jeudi 9 octobre 2025

« CHAT CONTROL », NOUVELLE MENACE SUR LES LIBERTÉS INDIVIDUELLES !

Très peu médiatisé, possiblement en raison des contextes nationaux et internationaux, le projet européen dit « Chat Control » pose pourtant de potentiels risques en matière de libertés publiques. Le lecteur trouvera ci-dessous quelques éléments qui permettent d’y voir plus clair. Par ailleurs, pour être totalement transparent, il convient de préciser que cet article a été écrit par l’auteur du blog, mais en s’appuyant - pour de larges extraits - sur une synthèse fournie par l’outil Chat GPT. L’authenticité des informations et références données par l’IA ont été néanmoins été vérifiées par l’auteur.

La proposition de règlement européen surnommée « Chat Control » a été lancée par la Commission Européenne le 11 mai 2022, sous l’impulsion de la commissaire Ylva Johansson, membre du parti social-démocrate suédois des travailleurs. Son intitulé officiel est « règlement établissant des règles pour prévenir et combattre les abus sexuels sur les enfants ». L’objectif affiché, fort louable au demeurant, est de lutter plus efficacement contre la diffusion en ligne de matériels pédopornographiques (aussi appelés CSAM, Child Sexual Abuse Material, 1). Le texte suit la procédure législative ordinaire de l’UE. La Commission a formulé la proposition initiale, puis le Parlement européen et le Conseil de l’UE (États membres) doivent conjointement l’adopter, ce qui a donné lieu à de vives négociations. Fin 2023, le Parlement – notamment sa commission LIBE (LiBertés civiles) – a exprimé de fortes réserves. Au même moment, les eurodéputés ont largement vidé de sa substance le projet initial : ils ont voté l’interdiction d’une surveillance indiscriminée des chats privés et affirmé la protection du chiffrement (2). Cette version amendée n’obligerait les contrôles qu’à l’encontre de cibles spécifiques et suspectées, contrairement au projet de départ qui imposait un scan généralisé de tous les messages sur toutes les plateformes. Depuis, les gouvernements européens restent divisés sur cette question. C’est finalement la présidence danoise du Conseil (débutée en juillet 2025) qui a remis le dossier sur la table comme priorité absolue. La Première ministre danoise, Mme. Mette Frederiksen, partisane de l’initiative, a relancé des négociations intensives en s’appuyant sur des éléments des compromis belge et hongrois de 2024 (3). Le texte danois réintroduit notamment l’idée d’un scannage obligatoire y compris avant chiffrement (en anglais, clientside scanning) et d’une classification des services en fonction du risque.

La proposition « Chat Control » suscite de vives inquiétudes en matière de vie privée, de protection des données et de libertés publiques. Ses détracteurs estiment qu’elle instaurerait une forme de surveillance de masse des communications privées sans précédent, en contradiction avec les droits fondamentaux garantis par l’UE (4). En effet, le règlement obligerait le scan automatique du contenu de tous les messages, images et vidéos échangés en ligne, y compris sur les messageries chiffrées de bout en bout ! Une telle intrusion généralisée violerait directement le secret des correspondances (articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE protégeant la vie privée et les données personnelles ; 5) . Aucune suspicion préalable ne serait requise pour fouiller ainsi les échanges de 450 millions d’Européens, ce qui pose un grave problème de proportionnalité aux yeux de nombreux juristes et défenseurs des droits.

En lien avec ce qui précède, le service juridique du Conseil de l’UE a estimé que le fait de filtrer les communications interpersonnelles de l’ensemble des citoyens serait incompatible avec le droit au respect de la vie privée et la jurisprudence européenne, qui proscrit les systèmes de surveillance généralisée non ciblée (4). De même, les autorités européennes de protection des données (EDPS et EDPB) ont, dans un avis conjoint de 2022, averti que le texte pourrait aboutir à un « scannage généralisé et indiscriminé du contenu de pratiquement toutes les communications électroniques », avec un effet dissuasif majeur sur l’exercice de la liberté d’expression en ligne (6). En clair, si les internautes savent que tous leurs messages sont passés au peigne fin, ils pourraient s’autocensurer et renoncer à communiquer librement par crainte d’être signalés aux autorités. Plus inquiétant, sans doute, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU a lui aussi mis en garde contre ces conséquences et souligné qu’une telle surveillance sans discrimination serait difficile à justifier au regard du droit international des droits de l’Homme (7).

D’une façon générale, le diable se cache dans les détails. Si l’on ne peut contester la pertinence de la lutte contre la pédocriminalité, et sans nier l’importance du problème, le projet tel que présenté revient à essayer d’éliminer un moustique avec un bazooka. Il existe de plus des raisons techniques d’inquiétude. Une d’entre elles est le signalement de « faux positifs ». Les algorithmes de filtrage d’images et de textes ne sont, en effet, pas infaillibles : ils peuvent identifier à tort des contenus anodins comme potentiellement pédopornographiques (4). Des chiffres montrent que la grande majorité des signalements automatisés actuels sont infondés. Par exemple, en Irlande, seulement 20% des rapports transmis à la police sur la base de détections se révèlent concerner réellement du matériel d’abus d’enfants – 80% s’avèrent donc être des faux positifs ou du contenu non condamnable. De même, la police fédérale suisse a indiqué que 86% des signalements issus des scanners privés (comme sur Gmail ou Outlook) impliquaient en réalité des citoyens innocents, mis en cause à tort par la technologie. Deux conséquences graves à cela. Premièrement, des individus innocents seront montrés du doigt et possiblement soumis à la haine qui se déversera alors sur les réseaux dits sociaux. Deuxièmement, les autorités de police et de justice se verront ralenties par des de multiples enquêtes relatives aux signalements infondés.

Enfin, les défenseurs des droits craignent un glissement délétère. Une fois l’infrastructure technique en place pour scanner tous les messages à la recherche de CSAM, qu’est-ce qui empêcherait à l’avenir de l’étendre à d’autres contenus (5, 7) ? Et par voie de conséquence, quid des entraves potentielles à la liberté d’expression et au travail des journalistes, avocats ou défenseurs des droits qui verrait leur nécessaire confidentialité disparaître ? Plusieurs observateurs font le parallèle avec des régimes autoritaires : une telle censure automatisée pourrait demain servir à traquer la dissidence politique, ou tout autre contenu indésirable, si le périmètre du scan venait à s’élargir (5, 7). A l’heure où certains milieux sont plus prompts à dénoncer un pseudo « écoterrorisme » que les malfaiteurs qui peuplent leurs rangs, ou d’autres traquent leurs opposants politiques en qualifiant leurs opinions « d’extrémistes », et à un moment où la monté de ce qui ressemble fortement à un certain fascisme dans plusieurs pays européens, il y a là, me semble-t-il, de justes raisons de s’inquiéter…



Références :

1. Anonyme. Prévention des abus sexuels sur enfants en ligne. Conseil de l'Union européenne.
Consultable en ligne :
https://www.consilium.europa.eu/en/policies/prevent-child-sexual-abuse-online/#:~:text=Voluntary%20detection%20and%20reporting%20by,mean%20abuse%20can%20continue%20undetected

2. Jade Emy. Victoire de la vie privée : Le contrôle du Chat a été reporté pour la deuxième fois ! Octobre 2023.
Consultable en ligne :
https://securite.developpez.com/actu/349872/Victoire-de-la-vie-privee-Le-controle-du-Chat-a-ete-reporte-pour-la-deuxieme-fois-Voici-pourquoi-les-plans-de-balayage-CSAM-de-l-UE-doivent-echouer-d-apres-Tutanota/

3. Yaël Ossowski. Opinion Euroviews. Return of chat control: Something is rotten in the state of Denmark. Euronews. Août 2025.
Consultable en ligne :
https://www.euronews.com/next/2025/08/08/return-of-chat-control-something-is-rotten-in-the-state-of-denmark

4.Anonyme. Règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://en.wikipedia.org/wiki/Regulation_to_Prevent_and_Combat_Child_Sexual_Abuse

5. Rafael Pinto Borges. EU Chat Control law is a step towards mass surveillance. Brussels signal. Août 2025.
Consultable en ligne :
https://brusselssignal.eu/2025/08/eu-chat-control-law-is-a-step-towards-mass-surveillance/#:~:text=The%20law%E2%80%99s%20implications%20are%20profoundly,By

6. Anonyme. Avis conjoint 4/2022 de l’EDPB et du CEPD sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants. European data protection board. Juillet 2022.
Consultable en ligne :
https://www.edpb.europa.eu/system/files/2023-02/edpb_edps_jointopinion_202204_csam_fr.pdf

7. Anonyme. UN Human Rights Commissioner warns against chat control. Patrick Breyer website. Juillet 2022.
Consultable en ligne :
https://www.patrick-breyer.de/en/un-human-rights-commissioner-warns-against-chat-control/#:~:text=,censorship.%E2%80%9D

 

Crédit illustration :

Andy Yen. C’est au tour de l’Union européenne d’admettre que le « Chat Control » ne fonctionnera pas. Proton Blog.
https://proton.me/blog/fr/eu-chat-control

 

Remerciements :

Merci à M. Delgado pour avoir attirée mon attention sur ce sujet et pour les références de lecture..