jeudi 29 juillet 2021

LE SIAL : SAISON 1, EPISODE 4 !



J’ai enfin eu accès au « rapport des délégataires », document contractuel qui fournit aux élus et aux citoyens qui en ferait la demande (en théorie) les informations sur la façon dont fonctionnent les services publics délégués à des entreprises privées. J’en ai fait une lecture attentive ; je la retranscrits ici.

Cela n’a pas été simple puisque le SIAL, présidé par un élu forgeois, n’a jamais répondu à mes demandes, même après la saisine de la CADA (commission d’accès aux documents administratifs) et de nouvelles demandes. J’ai donc eu recours à des artifices, parfaitement légaux ceci dit, pour obtenir ce document. Il faut savoir que cette non réponse est une des marques de fabrique du SIAL, le syndicat ne répondant pas, non plus, aux courriers des administrés demandant un remboursement des sommes perçues par anticipation au titre de l’assainissement, lors de l’émission de la facture d’eau. Avant d’examiner le rapport, quelques mots donc sur ces remboursements. Lorsque vous payez votre facture d’eau par prélèvements mensuels, vous faites en réalité une avance sur votre consommation. Le montant correspond à peu près à la moyenne des consommations des quatre années antérieures. Si des variations à la hausse ou à la baisse ont été constatées avant la facturation annuelle, celles-ci apparaîtront sur la facture sous forme de compléments à payer ou, au contraire, de sommes à rembourser. Cependant, la régie eau Ouest Essonne ne fait que collecter les montants relatifs à l'assainissement qu'elle reverse intégralement aux entités publiques ou privées qui assurent l'assainissement de chaque commune. Ainsi dans le cas d'une rupture de contrat, par exemple lors d'un déménagement, la régie ne rembourse que la partie fourniture d'eau potable, de son ressort. Dans le cas de la commune de Forges, il convient de se retourner auprès du SIAL pour le remboursement de la partie SIAL et du délégataire SUEZ de l’assainissement. Or, selon le témoignage de certains particuliers, que j’ai pu vérifier, le SIAL refuse de rembourser les sommes dues. C'est anormal !

Passons au rapport des délégataires. Comme je l’indiquais dans les précédents articles sur le sujet (1, 2), le rapport confirme que les membranes d'ultrafiltration doivent être changées. Le rapport relève aussi la présence d'eaux claires parasites dans les eaux usées traités. Comme je l'expliquais plutôt, ces eaux claires proviennent soit d'entrées d'eau des nappes dans le réseau d'assainissement au niveau de canalisations endommagées (souvent par des racines d'arbres ou de petits mouvements de terrain), soit du branchement de gouttières dans le réseau d'eaux usées, alors que celle-ci devraient être dirigées vers le réseau d'eaux pluviales. La conséquence de cela est que l'usine fonctionne pour épurer des eaux qui n'ont pas besoin de l'être. Ceci fatigue certains composants de la station, tels que pompes et membranes, et surtout cela accroît les consommations électriques de l’usine. Il faut cependant regarder les chiffres qui sont indiqués dans ce rapport. Le volume d’eau claire parasite arrivant à la station de Briis est estimé à 30/33 % des eaux traitées de la station. Donné comme cela, ce chiffre peut paraître important mais il doit être comparé aux valeurs que l’on retrouve en moyenne sur d’autres réseaux d’assainissement. Dans une étude menée sur plus de 30 stations du land de Bade-Wurtemberg, des auteurs montrent que sur certaines stations, par temps de pluie, l’arrivée d’eau claire parasite représente 700 % (sept cents pour cent) des arrivées d’eaux usées (3). D'autres auteurs indiquent que sur l’ensemble de ces stations, sur l’ensemble de l’année, 65% des eaux traitées sont des eaux claires parasites (4). En Suisse, dans le Valais, les valeurs moyennes se situent autour de 60 % d’entrée d’eaux claires parasites alors que la moyenne suisse se situe autour de 32% (5). En France, de mémoire et n’arrivant pas à retrouver la référence, la plupart des valeurs sont comprises entre 30 et 80%. Certains considèrent même que 30 % d’entrée d’eau claire parasite est une valeur négligeable (6). A mon sens, dans notre territoire, il faut néanmoins viser une réduction de cette valeur de 30%, tout en sachant qu’il sera difficile d’arriver à des pourcentages d’entrée d’eaux claires à un chiffre, sauf à dépenser des dizaines de millions en travaux qu’il faudra imputer sur les factures d’eau. Il y a donc là un équilibre économique et environnemental à trouver...

Le deuxième point que met en avant le rapport des délégataires est que la station de Briis fonctionne bien en termes de réduction de la charge organique des eaux usées, que ce soit sur les paramètres carbone, azote, phosphore et matières en suspension. Les rendements d’épuration sont en moyenne au delà de 95% (certains « tutoient » même les 98%), sauf pour le phosphore, mais pour ce dernier composant, les rendements épuratoires restent largement dans les normes. Il y a eu quelques déversements dans le milieu naturel (moins de 1% des volumes), liés à des pannes ou aux périodes de grand froid qui réduisent la vitesse et donc l’efficacité de traitement des eaux. Ces déversements restent tolérables, même si l'on doit viser le 0 défaut, ce qui est de toutes façons toujours difficile à atteindre dans une usine comme la station d'épuration de Briis.

Globalement, il est donc urgent de changer les membranes. C’est d’ailleurs ce que préconise le délégataire. Malgré les lavages par refoulement, ou à l’hypochlorite ou à l’acide, leurs capacités de filtration sont sensiblement réduites. Ces membranes ont maintenant presque 11 ans (de mémoire), alors que leur durée de vie est estimée entre 4 et 8 ans par le fabricant... Il est important de noter que le fait d’avoir différé le changement des membranes ne résulte pas d’une décision du seul président de la précédente mandature. Il s'agit d'une décision collective de l’ensemble des délégués des communes composant le SIAL. La décision concernant le changement futur de membranes, comme celle concernant les renouvellements de certains équipements de la station de Briis comme préconisés dans le rapport des délégataires, devront donc faire l’objet d’une décision, là aussi collective, au sein du SIAL. Cela ne peut se produire que sous deux conditions. La première est qu’il y ait bien des réunions du comité intersyndical, ce qui ne semble pas vraiment à l’ordre du jour. La seconde est que le SIAL dispose d’un budget, ce qui n’est toujours pas le cas.

À ce stade il convient donc de tordre le cou à deux éléments de langage qui constituent la ligne de défense de certains élus Forgeois, entendus lors de conseil municipaux. Premièrement, le trou budgétaire du SIAL n’est pas lié au fait que la régie eau Ouest Essonne n’ait pas reversé le montant des taxes d’assainissement dues. Comme je l’expliquais précédemment, la régie est dans une situation assez ubuesque où elle continue, avec l’accord de la trésorerie et de la sous-préfecture, de prélever les taxes d’assainissement, qu’elle ne peut reverser au SIAL précisément en raison de l’absence de budget et de convention. Le reversement intégral interviendra bien sur dès la mise en place du budget d'assainissement. Deuxièmement, ce n’est pas parce que l’on constate des entrées d’eaux claires parasites (de faible intensité et dans les valeurs basses des réseaux, comme je l’ai expliqué) que les membranes sont à changer. Ceci peut avoir contribué à un surcroît d’usure, mais ces membranes sont fatiguées parce qu’elles ont plus de 10 ans, et qu’elles ont largement dépassé maintenant leur durée de vie standard. Accuser des entrées d’eaux claires parasites de tout les maux est une absurdité et une façon pour certains élus de masquer leur incompétence. Elles ne sont en effet pas responsables de l’absence de réunion intersyndicale, pas responsables de l’absence de décision, et pas responsable de l’absence de budget au SIAL.


Références :

1. Histoires d’assainissement. II. Quel avenir pour le SIAL ? Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/04/histoires-dassainissement-ii-quel.html

2. Le SIAL en eaux très, très troubles... Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/05/le-sial-en-eaux-tres-tres-troubles.html

3. Brombach et coll., 2003. Cité dans : De Bénédittis, J. (2004). Mesurage de l’infiltration et de l’exfiltration dans les réseaux d’assainissement. Thèse de doctorat INSA-Lyon.
Consultable en ligne :
http://theses.insa-lyon.fr/publication/2004ISAL0023/these.pdf

4. Weiss et coll., 2004. Cité dans : De Bénédittis, J. (2004). Mesurage de l’infiltration et de l’exfiltration dans les réseaux d’assainissement. Thèse de doctorat INSA-Lyon.
Consultable en ligne :
http://theses.insa-lyon.fr/publication/2004ISAL0023/these.pdf

5. Anonyme. Encore trop d'eau propre dans les stations d'épuration valaisannes. RTS. Août 2016.
Consultable en ligne :
https://www.rts.ch/info/regions/valais/7947322-encore-trop-deau-propre-dans-les-stations-depuration-valaisannes.html

6. Anonyme. Diagnostic et schémas généraux d’assainissement collectif. Syndicat des trois rivières.
Consultable en ligne :
http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/synth_se_lupe.pdf


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Rapport des délégataires du SIAL. 2020.

lundi 26 juillet 2021

ANTE ELECTIONIBUS. I. LA VALEUR TRAVAIL.



Je commence très en amont une petite série d’articles en vu de la campagne des élections présidentielles. Je m’attends à une campagne où certains thèmes vont ressortir, tels que le travail et son organisation, le chômage et son indemnisation, la sécurité, les retraites, etc. S’il me semble important de démêler le vrai du faux en termes de sécurité sanitaire, il me semble au moins aussi important d’en faire autant en regard des poncifs que certains des candidates et candidats sont déjà probablement en train d’élaborer avec leurs équipes...

Premier poncif donc, sur lequel je voulais écrire depuis un moment, la soi-disant « valeur travail ». Cette notion, qui considère que le travail constitue une valeur morale, est vieille comme le monde. Déjà, chez les Grecs, le travail de force était réservé aux esclaves, alors que le travail intellectuel était l’apanage de l’homme libre. On trouve aussi ceci en filigrane dans la Bible « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ». Cependant, la montée en puissance de ce concept s’est produite concomitamment au développement de la mécanisation, passage d’une France agricole et artisanale à une France industrielle. Le philosophe Emmanuel Kant ne disait-il pas : « la meilleure façon de jouir de la vie est le travail : c’est une délivrance profonde, qui réalise l’homme, lui permet de s’épanouir en sa liberté, qui l’arrache à l’ennui pour le conduire à saisir profondément l’intérêt pratique, qui vivifie sa raison, et enfin le mène à la joie. La vie possède un sens, une valeur et par l’action, par le travail, l’homme ordonne le temps au lieu de le subir et il donne un sens à son existence ». On retrouvera des années plus tard les avatars de cette conception philosophique, « le travail rend libre », à l’entrée des camps de concentrations nazis et dans une moindre mesure au niveau de l’Etat français de Vichy, avec son célèbre motto : « travail, famille, patrie ».

Ceci posé, le retour en force de la notion de « valeur travail » s’est opéré via les dires d’un ancien président de la République, M. Nicolas Sarkozy, qui souhaitait placer ce concept au centre de sa campagne électorale de 2012 (1). Cette vision des choses propose donc que le travail soit une valeur morale. Or cette vison des choses est - à mon avis - largement erronée. Dans le cadre de la préparation de cet article, j’ai été particulièrement intéressé par les propos de M. André Comte-Sponville, philosophe, qui a magistralement démontré qu’il n’y a pas de valeur morale du travail. Je souhaite donc rendre à César ce qui lui appartient, et les éléments de raisonnement que je présente ci-dessous sont directement issus de plusieurs de ses conférences en ligne*. Premier élément : comme je l’écrivais plus haut, le travail serait devenu pénible en raison d’une punition divine « Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : tu n'en mangeras point ! Le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie ». Comment dès lors élever le travail à la hauteur d’une valeur morale ? Deuxième série d'éléments centraux : pourquoi existe-t-il des vacances ? La générosité, l’honnêteté et les vertus morales partent-elles en vacances ? La réponse est non. En lien, si le travail est une valeur morale, pourquoi le rémunère-t-on ? Rémunère-t-on la gentillesse, l’honnêteté, et d’une façon générale la vertu ? Là aussi, et bien évidemment, non. On ne paye personne pour être honnête ou juste. Troisième point : ni les salariés, ni l’entreprise ne recherchent du travail. Les salariés espèrent un revenu, qui leur permettra de vivre plus ou moins heureux. Les salariés sont donc à la poursuite du bonheur, pas du travail. Quant aux entreprises, elles ne recherchent pas le travail non plus, mais le profit. Dans nos sociétés, personne ne recherche donc le travail pour le travail. Comme le résume M. Comte-Sponville : « le travail en lui-même ne vaut rien, c’est pour cela qu’on le paye. Le travail n’est pas un devoir, c’est pour cela qu’il a un prix ». Et il ajoute malicieux, « et c’est pour cela qu’il doit avoir un sens » !

Reste donc à comprendre pourquoi le poncif de la « valeur travail » risque de réapparaître dans la campagne électorale. A mon avis, pour deux raisons principales. La première est que ce concept s’inscrit dans la droite ligne de la pensée des partis libéraux et de la droite dure, dont il me semble même intellectuellement constitutif. Comme le dit Mme Diana Filippova (auteure et femme politique) : « la moralisation du travail est - et a toujours été - le meilleur instrument de contrôle physique, psychologique et social des hommes ». Cependant, à mon sens, la raison principale est que la notion de valeur morale du travail permet de justifier nombre des mesures antisociales que des candidats d’obédience libérale pourraient proposer, telles que la réduction des indemnités de chômage, ou la subordination du bénéfice d’aides sociales à un travail dit d’intérêt général. Le raisonnement est le suivant : puisque les chômeurs ne travaillent pas, c’est qu’ils n’adhérent pas au dogme moral de la valeur travail. Ils en deviennent amoraux, et puisqu’ils sont amoraux, il n’y a aucune raison pour la société les aident, et en tous cas pas sans contre partie...laborieuse.

Evidemment, cette vision manichéenne occulte volontairement le fait que la très grande majorité des chômeurs préféreraient travailler pour disposer de revenus stables, mais que cela ne leur est pas permis dans la société actuelle, en particulier parce que la quantité de travail disponible diminue. Ce point a été théorisé par M. David Graeber, anthropologue de renommée à la London School of Economics, qui décrit l’avènement des « bullshit jobs » (3), littéralement boulots de merde, qu’il définit comme « une forme d'emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu'il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu'il n'en est rien ». Avec un corollaire paradoxal : plus un travail est utile à la société et moins il est payé. Ce constat est partagé par Ms. Gérard Amicel et Amine Boukerche, tous deux philosophes, quand ils écrivent « L’idéologie du mérite est une hypocrisie cruelle quand la valeur économique d’un emploi est inversement proportionnelle à sa valeur sociale » (4). Selon eux, et je suis là aussi en accord avec leur analyse « La valeur travail s’inscrit dans un univers fantasmé. [...] Les discours puritains sur « le sens de l’effort » ne résoudront pas les difficultés économiques et sociales de notre époque. Ils visent au contraire à les masquer ». A mon sens, un candidat à la présidence de la République responsable devrait donc plutôt nous proposer un projet global, centré sur les alternatives permettant d’échapper à l’illusion qu’est la valeur travail. Nous verrons ce qu’il en est.

* voir par exemple :
Conférence de rentrée Audencia Grande Ecole (2011)
https://www.sam-network.org/video/sens-du-travail-bonheur-et-motivation?curation=738.8 


Références :

1. Solenn de Royer. Nicolas Sarkozy défend la «valeur travail». Le Figaro. Février 2012.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/presidentielle-2012/2012/02/22/01039-20120222ARTFIG00666-nicolas-sarkozy-defend-la-valeur-travail.php

2. Diana Filippova. Lâchez-nous avec la valeur travail ! Lettre ouverte aux élus, dirigeants, syndicats, philosophes, économistes et tous les autres. La Tribune. Juillet 2014.

3. Bullshit jobs. Page Wikipedia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bullshit_jobs

4. Gérard Amicel et Amine Boukerche. Autopsie de la valeur travail. A-t-on perdu tout sens de l’effort ? Editions Apogée (168 pages). Mars 2020.

On pourra aussi consulter cette référence intéressante :

Dominique Royer. Qu'en est-il de la « valeur travail » dans notre société contemporaine ? EMPAM et Cairn.info. Février 2002.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-empan-2002-2-page-18.htm


Crédit illustration :

Grandeur et décadence de la valeur travail
Agoravox - Loup Rebel (son site)
Avril 2013

vendredi 23 juillet 2021

LA FETE DES VOISINS DEVIENT
« PAYANTE ». MERCI À QUI ?



La fête des voisins est un moment de convivialité globalement très apprécié dans la commune. Cela pourrait cependant bientôt changer !

Pour contribuer à l’événement festif qu’est la fête des voisins, l’ancienne municipalité mettait à disposition gratuitement barnum, tables et tréteaux, ainsi que nappe papier, t-shirts, biscuits apéritif selon les années et selon les partenaires associés. A charge aux voisins de déplier, organiser, puis nettoyer et ranger ces matériels prêtés par la commune.

Tout cela pourrait bien être une époque révolue, tout au moins si on en croit ce qui a été annoncé au dernier conseil municipal de Forges. Lors des questions du public, les élus de la majorité ont indiqué que dorénavant, il conviendrait de louer à la commune les matériels destinés à la fête des voisins, sans encore préciser lesquels. Pour mémoire, celle-ci a été reportée cette année au 24 septembre 2021.

Cela me navre, mais ne m’étonne que peu. Nombre d’élus semblent considérer finalement les associations comme des centres de dépenses. Plus grave, beaucoup n’ont pas compris que le dynamisme d’une commune résulte d'une démarche du bas vers le haut (bottom-up comme on dit en nov’langue) et non pas de l'imposition à la population, à marche forcée, des projets de quelques élus. D'ailleurs, le rôle des élus est d’accompagner la démarche bas vers haut, et non pas de la censurer ou de la transformer en centre de profit... 
 
D'une façon plus générale, il suffit de constater la désinvolture, pour ne pas dire le mépris avec lequel certaines associations, et au travers d’elles les citoyens, sont traitées pour mesurer l’énorme incompréhension de la municipalité. Cette incompréhension est également visible dans le financement sur projet des associations. Ce n’est pas à la commune, en effet, de choisir les projets au sein des associations, ce n’est pas non plus à elle d’orienter leurs choix par le biais d’une sorte de « chantage au financement ». Dans ce cadre, je ne m’étonne donc pas que la municipalité envisage de faire payer la location des matériels pour la fête des voisins, même si les voisins, c’est à dire nous Forgeois, avons permis l’achat de ces matériels via le payement de nos impôts dits locaux. Cette volonté s’explique à mon sens par le fait que nombre des nouveaux élus n’ont pour la plupart jamais eu de responsabilités événementielles citoyennes, ou associatives majeures. Reste que cette volonté est parfaitement délétère pour la commune.


dimanche 18 juillet 2021

NOUS NE SOMMES PAS EN DICTATURE !

 L'imposition d'une vaccination obligatoire pour les personnels soignants, comme la mise en place d'un passe sanitaire, n'ont strictement rien à voir avec les décisions d'un état totalitaire. Les récentes manifestations dénonçant un soi-disant régime dictatorial dans notre pays s’insupportent donc au plus haut point.

Je dis cela d'autant plus tranquillement que je ne suis en aucun cas un défenseur de l'actuel gouvernement. Je continue de penser que notre président, M. Emmanuel Macron, a été élu suite à une campagne médiatique qui l'a largement favorisé, qu'il est soutenu par le monde des grands groupes financiers et industriels, et qu'il représente donc avant tout les intérêts d'une classe dirigeante dont les préoccupations sont tout, sauf axées vers la solidarité. Je n'oublie pas que, selon lui, les aides sociales « coûtent un pognon de dingue », que les ouvriers licenciés de leur entreprise après des dizaines d'années de fidélité « ... au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes », et qu'une gare « c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». J'y ajoute les propos scandaleux tenus par certains de ses ministres, M. Gérald Darmanin en tête, la mise en examen récente du Garde des Sceaux, Me. Eric Dupont-Moretti, et les soupçons de conflits d'intérêt de nombreux membres du gouvernement ou des proches, dont Ms. Sébastien Lecornu, Jean-Paul Delevoy, Alexis Kohler, pour n'en citer que quelques uns. Rien de tout cela me place donc pas dans la liste des soutiens des marcheurs et de leur leader, mais tout cela confirme que nous ne sommes pas en dictature. C'est en effet parce que je peux écrire ces mots sur mon blog, citer des noms, critiquer librement sans craindre de voir débarquer la gendarmerie, la sécurité intérieure, ou une quelconque milice à ma porte, c'est parce que la justice enquête et condamne les politiques corrompus, y compris les présidents de la République, même si cela est long et compliqué, que nous nous ne vivons pas dans un état totalitaire. Les actuels manifestants s'estimant être des « lanceurs d'alerte » ou des « résistants » feraient donc bien de nuancer leur propos, d'autant que plusieurs d'entre eux ont proféré des menaces de morts contre des élus, des politiques, ou des médecins ayant exprimé leur soutien à la politique vaccinale...

Je n'oublie pas non plus les couacs, pour ne pas dire les errements de nos élites sur la question des masques ou du reconfinement, et la politique délétère menée depuis des lustres envers l'hôpital public. Reste qu'en regard de la vaccination, je soutiens les positions gouvernementales. Sur ce sujet mon avis est très clair : la vaccination est un moyen efficace et globalement sur de prévenir le développement de certaines maladies. Cet avis se fonde sur l'expérience que nous avons acquise sur le sujet, depuis les débuts de cette technique, il y a plus de 220 ans maintenant. En incidente, contrairement à une idée reçue, ce n'est pas Louis Pasteur qui a découvert la vaccination (lui a développé le vaccin contre la rage) mais Edward Jenner, médecin et scientifique britannique, qui le premier a utilisé de façon très artisanale cette technique*, dans sa recherche d'une protection contre la variole. On oublie, puisque cette maladie est maintenant totalement éradiquée, et ce grâce à la vaccination, que la variole était responsable encore au XVIIIeme siècle, de dégâts considérables. La moitié de la population des campagnes était contaminée, et sur cette population malade, entre 20 et 30% des patients décédaient, et une bonne partie de ceux qui en guérissaient se retrouvaient défigurés. Outre le cas emblématique de la variole, maladie ayant aujourd'hui disparu de notre planète, la poliomyélite a été également éradiquée de tous les pays occidentaux depuis 20 ans, grâce à la vaccination, et il en est de même dans de très nombreux pays malgré des campagnes de désinformation menées par des associations aux objectifs louches. Ne reste qu'une vingtaine de pays, dont le Pakistan, l'Afghanistan, le Tchad et le Congo, où une dizaine de cas par an sont détectés.

Les succès vaccinaux sont effectivement nombreux : on pourrait aussi citer le tétanos, dont le vaccin protège à 100% pour autant que les rappels aient été effectués. Ainsi en France on est passé de plus de 1 000 cas par an, souvent mortels, à une dizaine en moyenne, affectant dans 95% des cas des patients non vaccinés ou ayant oublié leur rappel. On pourrait faire le même constat pour la diphtérie (mon premier sujet de stage à l'Institut Pasteur !) ou l'hépatite B (un peu moins d'un million de décès par an dans le monde) dans les pays d'Afrique où la maladie est endémique et souvent transmise de la mère à l'enfant lors de l'accouchement. Pour l'hépatite B, l'efficacité peut être évaluée via la situation américaine où le nombre de cas par année est passé de 25 000 à moins de 2 500 dès lorsque la vaccination infantile a été implémentée. Et là encore, on ne connaît pas toujours la situation vaccinale des malades contaminés.

A partir de ces données, je ne peux que soutenir la proposition d'obligation vaccinale relative à la CoViD19.  Tout d'abord, les vaccins homologués sont, on le sait maintenant que l'on vaccine en masse depuis une année environ, sûrs en regard des risques de court terme. Je rappelle que la population mondiale vaccinée représente à ce jour plus de 2 milliards d'individus (dont 1 ayant reçu deux injections). Un recul de long terme est aussi disponible pour les vaccins utilisant la technologie adénovirale. Certes ce recul manque pour les vaccins à ARN qui constituent une nouveauté, même si ils n'ont pas été développés en moins d'un an comme on l'entend. Cela fait en effet plus d'une dizaine d'années que la mise au point de cette technique est en cours. Mais si la crainte est là et si ce sont la peur de la nouveauté et une mauvaise interprétation du principe de précaution qui l'expliquent, on aurait alors du refuser de passer des IRM au motif que l'on ne connaissait pas les effets de long terme de l'exposition aux champs magnétiques hyper-intenses, ou refuser tout traitement novateur, dont on ne voit tous les bénéfices que des années plus tard...

Bien entendu, pour tous vaccins, des risques d'effets secondaires bénins ou plus graves, existent. Pas un médecin ou un scientifique sérieux ne niera l'existence des risques vaccinaux. Mais la classique analyse risque vs. bénéfice est assez systématiquement (et lourdement) en faveur du vaccin anti SARS-CoV2. Je pense donc que compte tenu de la sévérité épidémique, une vaccination obligatoire de la population, est nécessaire. Elle a aussi à mon sens l'avantage d'être moins « hypocrite » que la mise en place d'un passe sanitaire.  Un mot pour les personnels soignant : alors que ceux-ci ont été - et sont toujours - en première ligne, j'avoue ne pas comprendre la position de ceux qui refusent la vaccination. Je rappelle que plusieurs vaccinations sont obligatoires pour ces personnels, dont la vaccination anti-hépatite B, ce qui a d'ailleurs permis une baisse drastique des cas de cette maladie parmi la population hospitalière. Je trouve néanmoins cette obligation faite aux soignants «‑ stigmatisante », ce qui me renforce dans l'idée de proposer une obligation vaccinale pour l'ensemble de la population générale à risque. Je rappelle là aussi que cette population générale est d'ores et déjà soumise à obligation vaccinale, en France, ou en vu de séjours à l'étranger, particulièrement si l'on se rend en Afrique... Rien de neuf donc sous le soleil et rien de dictatorial là dedans, désolé !

Il resterait à expliquer pourquoi il existe une opposition vaccinale forte, en particulier en France. Les raisons de cette opposition sont diverses, relevant plus de la politique, de la sociologie, de croyances, que de données scientifiquement établies. J'y reviendrai sans doute plus tard, tant cela mérite un article complet. 

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* Jenner avait constaté que les fermières qui trayaient les vaches ne développaient pas la variole. Il avait utilisé comme source vaccinale du pus prélevé d'une pustule d'un animal malade de la variole de la vache, maladie appelée vaccine (d'où le nom vaccin apparu ensuite). Celle-ci est causée par un virus proche de celui de la variole humaine, mais non pathogène pour l'Homme. Avec ce pus prélevé, il avait scarifié le bras d'un patient au moyen d'une branche d'un arbuste épineux dit-on... Succès ! Mais question sécurité expérimentale, c'était clairement : « autres temps, autres moeurs » !


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https://www.blagues-et-dessins.com/tag/blague-port-du-masque


samedi 17 juillet 2021

VALSE DES PERSONNELS COMMUNAUX :
ON REPART POUR UN TOUR !

 Dans des articles antérieurs (1-3), j'expliquais les mouvements des personnels communaux associés, pour certains d'entre eux, à un malaise certain lié à leurs relations dégradées avec des élus, ou avec des cadres. Or, un des cadres majeurs de la commune, le directeur général des services (DGS), pourtant récemment recruté, s'apprête à quitter Forges. Explications.

Le DGS est un élément central de l'administration communale puisque c'est lui - ou elle - qui met en musique, en quelque sorte, les orientations politiques voulues par les élus, en s'assurant entre autres du respect des règles de procédures. Le départ en retraite de notre ancien DGS avait conduit la nouvelle municipalité à faire appel à un cabinet de recrutement pour identifier son remplaçant. Le coût de cette recherche s'était alors élevé à 7000 euros TTC environ. Or, pendant le temps nécessaire à celle-ci, la commune a du faire appel aux services d’un fonctionnaire du centre intercommunal de gestion (CIG), dont la rémunération est bien entendu resté à la charge des finances communales. J'avais estimé ce coût autour de 4 à 5000 euros HT, soit environ 5500 euros TTC. L'ensemble de « l'opération DGS » aura donc amputé le budget de quelques 12000 euros. Je précisais que tout cela aurait pu pourtant se faire à coût quasi nul car la précédente mandature avait commencé à former un cadre communal aux fonctions de DGS, en interne, et un tuilage aurait pu être effectué... C'était probablement trop simple.

Il se trouve que parmi les candidats au poste de DGS identifiés par le cabinet de recrutement, c'est in fine la nouvelle municipalité et, plus précisément, un tout petit nombre de personnes proches de Mme. la maire qui ont choisir le récipiendaire du poste. Pourtant plusieurs éléments dans le CV de ce candidat, que je ne détaillerai pas ici, auraient du mettre la puce à l'oreille de nos élus, et allumer au dessus de leur tête des feux clignotants. Mais non ! Surprenant quand même, quand on voit que plusieurs d'entre eux ont eu des responsabilité de gestion de personnel en entreprise !

Le moins que l'on puisse dire est que le nouveau DGS n'avait pas fait l'unanimité au sein des personnels municipaux, ni même parmi certains élus. J'ai d'ailleurs cru comprendre que le DGS a été poussé vers la sortie par certains des mêmes élus qui l'avait recruté. J'ai enfin appris que cette personne recherche – et aurait trouvé – un nouveau poste dans un grand département voisin, plus à l'est. Il va donc falloir rependre le dossier DGS à zéro. A quelle échéance la commune disposera-t-elle de ce cadre important ? Mystère*. Et quel sera le nouveau coût pour nos finances ? Surprise ! En revanche, en termes de fonctionnement administratrif, c'est, comme le disait le caporal Diaz, un des opposants au général Alcazar dans Tintin, « Caramba, encore raté » !


* Note ajoutée le 23 juillet 2021 :

Lors du dernier conseil municipal de Forges, l'arrivée d'un nouveau DGS a été annoncée pour octobre 2021. A suivre donc.



Références :

1. Cascade de départs parmi les cadres communaux de Forges Les Bains. Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2020/10/cascade-de-departs-parmi-les-cadres.html

2. Ambiance, ambiance. Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/01/ambiance-ambiance.html

3. Partir... Ce blog
https://dessaux.blogspot.com/2021/03/partir.html

 

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Hergé. Tintin: l'oreille cassée.
Pris sur le site Pop-analyse
Consultable en ligne:
http://popanalyse.over-blog.com/article-l-oreille-cassee-5-3-caramba-encore-rate-113857887.html

 

 

mardi 6 juillet 2021

LES LIMITES DE L’ACTION PUBLIQUE



Pour garantir à la fois un traitement équitable des citoyens, et un usage raisonnable des fonds publics, la loi encadre assez rigoureusement les opérations qu’une commune ou un établissement public de coopération intercommunal (ou un syndicat intercommunal) peut mener en zones privées. Exemples à Forges.


Le premier cas que je souhaite présenter est le balayage des voiries privées. Certains de mes interlocuteurs m’ont assuré du fait que certaines voiries privées de la commune étaient nettoyées par les services techniques, avec passage de la balayeuse. Je peux comprendre ceci lorsque cela se produit de façon très ponctuelle après un orage violent ou des inondations, par exemple, ne serait-ce qu’au titre de la solidarité locale. Egalement, dans ce cas de conséquence d’intempéries, la responsabilité municipale pourrait être mise en cause pour des raisons de sécurité ou de salubrité publique si le nettoyage n'était pas assuré. Ceci est d'ailleurs cadré par le code général des collectivités territoriales. Cependant, lorsque ce nettoyage est récurrent et effectué par les services techniques de la commune, la donne change. Si effectivement un maire peut faire nettoyer une voirie ou un espace privé (zone verte par exemple) par la commune, cette possibilité ne s’applique que de façon limitée, par exemple dans le cas où cet espace ou cette voirie est ouvert au public et/ou permet un accès entre deux espaces publics. Dans les autres cas, ce qui ressemble fortement à la mobilisation de moyens publics au seul profit de propriétaires privés n’est pas autorisé. Ainsi le balayage d’impasses privées, dont l’usage est quasi-exclusivement réservé aux riverains, ne peut être réalisé par la commune, sauf convention autorisant la fourniture de ce service à titre onéreux.

Deuxième cas : il semblerait que la commune ait fait procéder sur un terrain appartenant à un propriétaire privé au creusement d’un fossé de grande dimension à proximité de la départementale en sortie est du bourg (voir photo). La motivation serait la crainte de voir s’y installer prochainement des « campeurs », comme c’est assez fréquemment le cas à Forges en été. Que je sois clair : l’installation de caravanes est une plaie pour les communes car elle génère l’usage inapproprié des poteaux de défense incendie, et des branchements sauvage sur le réseau électrique, donc des vols d’eau et d’électricité, avec les risques de coupure que nous avons connus au cours des années précédentes. La population des campeurs est par ailleurs très au fait de la loi, ce qui fait qu’il est nécessaire, malgré l’aide des services préfectoraux, avoir recours à des décisions de justice en référé pour ordonner les expulsions, ce qui prend au mieux 10/12 jours. Je sais de quoi je parle, pour voir eu dans le passé à gérer deux fois ce genre de problème y compris au tribunal administratif...

Ceci posé, le creusement de ce fossé est destiné à protéger un espace privé contre l’arrivé de caravanes ne rentre pas dans le cadre des prescriptions des articles L2212-1 et -2 du code général des collectivités territoriales, ni dans les décisions du conseil d’Etat en matière de sécurisation des espaces privés par une commune. Comme je l’indiquais plus haut, la condition essentielle pour que cette sécurisation soit effectuée par la commune est que l’espace en question, même privé soit ouvert à un usage public, ce qui n’est pas le cas d’un champ, que celui-ci soit cultivé ou même laissé en jachère. Me fondant sur la distance creusée et la largeur de la tranché, à raison au minima de 500 euros du mètre linéaire, j’estime le montant des travaux effectué au bénéfice du propriétaire foncier entre 6 et 8 000 euros. Dans ces conditions, et dans un contexte d’une stricte application de la loi, la réalisation de ces travaux sous financement communal pourrait s’apparenter à un détournement de fonds publics, délit sanctionné au titre de l’article 432-15 du code pénal.

On voit bien, au travers de ces deux exemples, que la frontière entre espace privé et espace public reste, en matière de police communale, parfois floue. On touche bien là les limites de l’action publique.


samedi 3 juillet 2021

BIEN PUBLIC, TRICHEURS
ET TRAGÉDIE DES COMMUNS


Je me méfie de l’application de concepts scientifiques, particulièrement écologiques et génétiques, à notre société. Ainsi, la notion de sélection darwinienne, appliquée à notre monde, permet à certains de justifier pour faire simple l’existence  « des forts et des faibles », les plus faibles devant disparaître au motif de leur mauvaise adaptation à une société compétitive. C’est nier tout simplement l’objet principal de notre civilisation, qui est justement de protéger le plus faible contre le plus fort tout en maintenant la liberté de chacun... 

Il existe cependant des concepts d’écologie qui trouvent leur pendant dans notre monde. J’en citerai deux, liés, à savoir les concepts de bien public et de tricheurs. Dans la nature, la coopération et l’altruisme ne sont pas l’apanage des seuls organismes dits supérieurs. Ces comportements sont en effet également retrouvés parmi des organismes dits primitifs, tels que bactéries ou champignons. Ainsi, la production d’antibiotiques par une population d’un micro-organisme est un processus coopératif, qui conduit à la fourniture d'un bien public pour cette population, dans la mesure où cette production permet de limiter la croissance d’autres micro-organismes compétiteurs. Il en va de même pour des toxines produites par un pathogène qui permettront d’affaiblir ou de tuer l’hôte de ce pathogène. Ces exemples sont loin d’être exhaustifs, mais je me limiterai à ces deux-là qui permettent de bien comprendre ce que recouvre la notion de bien public.

La production de ces toxines, de ces antibiotiques, et d’une façon générale la production de bien public a un « coût  » pour chaque individu de la population productrice. Ce coût est un coût au sens biologique, dans la mesure où chaque cellule qui produit le bien public doit utiliser son énergie et ses réserves pour cela. Il existe donc une pression sélective pour qu’au niveau d’un individu donné, celui-ci fasse l’économie de la production du bien public. En effet, même si cet individu s’affranchit de la production du bien public, il pourra toujours continuer à « profiter » de la production de ce bien par ses congénères. La toxine ou l’antibiotique produit par les autres tuera toujours les cellules de l’hôte ou les compétiteurs. De plus, cet individu, dénommé en écologie un tricheur, pourra utiliser ses ressources dévolues à la production du bien public pour son unique profit, ce qui le conduira, par exemple, à une croissance plus rapide que celle des autres membres de sa population. On voit alors le risque que se développe au sein d’une population une proportion de plus en plus importante de tricheurs, avec pour conséquence ultime la perte de la capacité de production du bien public, et donc la perte de compétitivité de la population concernée. Cette perte a été théorisée sous le nom de « tragédie des communs », notion mathématiquement et expérimentalement démontrée. Je cite ici un article scientifique récent que j’ai traduit (Smith P, SchusterM. 2019. Public goods and cheating in microbes. In Current Biology 29, R442-R447). « Une tragédie des communs se produit lorsque des individus placent leurs intérêts au-dessus de ceux de la communauté et exploitent une ressource commune jusqu'à ce qu'elle soit épuisée. Un exemple de ceci serait un pâturage public utilisé par quatre bergers pour faire paître leurs troupeaux de bétail. Le pâturage peut supporter huit vaches. Chaque berger installe d’abord deux vaches. Si un des bergers ajoute une vache à son troupeau, il n'y aura pas assez d'herbe dans le pâturage pour toutes les vaches, et la croissance de chacune des vaches sera réduite. Il est cependant dans l'intérêt de chaque berger d'ajouter des vaches à son troupeau, sachant qu'il a l'avantage d'avoir des vaches supplémentaires dans le pâturage, mais le coût du surpâturage sera alors partagé équitablement par tous les bergers. Pour cette raison, les bergers continueront d'ajouter des vaches à leurs troupeaux jusqu'à ce que la zone soit complètement sur-pâturée et incapable de supporter le développement des vaches ».

A priori, la production de biens communs semble donc - en regard du dogme de la sélection darwinienne - une situation instable dans une population, donc prompte à disparaître. Quelles sont les mécanismes qui font cependant que nombre de populations arrivent à maintenir la production de biens communs ? Sans rentrer dans les détails, il en existe deux, que je pourrais qualifier de carotte pour l’un, et de bâton pour l’autre. La carotte, c’est la mise en place de dispositifs favorisant les individus d’une population dits coopératifs, c’est à dire ceux qui continuent à produire le bien commun. Ainsi, dans certains cas, les coopératifs peuvent bénéficier d’un accès facilité aux ressources résultant de la production du bien commun. Ils peuvent également interagir davantage avec leurs congénères coopératifs, mettant ainsi sur la touche les non coopératifs. Le bâton, c’est la sanction des non coopératifs. On retrouve cela dans le cas de production de diverses toxines, dont les gènes impliqués dans la production sont intimement mêlés à ceux qui assurent la résistance à la toxine. Dans ce cas, la perte des gènes de production chez le tricheur ou leur inactivation entraîne assez fréquemment l’inactivation des gènes de résistance. Ce tricheur sera alors sanctionné puisqu’il ne pourra résister à la toxine produite par les membres coopératifs de sa propre population, ce conduit à sa disparition.

Il est, comme je l’écrivais plus haut, potentiellement dangereux d’appliquer certains des concepts d’écologie et de génétique à notre société. C'est daileurs ce que discute l'article du CNRS en référence (1). Ainsi, dans le cas de la tragédie des communs, vue par les économistes, seules deux solution s'imposent : la régulation étatique, ou la privatisation des parcelles, une pour chaque éleveur. Je ne peux cependant m’empêcher de penser, au travers des deux exemples que j’ai donnés, aux trop nombreux fraudeurs du fisc. La mise en commun du produit de nos impôts peut être considérée comme un bien commun, et les fraudeurs comme des tricheurs, au sens écologique du terme. Ces derniers ne participent en effet plus à l’effort de production du bien, mais profitent toujours de ce bien (au travers des dépenses publiques dont ils continuent de bénéficier). Il est intéressant de remarquer que nos sociétés ont mis en place des systèmes de lutte contre ces tricheurs, essentiellement du type sanction. Ces systèmes sont bien entendu indispensables, au risque de voir se développer le nombre des tricheurs et d’aboutir à une tragédie des communs. En me fondant sur les modèles biologiques que je décris, je me demande s’ils ne pourraient pas être doublés, pour plus d’efficacité, par des systèmes favorisant les individus coopératifs, un peu à l’image des assureurs qui réduisent les cotisations d’assurance des « bons » conducteurs... Si par un fabuleux hasard, l’une ou l’un de mes lecteurs avait l’oreille de M. Bruno Le Maire, qu’il n’hésite surtout pas à lui soumettre la question !


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Crédit illustration :

La tragédie des communs.
Wikipedia.
Sharon Loxton
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9296160

1. Voir également l'article CNRS:

A ce sujet, le renvoi vers cette page, et la mise en titre de celle-ci me valent une poursuite par l'auteur de la photo centrale... Il n'est pourtant pas interdit de procéder de la sorte.