qui me surprend, en revanche, c'est qu'aucun des tests d'autosurveillance que doit réaliser l'industriel n'ait mis en évidence la présence de salmonelles dans les lignes de production. Je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit au mieux d'un manquement de rigueur dans les procédures de suivi qualité internes à l'entreprise, et au pire d'une possible dissimulation. En accord avec cette observation, le 28 mars, Ferrero, pourtant prévenu du risque sanitaire, continuait d'écouler les produits Kinder dans toute l'Europe. Cette distribution des produits contaminés se poursuivra jusqu'au 4 avril (3,4), date à laquelle l'entreprise lance sa première procédure de rappel. Nous sommes pratiquement deux semaines après l'alerte britannique, et, curieusement, à une période où se vendent en grande quantité les chocolats en prévision des fêtes de Pâques. Cet avis est également celui de Foodatch qui écrit « plus les informations arrivent, plus la désinformation organisée par la multinationale Ferrero pour préserver ses affaires saute aux yeux ».

Bien qu'apparemment non liées, ces deux affaires du domaine de l'alimentation et celle concernant le scandale des EHPAD ORPEA présentent pourtant au moins deux traits communs. Le premier est qu'elles ont été rendues possible, au moins partiellement, par des déficiences des services de contrôle de l'Etat. Loin de moi l'idée d'incriminer les agents de ces services qui font ce qu'ils peuvent dans des conditions de travail de plus en plus dégradées, et confrontés à des réductions d'effectifs de plus en plus criantes. Ainsi, dans les ARS, en 6 ans, de 2014 à 2020, « le nombre d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale est passé de 944 à 688 (-27 %), celui des médecins inspecteurs de 297 à 182 (-40 %), et celui des pharmaciens inspecteurs de 137 à 126 (-8 %). Soit une diminution moyenne de l’ensemble de ces personnels de 28 % [...] » (5). Comment s'étonner dès lors que, sur les 700 EHPAD d'Ile de France, seulement 17 aient été contrôlés en un an (données 2019). Le même constat peut être fait pour les services de la DGCCRF et de l'inspection vétérinaire. Selon Foodwatch, « en 2022, les rangs de la répression des fraudes (DGCCRF) comptaient 442 agents de moins que dix ans auparavant. Du côté de la Direction générale de l’alimentation en charge de l’inspection vétérinaire (abattoirs, etc.) et aussi phytosanitaire (pesticides), le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments a diminué de 33% entre 2012 et 2019 » (6). Un constat similaire est fait par la CFDT-finance qui observe qu'entre 2010 et 2017, les effectifs du service sont passés de 3800 agents avant la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), à 2800 (7). Dans le même temps, l'activité de ces mêmes agents s'est vue davantage contrainte. Une partie des agents travaillent sous l’autorité de la région, l’autre partie est rattachée au préfet de département, ce qui « pose clairement la question de l'indépendance de leur activité ». Certains agents de la DGCCRF « doivent ainsi obtenir un feu vert préfectoral pour contrôler et sanctionner les entreprises » (7). Ayant eu pendant de nombreuses années le retour d'amis, pour certains assez haut placés dans les services de province de la DGCCRF, je ne peux que confirmer ces dires. Je peux également ajouter, que vu la lourdeur des contrôles, et la pression au rendement exercée par la hiérarchie, il arrivait que les agents de la DGCCRF soient amenés à prévenir les entreprises des dates de leurs visites. Une situation similaire est d'ailleurs décrite pour les contrôles opérés auprès des EHPAD (5).

Le second trait commun que j'évoquais plus haut est que toutes les dérives observées, in fine, proviennent de considérations économiques et financières. L'État pense faire des économies en réduisant le nombre de ses fonctionnaires affectés aux différents services de contrôle, avec les conséquences que l'on voit. Les entreprises de l'agroalimentaire augmentent leurs bénéfices en rognant sur la qualité des produits mis en œuvre et sur la robustesse des procédures, les EHPAD font quasiment la même chose en limitant les dépenses tout en n'oubliant pas de maximiser les recettes. Dans ces deux cas, ce que nous voyons n'est que le revers de la pièce de l'organisation capitaliste de notre société, dont on vante régulièrement l'efficacité. Et contrairement à une idée bien ancrée chez les néolibéraux, toutes les affaires démontrent que lorsque l'État « oublie » (parfois volontairement) de jouer son rôle de contrôle et de régulation, ce n'est pas la main invisible du marché qui le remplace. Bien au contraire.


Références :

1. Jean-Philippe de Saint-Martin et coll. Mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) du groupe Orpea.
Inspection générale des finances. Inspection générale des affaire sociales. Mars 2022.
Consultable en ligne :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/vff040422_2022-m-012-06_rapport_definitif_orpea_publiable.pdf

2. Jade Peychieras. Ehpad : le gouvernement publie un rapport d'enquête accablant pour Orpea. France-Bleu. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ehpad-le-gouvernement-publie-un-rapport-d-enquete-accablant-pour-orpea-1649169439

3. Anonyme. Scandale Kinder : deux nouvelles révélations de foodwatch. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/scandale-kinder-ferrero-deux-nouvelles-revelations-de-foodwatch

4. Anonyme. Rappels des chocolats Kinder et pizzas Buitoni : les questions qui fâchent. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/rappels-des-chocolats-kinder-et-pizzas-buitoni-les-questions-qui-fachent

5. Luc Peillon. Comment sont contrôlés les EHPAD en France ? Libération. Février 2022.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/checknews/comment-son-controles-les-ehpad-en-france-20220205_L4OR46EOO5GIRO6ZVNPZDOTCGU

6. Anonyme. Œufs Kinder, pizzas Buitoni et fromages Lactalis contaminés : le système favorise ces scandales alimentaires pourtant évitables. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2022/oeufs-kinder-pizzas-buitoni-et-fromages-lactalis-contamines-le-systeme-favorise-ces-scandales-alimentaires-pourtant-evitables-selon-foodwatch

7. Marie-Nadine Eltchaninoff. DGCCRF : des missions mises à mal. CFDT.fr. Avril 2018.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/retraite/orpea-l-etat-a-t-il-suffisamment-controle-les-ehpad_4938159.html


Crédit illustration :

Dessin de T. Soulcié pour Foodwatch
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/rappels-des-chocolats-kinder-et-pizzas-buitoni-les-questions-qui-fachent/


mardi 5 avril 2022

RECOMPOSITION POLITIQUE :
À QUI LE TOUR ?


En termes de politique générale française, la non-campagne électorale actuelle semble néanmoins conforter un certain nombre d'éléments qui s'étaient fait jour au cours des deux quinquennats précédents. Ceux-ci suggèrent l'existence d'une recomposition politique, recomposition qui pourrait se poursuivre également sur un ou deux quinquennats à venir.

En regard de la situation politique actuelle, je listerai trois observations que l'on peut faire sans, je le pense, crier au manque d'objectivité du propos. La première est la perte de vitesse sensible de ce qu'il est convenu d'appeler « la gauche ». La seconde est la montée en puissance de partis ou de personnalités d'extrême-droite, la dernière est la poursuite d'une perte de confiance dans le politique, annonciatrice d'une abstention possiblement forte dans les semaines et mois à venir.

Ce dernier point mériterait à mon sens un article complet tant les raisons qui poussent à ce désintérêt chez nos concitoyens sont nombreuses. Je me limiterai donc à parcourir quelques unes de ces raisons, dans le désordre et sans hiérarchisation. La première raison me semble être le brouillage, voulu par certains, des notions de droite et de gauche, que des politiques tel l'actuel président M. Emmanuel Macron décrivent comme obsolètes. Ce floutage conduit à penser que quelle que soit la-dite politique, qu'elle soit conduite par l'un ou l'autre, elle restera toujours la même… Ce mode de pensée est conforté par le fait que depuis 20 ans, tous gouvernements confondus, ces politiques sont restées effectivement et globalement les mêmes, avec leur lot de régressions sociales, de privatisations à tout va, et de perte de sens, principalement dans le monde du travail. La deuxième raison, liée est la précédente, est le « déclassement » vécu par nombre de nos concitoyens, passés d'une classe moyenne qui vivait décemment à une classe moyenne qui épuise son budget au 20 de chaque mois. Là aussi, depuis 20 ans, les inégalités ne se sont pas sensiblement réduites en France. La fortune des plus riches a enflé d'une façon quasi indécente. Elle a quintuplé entre 2009 et 2020, et explosé tous les records durant les deux dernières années. Dans le même temps, la classe moyenne, à l'exception de la classe moyenne supérieure, connaissait des jours difficiles. La fonction publique d’État a perdu, en 10 ans, plus de 10% de pouvoir d'achat du fait du gel du point d'indice. Et en France, les retraités pauvres sont légion. Est-il besoin de rappeler qu'en 2021 l'INSEE indiquait que 9,2 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France métropolitaine, ce qui correspond à un taux de pauvreté de l'ordre de 15%. Ce nombre de pauvres dépasse les 10 millions si on inclut les DOM- TOM. Nombre de ces déclassés peuvent donc légitimement penser que la réélection probable de M. Emmanuel Macron ne changera pas leur quotidien, et qu'ils seront sans doute plus visibles et efficaces en jaune sur des ronds-points qu'au travers d'un bulletin glissé dans l'urne. Enfin, les scandales politiques qui ont affecté le plus haut niveau de l’État continuent d'alimenter la petite ritournelle du « tous pourris ». Il vrai que des ministres et deux présidents de la République de notre Ve République ont été soit assassinés, soit, plus récemment, mis en examen et condamnés au moins en première instance pour des fraudes fiscales, des détournements d'argent divers, de l'emploi fictif, quand il ne s'agit pas d'un chef d'accusation d'association de malfaiteurs. On comprend alors que l'exemplarité en prenne un coup et que le dégoût soit au coin de la rue…

En ce qui concerne « la gauche », le constat est sans appel. Malgré des rebonds divers, celle-ci a perdu au cours des 5 dernières années une très grande partie de son poids politique, à l'exception notable de bastions régionaux, départementaux ou communaux où elle subsiste. Au niveau national, le PS, longtemps parti dominant de la vie politique en France, a « explosé ». Il est devenu à peine l'ombre de ce qu'il était. L'exact et même constat peut être fait pour le PCF. bien que les raisons qui ont conduit à ces laminages diffèrent d'un parti à l'autre. En ce qui concerne le PS, il apparaît clairement que ce parti se trouvait au milieu de la ligne de clivage entre une gauche dite de gouvernement pour reprendre les vocables actuels et une gauche disons sociale. Ainsi, qui a-t-il de commun entre des personnalités et les projets de Ms. François Hollande, Manuel Vals, Gérard Collomb, Jean-Yves Le Drian ou Mmes. Marisol Tourraine et Elisabeth Guigou, et ceux de Mmes. et Ms. Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann, Arnaud Montebourg ? Les premiers ont creusé le sillon qui a permis l'avènement de M. Emmanuel Macron, qu'ils ont biberonné à leur sein, et avec lequel certains ont même activement collaboré en quittant le PS, puis en appelant à voter ou en rejoignant LREM. Les seconds, conscients de la dérive droitière du PS ont fondé d'autres structures, dont la visibilité très limitée n'a pas permis une refondation à gauche du PS. À y regarder de plus près, le clivage que j'évoque délimite non pas deux gauches irréconciliables, comme le disait M. Manuel Vals, mais en réalité la gauche et la droite, certes pour cette droite, dans sa conception centriste. Ainsi, en aucun cas les lois El Khomri, voulues par Ms. Hollande, Vals, et Macron ne sont des lois de progrès social. En aucun cas, la politique menée durant le quinquennat de M. François Hollande n'a favorisé le développement de services publics. En aucun cas, la politique menée durant le quinquennat de M. François Hollande n'a tenté de s'affranchir de la domination de la finance ou de réduire l'impact de la mondialisation sur la population française. Au contraire. Cette politique n'a de fait coché aucune des cases, marqueurs d'une politique de gauche. Cette fracture est révélatrice du fait que le PS, probablement depuis une vingtaine d'années, ne tient ensemble que par la présence « d'agrafes », de points de suture, susceptibles de, non pas faire la synthèse entre tendances, pour reprendre le vocable socialiste, mais de maintenir ensemble les composantes d'une aile véritablement sociale, et celles d'un centre penchant de plus en plus à droite. Ces agrafes ont été des épisodes durant lesquels des dirigeants du PS ont assuré de hautes fonctions à la tête de l’État, mais une fois ces personnalités et ces fonctions évanouies, la suture a cédé, et le parti a explosé en vol. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, que d'une seule question de personnes, mais plutôt du fait que l'opportunité de gouverner a cimenté une coalition faite, finalement, de bric et de broc. Il faudra donc bien plus qu'une personnalité providentielle pour que le PS se relève et redevienne un parti majeur en France, pour autant que cela soit encore possible.

Le point remarquable est que les évènements que je décris, qui ont conduit à l'affaiblissement (et c'est un euphémisme) du PS sont également à l'oeuvre de l'autre côté du « Pantone » politique. Chez les Républicains, une ligne de fracture sépare de façon de plus en plus évidente l'aile conservatrice du parti de l'aile réactionnaire, sans doute plus proche de l'extrême droite que de la droite républicaine. Sur nombre de sujets, les discours de personnalités tels que Ms. Eric Cioti, Laurent Wauquiez, ou, moins connu, Patrick Buisson, sont dans la droite ligne de ceux que l'on entend à la fois au Rassemblement National (qui paraît même parfois plus social) ou dans la bouche de M. Eric Zemmour. Cette « porosité » tendancielle semble s'être accrue depuis le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy, ce dernier n'hésitant pas d'ailleurs à aller labourer les terres du rassemblement national possiblement plus par calcul politique que par adhésion thématique. À l'inverse, les positions de personnalités tels que Mme Valérie Pécresse, M. Jean-Pierre Raffarin, ou dans une moindre mesure M. Michel Barnier paraissent plus distantes de celles de l'extrême droite, et possiblement plus compatibles avec celles de M. Emmanuel Macron. Le départ d'un certain nombre de caciques des Républicains vers LREM, dont Ms. Raffarin, Woerth, et Muselier confirme cette tendance. Si les Républicains ont survécu jusqu'ici, ils le doivent aussi à l'existence également des points de suture ou « des agrafes » évoquées plus haut, et qui revêtent les exactes mêmes formes qu'au PS. Les dissensions internes à LR lors du quinquennat de M. Nicolas Sarkozy étaient ainsi bien moins visibles qu'aujourd'hui, la présence du Président, futur repris de justice, ayant néanmoins assuré la soudure entre les plaques tectoniques qui constituent le parti. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le risque que LR explose en vol est réel, même si ce parti bénéficie de soutiens financiers et médiatiques bien supérieurs à ceux du PS. En ce sens, les résultats des LR aux législatives s'annoncent cruciaux pour l'avenir du parti.

In fine, l'éclatement possible des LR pourrait conduire à une recomposition politique forte en France, qui nous ferait connaître une situation comparable à celle des Etats-Unis. Nous aurions ainsi trois factions, dont deux majoritaires. Tout d'abord, une extrême droite, « de Zemmour à Cioti », que l'on pourrait assimiler aux Républicains américains, et dont l'idéologie serait celle qui a été incarnée par d'ex-présidents états-uniens tels Ms. George W. Bush ou Donald J. Trump. Ensuite, nous aurions un camp apparenté aux démocrates américains, regroupant autour de LREM l'aile droite du PS et l'aile la moins à droite des LR, menant une politique s'affichant comme plus sociale, mais ne différant finalement qu'assez peu de celles des Républicains. En accord, M. Emmanuel Macron semble s'être largement inspiré de propositions de Mme Valérie Pécresse, qu'il pourrait même, dit-il, nommer comme première ministre. Enfin, nous aurions une troisième composante, plus faible que les précédentes, structurée autour de la gauche du PS, du PC, des écologistes et de LFI, pour autant que ces quatre composantes puissent s'entendre, ce dont je doute. Cette composante ressemblerait alors partiellement aux « libéraux » américains débarrassés de leur aile « libertaire ». Si une telle recomposition se produit, ce serait une très mauvaise nouvelle pour les forces de gauche et leurs soutiens, car elle impliquerait de facto la reproduction à l'identique et pour longtemps du dernier second tour des élections présidentielles qui a vu s'opposer les candidats de l'extrême-droite et de la droite républicaine, signant ainsi la mise en œuvre de politiques systématiquement défavorables à la très grande majorité des salariés, des fonctionnaires et plus généralement des plus défavorisés. C'est inquiétant.

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Les bases du dessin et de la peinture
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