dimanche 8 septembre 2024

M. BARNIER, PREMIER MINISTRE ? MÊME PAS SURPRIS !

 


Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la nomination de M. Michel Barnier au poste de premier ministre, en contradiction avec l’usage en cours. Certains se sont réjouis, d’autres se sont – à juste titre me semble-t-il – offusqués. Pourtant, tout cela était prévisible…

Il aura donc fallu plus de cinquante jours à notre président, M. Emmanuel Macron, pour nommer M. Michel Barnier au poste de premier ministre. Cet évènement est une première dans l’histoire de la cinquième République, à double titre. Premièrement, et sauf erreur de ma part, c’est la première fois qu’un délai de désignation aussi long est constaté. Secondement, c’est la première fois depuis 1958 que le premier ministre n’appartient pas à la même mouvance politique que le parti ou la coalition arrivé en tête aux législatives. Ainsi, M. Michel Barnier est membre d’un parti que l’on peut considérer comme très minoritaire, les Républicains ont en effet obtenu 5 à 7% des voix à la présidentielle de 2022 comme aux dernières législatives. En la matière, il est clair que si M. Emmanuel Macron a respecté la Constitution dans sa lettre, il ne l’a fait en aucun cas dans son esprit, ni dans les usages qui en découlent.

Sans qu’il s’agisse d’un coup d’Etat, ni d’un motif de destitution, le choix de notre président est surtout la marque d’un immense mépris pour une large partie des Français. En tous cas, de ceux dont les suffrages ont porté, qu’on le veuille ou non, le Nouveau Front Populaire (NFP) en tête des législatives. Ce choix s’inscrit dans un mode de fonctionnement récurrent de notre président, mode de fonctionnement qui s’est traduit par la même haute dose d’arrogance lors des manifestations des gilets jaunes, des manifestations contre la pseudo-réforme des retraites, ou du dédain affiché vis à vis des élus locaux ou des représentants des corps intermédiaires, syndicats en tête. Bref, si « la dictature, c’est ferme ta gueule », pour M. Emmanuel Macron la démocratie c’est bien « cause toujours » …

Ces faits sont graves dans la mesure où, à mon sens, ils ouvrent une nouvelle autoroute au rassemblement national (RN). En effet pourquoi encore aller voter de façon assez marquée contre une personne, son parti et sa politique, si c’est pour se retrouver avec « les mêmes » aux manettes, qui mèneront la même politique que par le passé ? Dois-je rappeler l’élection de Mme. Y. Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée Nationale, et dois-je aussi rappeler les déclarations de plusieurs ministres démissionnaires proposant sans honte leurs « services » au nouveau premier ministre ? Parmi ceux-ci, on compte, selon BFM-TV, Mme Nicole Belloubet qui affirme avoir envie de poursuivre son activité, ainsi que M. Guillaume Kasbarian, qui n’a pas hésité à expliciter son « soutien positif » à M. Michel Barnier, et son « souhait de participation » au futur gouvernement. Par ailleurs, toujours selon BFM, M. Michel Barnier ne serait pas du tout opposé à conserver M. Sébastien Lecornu aux armées et Mme Rachida Dati à la culture. Enfin, on cite comme restants potentiels M. Gérald Darmanin et M. Catherine Vautrin. Tout cela ne peut donc que conduire nombre de Français à sa détourner du vote, ce qui mathématiquement sera très favorable au RN, dont les électeurs, eux, restent motivés…

La décision de notre président confirme que le « front républicain » est bien à géométrie variable, comme je l’écrivais dans un article de blog récent. Alors que les députés macronistes et des Républicains ont largement insisté aux second tour pour demander le report des votants du NFP en cas de duel avec un candidat RN, ce à quoi les candidats NFP ont tout de suite répondu favorablement, on a vite constaté que du côté des Républicains, il n’en allait pas de même, certains affichant clairement même leur soutien préférentiel à un candidat RN plutôt que NFP. De plus, une fois élus - et pour un nombre non négligeable d’entre eux avec des voix d’électeurs de gauche - ces mêmes parlementaires, rappelons-le minoritaires, ont décidé qu’il fallait ostraciser d’éventuels ministres issus de la France Insoumise (LFI) au motif que ceux-ci ne seraient pas « républicains ». Et par la suite, ces mêmes comiques ont indiqué qu’ils refuseraient tout gouvernement issu en partie ou en totalité du NFP. Or, on peut ajouter que selon des journalistes dits bien informés, dont les propos sont confirmés par des députés RN, la nomination de M. Michel Barnier s’est faite après discussion entre M. Thierry Solère, conseiller de l’Elysée, et des responsables du RN. C’est vraiment faire peu de cas du front républicain et au-delà des choix démocratiques des Français. Il est donc probable qu’il n’y aura sans doute plus personne à gauche pour répéter l’opération front républicain lors de prochaines élections. Quand je parlais d’autoroute ouverte au RN…

Tout ce qui précède démontre bien que la décision de nommer M. M. Barnier premier ministre est un non-sens démocratique. S’ajoute à cela que cette longue réflexion a été motivée, aux dires de notre président lui-même, par le besoin de trouver une personnalité capable d’échapper à une censure rapide. Ce dernier nous a parlé de « stabilité nécessaire », alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il est lui-même à l’origine de ce qui ressemble fortement à une crise de régime, suite à la dissolution de l’Assemblée. Par ailleurs, en décidant qui pourrait être censuré et qui ne le pourrait probablement pas, M. Emmanuel Macron a empiété sur les prérogatives de l’Assemblée Nationale, car c’est elle et elle seule qui décide de censurer ou non. Cette confusion entre le législatif et l’exécutif est à mon sens bien plus grave qu’il n’y parait, car il s’agit d’un des fondements de la Constitution, dont le président devrait être le gardien.

Reste à comprendre au-delà des arguments présidentiels, les critères de choix de notre nouveau premier ministre. A mon sens, il faut pour cela se poser quelques questions, telles que : qui a permis l’élection du président ? Et quels intérêts représente-t-il ? De façon abrupte, on peut affirmer que le macronisme n’existe pas. L’histoire de ce parti se limite en effet à la première élection du président. Il n’y a pas de doctrine écrite, pas de texte fondateur, pas de passé - et je l’espère - pas de futur. En réalité, M. Emmanuel Macron peut être considéré comme un pur produit de marchandisage, ou de « merchandising » pour ceux qui préfèrent les termes anglais. M. Emmanuel Macron nous a été vendu comme un jeune président, disruptif, un individu intelligent qui ferait enfin pour la France la synthèse entre la droite et la gauche, etc., etc. En ce sens, sa promotion (au sens commercial du terme) répond aux points qui caractérisent l’activité de merchandising, à savoir présenter le bon produit, au bon endroit, au bon moment, au bon prix et avec les bonnes informations… Et qui nous en a fait la publicité ? Essentiellement la presse TV, audio, papier, dont une très grande partie est aux mains de grands groupes financiers, eux même aux mains de quelques milliardaires. De façon brutale, mais peu éloignée de la réalité, M. Emmanuel Macron est bien le président des ultrariches, qui l’ont installé au pouvoir, et qui ont bénéficié au vu de l’accroissement colossal de leurs revenus, de ses largesses. Comment, dès lors, avoir cru un instant qu’il allait nommer quelqu’un comme Mme Lucie Castets, quels que soient son intelligence et son parcours, premier ou première ministre ? Comment ne pas voir vu que cela n’était en aucun cas possible parce qu’elle contrecarrait tous les plans des promoteurs du macronisme, en revenant sur quelques-unes des contre-réformes anti sociales que nous avons subies ? Comment la gauche a-t-elle pu être aussi aveugle et comment a-t-elle pu entretenir l’espoir chez ses militants ? Il faudra qu’elle s’en explique…

La désignation de M. M. Barnier, commissaire européen, aligné sur les positions idéologiques du président à « l’épaisseur du trait près », n'est donc pas surprenante car elle s’inscrit donc dans une logique de continuité des politiques antisociales qui ont émaillées les années passées. Celui-ci reste cependant sur un siège éjectable parce que nommé avec l’aval du RN. Ce dernier point est le seul élément positif du tragique épisode que nous traversons, car il confirme clairement de quel côté politique penche notre président. Il doit cependant faire attention car à force de pencher de plus en plus à droite, il pourrait bien finir par tomber…

 

Crédit illustration :

D'après un dessin de Kak pour l'Opinion

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je me suis demandée pourquoi j'étais allée voter !