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jeudi 10 août 2023

QUAND LE GOUVERNEMENT VEUT FAIRE LES POCHES DE SES OPÉRATEURS...


En plein milieu de l’été, fin juillet, le gouvernement par la voix de son ministre des finances, annonce vouloir « récupérer la moitié des trésoreries abondantes » des opérateurs de l'État. Ces opérateurs sont nombreux : on y trouve les agences de l’eau, pôle emploi, Météo France, et plusieurs agences de recherche telles que l’INSERM, le CEA, les universités, ou le CNRS. La présentation qu’en font certains médias est par ailleurs erronée, suggérant que ces opérateurs dégagent des bénéfices et qu'il est donc, quelque part, légitime que ces bénéfices retournent en partie à l’état. Sauf que…

Sauf que considérer que les universités, l’INSERM ou le CNRS sont ultra-riches et l’on peut donc aller leur « faire les poches », est une galéjade. Je ne parle, à partir de ce point, que du CNRS que je connais bien, puisque cette bonne maison m’a rémunéré pendant presque 40 ans. Également, je voudrais tout de suite tordre le coup aux rumeurs propagées à tour de bras par certains sur les réseaux dits sociaux, et qui m’ont été rapportées pour justifier ces coupes budgétaires. Les chercheurs ne travailleraient pas et bénéficient d’une totale impunité. C’est évidemment faux. Pendant plusieurs années, le CNRS a été l’un des deux premiers opérateurs de recherche au niveau mondial par le volume de ses publications au classement international Scimago. On pourrait objecter que peut-être que sur le volume, vu les effectifs, c’est peu significatif. Or, le CNRS est classé entre les première et quatrième places, selon les années, au classement international de la prestigieuse revue scientifique « Nature » qui inclut également la qualité de la publication. De même, le CNRS se classe depuis plus de 10 ans, tous les ans, dans les 5 à 10 premiers déposants de brevets en France… J’ajoute que le CNRS contribue au rayonnement de la France à l’international par le biais de partenariats scientifiques, sous l’égide l’Union Européenne, ou établis directement entre instituts. J’avais pour ma part pas mal œuvré avec des laboratoires de l’Université d’Illinois à Urbana-Champaign, et mis en place un partenariat avec l’Université de Malaisie à Kuala Lumpur, largement soutenu par les instances diplomatiques…

Revenons sur au sujet premier. Le CNRS dégagerait des bénéfices, et l’État aurait donc toute légitimité à les ponctionner. Pour démonter cette assertion, il faut rentrer un peu dans les éléments budgétaires. Le budget annuel du CNRS est de l’ordre de 4 milliards d’euros, réparti comme suit (grossièrement) : 1 milliard de ressources propres, et 3 milliards de dotation d’Etat, dont la plus grande part, autour de 85%, sert au payement des salaires des quelques 30/33 000 personnes qui constituent la maison. Reste donc environ 15%, soit un peu moins de 500 millions d’euros pour « faire de la recherche », c’est à dire assurer le paiement des fluides des laboratoires, les achats de petits et gros matériel, de consommables, etc. Un rapide calcul, exact mathématiquement mais faux dans la réalité, montre que chaque chercheur, ingénieur ou technicien dispose de 500 millions divisés par 33 000 pour financer son activité annuelle. Cela fait donc 15 000 euros ! Or ces 15 000 euros partent en général en grande partie dans les financements de type infrastructure (y compris dans la rénovation de bâtiments), dans les grands équipements, dans les fluides, etc. Il reste donc peu au quotidien ! Ainsi, sur les 5 dernières années de mon parcours, la dotation annuelle par chercheur (dénommée dans notre jargon « points chercheur » ou « dotation de base ») reçue dans les différents laboratoires que je fréquentais s’établissait dans la réalité entre 1 000 et 2 500 euros par an et par chercheur… Bref une misère. En gros, une fois un ordinateur acheté, il ne restait plus grand-chose pour travailler. Quand on sait que le prix des kits de type PCR (pour parler d’une méthode dont maintenant le grand public connait l’existence) se monte (ordre de grandeur) à 400 euros pour 20 réactions, et qu’il n’est pas rare que nous réalisions un millier de PCR par an, on comprend que la dotation dite de base soit totalement insuffisante pour rester compétitif. Pour cette raison, les équipes de recherches soumettent, qui a tel ministère, qui à telle agence, qui à l’Union Européenne, des projets de recherches, financés après évaluation. Pour information, le taux de rejet s’établit entre 75 et 90% ! En général un projet dure de 2 à 5 ans. Je ne discuterai pas du processus d’évaluation qui mériterait à lui seul des pages entières de remarques, pour indiquer seulement qu’une équipe de biologie comme celles dans lesquelles j’ai travaillé ou que j’ai dirigées (une douzaine de personnes) doit disposer, pour bien fonctionner, de presque 100 000 à 250 000 euros de financement annuel complémentaire.

Ces financements cumulés constituent, avec d’autres revenus propres au CNRS, ses fonds propres. Il nous est demandé de fournir un calendrier prévisionnel des dépenses, toujours difficile à établir compte tenu des incertitudes inhérentes à l'activité de recherche. Il arrive donc qu’à la fin de l’année comptable, toutes les sommes prévues d’être dépensées, ne le soient pas. Cette masse est donc reportée sur l’année suivante, comme le font ou presque les communes ou les établissements de coopération intercommunale d’ailleurs, mais elle apparait en globalisé dans le budget du CNRS. Il est également possible de demander aux instances qui ont financé un projet, une extension à coût zéro sur une année supplémentaire. Dans ce cas, le projet est prolongé d’un an, mais sans aucun financement. Là aussi, on assiste donc à un report des sommes prévues d’être dépensées en année N sur l’année suivante N+1, et là aussi, ces sommes étant globalisés, on peut avoir l’impression que le CNRS fait des bénéfices… Néanmoins, ces budgets étant affectés à une opération de recherche (le projet), elles ne sont pas susceptibles d’être récupérées par Bercy ; ce serait illégal. En revanche, lorsque ces sommes proviennent de la dotation de base, pour des raisons X ou Y, comme par exemple une année favorable au plan des contrats de recherche, elles peuvent alors être récupérées par l’Etat. Pourtant le fait de ne pas les dépenser obligatoirement en année N prend tout son sens, puisque le labo dispose des ressources affectées qui suffisent cette année à son fonctionnement. Tout se passe comme si le propos du ministre des finances proposant de ponctionner cette ressource était une incitation à dépenser coute que coute, même en achetant des matériels non nécessaires. Je rassure le lecteur, nous avons trouvé une parade à cette absurdité, que je ne développerai pas ici… Enfin, d’autres phénomènes sont à prendre en compte dans cette histoire. Le premier porte sur les annulations d’achats. Quand on passe une commande, les sommes correspondantes sont alors dites engagées, mais non dépensées. Elles ne le seront qu’à réception de la facture et à sa mise en paiement. On a donc trois colonnes dans le budget d'un laboratoire : le disponible (budget disponible en début d’année ou restant en cours d’année), l’engagé (par définition, non disponible, mais pas encore dépensé), et le dépensé (le disparu en quelque sorte). Il se trouve que certaines des commandes passées sont parfois annulées, par exemple pour l’indisponibilité du matériel. Cela a été assez fréquent lors de la pandémie de COViD19. Dans ce cas, l’engagé ré-abonde le disponible… Quand ces annulations ont lieu en fin d’année, par exemple en novembre, le disponible regonfle, donnant l’impression que le labo n’a pas eu besoin de cette somme. Pourtant, il en aura besoin en tout début d’année après le mois de blocage financier permettant la clôture du budget et la prise de connaissance de l’estimation du budget de l’année suivante. Là aussi, ces sommes peuvent être importantes : j’ai eu l’exemple dans mon équipe d’une commande d’un montant approximatif de 10 000 euros annulée en octobre et que nous avons pu repasser seulement dès le budget de l’année suivante disponible… C’est typiquement ce que Bercy veut « piquer » aux laboratoires. La deuxième source de ressources propres provient de ce que l’on appelle les « queues de contrat ». Lorsque les projet de recherche se termine, il reste en général un peu de l’argent reçu des agences à dépenser. S’il ne l’est pas, l’opérateur CNRS bascule cette somme affectée à un projet, en somme non affectée, donc en ressource propres pour l’équipe. Souvent, l’équipe se sert de ce reste pour poursuivre les projets, car il est rare que ceux-ci s’arrêtent automatiquement après la fin administrative du financement, surtout si des résultats prometteurs arrivent ! Néanmoins, cette ressource n’étant plus affectée, puisque le projet n’existe plus légalement, elle est susceptible d’être prélevée par Bercy…

J’ai été un peu long, mais il me semblait nécessaire de bien expliquer pourquoi l’idée de repiquer aux opérateur de recherches est mauvaise. Ce que je décris en effet pour le CNRS vaut sans aucun doute aussi pour l’INSERM et pour les universités. En fait, ces opérateurs sont victimes d’une vision ministérielle erronée. On ne peut pas parler de bénéfices, mais simplement d’excédents conjoncturels de trésorerie, excédents nécessaires de toutes façons au monde de la recherche l’année suivant leur occurrence. Ces opérateurs de recherche sont ainsi victimes de la méconnaissance crasse de leur monde chez nos politiques, dont aucun (ou presque) ne sort de formation par la recherche. Enfin, cette idée de « piquer dans la poche des opérateurs » est quand même emblématique du gouvernement actuel, qui a supprimé nombre de ressources budgétaires disponibles, qui affaiblit tout le secteur public, de l’école à l’hôpital, tout en multipliant les cadeaux fiscaux au monde des entreprises. Ainsi, en 2019, quelques 157 milliards d'euros d’aide au secteur privé auraient été distribués. C’est grosso modo plus de deux fois le budget de l'éducation nationale, et c’est 6 fois le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui se monte à environ 25 milliards d’euros… Tout cela pour entendre le ministre des finances parler de récupérer un petit milliard et demi, et fragiliser encore plus la recherche publique française. C’est du grand n’importe quoi ! 



Crédit illustration :

Ministère des Finances. Page Wikipédia.
Photo d’Arthur Weidmann (travail personnel)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Minist%C3%A8re_de_l%27%C3%89conomie_et_des_Finances_%28France%29#/media/Fichier:Minist%C3%A8re_de_l'%C3%89conomie_et_des_Finances_Mars_2022.jpg



 

 

mercredi 12 avril 2023

MÉTIERS DU RAIL : ENCORE UN QUI N'Y CONNAÎT RIEN !



J'ai récemment entendu un chroniqueur TV parler des cheminots de façon très méprisante. Face aux mouvements sociaux, celui-ci s'énervait de constater que ces personnes veuillent faire grève alors que ces « gens n'ont qu'à pousser un joystick assis au chaud dans un siège confortable »… Encore un qui ne connaît rien à ce travail et qui aurait mieux fait de se taire. Explications.

Il se trouve que j'ai de nombreuses relations dans le ferroviaire et que je connais assez bien, je le pense, ce monde particulier. Sans rentrer dans trop de détails, disons que j'ai pu voir de très près à quoi ressemblait l'activité de conduite de train, et les contraintes qu'elle impose. Car, oui, il y a des contraintes ! Certes, le confort de conduite des rames à grand parcours ou même celui des rames de banlieue d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui des machines à vapeur des années 50, voire celui des machines Diesel des années 60/70 qui les ont remplacées. À ce sujet, évacuons de suite la prétendue « prime de charbon » qui serait toujours en cours à la SNCF. Cela fait au moins 40 ans qu'elle a été supprimée ! Donc oui, on est mieux assis et moins soumis aux intempéries dans les trains modernes que dans les anciens. Quoique… Lorsqu'il n'y a aucun problème, c'est bien le cas. Mais dès que des problèmes arrivent, tout peut alors changer très vite. Ainsi, sur une panne de freinage, ce qui est heureusement rare, un conducteur devra descendre de sa machine et parcourir tout le train pour identifier le ou les wagons (on parle ici de train de fret) défaillants, isoler le freinage du wagon, puis retester le freinage, une série d'opérations qui implique de passer de la cabine à la queue de train assez régulièrement, et ce de nuit, de jour, qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige. De même pour les trains de voyageurs, en cas de panne, ou plus fréquemment de signal d'alarme « tiré ». Le conducteur ainsi peut être amené à se déplacer tout le long de la rame, agir sur divers dispositifs et prendre la responsabilité de repartir avec des restrictions dues au freinage qui pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité si elles n’étaient pas maîtrisées pleinement. Ce genre de vérification peut durer entre 20 minutes au mieux, et deux heures par exemple sur des trains longs ou des pannes complexes à détecter. Comparativement à une certaine époque, on peut dire que le confort du métier ne s’est finalement pas tant amélioré dans le sens où la technique évoluant, certaines contraintes ont été remplacées par d’autres telles que celles liées aux vitesses élevées pratiquées (donc temps de réaction plus restreint), au stress, où à la difficile gestion des voyageurs, etc.

J'ajoute à cela que le travail de conduite n'est qu'une partie du travail des roulants. Il faut en effet aller prendre son service, parfois à des heures de distance de son lieu d'habitation, surtout lorsque l'on répond en « astreinte ». Ces astreintes font d'ailleurs partie intégrante du travail régulier des roulants, parfois à raison de plusieurs journées par semaine, où l'on peut être appelé à à peu près n'importe quelle heure, de jour comme de nuit, dans un large périmètre géographique. Seule une partie du temps de prise en charge est comptabilisée comme temps de travail. De plus, ces astreintes ne permettent pas au personnel de bénéficier de toutes les primes, ce qui fait qu'elles sont finalement payées à un niveau inférieur à celui d'un roulement « normal ». Par ailleurs, peu de gens savent que lors d'une prise en charge programmée d'un train, le mécanicien doit parfois marcher des kilomètres pour retrouver « son » train garé, puis effectuer toute une série d’opérations pour remettre en fonctionnement la machine ou la rame, celles-ci incluant des purges de circuit, des vérifications de niveau, des essais de freins, des systèmes de sécurité, etc. Tout cela ne se fait pas en 5 minutes, mais reste en revanche comptabilisé comme temps de travail !

De même, on ne pense que rarement aux agents qui conduisent les trains d’entretien, ou plus largement à ceux qui assurent l'entretien des voies, là aussi de jour et souvent de nuit, quelle que soit la météo. Sur certaines lignes du Massif Central, des Alpes, des Pyrénées, des Vosges ou du Jura, les opérations de déneigement, pour permettre la circulation des premiers trains du matin, peuvent être éreintantes, par des températures polaires. Évidemment, le journaliste qui méprisait le travail des roulants, n'en n'a cure !

Il ne se soucie sans doute pas plus du fait de savoir que conduire un train implique la connaissance pointue de plusieurs éléments. Le premier est la réglementation ferroviaire dont l'objet premier est d'assurer la sécurité des circulations. Il y a bien sur tout un volet lié à la signalisation qui est bien plus complexe que les seuls feux verts, jaunes et rouges de la circulation automobile. Sans aller trop loin dans les détails, et s’agissant là d'un sujet que je ne maîtrise que partiellement, un feu rouge allumé sur un signal peut impliquer différentes obligations ou autorisations selon le type de signal et le régime d'exploitation de la ligne. Certains signaux ne s’adressent également qu'à certains trains, d'autres ne s’appliquent qu'à certaines heures. En d'autres termes, il faut des semaines et des semaines d'apprentissage pour maîtriser le seul volet signalisation. Les règles de gestion des urgences sont également complexes : comment réagir en cas d'action sur le signal d'alarme, sur la réception d'un signal d'alerte radio, comment franchir lorsque cela est possible un signal au rouge (signal dit fermé), etc. Tout cela représente des centaines de pages de règlement à assimiler et à mémoriser. De plus, ces règlements, véritables articles de loi, évoluent sans cesse, et pas toujours pour faciliter le travail du mécanicien. Outre le fait que ce dernier se doit de maintenir ses connaissances à jour, à ses frais au passage, il a aussi la responsabilité de leur exécution. En cas de manquement, on parlera pudiquement « d’écart de sécurité », pouvant entraîner une mise à pied et, si la faute provoque un accident, une comparution devant un tribunal. Ainsi, le conducteur travaille avec, sans cesse, une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

La conduite d'un train ne consiste pas non plus qu'à pousser un joystick. Cette conduite nécessite une connaissance parfaite du fonctionnement de la machine ou de la rame, permettant la compréhension du résultat des actions sur les diverses commandes de marche ou de sécurité. Comme pour tous les engins roulants ou volants, le mécanicien avant d'être « lâché » seul, passera des mois en formation sur simulateur et/ou sur rame en service. Cette connaissance du matériel est si nécessaire que l'habilitation délivrée à l'issue ne sera valable que sur les matériels sur lesquels la personne a été formée. C'est un peu comme si on obtenait un permis de conduire des Renault, mais pas des Citroën, des Peugeot, ou pas des Volkswagen… Dans le même ordre d'idée, un mécanicien ne sera habilité que sur certaines lignes, la connaissance forte du réseau parcouru constituant un autre gage de sécurité des circulations. Pour reprendre l'analogie avec le routier, imaginez que votre permis, valable sur Peugeot et Citroën seulement, ne vous autorise qu'à parcourir les routes d’Île de France, ou de la région PACA, mais pas au-delà...

Je n'ai couvert que quelques aspects des spécificités du métier. Je voudrais en ajouter trois. La première est un point que je n'aborde jamais avec les roulants, sauf si ils le font d'eux-mêmes. C'est celui de l’accident et de l'accident de personnes (euphémisme pour souvent parler de suicides) en particulier. Comme me l'ont dit plusieurs mécaniciens, la question n’est pas de savoir si on connaîtra cet accident de personne mais de savoir quand. De tels évènements sont bien évidemment traumatisants, et, jusqu'il y a peu, ils n'étaient pas bien pris en charge par la SNCF. Le second volet est la responsabilité que portent les mécaniciens liée au fait qu'ils assurent seuls la responsabilité de trains pouvant transporter plusieurs centaines, voire un millier de passagers. Pour avoir échangé souvent avec des roulants, je peux affirmer que plusieurs m'ont dit que cette responsabilité était toujours très présente à leur esprit et qu'elle était parfois lourde. Même si les trains sont munis de divers dispositifs de sécurité, et de radios, une erreur humaine, voire une défaillance mécanique peut toujours avoir des résultats catastrophiques. Le dernier point, ce sont les horaires imprévisibles ou décalés. Une semaine d'un roulant, ce sont bien sur des jours de repos, mais aussi des astreintes, où l'on ne sait si on travaillera et où, et des conduites programmées. Mais d'un jour à l’autre, cette programmation change. J'ai demandé à un roulant de me communiquer son programme sur une semaine de travail, et effectivement, on constate très vite la présence d'horaires très variables et de découchés, c'est à dire de repos de nuit passés hors du domicile. Ce même roulant m'a indiqué qu'il avait cette année travaillé le jour de Noël et le jour de l'An. Dans le même ordre d'idée on lira avec intérêt l'article de blog en référence pour se faire une idée plus précise d'un journée, certes chargée, d’un mécanicien français, bien loin des clichés propagés par une certain presse (1).

Pour conclure, quelques remarques en vrac. Tout d'abord, ce travail en horaires décalés de façon systématique provoque une usure qui peut justifier la mise en place d'un régime spécial de retraite. Ce régime spécial, comme d'autres régimes spéciaux, ne vise pas seulement à compenser la fatigue accumulée sur des années, mais aussi à rendre le métier attractif à l'embauche. Le changement de statut des cheminots, comme celui de nombre de roulants de la RATP, la fin de régimes spéciaux, tout cela se traduit par des problèmes de recrutement massifs qui conduisent actuellement la SNCF à supprimer des trains, et la RATP à diminuer les fréquences des bus, métros ou RER. Si le métier était un métier de « planqués » ou de « profiteurs », comme on l'entend ou le lit régulièrement, comment expliquer cette désaffection ? Les gens à la recherche d'un emploi devraient s'y ruer, non ? Sur un autre plan, je continue de penser que si la majorité des travailleurs s’étaient comporté comme les personnels de la SNCF ou de la RATP en matière de défense des conditions de travail, nous n'en serions pas là en termes de régression sociale généralisée. Certes une grève dans les transports, c'est casse-pied, comme sont perturbantes aussi les grèves dans l'éducation nationale, le ramassage des ordures ou les raffineries, toutes catégories professionnelles longtemps méprisées. Ne nous leurrons pas : la quasi totalité des avancées sociales n'a été acquise que par l’instauration d'un rapport de force entre le monde du travail et celui du pouvoir économique. Celui-ci l'a bien compris en faisant main basse sur les moyens de communication (radio, journaux, chaîne de télévision, etc.) sur lesquels il déverse régulièrement une certaine forme de propagande. Les propos du journaliste que j’évoquais plus haut s’inscrivent, à n'en pas douter, dans cette démarche de décrédibilisation des mouvements sociaux, et dans ce que l'on appelle la bataille de l'opinion, que le pouvoir économique et financier doit gagner s'il veut pouvoir imposer ses règles, systématiquement défavorables au monde du travail. Quitte à raconter des bêtises ou à mentir !

Remerciements :

Merci à Franck, Valentin, et tous les autres pour leurs témoignages et leur dévouement à faire que les trains roulent en sécurité et autant que possible à l'heure ! 

Référence :

1. Vesper. La journée type d'un conducteur de train. Mediapart.
Consultable en ligne :
https://blogs.mediapart.fr/vesper/blog/031120/journee-type-dun-conducteur-de-trains-10

Crédit illustration : 

Thomas Wolf
Machine SNCF série BB37000 tractant un train de fret
Image libre de droits.






lundi 13 février 2023

CONTRE RÉFORME DES RETRAITES :
DES PISTES EXPLICATIVES


Dans deux articles récents de ce blog, je m'étonnais de l'obstination gouvernementale à vouloir faire passer « quoi qu'il en coûte » une contre-réforme des retraites injuste et inutile, au vu des justifications proposées. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, plusieurs éléments me laissent penser que l'objectif final n'est pas réellement la préservation du système de retraite  « à la française ».

Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un spécialiste pointu des retraites. En revanche, je suis tout à fait capable de lire des rapports. J'ai donc parcouru ceux du conseil d'orientation des retraites (COR) et je constate que quelles que soient les options retenues, et à moins d'un effondrement général de l'économie, il n'y a pas un péril majeur en la demeure. Certes, le système présente un déficit léger entre maintenant et 2030, plus creusé entre 2030 et 2050, date d'un retour à l'équilibre, mais celui-ci est compensable par plusieurs mesures sans contrainte sur l'âge de départ imposé. Si l'on se limite aux aspects techniques, il existe au moins deux autres façons de réduire ce déficit limité. La première est la baisse des pensions. Cette option ne peut cependant être retenue pour les retraités modestes ou pauvres, particulièrement dans un contexte inflationniste dont on ignore la magnitude et la durée. La seconde possibilité est la hausse des cotisations, option qui semblerait être favorisée par une majorité de Français, selon un sondage récent (1), et qui présente l'avantage d'être modulable en fonction des revenus salariaux. En d'autres termes on pourrait, pour les petits et les moyens salaires, proposer une augmentation très limitée de la cotisation retraite (de l'ordre de 10 € par mois coté salarié et côté patronal), et une augmentation plus forte pour les revenus supérieurs (jusqu'à 150 ou 200 euros mensuels pour des revenus supérieurs à 5000 euros mensuels à partager entre employeurs et employés). Cette option mise en avant par les économistes tel que M. Michaël Zemmour (2) est également proposée par le club des « économistes atterrés » (3).

En termes de recettes, il existe aussi au moins deux autres options envisageables. La première consiste à faire cotiser l'ensemble des revenus salariaux. N'oublions pas que de très nombreux revenus font l'objet d'exonérations de cotisations sociales. Les heures supplémentaires et complémentaires des salariés sont, je cite ATTAC : « exonérées de cotisations sociales salariales d’assurance vieillesse-veuvage et de retraite complémentaire dans la limite de 11,31 %. Existe aussi une déduction forfaitaire patronale pour heures supplémentaires : 1,50 % de déduction forfaitaire par heure supplémentaire ou 10,50 € par jour de repos auquel il est renoncé [...] Les estimations d’exonérations de cotisations sociales sont de l’ordre de 75 milliards € par an, dont 17 milliards concernent les cotisations vieillesse. Cela représente un potentiel de cotisations sociales supplémentaires pour toutes les branches de la Sécurité sociale. D’autre part, les cotisations vieillesse disparaissent au-dessus du plafond de la Sécurité sociale. En ce qui concerne l’assurance vieillesse, ces 17 milliards couvriraient largement le défit annoncé (4)». Dans le même ordre d'idées, ATTAC propose également de réfléchir à l'option de faire cotiser à l'assurance vieillesse, à taux identique à celui des revenus salariaux, les sommes issues de l’intéressement et de la participation. Selon leurs chiffres, les montants récupérables seraient de l'ordre de 6,5 milliards d'euros. Si on ajoute cette somme aux 17 milliards mentionnés plus haut, on disposerait de 23,5 milliards de rentrées complémentaires pour la caisse nationale d'assurance vieillesse. ATTAC indique que cette somme permettrait de combler près de deux fois le déficit annoncé (4).

La seconde option de recettes complémentaires vise à faire cotiser les dividendes reçus par les actionnaires. Là aussi, ATTAC a fait ses calculs. Se fondant sur le montant des profits distribués en 2019 et 2021, et « si on appliquait le taux de cotisation vieillesse de 28,1 %, ce sont respectivement pour ces deux années 31,9 et 31 milliards qui s’ajouteraient au montant des cotisations » (4). L'association précise que cette proposition ne fait pas consensus au sein du mouvement social pour plusieurs raisons. À titre personnel, cependant, j'y vois une logique, puisque les bénéfices distribués sont bien issus du travail des salariés, et qu'ils devraient dès lors cotiser comme tels. En d'autres termes, comme le dit ATTAC, « l’idée principale de l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales est donc qu’il ne rompt pas le lien entre le travail et la cotisation ; simplement, il accroît la masse salariale et son poids relatif dans la valeur ajoutée nette par un déplacement du curseur au sein de celle-ci ». 

À ce stade, on observe donc qu'il existe une multitude de pistes - et encore en n'ai-je exploré qu'une partie - qui permettraient d'assurer un financement pérenne du système de retraite pour les 30 années à venir. Il faut donc revenir à la question que je posais en en-tête pour essayer de comprendre pourquoi ces propositions ne sont pas retenues. Ma réponse à la question est qu'il ne s'agit en aucun cas de sauver le système de retraite, mais de faire de grosses économies sur le dos des retraités, afin d'assurer des financements complémentaires au budget national. Les sommes ainsi dégagées du PIB pourront alors être réaffectées à d'autres usages, et en particulier aux aides massives aux entreprises. Rappelons, d'ores et déjà, les sommes en jeu. En 2018, le montant de ces aides évoqué par des représentants de l'État se montait à 140 milliards d'euros, ce qui représentaient alors « l’équivalent de 5,6 % du PIB, en augmentation de 215 % sur un tout petit peu plus de 10 ans, soit une croissance annuelle moyenne de 7,2 % par an » (5). En 2021, et selon l'Institut de Recherches Économiques et Sociales (IRES), ces aides ont atteint la somme incroyable de 157 milliards d'euros. La loi de finances 2023 apporte également son lot de défiscalisations supplémentaires, en particulier au travers de la suppression définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et ce sur les deux ans à venir. Cette suppression représente à elle seule un manque à gagner annuel d'environ 15 milliards d'euros soit à peu près l'équivalent du déficit prévu des retraites jusqu'en 2030...Comment donc ne pas être d'accord toujours avec Michaël Zemmour quand il parle d'une stratégie délibérée de mise en déficit du système des retraites (6)

Tout se passe donc comme si l'actuel gouvernement était en train de transférer une part du salaire différé qu'est la retraite pour le reverser sous forme de nouvelles exonérations aux entreprises. La contre réforme des retraites ne constitue donc, ni plus ni moins, qu'une privatisation des revenus des salariés - et des fonctionnaires - au bénéfice d'intérêts privés. Le tout pour des montants qui constituent, eux, véritablement « un pognon de dingue » !


Références :


1. Grégoire Poussielgue. Retraites : les Français favorables à une réforme, mais pas à celle d'Emmanuel Macron. Les Echos. Janvier 2023.
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/politique-societe/emmanuel-macron-president/sondage-exclusif-retraites-les-francais-favorables-a-une-reforme-mais-pas-a-celle-demmanuel-macron-1897646

2. Michaël Zemmour. Combien de cotisations faudrait-il pour équilibre le système en 2027 ?
Alternatives économiques. Octobre 2022.
Consultable en ligne :
https://blogs.alternatives-economiques.fr/zemmour/2022/10/27/combien-de-cotisations-faudrait-il-pour-equilibre-le-systeme-en-2027

3. Les économistes atterrés. Dossier retraite.
Consultable en ligne:
https://www.atterres.org/themes/retraites/

4. Jean-Marie Harribey. Faire cotiser… Attac. Février 2023.
Consultable en ligne:
https://france.attac.org/nos-publications/petites-fiches/article/fiche-faire-cotiser

5. Maxime Combes. Plus de 140 milliards d’euros par an : la hausse exponentielle des aides aux entreprises. LVSL. Juillet 2022.
Consultable en ligne:
https://lvsl.fr/plus-de-140-milliards-deuros-par-an-la-hausse-exponentielle-des-aides-aux-entreprises/
 
6. Jules Brion. Il y a une stratégie de mise en déficit du système de retraites - Entretien avec Michaël Zemmour. Avril 2022.
Consultable en ligne:
https://lvsl.fr/il-y-a-une-strategie-de-mise-en-deficit-du-systeme-de-retraites-entretien-avec-michael-zemmour/


Crédit illustration :

Dessin personnel sur une affcihe vue en manifestation








mardi 17 janvier 2023

MÉTÉO SOCIALE : AVIS DE GRAIN FORT ET DE RISQUE DE GRÈVE...


Je publie ici in extenso un article du collectif de scientifiques « Rogue ESR » qui s'interroge sur la grève comme moyen de se faire entendre, suite aux attaques dont le monde du travail est victime de la part de l'actuel gouvernement. Orienté vers des problématiques de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), ce texte me parait cependant d'un intérêt plus général, ce qui a motivé mon désir de le partager. Ainsi, le collectif pose tout dabord la question des objectifs de la grève, puis des raisons qui pousserait les personnels de l'ESR à s'y inscrire. Ce qui suit est donc strictement le texte du collectif, à l'exception des références que j'ai citées comme c'est l'usage sur mon blog. 

La grève n’est pas une fin mais un moyen, une tactique déployée dans un but stratégique. Elle ne consiste ni à « se compter » ni à « être comptés » par la presse, les syndicats ou la police. Elle consiste encore moins à se sacrifier ou à renoncer spontanément à un trentième de son salaire pour la seule beauté du geste — il peut d’ailleurs être utile de préserver son salaire pour le reverser aux caisses de grève. C’est toujours à l’administration de recenser les grévistes et de fournir la preuve qu’ils étaient en grève. 

Dans le secteur industriel et marchand, la grève vise à arrêter l’appareil productif. Hors du secteur marchand, la grève sert à libérer du temps pour le consacrer aux actions destinées à l’obtention du but fixé. Aussi la grève à l’Université pose-t-elle directement la question de son utilité sociale en démocratie — irréductible à un service public de diplomation. 

Pendant les premières vagues de la pandémie de Covid-19, le gouvernement a lui-même interrompu l’activité des universités et a contraint les universitaires et les étudiantes et étudiants à travailler hors-site alors que les moyens sanitaires permettant un maintien des activités sur place étaient connus. Il est donc devenu évident qu’un simple arrêt de travail ne constitue pas un levier stratégique à même de déranger l’exécutif. Alors que faire ? Concernant les retraites, sensibiliser et informer les étudiants en faisant le tour des amphis. Plus largement, le temps de la grève doit être l’occasion d’une réflexion critique collective. Moment idéal pour des cours sur le réchauffement climatique et l’effondrement des espèces, sur la crise énergétique et la fin à venir des énergies carbonées, sur l’organisation territoriale, sur la démocratie, sur l’institution universitaire, etc. Occasion pour discuter de nouveau entre collègues du rouleau compresseur qui s’est abattu depuis 2004 sur nos institutions ? La grève doit être un temps où mettre nos savoirs et notre intelligence critique au service des analyses et des actions collectives qui se construisent localement. Il s’agit de créer politiquement, de créer stratégiquement, de créer collectivement, une activité dont les universitaires se sont peu à peu détournés.
 
Il y a mille raisons de se mettre en grève, que l’on soit étudiant, chercheur, précaire ou universitaire. La (contre)-réforme des retraites qui décalera l’âge de la retraite à 64 ans en est une, majeure. De l’aveu même de Bruno Lemaire, cette réforme n’a d’autre objet que de faire faire des économies rapidement à l’État, pour abonder l’augmentation massive de l’aide aux entreprises privées et à leur actionnariat. Or l’État consacre déjà plus de 200 milliards d’euros, soit le tiers de son budget, à cette aide. La participation des entreprises au financement de la Sécurité sociale s’est réduite de 51% (1990) à 36,5% (2019), entraînant un manque à gagner de 68 milliards d’euros par an (1). 

Le Conseil d'Orientation des Retraites le dit clairement : la (contre)-réforme des retraites n’a aucune utilité pour le système de retraites lui-même, dont les dépenses sont sous contrôle (2). En revanche, elle ne manquera pas de creuser les inégalités en touchant frontalement les quinquagénaires, les femmes, les précaires, les ouvriers. Elle contribuera à prolonger la précarisation subjective et matérielle, l’anxiété économique, jusqu’à la mort. En ce sens, elle participe de la logique de « Parcoursup » et de la réforme du Lycée qui font entrer les adolescents dans la vie d’adulte avec cette même anxiété.

Nul ne sait à ce jour si le second volet de la réforme, qui prévoyait d’aligner progressivement, sur 15 ans, le taux de cotisation patronale (pour les fonctionnaires) de 74,3% aujourd’hui sur celui du privé (16,9%), a été maintenu ou s’il est repoussé à un examen ultérieur. Le Conseil d’Orientation des Retraites a également pris position contre une telle évolution dans son dernier rapport (3).

Ce second volet prévoit que l’État soit en 2037 le principal contributeur à la baisse générale des recettes de cotisation, à hauteur de 42 milliards d’euros par an hors inflation. Autrement dit, le second volet de la réforme prévoit encore des économies qui creuseront un déficit du régime de retraites pourtant aujourd’hui à l’équilibre. L’idée d’une réforme en deux temps figurait explicitement dans les programmes présidentiel et législatif au printemps dernier (4).

Nous avons déjà expliqué cet automne en quoi cette gigantesque ponction sur les cotisations patronales de l’État fait système avec la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) : le RIPEC (C3) et le dispositif des Chaires de Professeur Junior sont financés par une fraction de l’argent censé être libéré à la faveur du vol de notre salaire socialisé.

Il y a donc mille raisons de se mettre en grève, que l’on soit étudiant, chercheur ou universitaire, titulaire ou précaire. La réforme des retraites participe de la crise multiple que notre société a à affronter, une crise entretenue et accentuée par un État qui s’est mis au service d’intérêts privés et dont les représentants méprisent ouvertement le savoir et la science. Nous sommes dos au mur, avec l’immense tâche de dégager un horizon bouché, en particulier pour ceux et celles avec qui nous travaillons, les jeunes qui sont formés à l’Université, mais aussi celles et ceux qui ont été exclus de l’enseignement supérieur par Parcoursup. Y contribuer suppose de suspendre le temps contraint et ses tâches en retard infiniment accumulées, donc de se mettre en grève. Quand la vie se trouve frontalement attaquée, c’est la vie elle-même qui devient résistance.


Références :

1. Répport d'évaluation des politiques de sécurité sociale - Retraite.
https://evaluation.securite-sociale.fr/files/live/sites/Repss/files/M%c3%a9diath%c3%a8que/Retraites/Rapport%20Retraites%20-%20Edition%202022.pdf 

2.  « Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Synthèse du rapport du COR, page 3. 

3. « Pour autant, considérer que le taux de cotisation du privé doit être appliqué aux fonctionnaires de l’État suggère que le taux de cotisation implicite de l’État est illégitime et renvoie à des avantages particuliers dont bénéficieraient les fonctionnaires de l’État. Or les travaux du COR ne concluent pas à une différence systématique et importante dans la “générosité” des régimes publics de droit commun par rapport au privé et qu’en les plaçant sur un pied d’égalité (même assiette de cotisation, même ratio démographique notamment), les taux pratiqués dans le public et le privé sont équivalents, autour de 25% […]. Les membres du COR ne souhaitent pas retenir cette approche qu’ils jugent inappropriée. », Synthèse du rapport du COR, page 6. 
https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2023-01/Synth%C3%A8se.pdf

4. Législatives 2022.  Synthèse de l’Institut Montaigne. 
Consultable en ligne :


Crédit illustration :

Aides publiques aux entreprises calculées à partir des données Insee, PLF, PLFSS et Acoss-Urssaf.

lundi 6 juin 2022

IL Y A QUAND MÊME DES PROBLÈMES
AVEC LES FOURNISSEURS D'ACCÈS INTERNET (2) !

 

Dans un article précédent, j'ai fait part aux lecteurs de ce blog des problèmes de réseaux Internet qui ont affecté mon quartier, privant plusieurs foyers d'Internet pendant une dizaine de jours. J'ai la chance d'avoir pu bénéficier d'une réparation, mais pour d'autres, la situation n'est pas encore débloquée. Par ailleurs, je constate que les promesses orales des services commerciaux ne semblent pas engager mon fournisseur d'accès. Tout cela devient assez lamentable.

Le problème auquel j'ai été confronté et que j'ai conté plus tôt (1) est donc maintenant résolu. Mon domicile est de nouveau relié à Internet et mon téléphone fixe fonctionne de nouveau. Néanmoins, lors des échanges avec le service commercial d'Orange/Sosh, celui-ci m'avait fait un certain nombre de promesses, à savoir : la déduction du montant de mon forfait pendant toute la durée de la panne, un geste commercial (remise de 30% sur mon abonnement à venir) transfert gratuit des communications de mon téléphone fixe vers mon portable et prise en charge de augmentation de mon abonnement de mon portable chez mon opérateur mobile, puisque celui ci n'appartient pas au groupe Orange. Il se trouve que j'ai reçu samedi ma facture pour le mois de juin, et, ô surprise, celle-ci ne fait apparaître aucune des remises et remboursements promis. Pire que cela, le renvoi des appels de ma ligne fixe vers mon portable a été allègrement facturé. À 0,23 euro le renvoi, cela n'est vraiment pas donné ! Je contacte donc mon fournisseur d'accès Internet (FAI), Orange/Sosh, où l'opératrice me dit, après plus d'une heure d'attente, n'avoir aucune trace de mon dossier ! Tout juste voit-elle que mon domicile s'est trouvé impacté par une panne de 10 jours ; point à la ligne ! Elle me promet un rendez vous téléphonique avec un responsable, mais pas avant 15 jours. Belle consolation !

Pas trop content de la situation, je décide donc de raconter l'histoire sur le forum de l'opérateur, car je sais que c'est un moyen de pression efficace quand on veut obtenir quelque chose. J'y raconte mes mésaventures, de façon honnête et polie, en disant que je compte saisir le médiateur des télécoms, et faire valoir mes droits en justice si nécessaire. Le truc fonctionne ! Deux heures plus tard, message de l'assistance Orange / Sosh me proposant officiellement ce qui a été promis, gratuité des renvoi incluse. Cependant, l'assistance exclut la prise en compte de mon abonnement de portable. Après discussion, cette même assistance (ou est-ce le service commercial, car on ne sait jamais à qui on a affaire) me dit que cette prise en compte n'est pas possible. Je négocie néanmoins un petit geste commercial supplémentaire, par principe. Finalement, le problème se règle comme cela sur le plan financier. Ceci dit, il m'aura fallu, pour arriver à une solution, une heure d'entretien avec l'assistance technique (AT) au moment de la panne, puis plus d'une heure et demi après réception de ma facture de nouveau avec l'AT, puis encore une heure avec soit l'AT, soit le service commercial pour y arriver. Et encore, cette solution n'est pas conforme à ce qui a été promis... J'avoue donc à ce stade ne pas comprendre ce qui se passe chez Orange/Sosh, mais tout cela semble osciller entre pagaille générale, désorganisation, et inattention envers les « petits clients ». Une expérience récente avec une autre « grand » FAI m'avait déjà échaudé. Le problème dans ces entreprises est le même : les petits clients ne semblent absolument pas intéresser ces FAI, qui préfèrent sans doute les comptes pro ou les grands comptes.  

Curieusement, les problèmes dans mon quartier perdurent. Une de mes voisines  n'a récupéré son accès Internet qu'après moi, et un de mes voisins est toujours en panne avec une date de remise en service à fin juin ! Comme je l'expliquais plus tôt (1), les « travaux réseau » sont souvent sous-traités par les FAI à des entreprises tierces, et il semble que les agendas de ces entreprises soient fortement remplis par les travaux de connexion à la fibre de nouveaux foyers. L'impression que j'ai est donc que les réparations sur le réseau des petits clients se font sur le mode « quand on pourra ». J'expliquais aussi dans mon précédent article que ces pannes à répétition sont souvent liées à des problèmes de manque de sérieux chez les entreprises sous-traitantes, dont certaines agissent même comme des crapules, n'hésitant pas à saboter le travail des autres intervenants, une pratique très courante selon la présidente de  l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep).    

Sabotage est d'ailleurs le mot qui convient, car en sus des dégradations oeuvres d'installateurs-voyous, l'Arcep comme les FAI s'inquiètent  d'une recrudescence d'actes de pure malveillance sur les réseaux. Il ne s'agirait plus d'actes motivés par le seul vol de matériel, cuivre en tête, car il n'y a aucun intérêt à voler de la fibre. La situation est telle que la DGSI se penche même sur le sujet, car nous pourrions être en présence de cas de cyber-terrorisme. On lira avec intérêt les articles qui se rapportent à cette question (2-4).  

Par ailleurs, j'ai appris qu'une partie du centre bourg de Forges a été affectée par une coupure Internet et téléphone fixe, pénalisant les particuliers, mais également les commerçants dont les terminaux de carte bancaire ne fonctionnent plus. Sont également affectés, semble-t-il, la mairie de Forges et le bureau de poste où le DAB était, aujourd'hui encore, inopérant. Il semblerait que nous soyons là, pour le coup, dans un cas de vol de cuivre utilisé pour la téléphonie fixe (réseau commuté) et pour l'accès Internet en ADSL. Bref, comme le disait l'inénarrable président de la République, M. Jacques Chirac : « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». De fait !

 

Références :

1. Il y a quand même des problèmes avec les fournisseurs d'accès internet ! Ce blog :
https://dessaux.blogspot.com/2022/05/il-y-quand-meme-des-problemes-avec-les.html

2. Pierre Manière. D’importants sabotages de fibres optiques perturbent le réseau Internet. La Tribune. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/d-importants-sabotages-de-fibres-optiques-perturbent-le-reseau-internet-915641.html

3. Anonyme. Enquête pénale, « cyberterrorisme »… ce que l’on sait du mystérieux sabotage des câbles de fibre optique. L'Obs. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.nouvelobs.com/justice/20220427.OBS57747/enquete-penale-terrorisme-numerique-ce-que-l-on-sait-du-mysterieux-sabotage-des-cables-de-fibre-optique.html

4. Manon Aublanc. Internet : Le sabotage de câbles de fibre optique, un acte de cyberterrorisme ? 20 minutes. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.20minutes.fr/justice/3279547-20220428-internet-sabotage-cables-fibre-optique-acte-cyberterrorisme

 

Crédit Illustration :

Le Chat de Ph. Geluck
https://lechat.com/

 

 

vendredi 20 mai 2022

IL Y A QUAND MÊME DES PROBLÈMES AVEC LES FOURNISSEURS D'ACCÈS INTERNET !



Les lecteurs du blog l'auront noté, celui-ci s'est fait quelque peu silencieux au cours des derniers jours. La raison principale est d'ordre technique, et liée à l'arrivée à mon domicile de la fibre optique, comme moyen de connexion au réseau Internet. Or, depuis cette installation il y a quelques semaines, les problèmes se multiplient jusqu'à devenir aujourd'hui quasiment kafkaïens.

Mon domicile a donc été raccordé à la fibre voilà un mois et demi environ. Mon fournisseur d'accès est Orange, via l'offre de services proposée par Sosh. Dès le début, des problèmes sont apparus. Le premier s'est produit le jour même de l'installation, puisque le boîtier numérique de connexion refusait de se connecter au réseau. Après deux ou trois communications avec les « conseillers techniques », l'un d'entre eux, plus malin que les autres, s'est aperçu que les codes de connexion qui m'avait été indiqués étaient erronés ! Le domicile s'est donc retrouvé connecté le lendemain de l'installation.

Tout a ensuite fonctionné normalement pendant une dizaine de jours. Puis des déconnexions de courte durée (10 à 60 secondes) sont apparues, tout d'abord de façon très épisodique, puis de façon récurrente avec en moyenne une coupure toutes les cinq minutes. Une discussion avec l'assistance technique s'avère décevante, puisque cette dernière m'affirme que tout fonctionne normalement et que la ligne ne devrait pas poser de problème. De mon côté, j'avais pris la précaution d'arrêter puis de relancer le boîtier « Livebox ». Comme cela était resté sans effet, j'avais également procédé à une réinitialisation logicielle. J'aurais soufflé dans le boîtier que cela n'aurait pas été plus efficace ! Je rappelle donc de nouveau l'assistance technique pour expliquer la situation et celle-ci détecte cette fois un « problème sur la ligne ». Impossible de savoir lequel malgré mon insistance auprès de l'opérateur, qui m'assure cependant que Orange/Sosh allait procéder à des modifications susceptibles de ralentir le trafic sur mon installation, mais à même d'améliorer la question des micro-coupures quelques jours plus tard.

Après ces quelques jours, et comme les micro-coupures devenaient de plus en plus fréquentes, en dépit de ce qui m'a été annoncé, je rappelle l'assistance en expliquant que le problème est de deux ordres : des micro-coupures sur la ligne elle-même, et un dysfonctionnement du wi-fi au départ du boîtier « Livebox ». Après discussion avec un ami spécialiste de la question, celui-ci m'indique que les problèmes liés wi-fi sont de plus en plus fréquents, peut-être en raison des interférences entre les différents boîtiers du voisinage. La dernière version du boîtier « Livebox » fait d'ailleurs l'objet de fortes critiques en regard des connexions wi-fi qu'il autorise. Le fournisseur d'accès Orange/Sosh met d'ailleurs, si besoin, à disposition de ses abonnés des répétiteurs wi-fi...

Depuis 4 à 5 jours, la situation semblait s'être néanmoins quelque peu améliorée, avec une ou deux coupures par jour. Puis patatras ! Depuis hier c'est tout le réseau fibre qui est en panne. J'appelle donc l'assistance technique qui m'affirme tout d'abord que la ligne fonctionne normalement, mais qui quelques minutes plus tard, devant les explications que je fournis et les retours d'autres clients, me confirme qu'effectivement un problème sérieux semble s'être produit sur le réseau. Je ne suis en effet pas le seul à être affecté. Plusieurs voisins, tous clients Orange ou Sosh, sont également privés de connexion Internet et donc aussi de téléphonie fixe. La panne est collective. L'assistance technique, très aimable, soit dit au passage, promet de me rappeler ce jour, ce qu'elle fait d'ailleurs à l'heure dite, pour me proposer des solutions de secours. La panne ne sera en effet pas réparée avant au mieux le 31 mai (sic !), soit dans 11 jours,  mais sans garantie sur cette date. Mon téléphone fixe est rebasculé gracieusement sur ma ligne portable, et l'opératrice me propose toujours aimablement de me fournir 200 Go gratuits sur mon téléphone portable. Problème n°1 : mon forfait portable n'est pas souscrit auprès d'Orange/Sosh. Dans ces conditions, mon fournisseur d'accès ne peut rien. Je demande donc à l'opérateur de me fournir un boîtier 4G pour la connexion. Problème n°2 : pas possible. Explication : cette option n'est offerte qu'à certains titulaires de contrats « Orange ». Je demande donc ensuite de résilier mon abonnement fibre, pour revenir à l'abonnement ADSL, donc via le réseau « cuivre », qui fonctionnait sans doute plus lentement mais de façon beaucoup plus robuste. Problème n°3 : pas possible non plus. Explication : à partir du moment où le domicile est relié par fibre au réseau, le retour en arrière vers l'ADSL cuivre n'est plus possible. J'ai beau argumenter sur le fait que le domicile n'est plus, de fait, relié au réseau par la fibre, rien n'y fait ! Si je voulais caricaturer la situation, je dirais que pour Orange/Sosh, l'important est qu'il y ait une fibre tirée entre votre maison et l'équivalent d'un sous-répartiteur, mais que celle-ci soit fonctionnelle ou pas n'a aucune importance ! Kafkaïen, je disais ! Il me reste alors deux options. La première est de résilier le contrat Orange/Sosh et de trouver un nouvel opérateur ; la seconde, que j'ai mise en œuvre après avoir insisté avec l'assistance technique pour une prise en charge sous forme de geste commercial, est de me retourner vers mon opérateur de téléphonie mobile pour souscrire un forfait « 100 Giga » et d'utiliser mon téléphone portable comme routeur 4G, via le partage connexion.

Renseignements pris auprès de voisins vigilants connaissant bien mieux que moi le fonctionnement des réseaux, il semblerait que la panne puisse être liée, sans certitude aucune cependant, à l'intervention de prestataires d'autres compagnies dans les armoires de connexion. Si tel est le cas, notre problème ne serait pas isolé. Des cas semblables se sont multipliés au cours des derniers mois, à tel point que Madame Laure de la Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep), s'en est très récemment inquiété, affirmant que l'on « constate aussi que les raccordements ne se passent pas bien. Il y a 20 à 30 % des raccordements qui sont en échec […] il y a des défauts de qualité et c’est tout à fait inacceptable ».

Cette affirmation est importante, d'autant qu'il semble que l'autorité de régulation n'en soit pas restée à ce seul constat. Ainsi, parmi les comportements inacceptables cités par Madame de la Raudière, la façon de procéder de certains des prestataires chargés de raccorder les particuliers au réseau est plus que questionnable. En effet, faute de pouvoir à joindre un interlocuteur chez l'opérateur, certains techniciens de raccordement « débranchent un client pour prendre sa place ». De même, certains de ses techniciens n'hésitent pas à « défoncer les portes d'armoires de connexion pour pouvoir y accéder ». La présidente de l'Arcep conclut d'ailleurs en indiquant que « Malheureusement, ce ne sont pas des pratiques isolées ». Derrière ces pratiques, disons le mot, de voyous, émerge la question de la sous-traitance. Les raccordements aux réseaux ne sont en effet pas effectués par les fournisseurs d'accès mais par des entreprises prestataires qui, elles-mêmes, sous-traitent à d'autres les travaux à effectuer. Une enquête du Monde indiquait qu'il pouvait y avoir jusqu'à 8 niveaux de sous-traitance, les derniers des derniers ne gagnant presque pas d'argent, et se payant en sabotant (littéralement) le travail, surtout le travail des autres. Un des sous-traitants d'Orange est d'ailleurs dans le viseur de la justice... En lien, Madame Marie-Pierre Rixain, députée de notre circonscription, a présenté l'année passée un projet de loi visant « à responsabiliser les opérateurs chargés du déploiement de la fibre ». Elle proposait, entre autres, d’obliger les techniciens  « à détenir une certification délivrée par l’autorité compétente » pour pouvoir intervenir. À dire vrai, ceci me semblerait le minimum. Je m'étonne même qu'il ait été nécessaire de l'imposer ! Et toujours pour dire vrai, il me semblerait beaucoup plus important d'interdire la constitution de ces poupées-gigognes de sous-traitants et de limiter à un seul niveau cette activité de sous-traitance quitte à ce que l'entreprise donneuse d'ordre, c'est-à-dire le fournisseur d'accès, utilise plusieurs sous-traitants selon, par exemple, les secteurs géographiques, ou ses besoins.

L'accès à Internet n'est en effet, de nos jours, plus un luxe mais une nécessité. Nous n'avons d'ailleurs pas, collectivement, réalisé tous les impacts associés à la numérisation à marche forcée de notre société. Certes nous entendons parler de la fracture numérique, mais qu'en est-il de la dématérialisation totale des factures, des bulletins de salaire, et autres pièces administratives que nous conservions jusqu'à présent au format papier et qui nous sont maintenant systématiquement proposés au format numérique ? Nos concitoyens sont-ils parfaitement formés aux stratégies de préservation des données numériques ? Et la technique permettra-t-elle dans 30 ou 40 ans de lire le format des documents que nous conservons aujourd'hui en vue d'un éventuel usage ultérieur ? Je n'en suis pas certain.

Enfin un mot pour dire que nombre de systèmes de sécurité requièrent la présence d'un boîtier Internet et d'une ligne téléphonique fonctionnelle. Je pense à certaines des alarmes de télésurveillance des domiciles, mais également à certains des systèmes d'appel d'urgence mise à disposition de nos anciens en cas de problème de santé. Là aussi, il me semble que des dispositions réglementaires visant à obliger les fournisseurs d'accès à une continuité de service devrait être mises en place et surtout appliquées rapidement.

Il me semble bon de rappeler pour conclure que Bouygues, Free, Orange, SFR, etc., ont tous une obligation de résultat. Ceci implique que la responsabilité du fournisseur d'accès est engagée automatiquement en cas de non exécution du contrat qui les lie à leurs clients,
et notamment dans le cas d'une interruption d'accès à l'Internet, voire même d'un débit très différent du débit contractuel, et ce sans que le client n'ait à prouver quoi que ce soit. À bon entendeur !


Crédit illustration :

Sébastien Dumoulin. Orange embarrassé par la crise de son principal sous-traitant. Les Echos. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/orange-embarrasse-par-la-crise-de-son-principal-sous-traitant-1397947