jeudi 19 septembre 2024

LES PETITS ET GROS MENSONGES DE LA MUNICIPALITÉ. CHAPITRE II.



Je reprends cette série de billets que j’ai quelque peu retardée, pour m’intéresser au contenu d’un numéro déjà ancien du Petit Forgeois (juin 2024), dans lequel l’actuelle municipalité présentait son bilan de mi-mandat. Là aussi, dans cet opus fortement teinté d’autosatisfaction béate, on découvre çà et là quelques approximations et disons-le, à certains endroits une présentation trompeuse des faits…

Je ne listerai pas un par un les points évoqués dans le journal communal, mais je compte bien mettre en exergue certaines des omissions, approximations ou présentations biaisées des faits. J’avais en effet été frappé par la section « soutien au commerce local » parue dans la page réservée à l’urbanisme, tant ce qui est dit masque la réalité dudit « soutien », les guillemets étant ici de rigueur. Ce point mérite à lui seul un billet de blog, que j’ai commencé à rédiger et qui paraitra dans les semaines qui viennent…

Un des points critiques de mon examen concerne le dossier associations, bien évidemment. La municipalité évoque dans son bilan son soutien à la vie associative, soutien qu’elle traduit dans la réalité par des mesures de plus en plus coercitives sur l’utilisation des salles communales et l’absence de tout dialogue constructif avec nombre d’associations forgeoises. Le bilan parle d’augmentation des créneaux associatifs. On est bien au contraire, dans le rétrécissement. Ainsi, au moins deux salles qui étaient disponibles en 2020 ne le sont plus en 2024. Les refus de prêt de salle ou de site se sont d'ailleurs multipliés depuis quatre ans, souvent sans justification… D’une façon générale, la situation s’est tellement dégradée qu’une dizaine de ces associations ont dû demander voilà deux ans environ une réunion avec l’équipe élue, réunion de laquelle il n’est rien sorti tant l’incompréhension municipale est grande. La philosophie communale (pour autant que le mot philosophie ait un sens pour nos élus) en la matière semble se résumer à un seul point : le cadre de partenariat de nouveau évoqué dans le journal communal, et dont j’ai à plusieurs reprises dénoncé le caractère léonin, et certains points scandaleux ou illégaux. Dans son bilan, la mairie se vante de sa mise en place, sauf que… Sauf que c’est faux, ce cadre n’a pratiquement pas été mis en place car la quasi-totalité des associations a refusé de le signer ! Mensonge par omission, donc, que le Petit Forgeois réserve à ses lecteurs ! Un mot également sur le soi-disant traitement transparent des demandes de subventions évoqués dans le bilan communal : j’avais brocardé le courrier adressé aux associations au sujet des demandes de subventions tant il était méprisant pour elles. J’avais également signalé le traitement dégradant des responsables d’associations lors d’une réunion à laquelle ils étaient conviés. J’ajoute à cela les insultes dont certains membres d’association ont été l’objet de la part d’élus, et j’ajoute aussi à cela le fait que les refus de subventions et les montants alloués ne font l’objet d’aucune justification. Dans la réalité, on est sur un mode de fonctionnement qui s’apparente au fait du prince, très, très loin de ce qui est dit dans le journal municipal qui en l’espèce réécrit l’histoire.

Un mot également sur la façon dont sont présentés les faits. Ainsi dans la page évènements et culture, il est écrit dans le bilan que des évènements sont devenus incontournables… Sous-entendant qu’il n’y avait auparavant qu‘une fréquentation réduite ou que ces événements n’existaient pas. Ainsi, sont mentionnées la fête des thermes et la fête de la Châtaigne, alors que ces deux événement existent depuis au moins trois ou quatre mandatures ! On est là sur de la com. pure, du « faire croire que »… De même, les chiffres présentés semblent pour le moins fantaisistes. Plus de 2000 visiteurs pour la fête des Thermes est une grossière exagération pour autant que j’ai pu en juger de visu ! A moins de compter les visiteurs qui entrent et qui sortent à chaque fois qu’ils re-rentrent ou à moins de comptabiliser le nombre de visiteurs depuis le début de la mandature ! Dans ce cas là, il faut le dire ! C’est évidemment un détail, mais c’est bien sur un détail qui en dit assez long sur la façon dont l’information peut être manipulée. Enfin, au chapitre des évènements peut-être incontournables, comment ne pas noter que nombre de ces évènements sont devenus des marchés de niche, marchés de niche qui se sont multipliés dans la commune, traduisant le fait que le Forgeois de base est principalement considéré comme un consommateur. A l’heure où il nous faut nous interroger encore plus sur notre consommation, notre frénésie d’achats, cela interroge !

En matière de finances publiques également, j’ai relevé un petit lièvre. Soyons clair, les finances communales sont effectivement saines. Au moins de ce côté, et pour le moment, aucune grosse bêtise n’a été faite, sans doute grâce à la compétence et au dévouement sans faille de notre comptable communale partie maintenant à la retraite. Alors oui, la dette se réduit, mais cette réduction ne doit pas grand-chose à l’actuelle municipalité. Elle résulte en réalité du fait que les précédentes équipes élues, qui ont lourdement investi dans de nombreux secteurs de la commune au cours des douze dernières années, avaient échelonné les emprunts et prévu pour les limiter l’apport de fonds de concours d’une entreprise privée. Ce recul de la dette est donc simplement du au remboursement des emprunts tel qu’anticipé. L’honnêteté oblige à dire que cela est précisé dans l’article… De plus, la remontée sensible de la capacité d’autofinancement* de la commune, réelle elle-aussi, a sans doute bénéficié des efforts des services de la commune comme indiqué, mais - et cela pour le coup est totalement caché dans le bilan présenté - elle a surtout bénéficié de la remontée des bases d’imposition calculées par les services de l’Etat. Ainsi, les rentrées fiscales forgeoises ont sensiblement augmenté depuis 2020, même la commune n’a pas augmenté les taux d’imposition locale au cours des quatre dernières années, un maintien qui avait également été le choix des deux dernières mandatures auxquelles je participais. Ce n’est pas la bonne gestion locale présentée qui est donc seule le moteur de cette santé fiscale, loin de là. Bilan biaisé, présentation trompeuse, je disais...

Un mot pour terminer ce rapide tour d’horizon qui aura une suite, comme indiqué plus haut, au sujet du secteur environnement et ruralité. Premier point, la page dédiée ne contient, cela se voit à l’œil, que très peu d’actions réalisées. Le bruit des avions : la commune qui jusqu'en 2020 avait été porteuse et dans l’accompagnement constant d’une association locale efficace (« Forges sans nuisances » pour ne pas la nommer), a depuis juste rejoint le groupe Drapo. Or, c'est lui essentiellement qui porte le dossier... La « section modification du PLU » est assez creuse comme l’est la section « entretien du patrimoine environnemental », bref, on est sur du diaphane depuis 4 ans. Par ailleurs, et dans le même temps, les actions en faveur de l’environnement proposées ou portées par des associations locales ne sont que peu ou pas soutenues à Forges. Bref, cette section est à mon sens un magnifique exemple de communication autour du pas grand-chose « réalisé » en quatre ans. Je rappellerai d’une façon générale que les indemnités des élus adjoints au maire doivent approcher les 800 euros par mois, soit presque 10 000 euros par an, soit presque 40 000 euros sur 4 ans et 60 000 euros en fin de mandature…

Deux derniers points pour ne pas allonger ce billet. Primo, j’ai été très étonné de constater que ce bilan a été publié en juin 2024, soit grosso modo 4 ans après la dernière élection municipale. Or, à moins que je perde mes notions de maths, le mi-mandat tombait à l'été 2023. On n'est donc pas sur un bilan de mi-mandat ! Alors, pourquoi ce retard ? Simple problème technique, ou volonté de masquer des manques, des absences, un bilan somme toute et à mon avis rarement satisfaisant, et globalement très moyen dans nombre de domaines ? Secundo, je constate une autre différence majeure entre cette mandature et les précédentes, outre celles évoquées plus haut. En effet, si des travaux d’amélioration ou d’entretien ont bien été réalisés dans la commune depuis 4 ans, aucune action structurante n’est visible. En douze ans, les précédentes mandatures avaient ainsi créé de nombreux équipements d'importance, tels le centre de services techniques de Forges, le gymnase, les locaux sportifs du stade, la maison médicale, la maison des associations, le city park, la régie publique de l’eau, un réfectoire scolaire, une classe de plus à la maternelle, le centre de PMI (pour ce dernier avec la CCPL), une station d’épuration neuve (avec le syndicat interco), pour ne citer que le plus visible… Bref, même s’il y avait eu assez peu de com., il y a eu énormément plus de réalisations structurantes. Si on attend encore l’extension de l’école élémentaire promise par l’actuelle équipe, équipement sans doute nécessaire mais qui affectera lourdement les finances communales pour un moment, quel sera l’héritage de cette équipe, hors de son détestable comportement vis à vis des associations et de certains laissés pour compte de la commune ? Pour le moment, il reste plutôt imperceptible…


* l’autofinancement est le montant disponible après payement des emprunts et des diverses charges communales permettant d’assurer le fonctionnement des services. Cette somme est alors affectable au travaux et investissements à venir.


Crédit illustration :


Modification d'un dessin dYsope :
https://www.leravi.org/journal/cadeau-dadieu-de-gaudin-aux-ecoles-privees/




dimanche 8 septembre 2024

M. BARNIER, PREMIER MINISTRE ? MÊME PAS SURPRIS !

 


Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la nomination de M. Michel Barnier au poste de premier ministre, en contradiction avec l’usage en cours. Certains se sont réjouis, d’autres se sont – à juste titre me semble-t-il – offusqués. Pourtant, tout cela était prévisible…

Il aura donc fallu plus de cinquante jours à notre président, M. Emmanuel Macron, pour nommer M. Michel Barnier au poste de premier ministre. Cet évènement est une première dans l’histoire de la cinquième République, à double titre. Premièrement, et sauf erreur de ma part, c’est la première fois qu’un délai de désignation aussi long est constaté. Secondement, c’est la première fois depuis 1958 que le premier ministre n’appartient pas à la même mouvance politique que le parti ou la coalition arrivé en tête aux législatives. Ainsi, M. Michel Barnier est membre d’un parti que l’on peut considérer comme très minoritaire, les Républicains ont en effet obtenu 5 à 7% des voix à la présidentielle de 2022 comme aux dernières législatives. En la matière, il est clair que si M. Emmanuel Macron a respecté la Constitution dans sa lettre, il ne l’a fait en aucun cas dans son esprit, ni dans les usages qui en découlent.

Sans qu’il s’agisse d’un coup d’Etat, ni d’un motif de destitution, le choix de notre président est surtout la marque d’un immense mépris pour une large partie des Français. En tous cas, de ceux dont les suffrages ont porté, qu’on le veuille ou non, le Nouveau Front Populaire (NFP) en tête des législatives. Ce choix s’inscrit dans un mode de fonctionnement récurrent de notre président, mode de fonctionnement qui s’est traduit par la même haute dose d’arrogance lors des manifestations des gilets jaunes, des manifestations contre la pseudo-réforme des retraites, ou du dédain affiché vis à vis des élus locaux ou des représentants des corps intermédiaires, syndicats en tête. Bref, si « la dictature, c’est ferme ta gueule », pour M. Emmanuel Macron la démocratie c’est bien « cause toujours » …

Ces faits sont graves dans la mesure où, à mon sens, ils ouvrent une nouvelle autoroute au rassemblement national (RN). En effet pourquoi encore aller voter de façon assez marquée contre une personne, son parti et sa politique, si c’est pour se retrouver avec « les mêmes » aux manettes, qui mèneront la même politique que par le passé ? Dois-je rappeler l’élection de Mme. Y. Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée Nationale, et dois-je aussi rappeler les déclarations de plusieurs ministres démissionnaires proposant sans honte leurs « services » au nouveau premier ministre ? Parmi ceux-ci, on compte, selon BFM-TV, Mme Nicole Belloubet qui affirme avoir envie de poursuivre son activité, ainsi que M. Guillaume Kasbarian, qui n’a pas hésité à expliciter son « soutien positif » à M. Michel Barnier, et son « souhait de participation » au futur gouvernement. Par ailleurs, toujours selon BFM, M. Michel Barnier ne serait pas du tout opposé à conserver M. Sébastien Lecornu aux armées et Mme Rachida Dati à la culture. Enfin, on cite comme restants potentiels M. Gérald Darmanin et M. Catherine Vautrin. Tout cela ne peut donc que conduire nombre de Français à sa détourner du vote, ce qui mathématiquement sera très favorable au RN, dont les électeurs, eux, restent motivés…

La décision de notre président confirme que le « front républicain » est bien à géométrie variable, comme je l’écrivais dans un article de blog récent. Alors que les députés macronistes et des Républicains ont largement insisté aux second tour pour demander le report des votants du NFP en cas de duel avec un candidat RN, ce à quoi les candidats NFP ont tout de suite répondu favorablement, on a vite constaté que du côté des Républicains, il n’en allait pas de même, certains affichant clairement même leur soutien préférentiel à un candidat RN plutôt que NFP. De plus, une fois élus - et pour un nombre non négligeable d’entre eux avec des voix d’électeurs de gauche - ces mêmes parlementaires, rappelons-le minoritaires, ont décidé qu’il fallait ostraciser d’éventuels ministres issus de la France Insoumise (LFI) au motif que ceux-ci ne seraient pas « républicains ». Et par la suite, ces mêmes comiques ont indiqué qu’ils refuseraient tout gouvernement issu en partie ou en totalité du NFP. Or, on peut ajouter que selon des journalistes dits bien informés, dont les propos sont confirmés par des députés RN, la nomination de M. Michel Barnier s’est faite après discussion entre M. Thierry Solère, conseiller de l’Elysée, et des responsables du RN. C’est vraiment faire peu de cas du front républicain et au-delà des choix démocratiques des Français. Il est donc probable qu’il n’y aura sans doute plus personne à gauche pour répéter l’opération front républicain lors de prochaines élections. Quand je parlais d’autoroute ouverte au RN…

Tout ce qui précède démontre bien que la décision de nommer M. M. Barnier premier ministre est un non-sens démocratique. S’ajoute à cela que cette longue réflexion a été motivée, aux dires de notre président lui-même, par le besoin de trouver une personnalité capable d’échapper à une censure rapide. Ce dernier nous a parlé de « stabilité nécessaire », alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il est lui-même à l’origine de ce qui ressemble fortement à une crise de régime, suite à la dissolution de l’Assemblée. Par ailleurs, en décidant qui pourrait être censuré et qui ne le pourrait probablement pas, M. Emmanuel Macron a empiété sur les prérogatives de l’Assemblée Nationale, car c’est elle et elle seule qui décide de censurer ou non. Cette confusion entre le législatif et l’exécutif est à mon sens bien plus grave qu’il n’y parait, car il s’agit d’un des fondements de la Constitution, dont le président devrait être le gardien.

Reste à comprendre au-delà des arguments présidentiels, les critères de choix de notre nouveau premier ministre. A mon sens, il faut pour cela se poser quelques questions, telles que : qui a permis l’élection du président ? Et quels intérêts représente-t-il ? De façon abrupte, on peut affirmer que le macronisme n’existe pas. L’histoire de ce parti se limite en effet à la première élection du président. Il n’y a pas de doctrine écrite, pas de texte fondateur, pas de passé - et je l’espère - pas de futur. En réalité, M. Emmanuel Macron peut être considéré comme un pur produit de marchandisage, ou de « merchandising » pour ceux qui préfèrent les termes anglais. M. Emmanuel Macron nous a été vendu comme un jeune président, disruptif, un individu intelligent qui ferait enfin pour la France la synthèse entre la droite et la gauche, etc., etc. En ce sens, sa promotion (au sens commercial du terme) répond aux points qui caractérisent l’activité de merchandising, à savoir présenter le bon produit, au bon endroit, au bon moment, au bon prix et avec les bonnes informations… Et qui nous en a fait la publicité ? Essentiellement la presse TV, audio, papier, dont une très grande partie est aux mains de grands groupes financiers, eux même aux mains de quelques milliardaires. De façon brutale, mais peu éloignée de la réalité, M. Emmanuel Macron est bien le président des ultrariches, qui l’ont installé au pouvoir, et qui ont bénéficié au vu de l’accroissement colossal de leurs revenus, de ses largesses. Comment, dès lors, avoir cru un instant qu’il allait nommer quelqu’un comme Mme Lucie Castets, quels que soient son intelligence et son parcours, premier ou première ministre ? Comment ne pas voir vu que cela n’était en aucun cas possible parce qu’elle contrecarrait tous les plans des promoteurs du macronisme, en revenant sur quelques-unes des contre-réformes anti sociales que nous avons subies ? Comment la gauche a-t-elle pu être aussi aveugle et comment a-t-elle pu entretenir l’espoir chez ses militants ? Il faudra qu’elle s’en explique…

La désignation de M. M. Barnier, commissaire européen, aligné sur les positions idéologiques du président à « l’épaisseur du trait près », n'est donc pas surprenante car elle s’inscrit donc dans une logique de continuité des politiques antisociales qui ont émaillées les années passées. Celui-ci reste cependant sur un siège éjectable parce que nommé avec l’aval du RN. Ce dernier point est le seul élément positif du tragique épisode que nous traversons, car il confirme clairement de quel côté politique penche notre président. Il doit cependant faire attention car à force de pencher de plus en plus à droite, il pourrait bien finir par tomber…

 

Crédit illustration :

D'après un dessin de Kak pour l'Opinion

jeudi 5 septembre 2024

BRUNO VA-T-IL ENFIN LA FERMER ?

 

La récente déclaration de l’ex-ministre des finances, M. Bruno Le Maire, a fait réagir un certain nombre de personnalités de tous bords politiques. En ma qualité d’ancien élu, je m’associe à ces réactions, tant le propos que j’explicite ci-dessous me paraît outrancier, injuste, et, disons-le, mensonger !

Dans une lettre envoyée lundi 2 septembre 2024 aux parlementaires, M. Bruno Le Maire indique à propos du budget 2024, que celui-ci devrait connaître un déficit plus important que prévu, de l’ordre de 16 milliards d’euros. Coupables selon l’ancien ministre : les collectivités locales et leurs dépenses excessives. Ceci est évidemment un gros bobard !

Cette technique du bouc émissaire est en réalité, un classique en politique. Elle permet de détourner le regard du simple citoyen de l’action des vrais responsables, en lui proposant comme géniteur de tous ses maux une personne, un groupes de personnes, morales ou physiques sur lequel le simple citoyen pourra épancher sa colère. Comme l’écrivait le sociologue Pierre Mouterde : « le fait de choisir, sous la forme d’un ennemi tout trouvé, un bouc émissaire sur lequel on pourra décharger son agressivité rentrée ou ses haines contenues permet à ceux et celles qui ont l’impression d’être socialement en position précaire ou défavorable, de se gorger de sentiments de force et de puissance, et par conséquent, d’avoir l’impression de tenir en lisière les peurs qui les hantent. Et cela parce qu’ils se trouvent à pouvoir soudainement faire corps avec un groupe qui se soude autour d’eux et fait bloc devant l’image d’un danger appréhendé qu’on a dressé devant eux et illusoirement présenté comme étant à la source de tous leurs maux » (1).

Notre sympathique ex-ministre des finances met donc en cause les collectivités locales et leurs dépenses excessives pour expliquer les dérapages budgétaires. Malheureusement, « il se trompe » de coupables. En effet, comme de nombreux lecteurs de ce blog le savent, les collectivités territoriales, tels que communes ou syndicats intercommunaux, ne peuvent présenter un budget en déficit. Les dépenses doivent y être équilibrés par celui des recettes appropriées. Mais, me direz-vous, certaines dépenses sont telles que les communes doivent emprunter pour les réaliser. Effectivement, les communes peuvent emprunter mais seulement pour investir, et en aucun cas pour assurer le fonctionnement communal, une différence majeure avec l’Etat, qui lui ne se prive pas d’emprunter pour son fonctionnement. De plus, le montant de ces emprunts doit rester limité, tant en montant global qu’en termes de charge de la dette, c’est à dire en termes de remboursement des sommes empruntées. On considère qu’une commune dont le taux moyen de la charge de la dette est d’environ 6 à 12% fonctionne de façon correcte. En dessous, elle n’investit pas assez pour ses administrés, et au-dessus de 18%, les clignotants rouges s’allument en Préfecture, pouvant décider celle-ci à prendre la main sur le budget communal. Au national, le montant des recettes prévues pour 2024 s’élève à 310 milliards d’euros, et celui des dépenses à 450 milliards générant un déficit de l’ordre de 140 milliards d’euros qui sera couvert par l’emprunt… En 2023, la charge de la dette représentait environ 55 milliards d’euros, soit… 18% des recettes. On est donc bien dans une situation qui vaudrait à une commune ou à un syndicat intercommunal, plus que des remontrances de la Préfecture.

Deuxième point, les budgets communaux se doivent d’être « sincères ». Ceci signifie que lors des prévisions de budget, les recettes ne doivent pas être surestimées et les dépenses ne doivent pas être masquées. C’est d’ailleurs ce que nous a avons fait pendant nos 12 ans de mandat municipaux au cours desquels les élus responsables des finances ont systématiquement maximisé les dépenses et minimisé les recettes. Malheureusement, ce n’est pas ce que fait l’Etat depuis 2 ans avec, entre autres, un budget prévisionnel très optimiste en termes de rentrées. La cour des comptes s’en est émue, et l’a écrit en termes polis dans un rapport récent : « Les raisons de cette dégradation sont multiples mais tiennent, en premier lieu, à une loi de finances initiale peu ambitieuse. […] En cours d’année, les rentrées fiscales se sont révélées inférieures aux prévisions, alors que dans le même temps, la charge de la dette augmentait plus rapidement que prévu et que le besoin de financement de l’État atteignait son pic historique » (2).

Enfin, dernier point que M. Bruno Le Maire se garde bien d’évoquer : le non-versement de certaines rentrées fiscales dues aux communes. Lors d’une discussion récente avec le maire d’une ville voisine, celui-ci me confiait que sa commune attendait toujours les subsides promis par la région Ile-de-France, ainsi que les compensations de la TVA de 2023, connues sous le terme de FCTVA. Ce FCTVA, acronyme de « fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée » est, et je cite le site gouvernemental qui lui est consacré, « une dotation versée aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et destinée à assurer une compensation, à un taux forfaitaire, de la charge de TVA que ces derniers supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement et qu’ils ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale ». Il se trouve que ce FCTVA constitue une des principale aides de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’investissement. Si ces subsides ne reveinent pas aux communes, il faudra les compenser par de l’emprunt ou par des augmentations d’impôts de type taxe foncière. Notre ancien ministre des finances ne manque donc pas d’air lorsqu’il accuse les collectivités locales, et donc majoritairement les communes et communautés d’agglos ou de communes, d’être responsables de l’accroissement des déficits publics. Qu’il balaye devant sa porte pour commencer !

Au vu de ce qui précède, et si j’étais cavalier, j’aurais donc tendance à dire « Bruno, ferme-là s’il te plait et retourne à la rédaction de tes bouquins ». Dans le micmac actuel, le seul point positif de la nomination d’un nouveau premier ministre est la constitution d’un nouveau gouvernement à venir, dont M. Bruno Le Maire pourrait être exclu. Ceci dit, il n’y a aucune certitude à cela au vu du coup de barre à droite impulsé par l’actuel président en lien avec le choix de M. Michel Barnier à Matignon. J’y reviendrai bientôt, tant cette décision me semble constituer un coup de canif, voire de poignard dans le contrat liant le président à la nation. Mais ceci est une autre histoire, comment le dirait le très britannique Rudyard Kipling…



Références :

1. Pierre Mouterde. En finir avec la droite ! Réflexions autour de la mécanique du bouc émissaire. Les nouveaux cahiers du socialisme, 23, 148, 2020.

2. Le budget de l’Etat en 2023. Résultats et gestion. Rapport de la Cour de Comptes. Synthèse. Avril 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ccomptes.fr/fr/documents/69402



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Montage personnel