mercredi 27 août 2025

C’EST LA RENTRÉE ET C’EST DÉJÀ LE BAZAR !


Il n’aura échappé à personne que le mois d’août touche à sa fin et qu’il flotte d’ores et déjà dans l’air une odeur de rentrée. Celle-ci s’annonce mouvementée aux plans social et politique, et pour cause…

Plusieurs informations ont été distillées depuis juin par le gouvernement, et nommément par le premier ministre, M. François Bayrou, en regard du budget de l'État et de la dette qui s’accroit lentement mais sûrement. Il a été ainsi évoqué la nécessité de réaliser 40 milliards de réduction budgétaire. Si on ne peut nier que la dette du pays s’accroit depuis des années, et en particulier depuis le « quoi qu’il en coûte » de la période CoViD et post-CoViD, les analyses diffèrent sensiblement sur les causes profondes et les éventuels remèdes à apporter. Du coté de l’extrême-droite et des « Républicains » qui les ont rejoints, le discours pointe du doigt l’immigration qui couterait trop cher à la France, la plupart des immigrés venant chercher ici des aides sociales et médicales dont ils ne disposent pas dans leur pays d’origine. On retrouve également dans les causes des déficits budgétaires proposées par ces clans politiques, l’effroyable « assistanat » qui gangrènerait le pays. Celui-ci mêle sous ce vocable, les bénéficiaires du RSA (que l’on doit faire travailler gratuitement), les personnes touchant les allocations de rentrée (tout cela pour acheter des écrans plats ou des TV) et bien sur ces fainéants de chômeurs qui profitent des allocations pour ne pas travailler (je cite de tête « l'argumentaire »). Comme le pensent aussi les macronistes, on ajoutera une couche sur la « fraude massive » aux aides sociales des bénéficiaires, qui coûte « un pognon de dingue », que l’on se gardera bien de mettre en perspective. À gauche, l’analyse de la situation est plus limitée, même si l’on pointe du doigt – et en partie avec raison – l’existence des niches fiscales et la limitation volontaire des recettes dans le budget de l’Etat.

Ce dernier point est bien évidemment critique, car on ne peut passer sous silence les milliards auxquels les gouvernements Sarkozy, Hollande et Macron ont renoncé. Citons parmi ceux-ci, les aides aux entreprises à hauteur de plus de 200 milliards annuellement, sans contrepartie sur l’emploi. Ajoutons la faible motivation de la recherche des fraudes fiscales à hauteur de 60 à 80 milliards annuellement selon les sources syndicales, et la même faible motivation à traquer les fraudes sociales du côté des employeurs et des professions dites libérales, estimées à 15 milliards d’euros. Si le lecteur n’est pas persuadé de cette absence de volonté, rappelons que depuis sa création en 2008, la DGFiP a perdu plus de 33 000 ETP (équivalent temps plein) soit près de 30 % du total de ses effectifs en 17 ans ! En 2025, 550 emplois supplémentaires y seront supprimés, soit 25 % du total des suppressions dans la fonction publique d’État ! Trois éléments peuvent être ajoutés à cette liste. En premier lieu, la suppression emblématique de l’ISF, qui prive l’Etat de 5 à 7 milliards de recettes annuelles, montant sensiblement équivalent à, deuxième item, celui du crédit impôt-recherche. Cette aide a été jugée sévèrement par la Cour des Comptes, qui indique dans un langage très diplomatique, qu’elle n’a pas démontré d’utilité dans sa forme actuelle. Elle bénéficie en effet majoritairement aux grandes entreprises et aux cabinets d’études qui les aident dans la préparation de leurs dossiers ! Enfin, troisième élément, l’absence de volonté de taxation des « ultra riches », qui a trouvé son apogée dans le rejet par le Sénat de la « taxe Zucman » (du nom de l’économiste fondateur de l’observatoire européen de la fiscalité) sur les plus hauts patrimoines et revenus. Selon des sources syndicales non contestées, en taxant de 1% le patrimoine des 1% des Français les plus riches, on obtiendrait 30 milliards de recettes. Ajoutons à cela que selon l’Institut des politiques publiques, les ultra-riches français subissent 27% de prélèvements (tous impôts confondus) sur leurs revenus, contre 50% en moyenne pour le reste de la population française. Si on élargit à l’ensemble de leur patrimoine, et pas seulement aux revenus, ces prélèvements ne représentent plus que 0,2% de leur richesse. Ainsi, si on se limite aux 1 800 foyers fiscaux qui disposent de 100 millions d’euros ou plus de patrimoine, une imposition à 1% pourrait rapporter entre 10 et 20 milliards d’euros par an…

Face à ces chiffres qui commencent à percoler dans l’opinion publique, il se trouve que le gouvernement de M. François Bayrou a demandé des efforts majoritairement aux classes moyennes et moyennes supérieures, ainsi qu’aux classes défavorisées. Sont également ciblés les actifs du monde du travail qui devront travailler deux jours gratuitement, ainsi que les retraités, mis à contribution par la non revalorisation des pensions, et par une imposition plus élevée dès lors que leur pension dépassera 1700 euros mensuellement. De façon fort compréhensible, cela a entraîné des réactions virulentes, dont la plus visible à ce jour s’incarne dans le mouvement « bloquons tout », qui propose, dès le 10 septembre, des blocages de routes, un boycott de supermarchés et des banques, et des menaces de grève dans différents secteurs-clefs… La situation s’est complexifiée avec la volonté affichée par le premier ministre de proposer un vote de confiance à l’Assemblée le 8 du même mois. De nombreux partis, et des analystes politiques prédisent que ce vote de confiance se traduira par la chute du gouvernement, et certains espèrent même que ce départ entrainera une démission – aujourd’hui très hypothétique – du Président de la République. On se trouverait alors dans une situation compliquée avec une absence de budget visant un redressement financier et une situation sociale tendue. Bref, nous sommes dans un beau bazar !

Une porte de sortie – pour le moment rejetée par M. Emmanuel Macron, serait une nouvelle dissolution de l’Assemblée, avec l’espoir de changer la majorité actuellement détenue par les partis agrégés au sein du NFP, nouveau front populaire. Leur succès électoral vient en effet - en très grande partie - de leur volonté de ne présenter que des candidats uniques dans les circonscriptions, et cela a payé. Malheureusement pour « la gauche », il est fort probable qu’une telle unité ne soit plus d’actualité. Entre le refus d’une partie du PS de voter pour un candidat LFI, la position jusqu’au-boutiste de ce même parti, la méfiance des écologistes et des communistes vis-à-vis de partenaires possibles, il semblerait qu’un laminage du nombre de députés de gauche soit une hypothèse envisageable en cas d’élections législatives. Comme le dit Mme. Marine Tondelier, responsable des écologistes : « je veux bien que quand on est que dix, on se divise en deux groupes de cinq, puis en trois groupes de deux, mais on va finir nulle part avec l’extrême droite au pouvoir et l’histoire nous jugera ». C’est le pari que le Président de la République pourrait néanmoins faire, jouant une nouvelle fois sur le réflexe dit républicain qui fera préférer un macroniste à un représentant de l’extrême droite, pour se construire une nouvelle majorité entre centristes et Républicains à l’Assemblée, une fois l'actuelle majorité de gauche disparue. Ce pari reste très risqué pour lui et, au-delà et surtout, pour le pays…



Crédit illustration :

Dessin de Dave Whamond - Andrew McMeel for UFS. 



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