lundi 27 février 2023

ÇA SE PASSE À FORGES...



Je reprends ici, volontairement, le titre d'un groupe Facebook qui vient de se créer. Ne connaissant pas bien ce monde, je me fie aux informations données par des personnes de confiance qui ont contribué à sa création, ou qui en assurent la modération. À la différence d'autres groupes Facebook forgeois, soumis à une véritable censure par leurs administrateurs dont certains sont des élus ou des proches d'élus, le groupe « ça se passe à Forges » entend, lui, proposer une parole ouverte et libre à nos concitoyens. On ne peut donc que s'en féliciter, même si à titre personnel, j'aurais préféré que le groupe s'appelle « Cela se passe à Forges ».

Pour expliciter mon propos, je reproduis plus bas, in extenso, le message laissé sur ce groupe par un contributeur (ou plus probablement une, vu les adjectifs au féminin utilisés), qui publie sous le pseudonyme de Fifi Adamantium. Ce pseudo me rappelle mon adolescence, époque heureuse durant laquelle je lisais les « comics » de l'univers Marvel. Dans ce monde merveilleux, l'adamantium était le métal imaginaire le plus dur qui existait, et qui protégeait ainsi nombre de super-héros, et nombre de leur pendants maléfiques, les super-vilains ! 

Pour revenir au groupe Facebook en question, le message reprend telles que j'aurais pu les formuler, une partie des critiques qui me sont venues à l'esprit à la lecture du dernier opus du « Petit Forgeois », en particulier en regard de l'éditorial de Madame la maire. Ses propos me semblent tellement éloignés de notre quotidien, que j'en arrive à penser que non seulement l'équipe municipale vit dans un entre-soi délétère, comme je l'écrivais plus tôt, mais également dans ce qu'il est convenu d'appeler « une réalité alternative », un peu à l'image des complotistes antivax, ou d'un Donald Trump persuadé d'être entouré de satanistes... Voici donc, en italiques, ce texte qui analyse de façon assez chirurgicale la communication sur papier glacé de la municipalité, et qui en démontre (voire démonte) les approximations, pour ne pas dire les mensonges. Je n'ai modifié que quelques mots et erreurs typographiques et j'ai rajouté en caractères droits, entre crochets et après mes initiales YD, quelques remarques complémentaires.   

« Cela n'intéresse peut être que moi, mais je vais vous donner mes impressions sur le Petit Forgeois de cette dernière période :

Passons sur le ton auto-congratulatoire. Qui d'autre pourrait l'utiliser s'ils ne le font pas eux-même ?

- Tout d'abord Mme la Maire nous rappelle ses vœux en édito ce qui est louable puisque tout le monde n'a pas pu ou souhaité être présent lors de la cérémonie. Je suis tout de même dubitative devant cette phrase :  « être bienveillant et non moralisateur »... C'est un souhait que Mme Martin et son équipe devrait s'appliquer au premier chef étant données les preuves du contraire qu'ils donnent aux associations et une partie de leurs administrés ! [YD : c'est effectivement un point qui a fait bondir les représentants d'associations présents à la cérémonie, associations qui ont d'ailleurs été complétement oubliées par Madame la maire dans ses voeux, contrairement à ce qui se fait dans toutes les autres communes de la CCPL, démontrant ainsi le peu de cas fait à Forges de ces activités].

- Je trouve malheureusement regrettable le couac de distribution qui a fait atterrir le Petit Forgeois dans nos boites aux lettres au milieu de la première semaine des vacances scolaires alors qu'il indiquait le programme des activités de l'escapade culturelle pour celle-ci. il n'y a pas dû y avoir grand monde pour fêter mardi gras...

- Le projet d'une mutuelle communale est une très bonne idée ! Je vous encourage tous à répondre au questionnaire à ce sujet que vous trouverez sur le site de Forges.

- L'article indiquant les consignes d'urgences en cas d'accident d'un mineur est pour le moins inquiétant. On nous indique que les urgences pédiatriques du coin sont dans un tel état de délabrement qu'il vaut mieux encombrer le numéro d'appel d'urgence (15) que d'emmener son enfant à l'hôpital ! C'est une situation dont la mairie n'est en rien responsable mais qui ne doit, ne peut pas durer ! Il existe des collectifs de protection des hôpitaux alentours, il faut, à mon avis que nous nous investissions tous selon nos possibilités pour lutter contre le délabrement de nos services hospitaliers et particulièrement d'urgence ! [YD : c'est une excellente remarque, mais je pense qu'elle mérite d'être développée. Nous sommes ici dans ce que j'appelle le symptôme de la Poste. Une bonne partie de ceux qui se plaignent de la fermeture des hôpitaux ou des services publics, en général, sont les mêmes que ceux qui soutiennent au niveau national cette politique néfaste, en votant, ou appelant à voter pour ceux qui mettront en place des mesures libérales, visant à dégrader encore plus ces services publics].  

- La commune nous indique dans un petit encart de que le carrefour des solidarités a besoin de dons pour pouvoir continuer à fonctionner normalement et à venir en aide à ses bénéficiaires. Si cela paraît généreux de la part de la municipalité d'encourager les dons aux associations caritatives, c'est un peu vite oublier que celle-ci refuse depuis plusieurs années au carrefour des solidarités de tenir un stand de vente de jouets sur le marché de Noël de Forges et que les subventions de notre ville envers cette association n'ont fait que diminuer au fil des années de cette mandature (tout comme pour presque toutes les associations solidaires d'ailleurs)... [YD : pour la baisse des sub., je n'en sais rien ; il faudrait vérifier. Pour le marché, c'est une autre excellente remarque, mais qui sait que la municipalité a décidé d'exclure le monde associatif, y compris le monde à vocation caritative, des marchés de Noël, à part les lecteurs de ce blog] ?

- Que dire de l'article prônant la « modernisation des inscriptions aux évènements des aînés » ? Il semble que, comme toutes les administrations françaises, Forges ne fasse pas exception pour ce qui est de la numérisation à marche forcée. Sans vouloir faire de discrimination ou de généralité, il sont de nombreux retraités à ne rien comprendre à l'informatique. Or on nous annonce que les inscriptions aux évènements à destination de nos aînés leur seront « désormais communiquées par mail aux adresses transmises lors des colis de Noël ». Il ne me semble pas inutile de rappeler que certaines personnes fournissent une adresse mail aux administrations et autres parce que cela est demandé mais qu'elles ne les consultent pas ou très peu. Il me semble donc optimiste de penser que les aînés de Forges fassent exception à cette situation. Remarquez, la mairie pense que tous les parents d'élèves consultent préférentiellement Illiwap et Facebook ! [YD : je commence à me sentir concerné ! Même si je suis à l'aise avec l'informatique - je viens de me remonter un PC ce qui explique en partie le silence de ce blog - je ne comprends pas grand chose à Facebook, et surtout je ne comprends pas l'intérêt de mes concitoyens pour ces applications qui propagent nombre de mensonges... Ne disposant que d'un smartphone ancien, il semble que Illiwap ne fonctionne pas sur mon téléphone non plus. Bref, je fais partie des exclus de la com. municipale. Mais je ne m'en plains pas, à vrai dire].

- La double page sur le « plan de sobriété énergétique communal » est très intéressante. En effet, elle nous indique (avec des chiffres que nous devons croire sur parole) à quel point notre municipalité est écologique et travaille à la réduction des dépenses énergétiques et leur équivalent en gaz à effets de serre. Si la sobriété énergétique est indispensable dans l'administration publique et les travaux d'isolation de ses bâtiments incontournable, il ne faut pas oublier de dire que « l'optimisation de l'occupation des locaux municipaux » est passée par l'expulsion de nombre d'associations des salles qu'elles occupaient depuis de nombreuses années pour leur fonctionnement. Que dans les locaux qui sont encore prêtés, les chauffages sont interdits d'accès et les bénévoles et leurs bénéficiaires sont transis de froid en plein hiver. Que certains élèves de maternelle ont travaillé au moins une journée en manteaux dans leur classe où il faisait 13° au prétexte que les capteurs reliés à la mairie n'indiquaient pas cette température. Je suis personnellement inquiète quand on me dit que la municipalité compte aller encore plus loin durant les prochaines années en matière d'économies d'énergie... Qui devra en pâtir ? [YD : on peut aussi ajouter que l'installation de chaudières à gaz, à deux ans de distance de leur interdiction dans les collectifs, est un mauvais calcul]... 

- Il est très agréable de voir les artisans et les entreprises locales mises en avant dans le Petit Forgeois ! 

- Je déplore tout de même deux absents dans notre magasine municipal : d'une part, pas un mot n'est prononcé pour les milliers de morts et de déplacés turcs et syriens à cause des tremblements de terre. On aurait pu espérer qu'une municipalité qui a fait tant d'actions pour les réfugiés ukrainiens (et contre l'établissement du centre d’accueil et d’orientation) aurait remué ciel et terre pour ces pauvres gens traumatisés et sans abri [YD : pas le bon profil, ces braves gens, pour être aidés, et pas trop vendeur, pour le journal local sans doute] ! D'autre part, et c'est plus étonnant, pas un mot non plus n'est prononcé en hommage à Christiane Jullien. Cette forgeoise impliquée dans la vie de la commune comme peu de gens s'impliquent dans une vie, qui a accompagné nombre de jeunes et inspiré tellement de nos concitoyens n'a droit qu'à une ligne sous son nom de naissance dans la rubrique nécrologique de notre journal. Seuls les élus minoritaires d'une vision pour Forges ont préféré lui rendre hommage plutôt que d'utiliser les rares lignes qui leurs sont octroyées légalement pour parler politique locale. Merci à eux ! Village Forgeois, après nous avoir indiqué qu'il ne servait à rien d'essayer s'opposer à la municipalité actuelle consacre tout de même 4 lignes à un petit éloge à la mémoire de Christiane. Heureusement que les élus de l'opposition sont là pour rendre hommage aux bénévoles associatifs » [YD : c'est bien pour cette raison que j'avais consacré à Christiane tout un article de ce blog].

On peut bien sur être d'accord ou pas avec ce qui est écrit au dessus par le contributeur ou la contributrice. Au moins, est-ce possible sur ce groupe Facebook, et on ne peut que se réjouir qu'un espace de liberté démocratique s'ouvre, alors que ceux-ci se réduisent de plus en plus dans notre commune, avec la diminution de la place laissée à l'opposition dans le journal, ou le refus de prêt de salle à certaines associations au motif qu'elles seraient politiques ou militantes... Ha, j'oubliais : bienveillance parait-il !




lundi 13 février 2023

CONTRE RÉFORME DES RETRAITES :
DES PISTES EXPLICATIVES


Dans deux articles récents de ce blog, je m'étonnais de l'obstination gouvernementale à vouloir faire passer « quoi qu'il en coûte » une contre-réforme des retraites injuste et inutile, au vu des justifications proposées. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, plusieurs éléments me laissent penser que l'objectif final n'est pas réellement la préservation du système de retraite  « à la française ».

Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un spécialiste pointu des retraites. En revanche, je suis tout à fait capable de lire des rapports. J'ai donc parcouru ceux du conseil d'orientation des retraites (COR) et je constate que quelles que soient les options retenues, et à moins d'un effondrement général de l'économie, il n'y a pas un péril majeur en la demeure. Certes, le système présente un déficit léger entre maintenant et 2030, plus creusé entre 2030 et 2050, date d'un retour à l'équilibre, mais celui-ci est compensable par plusieurs mesures sans contrainte sur l'âge de départ imposé. Si l'on se limite aux aspects techniques, il existe au moins deux autres façons de réduire ce déficit limité. La première est la baisse des pensions. Cette option ne peut cependant être retenue pour les retraités modestes ou pauvres, particulièrement dans un contexte inflationniste dont on ignore la magnitude et la durée. La seconde possibilité est la hausse des cotisations, option qui semblerait être favorisée par une majorité de Français, selon un sondage récent (1), et qui présente l'avantage d'être modulable en fonction des revenus salariaux. En d'autres termes on pourrait, pour les petits et les moyens salaires, proposer une augmentation très limitée de la cotisation retraite (de l'ordre de 10 € par mois coté salarié et côté patronal), et une augmentation plus forte pour les revenus supérieurs (jusqu'à 150 ou 200 euros mensuels pour des revenus supérieurs à 5000 euros mensuels à partager entre employeurs et employés). Cette option mise en avant par les économistes tel que M. Michaël Zemmour (2) est également proposée par le club des « économistes atterrés » (3).

En termes de recettes, il existe aussi au moins deux autres options envisageables. La première consiste à faire cotiser l'ensemble des revenus salariaux. N'oublions pas que de très nombreux revenus font l'objet d'exonérations de cotisations sociales. Les heures supplémentaires et complémentaires des salariés sont, je cite ATTAC : « exonérées de cotisations sociales salariales d’assurance vieillesse-veuvage et de retraite complémentaire dans la limite de 11,31 %. Existe aussi une déduction forfaitaire patronale pour heures supplémentaires : 1,50 % de déduction forfaitaire par heure supplémentaire ou 10,50 € par jour de repos auquel il est renoncé [...] Les estimations d’exonérations de cotisations sociales sont de l’ordre de 75 milliards € par an, dont 17 milliards concernent les cotisations vieillesse. Cela représente un potentiel de cotisations sociales supplémentaires pour toutes les branches de la Sécurité sociale. D’autre part, les cotisations vieillesse disparaissent au-dessus du plafond de la Sécurité sociale. En ce qui concerne l’assurance vieillesse, ces 17 milliards couvriraient largement le défit annoncé (4)». Dans le même ordre d'idées, ATTAC propose également de réfléchir à l'option de faire cotiser à l'assurance vieillesse, à taux identique à celui des revenus salariaux, les sommes issues de l’intéressement et de la participation. Selon leurs chiffres, les montants récupérables seraient de l'ordre de 6,5 milliards d'euros. Si on ajoute cette somme aux 17 milliards mentionnés plus haut, on disposerait de 23,5 milliards de rentrées complémentaires pour la caisse nationale d'assurance vieillesse. ATTAC indique que cette somme permettrait de combler près de deux fois le déficit annoncé (4).

La seconde option de recettes complémentaires vise à faire cotiser les dividendes reçus par les actionnaires. Là aussi, ATTAC a fait ses calculs. Se fondant sur le montant des profits distribués en 2019 et 2021, et « si on appliquait le taux de cotisation vieillesse de 28,1 %, ce sont respectivement pour ces deux années 31,9 et 31 milliards qui s’ajouteraient au montant des cotisations » (4). L'association précise que cette proposition ne fait pas consensus au sein du mouvement social pour plusieurs raisons. À titre personnel, cependant, j'y vois une logique, puisque les bénéfices distribués sont bien issus du travail des salariés, et qu'ils devraient dès lors cotiser comme tels. En d'autres termes, comme le dit ATTAC, « l’idée principale de l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales est donc qu’il ne rompt pas le lien entre le travail et la cotisation ; simplement, il accroît la masse salariale et son poids relatif dans la valeur ajoutée nette par un déplacement du curseur au sein de celle-ci ». 

À ce stade, on observe donc qu'il existe une multitude de pistes - et encore en n'ai-je exploré qu'une partie - qui permettraient d'assurer un financement pérenne du système de retraite pour les 30 années à venir. Il faut donc revenir à la question que je posais en en-tête pour essayer de comprendre pourquoi ces propositions ne sont pas retenues. Ma réponse à la question est qu'il ne s'agit en aucun cas de sauver le système de retraite, mais de faire de grosses économies sur le dos des retraités, afin d'assurer des financements complémentaires au budget national. Les sommes ainsi dégagées du PIB pourront alors être réaffectées à d'autres usages, et en particulier aux aides massives aux entreprises. Rappelons, d'ores et déjà, les sommes en jeu. En 2018, le montant de ces aides évoqué par des représentants de l'État se montait à 140 milliards d'euros, ce qui représentaient alors « l’équivalent de 5,6 % du PIB, en augmentation de 215 % sur un tout petit peu plus de 10 ans, soit une croissance annuelle moyenne de 7,2 % par an » (5). En 2021, et selon l'Institut de Recherches Économiques et Sociales (IRES), ces aides ont atteint la somme incroyable de 157 milliards d'euros. La loi de finances 2023 apporte également son lot de défiscalisations supplémentaires, en particulier au travers de la suppression définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et ce sur les deux ans à venir. Cette suppression représente à elle seule un manque à gagner annuel d'environ 15 milliards d'euros soit à peu près l'équivalent du déficit prévu des retraites jusqu'en 2030...Comment donc ne pas être d'accord toujours avec Michaël Zemmour quand il parle d'une stratégie délibérée de mise en déficit du système des retraites (6)

Tout se passe donc comme si l'actuel gouvernement était en train de transférer une part du salaire différé qu'est la retraite pour le reverser sous forme de nouvelles exonérations aux entreprises. La contre réforme des retraites ne constitue donc, ni plus ni moins, qu'une privatisation des revenus des salariés - et des fonctionnaires - au bénéfice d'intérêts privés. Le tout pour des montants qui constituent, eux, véritablement « un pognon de dingue » !


Références :


1. Grégoire Poussielgue. Retraites : les Français favorables à une réforme, mais pas à celle d'Emmanuel Macron. Les Echos. Janvier 2023.
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/sondage-exclusif-retraites-les-francais-favorables-a-une-reforme-mais-pas-a-celle-demmanuel-macron-1897646

2. Michaël Zemmour. Combien de cotisations faudrait-il pour équilibre le système en 2027 ?
Alternatives économiques. Octobre 2022.
Consultable en ligne :
https://blogs.alternatives-economiques.fr/zemmour/2022/10/27/combien-de-cotisations-faudrait-il-pour-equilibre-le-systeme-en-2027

3. Les économistes atterrés. Dossier retraite.
Consultable en ligne:
https://www.atterres.org/themes/retraites/

4. Jean-Marie Harribey. Faire cotiser… Attac. Février 2023.
Consultable en ligne:
https://france.attac.org/nos-publications/petites-fiches/article/fiche-faire-cotiser

5. Maxime Combes. Plus de 140 milliards d’euros par an : la hausse exponentielle des aides aux entreprises. LVSL. Juillet 2022.
Consultable en ligne:
https://lvsl.fr/plus-de-140-milliards-deuros-par-an-la-hausse-exponentielle-des-aides-aux-entreprises/
 
6. Jules Brion. Il y a une stratégie de mise en déficit du système de retraites - Entretien avec Michaël Zemmour. Avril 2022.
Consultable en ligne:
https://lvsl.fr/il-y-a-une-strategie-de-mise-en-deficit-du-systeme-de-retraites-entretien-avec-michael-zemmour/


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Dessin personnel sur une affcihe vue en manifestation








dimanche 12 février 2023

UN MILLION SELON LES ORGANISATEURS, DIX MILLE SELON LA POLICE...



En cette période de manifestations contre la « contre-réforme » des retraites, on observe fréquemment dans les médias la publication de chiffres de participation très différents selon que l'on évoque le comptage des autorités ou le comptage des organisateurs. Il peut cependant y avoir des explications rationnelles à cette guéguerre des chiffres.

Je me réfère tout d'abord à un article publié par le collectif de chercheurs et d'enseignants du supérieur, Rogue ESR. Dans cet article, le collectif explique comment sont faits les comptages. Ce qui suit, en italiques, est un copié-collé de leur site et d'une section intitulée « La solution de l’énigme des manifestants manquants » (1), avec de petites modifications de présentation qui n'altèrent pas le sens de l'article.

« En résumé, la police compte manuellement, mais de manière robuste, le nombre de personnes qui défilent sur la chaussée en un point choisi des manifestations : il s’agit d’un comptage temporel. À Avignon, France bleu et France 3 ont effectué un comptage spatial en mesurant la densité de manifestants et en la multipliant par la surface occupée par la manifestation. Ils obtiennent un nombre de manifestants 2 à 4 fois supérieurs à celui de la police et légèrement inférieur au comptage des syndicats. À Paris, un cabinet de marketing politique, Occurrence, compte lui aussi, et souvent au même endroit que la police, le nombre de participants au défilé mais avec une méthode automatique ; celle-ci, très précise à petite densité de personnes, retourne des nombres sans rapport avec la réalité du nombre de manifestants lorsque la foule est dense. L’énigme est simple : à Paris, ces mesures ne reflètent pas l’ampleur exceptionnelle des manifestations ».

Quelles explications peuvent elles être proposées ? Le collectif suggère que les systèmes de comptages de la police et du cabinet Occurrence saturent lors des manifestations de grande ampleur. Il s'appuie pour cela sur la comparaison du nombre de manifestants en province et à Paris, ce pour des causes d'intérêt national. Je cite de nouveau Rogue ESR (1) : « La figure [en illustration] permet d’apporter une solution à cette énigme. Elle indique (ronds bleus) le nombre de manifestants à Paris en fonction du nombre de manifestants en région selon la police. En dessous de 600 000 manifestants en région, tout semble cohérent*. Le nombre de participants au cortège parisien est proportionnel au nombre de participants dans le reste de la France, et ce, en rapport des populations. Mais pour les manifestations gigantesques, le dénombrement de la police ne croît plus, il sature, tout en conservant une cohérence, idéalisée par la courbe en pointillés. Les nombres obtenus par Occurrence avec un système incapable de dénombrer les personnes à haute densité de foule perdent, eux, toute rationalité**.

Comment interpréter cette saturation du comptage de la police ? Tout se passe comme si il existait un phénomène d’embouteillage conduisant à un flux maximal de manifestants sur les grands boulevards parisiens, autour de 5 manifestants par seconde soit 72 000 personnes commençant à défiler entre 14h30 et 18h30. C’est peu, mais ce flux est en unités de comptage policier. Tous les autres manifestants se rassemblent, mais finissent après quelques heures de piétinement par renoncer. La police a le grand mérite de produire un nombre qui présente une forme de reproductibilité mais qui n’est ni le nombre de manifestants, ni proportionnel à celui-ci. Le cabinet Occurrence, quant à lui, produit beaucoup de bruit pour rien. Et finalement, pourquoi se concentrer systématiquement sur les mobilisations des grandes métropoles, quand celles des petites villes sont plus significatives encore de l’ébullition du pays ».

Je peux également citer un cas qui m'avait frappé lors d'une manifestation de membres de la recherche et de l'enseignement supérieur à Paris. A l'issue de la manifestation organisée par une intersyndicale et donc par un syndicat auquel j'appartenais, les policiers des Renseignements Généraux (à l'époque), fort aimables au demeurant, étaient venus nous voir pour nous demander notre estimation du nombre de participants. Je ne me rappelle plus le chiffre exact, mais nous avions dit de l'ordre de 10 000 personnes. Les représentants des RG nous avaient alors indiqué que leurs comptages donnaient la même valeur. Le soir, la radio et la télévision annonçaient que la préfecture avait compté 5 000 manifestants ! Ceci me fait supposer que les chiffres réels peuvent parfois être manipulés, non pas par la police, mais par les politiques, en en l'espèce le ministère de l'Intérieur, pour des raisons de... basse politique.

D'un autre côté, il est juste de dire que le « gonflage des chiffres »par les organisateurs permet de maintenir la pression exercé par le mouvement social sur les décideurs. Ce gonflage peut d'ailleurs être très marqué, comme l'a révélé une étude menée par M. Thomas Legrand, éditorialiste politique à France Inter, menée en 2017. Les chiffres donnés par la police étaient sensiblement équivalents à ceux donnés par des journalistes compteurs de Marianne, un média plutôt classé « à gauche » (30 000 pour la police, 57 000 pour les journalistes, 150 000 pour les organisateurs; 2). Reste que la dérive entre les chiffres officiels et ceux des organisateurs semble réelle pour les manifestations de grande ampleur et, surtout, à forte densité de population.

Ne nous y trompons pas : la guéguerre des chiffres est importante. Elle permet aux médias dits « mainstream », en général peu favorables aux mouvements sociaux, de les crédibiliser ou de les décrédibiliser, selon l'intérêt de leurs propriétaires. Egalement, pour reprendre un discours plus scientifique, en générant du « bruit », les questions de comptages permettent d'affaiblir le signal. C'est ce que dit le collectif Rogue ESR : « les comptes-rendus journalistiques du mouvement massif en faveur de la préservation du système de retraites ont été pollués par une question destinée à nous détourner des enjeux du moment : le comptage des manifestants ». Parce que le vrai problème, effectivement, n'est pas de savoir si il y a eu 750 000 manifestants en France, ou 2 millions. Le problème est de savoir pourquoi le gouvernement s'acharne dans les médias comme à l'Assemblée, pour faire passer à force de bobards (système en faillite), d'artifices législatifs (le budget de la sécu!) et de 49.3, une soi-disant « réforme », inutile, injuste et très impopulaire. Ne serait-il pas tout simplement, et d'une certaine façon, en train d'enfoncer des clous dans le cercueil de la démocratie ?


Notes :

* La figure représente le nombre de manifestants à Paris, selon les comptages de la police et d’Occurrence, en fonction du nombre de manifestants en région (France moins Paris) mesuré par la police. La zone orange représente la loi de proportionnalité Paris vs. région tirée des mesures pour les petites manifestations. La pente de 0,16±0,02 coïncide raisonnablement avec le rapport entre la population d’Ile-de-France n’ayant pas de manifestation plus proche que Paris et la population vivant en région. La courbe en pointillés correspond à une loi présentant une saturation du nombre de personnes comptées dans le défilé parisien, ajustée sur les mesures de la police.


** Les dénombrements faits par Occurrence aux grands nombres donnent, en effet, des valeurs très inférieures à celles des dénombrement effectués par les force de l'ordre...



Références :

1. Compter pour quelqu’un. Collectif Rogue ESR. Février 2023.
Consultable en ligne
https://rogueesr.fr/20230211-2/

2. Thomas Legrand. Affluence aux manifestations : il faut que la presse se donne les moyens de publier les vrais chiffres… France Inter. Septembre 0217.
Consultable en ligne
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/manifs-il-faut-un-chiffre-de-la-presse-6955364


Crédit illustration :

Référence 1.
https://rogueesr.fr/20230211-2/

samedi 4 février 2023

SCOLAIRE FORGEOIS :
T'AURAIS PAS DEUX MILLE EUROS ?



J'ai récemment appris que le rectorat avait pris la décision d'ouvrir une nouvelle classe en maternelle. Suite à celle-ci, la municipalité a entrepris des travaux pour l'agrandissement de l'école. Si je suis très heureux que cette opération ait pu être menée à bien dans cette mandature, il reste à noter qu'un premier agrandissement avait été également été réalisé dans la mandature précédente, contrairement à ce que certaines rumeurs semblent vouloir propager. Quoi qu'il en soit, c'est une très bonne nouvelle, qui permet donc de desserrer quelque peu les effectifs de chaque classe de maternelle.

L'ouverture de la septième classe est une excellente chose pour la commune. Si le bâti est maintenant existant, il reste à équiper la classe en tables, chaises et éventuellement armoires nécessaires au fonctionnement scolaire. Une de mes relations m'a contacté car elle a appris que la directrice d'école avait sollicité les élus communaux pour acheter ce matériel pour un montant qui avoisinerait 2000 €. Très curieusement, il semblerait que la directrice se soit heurtée dans un premier temps à une fin de non-recevoir au motif qu'il n'y aurait aucun budget permettant cet achat. Devant son insistance, la commune aurait cependant décidé de réaliser ces achats.

En lien avec ce possible « couac », quelques éléments me semblent nécessaires pour re-situer le problème. Tout d'abord, l'équipement de cette classe est strictement du ressort de la municipalité, et en aucun cas de l'éducation nationale. C'est une obligation à laquelle la commune ne peut déroger. Ensuite, il faut savoir qu'en cette période de l'année, le budget 2023 n'est en général pas encore voté, même s'il pourrait l'être car il n'y a pas d'interdiction légale à proposer le budget de l'année N au vote, en décembre de l'année N-1. Il manque cependant à cette époque un certain nombre de données, susceptibles d'entraîner en année N, avec une forte probabilité, le vote d'un budget modificatif. Pour mémoire, le budget doit tout d'abord faire l'objet en conseil municipal d'un débat d'orientation budgétaire (DOB). Ce DOB, qui ne fait pas, lui, l'objet d'un vote mais seulement de débats, présente les grandes lignes du budget réalisé et les orientations à venir du budget communal. Ces tendances concernent autant le fonctionnement que l’investissement. Ceci permet au conseil, dans un délai de deux mois, d’appréhender le budget primitif, c'est à dire le budget prévisionnel de l'année N à venir, ou en cours. Ce budget sera voté (ou non) en général avant le 15 avril. 

Cette rigidité fonctionnelle, voulue par la loi, fait qu'un œil non averti pourrait penser qu'il est impossible, pour une collectivité territoriale (telle une commune) de disposer d'un budget en fonctionnement comme en investissement, avant le vote du budget, c'est à dire au mieux avant fin mars ! On comprend bien qu'une telle situation entraînerait un blocage fonctionnel pendant un tiers de l'année en cours, puisque le budget ne devient disponible qu'après le vote et sa validation par le contrôle de légalité préfectoral. Heureusement, dans sa grande sagesse, le code général des collectivités territoriales (CGCT) a prévu cette situation. L'article L1612-1 stipule en effet que : « dans le cas où le budget d'une collectivité territoriale n'a pas été adopté avant le 1er janvier de l'exercice auquel il s'applique, l'exécutif de la collectivité territoriale est en droit, jusqu'à l'adoption de ce budget, de mettre en recouvrement les recettes et d'engager, de liquider et de mandater les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l'année précédente ». Traduit en français, cela signifie que la commune peut - et heureusement - continuer à payer ses dépenses de fonctionnement, dont les salaires des personnels.

L'achat du matériel scolaire s'inscrit cependant, à mon sens, dans le cadre de dépenses d'investissement. Le même article du CGCT indique qu'en l'absence d'adoption du budget avant le début de l'année civile « l'exécutif de la collectivité territoriale peut, sur autorisation de l'organe délibérant, engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette ». Là aussi, traduit en français plus compréhensible, cela signifie qu'il est possible pour la commune de disposer pour ses investissements de début d'année, d'un budget maximal représentant le quart du budget « investissement » de l'année précédente, sous réserve cependant que cette décision ait été votée au conseil municipal. Or, sauf erreur de ma part, l'examen des comptes-rendus du conseil municipal de Forges ne montre pas qu'un tel vote ait eu lieu. Il se pourrait donc que notre commune soit effectivement dans l'incapacité de passer commande du matériel nécessaire à l'équipement de la classe maternelle. A noter : cette disposition n'est pas nécessaire si on fonctionne en budget pluriannuel d'investissement. Pour être très honnête, je ne sais pas si tel est le cas à Forges, mais j'en doute pour ce type d'investissement.

J'ai donc suggéré à la personne qui m'a contacté de solliciter les associations de parents d'élèves pour que celles-ci s'adressent directement à Madame la maire de Forges les Bains. Cette dernière peut en effet convoquer d'urgence une réunion du conseil municipal avec pour seul objet le vote de la délibération relative à l'article L 1612-1 du CGCT.

Au-delà des quelques 2000 € de l'achat des équipements scolaires refusés, ce vote est particulièrement important dans la mesure où la commune n'est pas en capacité aujourd'hui de procéder à des dépenses d'investissement. Ainsi, faute de vote, remplacer une chaudière d'un local communal si celle-ci venait à lâcher définitivement, n'est pas possible. Sous réserve, là aussi, que ma mémoire ne me fasse pas trop défaut, s'il s'agit d'une simple panne, il existe des dispositions qui permettent de considérer que la réparation courante est une dépense de fonctionnement, et qu'elle est donc effectuable. La condition sine qua non pour cela est que cette réparation, même si elle est quelque peu coûteuse, n'augmente pas la valeur du bien réparé. Je le redis pour les non spécialistes, la différence entre investissement et fonctionnement n'est pas liée aux montants en jeu, mais à la définition, au type même des achats ou dépenses prévues.

En lien, je repense ici à la décision de dissoudre la caisse des écoles. Si l'on avait conservé cette structure communale, et si on l'avait abondée de façon cohérente, il aurait été probablement possible d'acheter ses fournitures sur le budget, ou via une péréquation de lignes. Curieusement d'ailleurs, les actions de la caisse des écoles, souvent menées par des bénévoles, soit dit au passage, permettaient de dégager un bénéfice de 2000 à 3000 euros par an. On sait que l'actuel conseil municipal s'est empressé de voter la dissolution de cette caisse. Il est encore temps de revenir sur cette décision, à mon sens stupide. Encore faudrait-il que la volonté soit là...


Crédit illustration :

Dessin personnel sur la base d'une image libre de droit

mercredi 1 février 2023

PATRIMOINE FORGEOIS. I. LA VILLA « LES ROSES », LA CGT ET LE PCF


Pour égayer un peu la morosité ambiante, entre contre-réforme des retraites, météo hivernale et naufrage municipal, je me suis dit qu'il serait sans doute motivant de s'intéresser au patrimoine forgeois, d'autant que le PNR vient de publier une remarquable étude sur le sujet (1). Mon approche est différente de celle du PNR, n'ayant ni le temps, ni les connaissances, ni les compétences suffisantes pour mener à bien une telle étude, que je recommande, ceci dit, à mes lecteurs.

Je m'étais néanmoins intéressé au  patrimoine lorsque j'ai rédigé la majeure partie de la page Wikipédia de la commune, voilà maintenant une bonne demi-douzaine d'années, en me fondant sur le travail de recherche de Madame Marcelle Petit (2). Cette page de l'encyclopédie libre liste les personnalités ayant vécu ou séjourné à Forges. Parmi celles-ci, je m'étais intéressé à Benoît Frachon. Le nom ne parle peut être pas à tous mes lecteurs, mais en cette période de revendication, il m'a semblé intéressant de rappeler qu'il a été membre du parti communiste français, l'un des leaders de la CGT, et l'un des participants majeurs aux accords de Matignon, signés en 1936. Ces accords ont profondément marqué l'historie du syndicalisme et du monde du travail en organisant un vrai droit syndical, une liberté d'appartenance et d'exercice de ce droit, et en instauration également le statut de délégué du personnel, pour ne citer que quelques éléments.

Ne voulant pas passer pour un historien affirmé, même si j'en connaissais les grandes lignes, je précise que je tire tout ce qui figure dans ce paragraphe des pages Wikipédia concernant différents membres de la CGT et du parti communiste français (PCF, 3) et de l'intéressant, mais très politique site « Le Maitron » (4). Avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale, le syndicalisme français se déchire. À la CGT, s'opposent deux « lignes » : celle du secrétaire général, Léon Jouhaux, futur prix Nobel de la paix, et celle de Benoît Frachon, ce dernier refusant, malgré son positionnement clairement antifasciste, de désavouer le pacte germano soviétique (ou accord Ribbentrop-Molotov). Ce dernier est alors déchu de son mandat de secrétaire de la CGT par Léon Jouhaux en 1939. Lorsque la guerre éclate, les pétainistes dissolvent la CGT et Léon Jouhaux part alors organiser une résistance dans le sud de la France. Il sera arrêté en 1941 et mis en résidence surveillée par le gouvernement de l'État Français, puis remis au forces nazies en 1943. Il sera interné dans des conditions relativement privilégiées à Buchenwald, puis dans le Tyrol autrichien, là aussi dans des conditions favorables. Il sera libéré en 1945 par les forces américaines. Les personnalités qui reprennent le flambeau durant cette guerre, sont, entre autres, Benoît Frachon, Jacques Duclos (membre du PCF, puis du PCF clandestin), Maurice Tréand (chargé par l'Internationale Communiste de enter une démarche auprès des Allemands pour la reparution légale de l’Humanité, sans succès, puis évincé), et surtout Arthur Dallidet (grand organisateur du maintien du PCF dans la clandestinité, arrêté et fusillé par les nazis en mai 1942) et Charles Tillon (membre éminent du PCF et de la CGT, qui lancera un appel à la résistance dès 1940).

Fin 1940, suite aux arrestations des militants syndicaux et communistes, le PCF et la CGT entrent dans la clandestinité, sous l'autorité efficace, comme indiqué plus haut, d'Arthur Dallidet. L'histoire du PCF croise alors celle du Hurepoix, et celle de notre commune. Je tire tout ce qui suit, cette fois-ci, de l'excellent livre de M. Emmanuel de Chambost, un ancien limourien, intitulé « La direction du PCF dans la clandestinité », publié aux éditions L'Harmattan (5). Pour assurer la subsistance des militant et cadres, les responsables du PCF prennent des contacts avec des fermes en Bretagne, mais aussi dans notre région. Ces fermes permettent, outre un approvisionnement des clandestins, de stocker du matériel, et d'héberger des résistants ou des soldats alliés. Ainsi, une imprimerie clandestine fut installée à Gometz la Ville, plus précisément dans un ferme du hameau de Beaudreville. A l'époque, tout le plateau était couvert de champs, Chevry n'existait pas et cette situation permettait un accès assez facile à Paris via la ligne de Sceaux. Pour cette raison, après différentes pérégrinations, Charles Tillon se cache à Palaiseau, dans le quartier du Bout-Galeux début 1941, puis il s'installe à Limours début 1942, au 7 de l'avenue du Valmenil, devenue ensuite Boulevard du général Leclerc (dessin d'illustration tiré de 5). Ironie de l'histoire, ou de l'Histoire, ils y remplacent des officiers et sous-officiers allemands affectés au centre de transmission hertzien situé entre Limours et Gometz. À Limours, Charles Tillon se fait passer pour William Rocheteau, artiste peintre en recherche d'inspiration. Jacques Duclos s'installe à Villebon sur Yvette fin 1941, à la villa Oasis . Benoît Frachon est arrivé, lui, dans notre commune en septembre 1941. Il s'y est installée avec son épouse, au 58 route de Briis, devenu depuis le 58 rue du Dr. Babin. La maison en illustration tout en haut de ce billet, est bien décrite dans l'ouvrage en référence (5), comme bâtie sur deux niveaux et « par suite de la déclivité du terrain, le niveau du bas qui comprend une cuisine, une salle et une petite cave coté rue, donne directement sur le jardin alors qu'une sorte de perron sur le côté de la maison donne accès directement à l'étage supérieur où sont aménagées trois chambres. A l'arrière de la maison, un long jardin bordé de peupliers (5)»... Cette maison et celle de Limours existent toujours.


A Forges, Benoît Frachon vit seul, car sa femme part s'installer en zone sud de la France, pour des raisons de sécurité, en 1942. Ceci permit à Benoit Frachon de se faire passer pour Monsieur Teulet, ancien entrepreneur de transport, et « de se présenter aux yeux des citoyens de Forges Les Bains, comme un retraité usé, et qui plus est veuf » (5). Parmi ses voisins immédiats, se trouvent Madame Pelletier et sa fille adoptive Maria. « La mère Pelletier », comme l'appelait les Forgeois, bavarde et curieuse, appréciait Benoit Frachon, « ce proche voisin, qui laissait percer une humeur bonhomme sous une apparence austère... » (5). Egalement, dans tout proche voisinage, un certain Monsieur Delmas possède une belle propriété. Son fils, fonctionnaire contractuel au ministère des finances, puis inspecteur de finances depuis mars 1943, oeuvre en sous-marin au ministère des finances du gouvernement de Vichy. Il transmet des renseignements importants à la résistance, puis il coordonnera les interactions entre les FFI et les alliés. Il apparaîtra à la fin de la guerre sous son nom de résistant, Chaban, qu'il associera à son nom de famille pour devenir Jacques Chaban-Delmas, et d'entrer en politique...

Revenons à nos ténors du PCF. C'est donc en grande partie de Limours, de Forges, de Palaiseau et de Villebon, que le PCF organise sa survie, en lien avec leurs contacts en Union Soviétique, et ce jusqu'à la fin de la guerre. En 1943, les communistes entrent au Conseil National de la Résistance (CNR), grande oeuvre de Jean Moulin. A l'issue de la guerre, Charles Tillon fut nommé ministre. Benoit Frachon s'impliqua massivement dans l'activité syndicale. Il dirigea en tandem avec Léon Jouhaux une CGT resortie de la clandestinité, jusqu'en 1947, date à laquelle ce dernier, avec d'autres, fit « sécession » pour former la CGT-FO, devenue depuis FO. N'oublions pas également que ce sont les communistes, et en particulier Charles Tillon, qui créèrent et organisèrent les FTP, en s'appuyant sur les fichiers du parti et de l'Internationale Communiste. Il fût aidé de nombreux militants tels que Danielle Casanova, Albert Ouzoulias et Eugène Henaff. Les premières réunions de création, fin 1941, eurent lieu à Chevreuse, à proximité du château de la Madeleine, puis à Saint Rémy Les Chevreuse, Arpajon, Lardy, etc. Pour cela, les déplacements se font souvent à pied ou... à vélo, d'où le second titre de l'ouvrage de référence : « les cyclistes du Hurepoix ». Pour les lecteurs que les quelques éléments relatés dans ce blog auraient intéressés, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce remarquable ouvrage, où se mêlent l'Histoire de France du XXe siècle, et l'histoire de notre commune et celle des communes environnantes.

Un denier point. Je reviens sur les accords de Matignon, en 1936, pour rappeler qu'ils ont également concerné l'instauration des futures conventions collectives, l'obligation de non-sanction pour fait de grève, le passage de la durée du travail à la semaine de 40 heures, accompagnée de congés payés pour un total, à l'époque, de 15 jours par an. Pour ceux qui auraient tendance à cracher sur le monde syndical, surtout en ce moment, ces précisions rappellent que peu, voire aucune, avancée sociale n'a été obtenue sans solidarité et sans lutte...


Références et remerciements :

1. Parc Naturel Régional De La Haute Vallée De Chevreuse. Note patrimoniale.
https://www.forges-les-bains.fr/wp-content/uploads/2023/01/Forges-les-Bains_synthese_patrimoniale.pdf

2. Marcelle Petit. Forges-les-Bains : Son histoire, son église, ses hameaux, t. I. 1991.
Marcelle Petit, Forges-les-Bains : Les seigneurs, les eaux, l'hôpital, la famille Tolstoï, t. II. 1991.
Marcelle Petit, Forges-les-Bains : Forges au XXe siècle, les Temps modernes, t. III. 1993.
Marcelle Petit, Forges-les-Bains : L'avenir de Forges, t. IV. 1995. Editions Soleil Natal, Etrechy.

3. Pages Wikipedia consultées :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Tillon
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Dallidet
https://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_Frachon
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Tr%C3%A9and
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Duclos
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Jouhaux

4. Pages Le Maitron consultées
https://maitron.fr/spip.php?article23690
https://maitron.fr/spip.php?article49975
https://maitron.fr/spip.php?article21319

5. La direction du PCF dans la clandestinité (1941-1944) - "les cyclistes du Hurepoix", Emmanuel de Chambost, Dessins de Vanessa Pinheiro, Collection Mémoires du XXe siècle, © L’Harmattan, 1997.
La direction du PCF dans la clandestinité (1941-1944) - "Les cyclistes du Hurepoix", Emmanuel De Chambost - livre, ebook, epub (editions-harmattan.fr)

Je remercie très vivement les éditions l'Harmattan qui m'ont gracieusement autorisé à reproduire des extraits du livre, texte et dessins.

Merci aussi à Claire et Jean-Marc Chabrier pour m'avoir prêté cet ouvrage !


Crédits illustration :

Les dessins des bâtis sont tous deux tirés de la référence 5, ci-dessus.
En haut la villa Les Roses à Forges, avec Benoît Frachon au centre, et « la mère Pelletier » en discusson avec lui.
Au milieu du texte, la maison de l'avenue du Valmenil à Limours, avec Charles Tillon en tandem, avec Marie-Louise Camaillat, dite Colette, sa compagne.