mercredi 30 septembre 2020

LE TRAVAIL EST UNE ALIÉNATION


 







Pourquoi le cacher, je suis ce soir 30 septembre 2020, à 24 heures, à la retraite. J’aurais effectué quelques 41 années de travail comme chercheur, junior puis senior, et comme co-responsable de départements complets de recherche, essentiellement au CNRS. A 63 ans, ce sont dont 2/3 de ma vie que j’aurais passé au travail. Ce qui à mon sens mérite quelques réflexions sur ce sujet.

 

Disons le tout de suite, je m’estime chanceux d’avoir pu exercer une activité professionnelle « enrichissante » (intellectuellement, pas financièrement) qui m’a permis tout d’abord de faire ce que je voulais faire, d’œuvrer de la conception d’un projet à sa réalisation et la diffusion de ses résultats et de le faire dans un contexte où vos collègues sont à 95% des « gens bien ». J’ajoute aussi que la profession de chercheur vous met en contact avec une population toujours jeune d’étudiants, vous incitant à continuer d’apprendre tous les jours... Et comme je disais aux plus jeunes que j’ai formés « nous avons la chance d’être probablement les seuls personnes payées pour se tromper. Il y a néanmoins une contrepartie qui est de savoir pourquoi ». C’est effectivement la démarche dite essai-erreur qui est la base de l’activité scientifique. Enfin, dans le contexte de la fonction publique, j’ai eu la chance de connaitre une progression de carrière très favorable, mais celle-ci s’est faite sans avoir à « écraser les collègues au passage », donc d’une façon moralement acceptable en regard de mes standards personnels.

 

Malgré tout ce qui précède, je considère que le travail reste une aliénation puisque dans le rapport qui nous lie à notre employeur, nous "vendons" (donc nous aliénons) notre temps, notre force de travail. Comment nier, également, que l’échange de notre temps disponible, de notre force de travail contre de l’argent, ne constitue pas une sorte de contrat léonin, dans le sens où il très fortement déséquilibré en faveur de la personne, de la structure qui achète notre activité ? Déséquilibré, car nous ne sommes pas libres de travailler ou de ne pas travailler. Nous devons en effet vendre notre force de travail pour manger, nous habiller, nous protéger du froid, bref pour ne pas nous voir revenir à des conditions de vie qui seraient presque celles d’animaux, voire pour ne pas mourir - au moins au plan social - finalement. Dis comme cela, le travail n'est pas librement consenti et ne rend évidement pas libre ; il nous est totalement imposé.

 

Le contrat évoqué plus haut est aussi déséquilibré car in fine nous ne possédons pas le fruit de notre travail. Non seulement nous aliénons notre temps mais nous aliénons aussi le résultat de notre production, soit à un employeur privé, soit à en employeur public. Dans ce dernier cas, et c’est une consolation et la raison pour laquelle j’ai choisi une carrière dans la fonction publique, le produit de mon travail est devenu un bien commun, que j’espère profitable à tous. Dans le cas d’un employeur privé, en revanche, le produit du travail est monétisé par l'entreprise qui en tirera un profit dont le producteur (du cadre, à l’employé, à l’ouvrier) ne bénéficiera pas. En d’autres termes, la structure qui achète le temps de travail réalise une plus value sur le produit du travail, qui échappe au travailleur.      « Le produit est la propriété du capitaliste et non du producteur immédiat » disait justement Marx dans son ouvrage « Le Capital » (sur la vision marxiste du travail, et pour une bonne analyse, voir 1). C’est pour toutes ces raisons que Marx prônait la suppression de la propriété privée des terres, des moyens industriels et financiers, et l’autogestion de ces moyens de production. Or, et ce n’est qu’un avis personnel, si l’analyse marxiste du capitalisme est pertinente globalement, les propositions mises en œuvre pour y remédier sont plus que discutables. On l’a vu dans les économies communistes de l’ex-URSS, où le monde du travail s’est retrouvé sous la coupe d’un parti unique, d’apparatchiks tatillons, conduisant finalement au remplacement d’un asservissement par un autre. Bref, comme le disait un aphorisme célèbre « le capitalisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme, et le marxisme, c’est l’inverse » (2).

 

Je n’ai pas de solution miracle pour résoudre le dilemme qui découle de ce qui précède. Une façon de sortir de cela pourrait être de faire que nous mettions en place dans nos sociétés une bien meilleure répartition des richesses que celle qui y a cours. Les salaires, c’est à dire la vente de notre temps de travail, doivent augmenter, cela pouvant se faire sans nuire à la sacro-sainte compétitivité (encore un sujet à discuter prochainement) en contrôlant mieux la répartition des plus-values liées à la vente du fruit du travail, plus-values évoquées plus haut. Ceci implique de revoir leur répartition, entre travailleurs et propriétaires des entreprises, particulièrement en contrôlant mieux les flux financiers internes à direction des actionnaires qui, eux, sont globalement improductifs. Cela implique aussi de revoir la façon dont l’imposition est réalisée, avec, pour rappel, le fait que montant total collecté via l’impôt sur le revenu (donc globalement sur la vente du temps de travail) est sensiblement équivalent au montant de la fraude fiscale (3), résultant, elle, majoritairement des acheteurs du temps de travail .  

 

La deuxième façon de sortir du dilemne est de pousser à la création d’un « revenu universel », qui découple l’obtention d’un revenu, de la vente de son temps de travail. Contre toute attente, et possiblement à la fois en raison de la monté de la crise sanitaire et des mouvements de contestations sociales provenant de couches de plus en plus importantes de la population, certains pays européens dont l’Allemagne (4) viennent de lancer une expérimentation en ce sens. Evidemment, cette proposition d’un revenu universel a été très critiquée par les tenants d’une économie néolibérale, capitaliste, au motif que cela pourrait constituer un possible dévoiement de la « valeur travail », ou l'incitation à la fainéantise. Sauf que la valeur travail, en tant qu’entité morale, n’existe pas, j’y reviendrai dans un autre article plus tard. La valeur travail est surtout un terme qui permet d’asseoir sur un peuso-dogme moral, un contrôle social, via la justification du « déséquilibre des rapports de force entre employeur et employé, tout en fournissant un formalisme juridique à l'aliénation des moyens de production » (5). Compte tenu de ce cela, on comprend en quoi ce projet de revenu universel, porté par exemple par la fondation Nicolas Hulot, ou par des personnalités comme M. Benoît Hamon, peut apparaître comme « révolutionnaire ».

 

 

Références

1. Jean-Pierre Durand. Les outils contemporains de l'aliénation du travail. Dans « Actuel Marx » 2006 (n° 39), pages 107 à 122.

2. Citation attribuée sans certitude au journaliste et écrivain Henri Jeanson qui aurait ajouté dans un autre texte « Le travail est un trésor. Le travail des autres, cela va de soi ».

3. Le montant de la fraude fiscale était estimé entre 60 et 80 milliards d’euros (selon France Culture et d’autres sources), et les recettes de l’impôt sur le revenu sont de l’ordre de 72 milliards.

Voir : Charlotte Cieslinski et Julien Bouisset. En France, l'évasion fiscale c'est 100 milliards d'euros par an, le budget de l'Education. Janvier 2019. Consultable en ligne :
https://www.nouvelobs.com/economie/20190121.OBS8848/en-france-l-evasion-fiscale-c-est-100-milliards-d-euros-par-an-le-budget-de-l-education.html

Voir :
https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/60-1000-240-milliards-combien-coute-levasion-fiscale

Voir :
http://comptespublics.fr/budget-de-letat/recettes-de-letat/recettes-fiscales/#:~:text=Avec%20145%20milliards%20d'euros,%C3%A0%20l'%C3%89tat%20en%202016

4. Voir :
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/face-a-la-crise-l-allemagne-experimente-le-revenu-universel-20200901

5. Diana Filippova. Lâchez-nous avec la valeur travail ! La Tribune, juillet 2014.


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https://qqcitations.com/citation/129423


dimanche 27 septembre 2020

LA LOI DE BRANDOLINI

 



 






Le théorème de Brandolini, ou loi de Brandolini, ou principe d'asymétrie des idioties est, comme le décrit Wikipédia, un adage qui s’énonce comme suit « La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». On pourrait aussi l’écrire comme suite « La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter une fake-news est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour la produire ». Démonstration ici même...

 

Comme les quelques lecteurs de ce blog le savent, je n’apprécie que peu les réseaux dits sociaux. Leur rôle comme amplificateurs de fausses nouvelles est par trop marqué et ces réseaux finissent par polluer la réflexion et égarer nos concitoyens.

 

Nous en faisons l’expérience à Forges. Comme je l’écrivais plus, tôt, des informations fausses ont circulé sur un des réseaux autour de la tarification de l’eau, portées, entre autres, par des nouveaux élus mais aussi par leurs proches. Quelques lignes de messages dénonçaient la soi-disant augmentation du prix de l’eau potable, et le rôle fantasmé joué par la régie Eau Ouest Essonne dans cette augmentation. J’estime le temps qu’il a fallu à ces personnes pour écrire et poster leur message à 30 secondes minimum et 2 minutes maximum. De mon côté, j’ai pris 20 minutes de mon temps pour contacter la régie et discuter avec les personnes compétentes, à peu près autant pour écrire mon message de demande de rectification à la personne majoritairement concernée par le post sur le réseau incriminé, puis 10 minutes, plus tard et en l’absence de sa réponse, pour reformuler mon texte et le poster avec une illustration sur mon blog. Soit un peu moins d’une heure pour réfuter une fausse nouvelle qui, elle, a pris juste quelques minutes au plus à produire.

 

Je peux aussi citer le message posté sur un des sites communaux au sujet du vol du camion de la commune, qui aurait été retrouvé suite à l’intervention de la gendarmerie au moyen d'hélicoptère à la demande de la municipalité. Ce n’est, bien sur, pas la vérité. Le camion a été retrouvé parce que lors de la précédente mandature, j’avis proposé et obtenu la pose de traceurs GPS dans le matériel communal, traceurs qui ont permis la localisation du camion volé par les services techniques de la commune et la transmission de cette information à la gendarmerie. Je ne révèle pas là un secret. Tous les véhicules des entreprises de BTP ou de commune sont "pucés"... J’ai écrit à la mairie pour demander un rectificatif. Sans réponse après une quinzaine de jours, je me suis déplacé sur site pour savoir si le message avait été transmis (apparemment oui). Et toujours en l’absence de réponse, je me suis dit que j’allais donc poster l’information sur ce blog, dans le cadre plus général de ce texte autour du théorème ou de la loi de Brandolini. La rédaction de ce texte m'a occupé presque 40 minutes...  

 

En lien, dans un article récent du Northern Kentucky Tribune (1), le Dr. Jan Hillard, discutait d’une étude du MIT sur la propagation des fausses nouvelles. Je reproduis ci-après un extrait de celui-ci que j’ai traduit. « L'étude a porté sur 126 000 articles tweetés par plus de 3 millions d'utilisateurs pendant 10 ans. Chaque histoire a été revue par des équipes de chercheurs suivant la méthode de l’homogénéité des consensus. La principale conclusion de cette étude massive est que les mensonges l'emportent sur la vérité car «les fausses nouvelles touchent plus de gens, pénètrent plus profondément dans le réseau social et se propagent beaucoup plus rapidement que des histoires exactes ». L'étude du MIT indique que la nature humaine est responsable de ce triomphe du mensonge sur les faits. L'étude révèle que le mensonge touche beaucoup plus de gens, et ce 6 fois plus vite que les histoires vraies. Il semble que les gens soient psychologiquement attirés par le partage des mensonges. L'étude révèle également que les fausses nouvelles sont 70% plus susceptibles d'être retweetées par des individus que par des robots ».

 

La loi de Brandolini montre donc que la désinformation a un avantage important, rétablir la vérité étant particulièrement coûteux. Certains, à Forges comme ailleurs, l’ont très bien compris. Pour finir sur une note plus légère, d’autres auteurs avaient formulé cette loi préalablement, sous une forme différente. Ainsi, on attribue à Mark Twain, sans certitude, l’aphorisme «  un mensonge aura fait le tour du monde alors que la vérité sera seulement en train d’enfiler ses chaussures ». Comme l’aurait dit la mère Denis,  « c’est ben vrai, ça ! ».

 

Référence :

1. Jan Hillard. Falsehood flies and the truth comes limping after it (Jonathan Swift). New Kentucky Tribune, Juillet 2020.
Consultable en ligne :
https://www.nkytribune.com/2020/07/jan-hillard-falsehood-flies-and-the-truth-comes-limping-after-it-jonathan-swift/

 

LA BIBLE ET LE COLT







Ce sujet est sans doute très éloigné de nos préoccupations loco-locales, mais il est important car il concerne un pays jouant rôle majeur sur cette planète, les États-Unis d’Amérique. Je voulais revenir aujourd’hui sur la nomination de la juge Mme. Amy Coney Barrett auprès de la cour suprême des USA, car cette nomination symbolise tous les travers de ce grand pays, dans lequel j’ai vécu et travaillé pendant 2 ans et où je conserve encore des amis.

 

Beaucoup de choses ont été écrites sur M. Donald Trump, 45ème président des États-Unis. Il est décrit par plusieurs spécialistes de ce pays, par nombreux journalistes - et plus symptomatiques à mon sens - par certains membres de son entourage direct comme inculte, manipulateur, colérique, paranoïaque. J’ajoute que de nombreux de ses propos permettent de le qualifier de sexiste. À mon sens ce qui le rend particulièrement dangereux en interne et à l’international, ce sont son incompréhension des relations internationales et son populisme exacerbé, que l’on retrouve finalement sous son slogan « America first ». Le chapitre des relations internationales mériterait un article ou un livre complet tant ces derniers temps ont vu croître la méfiance américaine pour ne pas dire son déni vis-à-vis du multilatéralisme et des institutions internationales comme les Nations unies ou l’OTAN. Ce déni s’est même étendu à des accords pourtant signés par ce pays, par exemple au sujet du nucléaire iranien. Certains y voient, et je partage ce sentiment, un symptôme d’un déclin américain (1).

 

En en ce qui concerne le populisme, celui de M. Donald Trump comme celui d’autres personnalités politiques du même acabit (telles Mme. Marine Le Pen en France ou M. Viktor Orban en Hongrie) repose sur des traits caractéristiques, au premier lieu desquels on trouve la soi-disant défense d’un patrimoine culturel, d’un art de vivre potentiellement mis en danger par d’autres, que ces autres soient des immigrés, ou de même des nationaux mais de couleur de peau différente. Il s’agit de la stratégie bien connue du bouc émissaire sur lequel je reviendrai sans doute un autre jour. Le deuxième trait commun aux populistes de tous bords est sans aucun doute la dénonciation des élites intellectuelles et des personnalités politiques qui s’opposent à ce populisme, au motif qu’elles seraient à la fois favorables au multiculturalisme dénoncé au moyen de la stratégie du bouc émissaire, et également corrompues. Dans le cas de M. Donald Trump, on retrouve ces éléments sous la forme des attaques qu’il porte aux journalistes, aux intellectuels, et à ses opposants politiques qu’il insulte assez régulièrement. Ceci transparaît également dans la crise sanitaire actuelle et surtout autour de la question gravissime du réchauffement climatique, où les critiques du président américain sont directement adressées à de nombreux scientifiques reconnus pourtant comme spécialistes. Enfin, dernier point caractérisant les populistes, la présence d’un chef charismatique qui, lui, défend les gens ordinaires contre l’élite qui leur ment. On retrouve cela dans l’usage totalement disproportionné que fait M. Donald Trump des réseaux sociaux, et des mots  « fake news » qu’il emploie régulièrement pour disqualifier les informations qui le dérangent (voir (2) au sujet de mon analyse). Que penser également du fait que ce multimilliardaire américain, au vocabulaire comparable à celui d'une élève de 6ème, ait pu convaincre les populations les plus défavorisées du fait qu’il était un candidat « anti système » ?

 

Cette politique populiste fonctionne plutôt bien aux États-Unis. Même s’il n’a été élu qu’avec une minorité des voix des citoyens américains, le potentiel électoral de M. Donald Trump représente grosso modo un votant sur deux alors qu’en France, le potentiel électoral de Madame Marine Le Pen est estimé au mieux qu’à 20/25 % des électeurs. Ce qui justifie cette différence réside à mon avis dans la façon très différente dont se sont construits les deux pays et dans des différences culturelles persistantes. De façon simplifiée pour ne pas dire simpliste, la France, « vieux pays d’un vieux continent » s’est construite au fil des siècles sur un territoire qu’elle n’a pas conquis mais sur lequel sont arrivés nombre de peuples, des Romains aux Maures, des Wisigoths au Normands... Les États-Unis se sont construits bien plus rapidement et sur ce que l’on est bien contraint d’appeler un phénomène de spoliation des terres (essentiellement appartenant aux différentes tribus des Indiens d’Amérique) par la force, et sur l’exploitation de celle-ci par le biais de l’esclavage. Pendant des années, la culture du colt y a régné en maître, et, plus surprenant vu du côté de ce côté de l’océan, elle y a persisté jusqu’à la période contemporaine. Il suffit pour s’en convaincre de voir comment les autorités de police aux États-Unis ont pu faire usage d’armes à feu contre des suspects désarmés, ou comment les massacres réguliers d’enfants dans des écoles ou des collèges par des individus très lourdement armés n’ont entraîné aucune modification de la constitution américaine qui protège - et quelque part favorise - la détention d’armes de guerre par des particuliers. 

 

Le deuxième élément explicatif des différences entre France et États-Unis, mais peut-être le plus important, est le fait religieux (3). On peut dire qu’en France, pays heureusement laïque, la religion est une affaire personnelle dans laquelle l’État n’intervient que pour garantir sa pratique. Aux États-Unis, et malgré une théorique séparation des Églises et de l'État, la religion est présente dans tout l'espace public. Ainsi, lorsque vous entrez sur le territoire américain, on vous demande votre religion. On ne me l’a demandé l’Ecole de médecine où je travaillais, puis dans les universités où j’ai exercé dans les années 90. Voilà encore peu de temps, même dans les écoles publiques, une période était dédiée à la prière. Par ailleurs, nombre d'artistes, voire de politiques, finissent leur spectacle, leur discours par un traditionnel « God bless you » (Que Dieu vous bénisse), heureusement impensable en France ! Enfin, n’oublions pas que tout nouveau président américain jure sur la Bible*... Le fait religieux aux États-Unis, pays majoritairement protestant, même s’il tend à régresser légèrement, reste extrêmement vivace en particulier dans ce que l’on appelle la « Bible Belt », c’est-à-dire le sud religieux, toujours raciste, homophobe, et très conservateur des États-Unis, fief des chrétiens évangéliques. Les batailles contre la peine de mort, pour le droit à l’avortement, pour l'égalité de traitement des minorités (qu’elles soient noires, hispaniques, LGBT, etc.), menées essentiellement dans les grandes villes démocrates et par les élites intellectuelles et politiques dénoncées par les  populistes, ont donc assez logiquement entraîné la mobilisation de ces chrétiens évangéliques dans la Bible Blet et dans la « Rust Belt », c’est-à-dire dans les territoires où l’activité industrielle avait sensiblement décliné. Or M. Donald Trump doit son élection passée et ne peut être réélu que s’il s’assure du soutien sans faille de la frange la plus réactionnaire de ces mouvements religieux. La nomination de Mme. Amy Coney Barrett, anti-avortement, pro-armes, membre d'une quasi-secte religieuse catholique, à la cour suprême des États-Unis s’inscrit dans ce processus, qui découle, j’espère l’avoir expliqué de façon relativement claire, de la construction de ce pays par la Bible et le colt. De plus, le refus récent mais réitéré de M. Donald Trump d'accepter par avance le résultat du scrutin s'il venait à perdre, suggère qu'il pourrait envisager un recours auprès de la cour suprême pour valider son maintien à la Maison-Blanche. Dans ces conditions, une cour "à sa botte" ne pourrait lui être que profitable pour organiser ce qui apparaîtra aux yeux de beaucoup comme un coup d'Etat juridique... 

* En fait il est théoriquement possible, si le président était musulman, de jurer sur le Coran, la loi n'obligeant pas à jurer sur la Bible... Il en est de même pour les députés et sénateurs. 

 

Références

 

1. Journée d’étude « Donald Trump et la politique étrangère des Etats-Unis: vers quel (dés)ordre mondial? ». Center for Research on the English-speaking World, Université Sorbonne Nouvelle-Paris III, jeudi 16 Novembre 2017.
Consultable en ligne : https://journals.openedition.org/transatlantica/8699

2. Pap Ndiaye. Donald Trump : le dernier-né du populisme américain. L’histoire, n° 429. Novembre 2016.

3. Henri Landès. Make America great again? Les chrétiens conservateurs : entre attrait pour Trump et rejet de Clinton. Centre de recherches internationales de Science Po.
Consultable en ligne :
https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/make-america-great-again-les-chretiens-conservateurs-entre-attrait-pour-trump-et-rejet-de-clinto

jeudi 24 septembre 2020

LA PRIVATISATION DES ROUTES NATIONALES EST "EN MARCHE" !

 


En plein milieu de l’été, alors que les Français se reposaient du stress lié à la crise sanitaire le décret d’application de la loi d’orientation des mobilités a été publié au journal officiel, bien entendu sans aucune communication gouvernementale sur le sujet. Or ce décret ouvre la possibilité de transférer au privé des sections entières de routes nationales...

 

On se rappelle qu’en 2005 et 2006, le gouvernement dirigé par le premier ministre de l’époque M. Dominique de Villepin avait concédé à des sociétés privées la plus grande partie du réseau autoroutier français. En avaient bénéficié la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF, concessionnaire également de l’autoroute de Normandie via une filiale), les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR devenue APRR) et les Autoroutes du sud de la France (ASF).

 

Derrière ces sociétés autoroutières se trouvent de grands groupes financiers (et des personnalités connues) tels qu’Abertis dont un des actionnaires principaux est Caixa Bank, au conseil d’administration duquel se trouve M. Alain Minc, également président de la SANEF. La SAPRR a pour actionnaires principaux Eiffage et Macquarie (société australienne de gestion de fonds). On retrouve à son conseil d’administration des personnalités telles que M. Arnaud Montebourg. Enfin autoroutes du Sud de la France appartient au groupe Vinci qui détient également Cofiroute .

 

Ce transfert avait fait débat à l’époque, puis nous étions passés à « autre chose ». Néanmoins en 2014, la très libérale autorité de la concurrence avait déjà pointé la « rentabilité nette exceptionnelle » des sociétés concessionnaires qui « n'apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées ». La Cour des Comptes revenait sur ce dossier en 2019 et confirmait l’incroyable rentabilité des autoroutes puisque selon ses calculs, les sociétés concessionnaires devraient tirer quelque 15 milliards d’euros de la prolongation de leur concession accordée en 2015. Un bénéfice plus que confortable compte tenu des 3,2 milliards de travaux à réaliser, selon la chaine « public sénat ». 

 

Plusieurs personnalités politiques se sont récemment ré-emparé du dossier pour juger que ce transfert de biens obtenus par des investissements publics à des intérêts privés avaient été « un fiasco » voire « un désastre économique ». Alors, désastre économique sans doute pour l’État qui se privait d’une part importante de ressources financières à un moment où les investissements consentis devenaient particulièrement rentables ; mais pas pour ces grands groupes industriels ni leurs actionnaires. Quelques chiffres pour étayer le propos : globalement la vente des autoroutes a rapporté à l’Etat quelque 15 milliards d’euros, alors que depuis la privatisation et jusqu’en 2019, ce sont environ 27 milliards d’euros que se sont répartis les différents actionnaires...  Dans ce contexte, comment expliquer le refus de renationalisation des autoroutes par le Sénat autrement que par des considérations idéologiques ? Même la justification de la ministre Mme. Élisabeth Borne indiquant que l’État n’en n’avait pas les moyens (coût estimé 50 milliards) semble aujourd’hui peu crédible dans un contexte post CoViD et d’emprunts possibles à taux négatifs. Nous sommes donc bien dans ce dossier de la privatisation des autoroutes, comme dans les dossiers de privatisation des aéroports, des ports, ou des entreprises de fourniture d’énergie, y compris des barrages, dans un strict dogmatisme néolibéral.

 

Dès lors comment s’étonner du décret passé en catimini en août dernier, ouvrant la possibilité de concéder aux sociétés d’autoroutes d’importantes sections des routes nationales ? Le tour de passe-passe est d’ailleurs habile puisque ce décret dit que les zones privatisées, toutes routes nationales pourtant, pourront être « classées dans la catégorie des autoroutes à condition d’être situées dans le prolongement direct d’une voie bénéficiant déjà du statut autoroutier »...  Autrement dit, une route nationale, avant ou après une actuelle section d’autoroute, ou possédant un accès ou une sortie (ce qui est le cas de nombre de nationales) peut désormais être privatisée, et ce sur une longueur encore non définie, ce qui signifie qu'elles pourront être rendues payantes. En lien, un récent rapport d’experts financiers estime que d’ici à 2036, date théorique de la fin des concessions, les dividendes versés par les sociétés d'autoroute se monteront à 40 milliards d’euros, dont 36 milliards pour les seuls groupes Vinci et Eiffage. Elle n’est pas trop belle, la vie des actionnaires de ces sociétés ?


Crédit photo : wiki commons. La RN10 à Montboissier.

 

 

 

mercredi 23 septembre 2020

TROP DE FÉMINISME POURRAIT TUER LE FÉMINISME...

 



 

Les personnes qui me connaissent savent que je ne rentre pas a priori dans la case des machos. J’ai beaucoup travaillé avec des collègues féminines, certaines ont été mes chefs directs, d’autres des subordonnées, et dans aucun de ces cas, n’ai-je fait de différences dans ma façon d’interagir avec ces personnes ou avec des collègues masculins. Je trouve insupportable les violences de toutes natures, que celles-ci soient faites aux femmes comme aux hommes, particulièrement dans le cadre familial. Je ne nie pas non plus la persistance d’inégalités flagrantes, même si des progrès très sensibles ont été accomplis lors des 20 dernières années. Je pose ceci en préliminaire car le reste de mon propos ne s’inscrira pas dans l’air du temps et risque d’être mal interprété.


Je lis depuis la fin du confinement, ou j’entends souvent à la radio que lors de ce confinement, la société n’a tenu que « grâce aux femmes ». Ces propos sont souvent généralisés à partir du constat que les métiers et actions liés au soin au sens large (je traduis ici le mot « care », directement issu de concepts générés dans les milieux féministes anglo-saxons (1)) sont majoritairement féminins, cela résonnant avec une nature féminine qui s’exprimerait par ce que l’on pourrait appeler un « sens de la proximité » (2). 


Il est vrai que dans les métiers de la santé (hôpitaux, EHPAD) et de l’enseignement élémentaire, les professionnels rencontrés sont majoritairement féminines. On trouve ainsi 78% de femmes dans la fonction publique hospitalière à comparer au ratio de 54% dans la fonction publique d’Etat, au sein de laquelle, le corps des enseignants est féminin à 82%. Certains commentateurs, pour renforcer leurs propos sur le rôle des femmes, ont également ajouté que les personnes aux caisses des supermarchés sont majoritairement féminines, ce qui est vrai puisqu’elles représentent autour de 90% de la population des agents de caisse, oubliant de préciser que cette proportion est de 58% lorsque l’on regarde la totalité des emplois du commerce à vocation alimentaire (3). C’est à partir de ce constat que j’ai poussé la réflexion en m’intéressant cette fois, à tout ce qui permet à un agent de caisse d’assurer son travail, c’est à dire, tout ce qui a fait que les supermarchés ont continué à être approvisionnés pendant la crise sanitaire. Tous les chiffres qui suivent sont facilement vérifiables sur internet.

 

En amont du point de vente, on trouve la chaine logistique, celle qui permet l’arrivée des produits sur le lieu de vente. Dans le transport terrestre, la proportion de femmes est de 5% dans le transport routier de marchandises et de 19% dans la logistique terrestre au sens large. En amont de cela, il faut transformer les produits : on trouve donc le secteur de l’industrie agroalimentaire, qui, lui aussi, a continué de tourner malgré le confinement. Dans ce secteur, la proportion de femmes est de 38%. Et en amont encore de l’industrie, le monde agricole, ou les agricultrices, chefs d’exploitation, représentent 25% des effectifs. Tout cela pour dire que si nous avons eu affaire à une caissière au supermarché, nous aurions vu un livreur, un routier, un technicien de laiterie, et un agriculteur dans la filière amont, qui elle, est très majoritairement masculine...   

 

Souhaitant pousser le raisonnement encore plus, loin, je me suis intéressé aux métiers invisibles, ceux qui font pourtant que notre société a pu continuer de fonctionner. Dans le secteur de l’approvisionnement électrique, la proportion de femmes est de 20% environ (chiffres ENEDIS). Dans la production d’eau potable, et dans l’assainissement, ces ratios peuvent chuter à 5% (cas des égoutiers). Dans le domaine du maintien de l’ordre, les femmes représentent autour de 30% des effectifs de police et moins de 20% des effectifs de gendarmerie.

 

Je pourrais pousser la démonstration pour bien d’autres secteurs. Encore une fois, que je sois clair, il ne s’agit pas pour moi d’opposer hommes et femmes. Le but ici est de montrer que notre société ne tient ni que par des femmes comme le disent certaines féministes radicales, ni que par des hommes comme le pensent quelques "mâles alpha", y compris lors des temps de crise. Elle ne tient que par des personnes occupant des fonctions souvent dévalorisées et mal rémunérées (cela va de pair), et surtout par la cohésion sociale que d’aucuns s’obstinent à mettre à mal systématiquement depuis 20 ans au moins. En ce sens, une vision trop féministe des choses risque en fait d’occulter les vrais problèmes. Ainsi, j’entendais voila peu à la matinale de France-Inter Mme. Najat Vallaud-Belkacem, ex. ministre des droits des femmes, dire, au nom là aussi d’un féminisme revendiqué, que les aides d’Etat post-confinement n’étaient allées dans l’industrie qu’à des industries masculines (elle citait de mémoire l’aéronautique et l’automobile), sous entendu « les emplois féminins n’en n’ont pas bénéficié ». Quelle vision absurde du monde et quelle erreur d'analyse ! La vraie question ici est plutôt pourquoi les emplois de l’aéronautique et de l’automobile (et au delà de l’industrie) sont-ils essentiellement masculins ? Et comment faire non pas pour les féminiser davantage (ce qui à mon sens impliquerait une démarche d’obligation) mais pour rendre ces métiers plus attirants et plus faciles d’accès pour un personnel féminin désireux d’y faire carrière. Au delà de la faiblesse du commentaire de Mme. Najat Vallaud-Belkacem, attention donc à bien cerner les vrais problèmes et à ne pas donner facilement prise à des individus dont la critique du féminisme repose sur des motivations, elles machistes, et des considérations d’un autre âge. C’est en ce sens que j’écrivais en titre que trop de féminisme pourrait tuer le féminisme... 

  

Références :

1. Carol Gilligan . In a different voice: psychological theory and women's development. Harvard University Press, 1982.

2. Anonyme. Le Care : « théorie du soin » contre « théorie du genre ». Antigones, 13 juin 2013. Consultable en ligne : https://lesantigones.fr/le-care-prendre-soin-de-son-environnement-immediat-theorie-du-soin-contre-theorie-du-genre/

3. Amadou Ba. L'avenir du métier de caissière d'hypermarché : les mutations organisationnelles et relationnelles. Management & Avenir 2015/1 (N° 75), pages 147 à 167. Mis en ligne sur Cairn.info le 18/02/2015. https://doi.org/10.3917/mav.075.0147

lundi 21 septembre 2020

ERREURS ET DÉSINFORMATION AUTOUR DE LA FOURNITURE DE L’EAU POTABLE À FORGES LES BAINS

 


J’ai été alerté par une de mes connaissances de propos qui se sont échangés en juin et juillet sur Facebook au sujet de la facturation de l’eau dans notre commune. Ces propos contiennent beaucoup d’exagérations, d’erreurs voire de désinformation (pour le pas dire plus), et, élément encore plus choquant, ils ont été tenus pour certains par des nouveaux élus de Forges, ou par leurs proches...

 

Ma vision du rôle d’un élu n’est pas d’alimenter des polémiques, mais d’essayer de comprendre les éventuels dysfonctionnements, et d’y remédier. C’est ce que j’ai toujours tenté de faire en 12 ans de mandats communaux. Dans le cas de la fourniture d’eau potable, ceci est d’autant plus facile que la régie Eau Ouest Essonne est installée - et j’y ai largement contribué - à Forges. Il suffit de s’y déplacer avant de s’épandre sur les réseaux sociaux. Il suffit aussi de consulter le site internet de la régie où est expliqué qui décide des taxes et redevances. Plus grave encore, j’ai demandé à une nouvelle élue forgeoise de publier un rectificatif des propos erronés qu’elle a tenus au sujet de la fourniture d'eau, demande restée ce jour sans effet... Difficile donc de ne pas voir dans ces attaques de la régie, une stratégie délibérée, d’autant que ces critiques et les récriminations reçues à Eau Ouest Essonne n’émanent que d’un petit groupe de Forgeois, et pratiquement d’aucune autre commune desservie par la régie, dont les élus sont globalement satisfaits du fonctionnement.

Comme je suis l’une des personnes qui ont porté la création de la régie, ce qui représente pas loin de 7 à 8 ans d’efforts, il me semble qu’il est important que je revienne sur les raisons de cette création, et que je torde rapidement le cou à certaines affirmations erronées. J’ajoute que je connais parfaitement les dossiers dont je parle puisque j’ai assuré le rôle de vice-président d'Eau Ouest Essonne, délégué aux travaux, pendant le mandat 2014-2020.

La régie a été créée en partant du constat que le réseau vieillissait et que les délégataires qui se sont succédé en avaient assuré le fonctionnement, mais pas la pérennité. Les élus ont donc souhaité reprendre ce bien commun pour le moderniser et le fiabiliser. Une première idée reçue, fausse, est donc que la régie aurait été créée pour faire baisser le prix de l’eau. Et bien non ! J’avais même dit en réunion publique que s’il fallait augmenter le prix de l’eau pour assurer l’entretien décent des réseaux, nous le ferions. Ceci n’était pas politiquement correct, mais cela avait le mérite d’être le reflet d’une réalité. Pour information, un kilomètre de canalisation à changer, c’est autour de 400 000 euros de frais.

Depuis juillet 2017, le syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable et sa régie ont fait ce que nous avions dit. La régie ainsi réalisé ce qui suit (liste non limitative) :

- reprise des bases de données Veolia (6 000 points de comptage) erronées à plus de 40% et repérage sur site des compteurs non tournant ou non affectés à un abonné

- relevage de tous les captages et examens des pompes et des puits (3 captages)

- suivi et remplacement des pompes de l’usine de purification et du surpresseur du raccordement de secours

- manipulation et remplacement de toutes les vannes (ou presque) et amortisseurs de pression

- repérage des canalisations et branchements en x/y (par GPS), ainsi que des vannes et bouches à clefs

- installation d’un système d’information géographique permettant de collationner toutes les données x/y (en cours) et le type de matériaux et ‘l’âge de canalisations et branchements

- établissement d’un plan pluriannuel de travaux et budgétisation de ces travaux

- sécurisation partielle de l’approvisionnement de secours et développement de stratégie complémentaire de sécurisation (en cours)

- installation (en cours) de nouveaux compteurs avec tête émettrice (télérelève) et installation des concentrateurs (en cours)

- remplacement de presque 2 km de canalisations et des branchements au plomb à Angervilliers

- remplacement de presque 1,5 km de canalisations dans le secteur Roinville sous Dourdan

- écoute systématique du réseau et recherche de fuites

Bref en 3 ans, nous avons fait plus de remplacement de canalisation que le délégataire en vint ans !

 Toujours depuis 3 ans, Eau Ouest Essonne assure la distribution d’eau potable pour plus de 23 000 habitants, sans rupture de distribution (sauf casse réseau imprévisible - arrêt de distribution locale d’une à quatre heures maxi) et avec une eau de très bonne qualité contrôlée en interne et par l’Autorité Régionale de Santé. Même pendant la crise sanitaire et le confinement, les équipes de la régie, des personnels aux élus, ont assuré 24h/24h et 7j/7j le service de distribution... Eau Ouest Essonne est la seule régie en Essonne - et cela a été souligné par M. le Préfet - qui a le savoir-faire pour assurer le captage, la purification, la distribution, l’entretien du réseau et sa sécurisation, ainsi que la facturation aux abonnés. Et tout cela pour un prix du m3 d’eau potable distribuée qui n’a pas bougé depuis le passage en régie, et qui même est légèrement inférieur au prix pratiqué par l’ancien délégataire.  

Ceci m’amène tout naturellement à la deuxième idée reçue, fausse : le prix de l’eau serait très cher. Non, le prix de l’eau distribuée ressort, pour une consommation annuelle de 125 m3 (qui correspond à la consommation d’une famille de 4 personnes) autour de 2,4 euros/m3 TTC, abonnement inclus, soit 0,24 centime d’euros (un quart de centime !) le litre. Ce prix est à comparer à celui de l'eau de source « entrée de gamme » qui s'achète 50 fois plus cher, à environ 0,12 euros (soit 12 centimes) le litre, et celui de l'eau minérale de marque, 200 fois plus cher, à environ 0,50 euros le litre...

Alors pourquoi, l’eau coûte-t-elle sur facture autour de 5,5 euros/m3 ? Tout simplement parce qu’au prix de l’eau distribuée, s’ajoutent des taxes et des redevances. Or, point crucial, ces taxes et redevances ne sont en aucun cas du ressort de la régie. Les taxes sont imposées par le département, la région et l’Etat. Se plaindre de ces taxes à la régie revient à se plaindre auprès de son boulanger du montant de la TVA sur la baguette ! Quant aux redevances, elles concernent le traitement de l’eau, c’est à dire l’épuration, et elles sont décidées par les syndicats d'épuration... Si la part distribution (donc régie, hors taxe) n’a pas augmenté, les montants de la section assainissement ont eux augmenté au cours des années passées en raison - entre autres - du coût de fonctionnement des usines de purification, et de la nécessité de remplacer les plus vieilles d’entre elles, plus aux normes, par de nouvelles. En aucun cas la régie n’est responsable de cela. Elle ne joue qu’un rôle de collecteur des redevances d’assainissement qui sont intégralement reversées par le Trésor Public aux différents syndicats et intervenants. Ceci est d’ailleurs aussi expliqué sur le site d’Eau Ouest Essonne ! Toute remarque concernant la section assainissement doit donc être transmise aux syndicats qui assurent l’épuration. Ceci sera sans doute d’autant plus facile que la présidence du SIAL, syndicat d’assainissement, est assurée par un élu Forgeois, qui appartient curieusement à la même équipe ceux qui se plaignent du prix de l'eau... 

De ce qui précède il est donc parfaitement incorrect et quelque part parfaitement tendancieux de faire porter le chapeau du coût de l’eau à la régie, à ses personnels, au président et son équipe qui œuvrent depuis 10 ans pour que l’eau redevienne bien public, et que sa disponibilité et sa qualité soient assurées aujourd’hui comme demain.

 

vendredi 18 septembre 2020

À FORGES LES BAINS, UN GRAVE DYSFONCTIONNEMENT DU RAMASSAGE SCOLAIRE

 


J’ai appris voilà peu par un parent d’élève qu’un très grave incident qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques s’est produit à Forges autour du 7 septembre. Un enfant a été oublié dans le car de ramassage scolaire à l’issue du circuit du matin, et il est resté enfermé dans ce car à son dépôt durant toute la période scolaire, soit pendant plus de 6 heures 30.

 Selon mes informations, cet enfant est resté attaché par sa ceinture de sécurité sur son siège. On imagine aisément le degré de déshydratation et les risques majeurs qui en découlent pour la santé de cette petite personne, même si elle semble s’en être sortie sans trop de « casse », physique tout au moins, ce qui me ravit. Je n’ose penser à ce qui se serait passé si le car était resté exposé en plein soleil. Il reste également à s’assurer des conséquences psychologiques potentielles pour cet enfant, et d’un éventuel traumatisme susceptible de réapparaître bien plus tard dans sa vie, même à l’adolescence voire lors de sa vie d’adulte... Je lui souhaite ainsi qu'à sa famille le meilleur avenir possible.

 Cet incident - comme pratiquement tous les accidents - n’a pas qu’une seule cause mais plusieurs qui s’enchaînent. En effet la procédure aurait voulu que l’accompagnant périscolaire, puis le conducteur ou la conductrice du car s’assurent de l’absence d’enfants dans le véhicule. Idem pour le service de nettoyage puisque que le véhicule doit être désinfecté entre les tournées. De même, il me parait surprenant que l’absence de l’enfant à l’école n’ait donné lieu à aucun signal d’alerte, ou tout au moins d’échange d’information avec ses parents...  

 Dans ce dossier, la responsabilité du transporteur comme celle de la municipalité me semblent engagées. Une plainte aurait d’ailleurs été déposée et une enquête de gendarmerie est en cours. Elle fera, je l’espère la lumière sur ce dysfonctionnement grave qui nécessite que l’actuelle municipalité - toujours si prompte à communiquer - analyse rapidement cet incident et mette en place les procédures qui permettront qu’il ne se reproduise plus.

Crédit photo :

Taquet voyage. Ce transporteur n'est en aucun cas impliqué dans les événements décrits ci-dessus.


 

QUELQUES MOTS SUR LA PANDÉMIE DE CoViD19 ET LE SARS-CoV2

                                        


Je le concède d’office, voilà un article sur un sujet peu original. Néanmoins, je voulais, dans cet article, discuter deux points liés à la pandémie. Le premier porte sur les facteurs qui expliqueraient les différences en termes de bilan humain entre l’Allemagne et la France. Le second point porte sur la question ultrasensible du traitement à l’hydroxy-chloroquine.


 

En, introduction à cela, quelque mots pour rappeler ce qu’est un virus et comment il se multiplie. A la différence des autres micro-organismes, un virus n’est pas doué de métabolisme ni de capacité de reproduction autonome. C’est un organisme qui ne se réplique que dans son (ou ses) hôte(s) dont il parasite la machinerie cellulaire. De façon très schématique, il se compose d’une « coque de protection » qui abrite son matériel génétique. Cette coque comporte en général quelques « motifs » qui permettent l’entrée dans les cellules de l’hôte, qui les reconnaissent alors comme provenant de lui même, ou étant un de ses propres constituants. Une fois le virus entré dans la cellule, son matériel génétique est libéré et l’information qu’il porte conduit à la multiplication de ce matériel et à la production en masse de la coque du virus et de ses « motifs », le tout permettant l’empaquetage du matériel dans la coque. De très nombreuses particules virales sont ainsi formées par la cellule hôte, ce qui souvent la tue et permet la libération des nouvelles particules virales dans l’environnement infecté. Le cycle infectieux peut donc se poursuivre. Le caractère de parasite du virus, et le fait qu’il utilise la machinerie cellulaire de l’hôte, rend toujours difficile la production d’antiviraux, car on comprend intuitivement que ceux-ci vont exercer un effet délétère sur les fonctions cellulaires de l’hôte. C’est pour cela que les traitements antiviraux sont toujours donnés sous stricte surveillance médicale.

 

Les différences de mortalité entre France et Allemagne nous ont été largement présentées par les médias au cours des mois et semaines passées. Plusieurs journalistes, voire des personnalités politiques, nous ont dit que c’était le nombre de tests de dépistages, bien plus grand en Allemagne qu’en France, qui était l’élément explicatif majeur des différences de mortalité observées. Une étude récente menée par des collègues biologistes et microbiologistes du collectif « Rogue ESR » nous indique que ceci ne serait pas le cas (1). Les politiques mises en oeuvre en France et en Allemagne, bien que différentes, n’ont pas démontré une efficacité plus élevée dans un pays ou l’autre. Selon le collectif « Rogue ESR », et je suis assez enclin à penser que cette piste est intéressante, la différence majoritaire viendrait de la durée entre détection des premiers cas, et instauration du confinement. Cette hypothèse solide est soutenue par la comparaison du nombre de décès dans chaque région touchée en France, l’une après l’autre au fur et à mesure de l’avancée de l’épidémie. Cette comparaison montre que plus le confinement a été imposé tôt par rapport au premier décès, survenu donc de façon décalée dans ces régions, plus la mortalité se réduit. Juste avant le confinement, la courbe de mortalité globale montrait un doublement des décès tous les trois jours en France. Ceci signifie que si nous avions confiné, disons une semaine plus tôt, nous aurions sans doute divisé le nombre des décès par au moins deux, et possiblement quatre. Or, ce qui a poussé à confiner le mardi 17 mars, c’est la volonté affichée du gouvernement de voir se tenir les élections municipales. Il faut reconnaître cependant que le gouvernement n’est pas seul responsable, puisque certains partis politiques, les Républicains en tête avaient fortement poussé pour que cette élection soit maintenue, qualifiant un éventuel report de « coup de force institutionnel » visant à utiliser la crise sanitaire « pour éviter une débâcle électorale » (2). Cette décision a engendré plusieurs conséquences délétères. Tout d’abord, la participation a été bien plus faible que les années précédentes, certains électeurs ne s'étant pas déplacés en raison de la crise sanitaire, et, plus grave à mon sens, le second tour des élections a du être reporté post-confinement, entraînant le blocage partiel ou total du fonctionnement des communes et établissements publics de coopération intercommunale, dont les communautés de communes, d’agglomération, et les syndicats intercommunaux...

 

La deuxième question que je voulais aborder concerne l’efficacité de l’hydroxychloroquine comme traitement potentiel de la maladie. En effet, le dossier hydroxy-chloroquine, dérivée de la chloroquine elle même issue de l’écorce du quinquina, est intéressant. Utilisée comme antipaludéen, l’hydroxy-chloroquine bloque l’élimination des déchets toxiques chez le parasite Plasmodium, responsable de la maladie, conduisant à son empoisonnement progressif. Contrairement, à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, la chloroquine n’est absolument pas un médicament anodin, puisque son index thérapeutique, c’est à dire le rapport entre dose active et dose toxique, est de l'ordre de 3. Ainsi, ces molécules peuvent induire des pathologies ophtalmiques. De plus, la chloroquine et dans une moindre mesure l’hydroxy-chloroquine bloquent aussi les flux de potassium au niveau de cellules cardiaques, d'où des risques cardio-vasculaires non nuls associés à son usage. On comprend donc pourquoi le développement d’un tel médicament n’aurait pas du tout été poursuivi si les normes en vigueur aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique avaient existé au temps de sa découverte. Quid de l'efficacité de ce composé dans la lutte contre le SARS-CoV2  ? Je fais régulièrement le tour de la bibliographie scientifique sur l’usage de l’hydroxy-chloroquine, et à ce jour la réalité oblige à dire que l’ensemble de la littérature scientifique n’indique pas de façon claire que cette molécule, associée ou nom à un antibiotique, présente un intérêt thérapeutique pour le traitement de la CoViD19. Certaines études montrent un effet, d’autres non, et toutes sont sujettes à discussion en particulier autour de la méthodologie et de la statistique. Je reviendrai plus tard sur ce point car il soulève de très nombreuses interrogations qui vont au delà de la « simple » et tout à fait normale controverse scientifique, le débat actuel mêlant querelles d’égos, oppositions politiques locale et nationale, et question relevant de la sociologie, de la propagation des rumeurs et du rôle, encore une fois délétère, que jouent les réseaux dits sociaux...

 

Crédit photo : 

Wikipedia. 


Références :

1. Voir la video : https://www.youtube.com/watch?v=SvvO7ximvXU

2. « Les municipales maintenues in extremis ». Alain Auffray. Le 12 mars 2020. https://www.liberation.fr/france/2020/03/12/les-municipales-maintenues-in-extremis_1781517


 


jeudi 17 septembre 2020

LES ÉLECTIONS À LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PAYS DE LIMOURS (CCPL) : UN JEU DE DUPES.

 


Il aura fallu attendre l'élection des derniers conseillers municipaux des communes de la CCPL, fin juin, pour que puisse avoir lieu les élections des comités des syndicats intercommunaux, ainsi que la composition du conseil communautaire et du bureau de la CCPL. Mais à la communauté de communes du Pays de Limours, les choses se sont pas forcément passées comme certains l'espéraient.


Le conseil communautaire de la CCPL est composé des représentants des différentes communes de la communauté de communes. En son sein, un bureau est élu par ces représentants, et il est chargé de la mise en œuvre, du suivi, et de la gestion quotidienne des actions de la commune de communes. Le bureau joue un rôle important car il détermine fortement les orientations qui seront prises par la communauté de communes. Le conseil communautaire réuni le 15 juillet 2020  a eu à départager 2 propositions, l'une portée par M. Yvan Lubraneski, maire des Molières et président des maires ruraux de l'Essonne, et l'autre portée par Mme. Dany Boyer, maire d’Angervilliers et conseillère départementale.  Le projet de M. Lubraneski était soutenu entre autre par les communes de Briis (M. Emmanuel Dassa) et de Janvry (M. Christian Schoettl), alors que le projet de Madame Boyer recevait l'approbation des communes de Limours et Courson.


Lors de l'élection à la présidence 3 candidats se sont présentés : Mme. Dany Boyer et Ms. Christian Schoettl et Yvan Lubraneski. Dans ce contexte, le vote des représentants de la commune de Forges était crucial pour déterminer qui serait le président de la CCPL. M. Christian Schoettl aurait pu espérer le soutien des représentants nouvellement élus de la commune de Forges. En effet, lors de la campagne électorale, M. Christian Schoettl avait publiquement soutenu la liste portée par Mme. Séverine Martin, qui a remporté les élections municipales à Forges. Or, lors du vote, les 4 représentants de la liste de Mme Séverine Martin ont voté pour la candidature de Mme. Dany Boyer, permettant ainsi son élection, contre celle de M. Christian Schoettl. Ce n'est pas la première fois que Mme. Séverine Martin opère ce genre de "revirement" de dernière minute. Lorsqu'elle était adjointe au maire de la commune de Forges, dans la précédente mandature, elle avait ainsi dénoncé la position commune prise par le conseil municipal de Forges, à laquelle elle avait pourtant adhéré, en regard de l'arrivée de migrants au centre d'accueil de la Ville de Paris... Une attitude que tous ceux qui souhaiteront s'engager avec elle feraient bien de méditer !

 

Certains Forgeois se sont amusés de ce jeu de dupes, dont le perdant principal semble être M. Christian Schoettl. Il est vrai que le fait d'avoir apporté son soutien public à une liste d'une commune dans laquelle il n'est pas parti prenante est, démocratiquement parlant, pour le moins discutable. On pourrait se demander quelle aurait été la réaction de M. Christian Schoettl si ou l'un ou l'une des maires d'une des communes de la CCPL avait soutenu une liste d'opposition dans sa commune. Personnellement, je ne me réjouis pas de ce jeu de dupes et ce pour 2 raisons principales. La première est - et cela n'est que mon avis - que le projet porté par Ms. Lubraneski et Schoettl me semblait plus abouti que le projet porté par les communes d'Angervilliers et Limours. La seconde est qu'au-delà de l'élection de la présidente de la CCPL, celle des vice-présidents n'a pas respecté les règles non écrites de la communauté de communes. Il est en en effet généralement admis, pour des raisons d'équilibre, que le premier vice-président est issu de la liste minoritaire. Or si l'on regarde la composition du bureau nouvellement élu, on constate que la quasi-totalité des vice-présidents sont des soutiens de la liste majoritaire à l'exception probable de M. Thierry Degivry, dernier vice-président, qui soutenait le projet porté par M. Yvan Lubraneski. Cette ostracisation d'une partie des membres du conseil communautaire est à mon sens délétère dans la mesure où elle entérine un clivage politique qui ne préjuge rien de bon sur l'avenir de la CCPL. Il faudra en effet au cours de cette mandature que la communauté de communes réfléchisse à son inscription territoriale future, avec un risque non négligeable pour celle-ci d’avoir à rejoindre une communauté d’agglomération, ce qui priverait alors les communes de la CCPL de plusieurs de leurs prérogatives, dont l’aménagement du territoire...