mercredi 20 novembre 2024

LES PETITS ET GROS MENSONGES DE LA MUNICIPALITÉ. CHAPITRE III.

Voici un nouveau volet de cette série dédiée au bilan de mi-mandat de l’équipe municipale avec cette fois un article destiné à démystifier un des gros bobards lu dans le journal : le soutien au développement économique et le soutien au commerce local.

Vu du Petit Forgeois, cela donne sur la page consacrée à ce sujet et à l’urbanisme, deux tiers de l’espace pour l’urbanisme, dont la moitié constituée de bla-bla et d’un inénarrable chapitre sur la vidéoprotection, et un tiers pour la partie consacrée au développement économique. Celle-ci se concentre sur le commerce local et les efforts soi-disant consentis pour l‘ouverture de la boulangerie tant attendue… Derrière cet autosatisfaction de façade, la réalité est tout autre comme je m’apprête à le démontrer.

Voyons tout d’abord les projets économiquement significatifs qui auraient pu se mettre en place dans notre commune et qui ont restés lettre morte ou qui ont été entravés. Le plus important d’entre eux est sans aucun doute la venue potentielle du conservatoire national des véhicules anciens (CNVA) qui souhaitait installer son centre de formation sur le site dont la ville de Paris est propriétaire. Ce site avait accueilli les migrants afghans de 2016 à 2018. Il s’agissait d’une opération réellement structurante pour notre commune, puis que le CNVA se proposait d’acheter tous les locaux pour y implanter son école, son atelier et son internat, tout en en mettant une partie à disposition des Forgeois pour leurs activités associatives ou professionnelles. Il s’agissait d’une opération qui avait été portée par notre équipe municipale entre 2018 et 2020, principalement à l’initiative de l’un de nos conseillers, M. Yannick Sellier pour ne pas le nommer. Ce projet avait été validé lors de la concertation citoyenne, par des personnes dont certaines sont, d’ailleurs actuellement, au conseil municipal ! Il aurait vu la création d’une trentaine, voire d’une cinquantaine d’emplois sur le site, permettant dès lors et de façon indirecte l’irrigation des commerces locaux : restaurants, bar, coiffeur, etc. Malheureusement, tout ceci est tombé à l’eau. Plusieurs raisons expliquent cela, mais clairement l’une d’entre elles est le manque total de soutien de l’actuelle équipe pour cette implantation. Un magnifique raté en l’espèce !

Autre raté d’importance, l’espace de coworking. Porté par l’association « L’Autre Bureau », que j’ai eu le plaisir de présider pendant deux ans, ce centre avait ouvert ses portes à l’étage de la salle polyvalente dans le cadre d’un partenariat avec la commune. Malgré l’épidémie de CoViD19, il accueillait une quinzaine de télétravailleurs et se développait au moment où celui-ci a dû fermer sur décision municipale. J’ai relaté dans quelques articles une partie des péripéties qui ont conduit à la fermeture de ce lieu, largement voulue par l’actuelle équipe (1,2,3,4). Pourtant, l’Autre Bureau était cité en exemple au PNR de la haute Vallée de Chevreuse, apprécié par la CCPL, car, comme je le disais, le projet « cochait toutes les cases du développement durable, concept qui repose sur le triptyque environnement, économie, activité sociale ». Visiblement ces notions sont trop difficiles à comprendre pour l’actuelle municipalité qui a purement et simplement supprimé ces locaux de la liste des locaux associatifs, et donc, dans le même temps, fait disparaitre une quinzaine d’emplois de la commune… Voilà donc une des façons dont la mairie soutient l’activité économique locale, bien loin de ses racontars sur papier glacé.

À Forges, un de nos acteurs locaux est le golf qui voit passer des dizaines de personnes voire plus sur son site, certains jours. Le restaurant est également très apprécié et fréquenté. Aussi ai-je été surpris de lire dans le bilan que la municipalité « s’attachait à restaurer un dialogue de confiance avec les propriétaires ». J’en suis d’autant plus surpris que nous avons pu, au cours des années 2010 - 2020 maintenir un dialogue constant et cordial avec cette entreprise, même s’il n’a pas toujours débouché sur des projets concrets.

On doit aussi parler du soutien au commerce local, car cela vaut son pesant de cacahouètes ! Nous avions, rue de l’église, une petite superette qui proposait aussi de la restauration rapide, « Red Market » pour ne pas la nommer. Le commerce a dû fermer pour plusieurs raisons, l’une d’entre elles étant l’implantation de « food trucks » sur la place du marché, à 20 mètres de ce commerçant, proposant en partie les mêmes produits que lui plusieurs soirs par semaine, avec la bénédiction de la mairie… De même, le salon « Liloo Bien Être », implanté à Forges, s’est vu concurrencer par un commerçant ambulant sur le marché, proposant à 30 mètres de son échoppe les mêmes produits que lui ! La municipalité en la matière n’en était pas, à vrai dire, à son coup d’essai, puisqu’elle avait réalisé la même opération avec « le Goût d’Antan », établissement apprécie du marché forgeois, qu’elle avait mis en concurrence là aussi sur ce même marché avec un autre traiteur ! Le Goût d’Antan avait alors quitté la commune ; j’ai relaté cela plus en détail dans un précédent article de blog (5). Toujours sur le marché, le maraicher, l’un des premiers commerces à s’être installé et qui nous reste fidèle depuis des années, a eu maille à partir avec la commune : celle-ci lui a tout bonnement interdit de stationner son camion à proximité, l’obligeant à monter jusqu’à la place de l’église plusieurs fois par demi-journée pour assurer le réassort de ses produits. J’ai également cru comprendre que ce commerçant se trouvait confronté à des difficultés pour faire déplacer les voitures en stationnement abusif sur son site d’implantation le samedi matin… Tout ceci doit donc être la vision de la mairie de ce qu’est un bon soutien aux commerçants de la commune !

En vérité, ce soutien municipal défaillant, l’est aussi lorsque l’on considère l’absence de volonté d’impliquer les commerces de façon systématique dans les fêtes et animations locales. Lors de celles-ci, la mairie préfère faire venir encore et toujours des food-trucks extérieurs pour l’animation, comme c’est le cas lors de la fête des thermes ou de la Châtaigne. J’ai évoqué Red Market ; j’aurai pu aussi évoquer son prédécesseur, ainsi que le restaurant l’Arôme que nous impliquions assez régulièrement lors d’événements culturels communaux, ou pour l’organisation de réunion « de travail » entre élus ou avec des fournisseurs.

Enfin, comment ne pas discuter du cas de la boulangerie (6). Autant le dire tout de suite, car je pense que l’actuelle municipalité ne s’en vantera pas, le commerçant repreneur avait été contacté par notre équipe municipale fin 2019, début 2020. Il s’agit de la boulangerie des six moulins de Bullion. Certes, cette remise en service a été retardée par l’épidémie de CoViD19 et par des travaux complémentaires sur un bâti très fatigué. Mais quand même, quatre ans… Selon mes retours d’information, il semblerait que l’actuelle municipalité n’ait pas été très proactive dans l’avancée du dossier, et c’est un euphémisme... De ce que je sais, et ai pu confirmer, elle a même été jusqu'à contacter un autre boulanger de la région pour concurrencer le projet de réouverture des six moulins… Soutien, vous avez dit soutien ? Ou foutage de gueule ?

Voilà donc un petit tour d’horizon rapide de la réalité de l’appui aux commerces locaux et à l’activité économique… Le bilan est catastrophique : une cinquantaine d’emplois perdus sur la commune a minima, un projet d'établissement structurant abandonné, des commerces dépourvus de soutien communal, et comme à l’habitude, pour masquer tout cela, une communication dans le Petit Forgeois fausse, voire mensongère, au moins par omission… Bref, la routine !


Références :

1. Un certain mépris pour le monde associatif. Ce blog. Mai 2021.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2021/05/un-certain-mepris-pour-le-monde.html

2. Associations : quand la mairie se moque du monde (1)... Ce blog. Septembre 2022.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2022/09/asociations-quand-la-mairie-se-moque-du.html

3. Quand madame la maire dérape… Ce blog. Mars 2023.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2023/03/quand-madame-la-maire-derape.html

4. Forges Les Bains, commune en PLS. ? Ce blog. Mai 2023.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2023/05/forges-les-bains-commune-en-pls.html

5. Le goût d’Antan quitte le marché de Forges. Ce blog. Avril 2021.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/search?q=antan

6. Projets communaux. II. Vers une réouverture de la boulangerie ? Ce blog. Janvier 2021.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2021/01/projets-communaux-ii-vers-une.html



Crédit illustration : 

Illustration personnelle d'après un dessin d'AR.
Sa page :
https://dessin-humoristique.fr/illustrateur-dessinateur-humour




vendredi 15 novembre 2024

AU SUJET DES INONDATIONS À FORGES

Notre commune a été touchée voilà peu par des inondations importantes liées à des évènements pluviométriques majeurs. Je suis, bien entendu, profondément désolé pour les Forgeois qui ont du subir ces évènements, sans aucun doute traumatisants. Pendant quelques années, je me suis occupé de cette problématique, et je donne ici quelques pistes pour tout d’abord expliquer et tenter de limiter les impacts de tels évènements sur les biens et les personnes.

Dans notre commune, plusieurs secteurs sont soumis au risque inondation, en sachant qu’il s’agit le plus souvent de ruissellements et non pas de débordements de cours d’eau. Je liste ici les principaux secteurs affectés, d’autres pouvant l‘être de façon plus modérée. D’est en ouest, le premier secteur touché est celui des rues d’Adélaïau et de Launay, particulièrement autour de la ferme d’Adélaïau. L’origine du flux se trouve dans le bassin agricole des graviers situé au sud parcouru par le chemin rural (CR) n°10. Il se déverse de façon marquée rue d’Adélaïau pour rejoindre le cours du Petit Muce. Le second secteur affecté est le bas de la rue du jeu de paume, coté château de Pivot. Malgré les importants travaux réalisés, lors de fortes pluies, comme celles que nous avons connues voilà peu, le carrefour dit de Pivot peut voir s’accumuler de quelques centimètres à presque 40 cm d’eau entrainant la coupure de la RD 152. Il s’agit là aussi de volumes d’eau provenant principalement des champs de la côte de Pivot. Autre secteur touché, la rue du ruisseau avec des arrivées d’eau en provenance également de la zone agricole dite de la Vallée Maréchal et du Douaire. Plusieurs maisons ont été inondées y compris rue des sources, l’eau provenant du même secteur mais dans se dirigeant sur une autre pente. Ensuite nous trouvons le secteur de la rue du Général Leclerc. Normalement, ce secteur ne devrait plus subir de trop fortes arrivées d’eau car les bassins de rétention situés au golf ont été agrandis. Malheureusement, lors des derniers évènements pluvieux, un incident que je relaterai plus loin s’est produit qui aurait pu avoir des conséquences très graves. Ce secteur a donc à nouveau été inondé de façon sensible. Dernier secteur particulièrement touché, le bas du hameau de Malassis, au niveau de la rue de la gloriette et de la RD 988. Dans cas, il s’agit à la fois de ruissellement en provenance de la côte des morts et du bois du Cormier, et du débordement du ru de la Gloriette (aussi appelé ruisseau Blin ou Blain). Là également, les volumes d’eau sont importants d’autant que la pluviométrie a été exceptionnelle depuis 2 mois. Lors des deux derniers évènement pluvieux, ce sont 40 et 80 mm d’eau qui sont tombés en quelques heures, au plus en une demi-journée, soit l’équivalent d’un puis de deux mois de pluie pour la région parisienne. Le tout s’est produit sur des sols gorgés d’eau, avec des espaces agricoles et forestiers qui n’absorbent plus, avec les effets que l’on connait.

Diverses causes ont rendu les conséquences des pluies récentes plus marquées. La première a été une fissure apparue dans le bassin de rétention du golf qui a libéré une lame d’eau importante. Ceci aurait pu être bien plus volumineuse si le merlon avait complètement cédé. L’effet de la rupture a été la production d’un événement de type « vague » qui a parcouru une partie de la rue du Général Leclerc. Ce qui est inquiétant dans cette histoire est que la rupture partielle du bassin s’est produite sur la partie haute du merlon, indiquant qu’il a été soumis à une pression d’eau forte correspondant à un remplissage trop important, probablement au-delà des limites opérationnelles. De ce que je me rappelle, ce bassin capte à la fois les eaux en provenance du Petit Muce via un ouvrage écrêteur, mais aussi celles descendant de Chardonnet par la rue Saint Jean. Tel que conçu à l’origine, il alimente « à contre sens » le second bassin, qui se situe à son côté mais en direction du hameau du Parc. Or il se trouve que ce bassin est resté quasiment vide ces derniers temps, suggérant que la communication entre les deux ne fonctionne pas, ou pas de façon optimale. L’ouvrage est sous le contrôle du syndicat de l’Orge, depuis que le SIHA, précédemment gestionnaire a rejoint ce syndicat. Ce dernier ne peut cependant avoir l’œil partout, et lorsque nous étions élus, nous nous chargions d’alerter le syndicat sur les travaux à faire ou les dysfonctionnements constatés. J’ignore si l’équipe municipale en place assure ce rôle de surveillance, directement ou via les services techniques, mais j’avoue ne jamais avoir vu qui que ce soit sur ces bassins ou sur d’autres bassins de rétention. J’ajoute aussi que, malgré mes indications répétées en mairie concernant les bassins du pré au chevaux, la réaction municipale a été plus que très lente… Je reste donc dubitatif sur l’engagement communal en regard de la problématique eau de surface. Ceci est d’autant plus navrant que lorsque nous étions élus, des membres proches de cette équipe avaient pollué les réseaux sociaux autour de la soi-disant inaction de notre équipe. J’en rigolerais doucement si la sécurité des biens et des personnes n’était pas menacée dans ce dossier.

 

La problématique de l’eau est en réalité très complexe. Ainsi, de nombreux intervenants qui ne connaissent pas forcément le territoire, sont parties prenantes. Je pense en particulier à certains services de l’Etat qui réagissent strictement selon les textes de lois, sans se rendre compte que, parfois, le mieux est l’ennemi du bien. Il serait en effet bon de laisser un peu plus d’autonomie aux acteurs de terrain, pour autant – et je le soulignais plus haut - que ceux-ci souhaitent d’impliquer. Par ailleurs, les jeux d’acteurs locaux peuvent ne pas simplifier la donne. J’avais ainsi proposé d’approfondir légèrement un des bassins de rétention de la commune, celui de la rue Alice Millat, au motif que lors d’événements très intenses, celui-ci était plein à ras bord, puis débordait sur la route. Des proches de l’actuelle équipe municipale m’avaient alors menacé - avaient menacé la commune devrais-je plutôt écrire - de poursuites en justice administrative si une modification du bassin était effectuée. Pourtant celle-ci n’aurait pas changé la nature de la zone humide, ni dans 99% des cas, pas modifié la façon dont les eaux étaient interceptées puis rendues au milieu naturel, mais cela aurait empêché tous les débordements liés aux évènements de fortes intensités… De même, nous avions pensé créer des fossés à redents comme celui implémenté le long de la descente de Pivot, à deux endroits de la commune, pour limiter la vitesse d’écoulement des eaux dans ces secteurs pentus. Là aussi, ces projets ont été rendus impossibles par des actions sur les réseaux sociaux, soit d’opposants politiques, soit de personnes défendant des intérêts particuliers et non pas l’intérêt général… Et à Forges, dans ce dossier et depuis 4 ans, il ne s’est rien passé !

Enfin, la multiplicité des acteurs peut dans certains faire que, paradoxalement, personne ne fait rien. C’est le cas du ru de la Gloriette dans le secteur de Malassis, qui, à l’époque où j’étais élu, ne figurait pas dans la liste des cours d’eau gérés par le SIHA. De par ses statuts, ce syndicat s’occupait en effet de la Prédecelle et de ses affluents. Or la Gloriette est un affluent de la Rémarde. Ce ru devait donc a priori être géré par le syndicat en charge de la Rémarde amont sauf que… Sauf que ce syndicat ne s’occupait pas du ru dans le secteur Limours / Forges, ces deux communes étant non membres du syndicat car situées dans l’Essonne, et pas dans les Yvelines où la Gloriette rejoint la Rémarde ! Kafkaien ! J’avais alors contacté des élus de Pecqueuse et de Limours pour qu’ils prennent en charge l’entretien du ru de la Gloriette dans sa partie haute. J’avais également contacté l’UTD91 en charge de l’entretien des routes départementales pour l’entretien des fossés situés le long de la RD 988, sans autre succès qu’une écoute polie mais totalement inefficace. Le problème de ruissellement concernant Forges, certains dans ces services et communes voisines devaient se dire qu’après eux, le déluge… pour Forges ! Un poil énervé par la passivité ambiante, j’avais alors demandé aux services techniques de notre commune d’intervenir sous ma responsabilité sur le ru de la Gloriette et sur le fossé le long de la départementale pour un nettoyage en profondeur, ce qui avait réglé les problèmes pendant des mois, voire des années. Je ne sais pas où en est la résolution de ce problème aujourd’hui ; je ne sais même pas si dans son habituel dilettantisme, l’actuelle municipalité s’en est jusque-là soucié. Les riverains pourront lui poser la question, à l’occasion…

D’une façon plus générale que pouvons-nous faire ? Plusieurs réponses ici, à différents niveaux, aucune n’étant suffisante où pleinement satisfaisante. Tout d’abord il est certain que pendant des années les communes ont autorisé des constructions dans les lits majeurs de certains cours d’eau. À Forges, comme je l’explique dans cet article, notre problématique est plutôt celle des ruissellements. Pour faire face à ceux-ci nous avons imposé le captage des eaux et la ré-infiltration à la parcelle. Nous avons aussi envisagé dans un futur PLU d’interdire systématiquement la création de sous-sols et d’installer les bâtis sur des promontoires situés à 30/40 cm au-dessus du niveau de référence du sol voisin . En intercommunalité, ou avec les aménageurs, nous avons créé plusieurs bassins de rétention. Nous avons aussi, au niveau communal, amélioré la captation des eaux de pluie par la création d’avaloirs de grandes dimensions. Par ailleurs, je ne saurais trop recommander à certains particuliers habitant des logements à risque de s’équiper eux-mêmes de barrière anti-inondation. Certaines sont disponibles à des prix très raisonnables et elles seraient sans aucun doute très efficaces, particulièrement en regard de la problématique forgeoise. Tout cela ne suffira pas cependant tant que nous et nos politiques n’auront pas pris la mesure des changements globaux en cours, de la nécessaire transition environnementale. Celle-ci implique sans aucun doute un changement majeur de société, à l’heure où il est désolant de voir l’inaction de nos dirigeants dont certains vont jusqu’à nier l’existence même d’une urgence climatique.



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Documents personnels :
- Les zones de ruissellements majeurs
- Fissure sur le bassin du golf


mercredi 13 novembre 2024

ANTICOR RETROUVE SON AGRÉMENT... ENFIN !

Un court billet pour une excellente nouvelle. Le texte ci-dessous est en grande partie un copié collé du message reçu de la présidence d'Anticor. Après plus d'un an de lutte et de multiples recours devant la justice, Anticor retrouve enfin son agrément anticorruption. Cette arme citoyenne lui permet de saisir un juge d'instruction indépendant lorsqu'un dossier politico-financier est classé sans suite. Cette arme citoyenne lui permet de se constituer partie civile et de porter la voix des citoyens, premières victimes de la corruption, dans les prétoires.

« Nous n'avons jamais cessé d'y croire. Il aura fallu des jours d’attente et 8 procédures en justice, dont la dernière décision, en date du 4 septembre, ordonnait au Premier ministre démissionnaire d'examiner la demande d'agrément d'Anticor dans un délai de 24 heures sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai. C'est un immense soulagement, mais également une reconnaissance. Car Anticor l'a toujours répété : l'association respecte et a toujours respecté les conditions d'octroi de l'agrément anticorruption. Et cette victoire, nous voulons la partager avec vous. Car c'est la ténacité et l'engagement des 7000 membres de l'association qui ont permis à Anticor de triompher après plus d'un an de lutte.

Le 5 septembre 2024, après une bataille homérique, le précédent Premier ministre a rendu à Anticor un agrément que notre association n’aurait dû ni perdre, ni quémander pendant 488 jours. Il y a été contraint par rien moins que deux décisions du juge des référés du tribunal administratif de Paris des 9 août et 4 septembre 2024.

Cet épisode a été désastreux pour la crédibilité gouvernementale, en particulier celle du Secrétariat général du gouvernement pourtant composé de membres éminents du Conseil d’Etat, tant les arguments les plus idiots – il n’y a pas d’autre mot – ont été employés pour tenter de justifier l’injustifiable, en dernier lieu celui selon lequel il n’appartenait pas au gouvernement démissionnaire de statuer sur l’agrément. Le précédent Premier ministre a eu le tort de politiser la procédure de délivrance de l’agrément, qui est en réalité purement administrative et technique ; elle consiste à vérifier si les cinq conditions légales sont ou non remplies par l’association qui demande l’agrément. Et elles le sont de toute évidence.

C’est d’ailleurs pourquoi l’agrément du 5 septembre 2024 ne comporte aucune réserve dans sa motivation, contrairement à celui « bien mal écrit » délivré le 2 avril 2021 par le Premier ministre de l’époque. S’il peut toujours être contesté dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal officiel du 6 septembre, on ne voit guère de prise à une annulation éventuelle par le juge administratif.

Pour les trois prochaines années donc, Anticor s’appuiera sur le puissant levier citoyen de l’agrément comme elle l’a toujours fait depuis 2015 : dans l’objectif de réaliser notre objet social avec responsabilité, discernement et mesure, dans le respect des personnes comme de la présomption d’innocence. Anticor n’est pas, n’a jamais été et ne pourra jamais être un «
procureur de droit privé ».

Cette immense victoire pour Anticor a par ailleurs coûté… 0 euro à notre association. L’Etat a, en effet, été condamné à nous verser, pour les deux référés, une somme totale de 3 000 euros (le versement a été effectué les 12 et 13 septembre), ce qui couvre exactement les frais de notre avocat et ceux engagés par le président pour participer aux audiences – au passage, les frais du président sont mis en ligne en temps réel sur le site de l’association et peuvent être consultés en suivant ce lien (1).

Mais si la procédure a coûté 0 euro à l'association, elle a cependant coûté du temps et de l'énergie à ses bénévoles. Autant de temps et d'énergie qui n'ont pas pu être investis au profit des nombreux lanceurs d'alerte qu'Anticor accompagne au quotidien
».

Pour information, Anticor est aujourd'hui impliquée dans plus de 160 procédures dont l'attribution du Mondial de football au Qatar, l'enquête pour prise illégale d'intérêts visant le secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, proche d'Emmanuel Macron, ou celle de la cession de la branche énergie d'Alstom à General Electric.

« La
« pyramide de Ponzi » des illégalités commises par les trois derniers gouvernements successifs à notre égard s’est donc désormais largement écroulée. Pour autant, nos combats autour de l’agrément sont loin d’être terminés, car il reste encore quatre procédures en cours : une devant le Conseil d’Etat sur l’agrément « bien mal écrit » par Jean Castex ; trois devant le tribunal administratif de Paris, relatives d’une part à l’agrément HATVP du 4 octobre 2022 contesté par deux personnes physiques, d’autre part au refus implicite d’agrément du 26 décembre 2023 de Mme Catherine Colonna et enfin la procédure au fond en excès de pouvoir contre le refus implicite du 26 juillet 2024 émanant de M. Gabriel Attal.

Sur chacune de ces procédures, Anticor se bat et se battra avec l’inépuisable énergie que lui donnent la confiance que ses 7 000 membres placent en elle, augmentée par l’autorité morale que confère à notre mission le rappel par l’ordonnance de référé du 9 août 2024 que «
la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour une association se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption participe de l’objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale et participe de l’intérêt public qui s’attache à la lutte contre la grande délinquance économique et financière ».

Mais d’ores et déjà, le retour de l’agrément apporte une bouffée d’oxygène à Anticor, en ce qu’il nous permet de nous re-concentrer sur le cœur de notre objet social : la lutte pour un renforcement de la probité publique, dans et hors les prétoires, aux plans national et local
».

A l'heure où certains se font élire sur la base de mensonges, de l'échelle locale à l'échelle nationale et internationale, à l'heure où un ancien président, repris de justice vient donner son avis sur tout et rien sans honte, à l'heure où le président élu des Etats-Unis aura sans aucun doute échappé à la justice de son pays malgré la tentative de coup d'Etat qu'il a soutenue, un contre pouvoir citoyen tourné vers le respect du droit semble de plus en plus nécessaire...  


Crédit illustration :

Montage personnel sur base d'une photo de Nirot - Wikimedia - Licence Creative Commons






vendredi 11 octobre 2024

INVESTIR DANS LA RECHERCHE ET L'UNIVERSITÉ

Je reproduis ici le texte d'une lettre ouverte du collectif Rogue ESR, qui vient d'être publiée dans le journal « Le Monde ». Cette lettre se transforme maintenant en pétition. Il est question du financement de la recherche, qui risque de se trouver une nouvelle fois reléguée au niveau de  variable d'ajustement, dans un contexte de budget « d'austérité ». Or nous ne sommes aujourd'hui même plus à l'os en termes financiers pour l'université et la recherche. À ce jour, on en est au niveau ostéopénie, la prochaine étape étant l'ostéoporose... Le texte ci-dessous est entièrement reproduit de la pétition, que les lecteurs pourront signer s'ils le souhaitent (lien en bas de page).

Le rapport sur la compétitivité et l'avenir de l'Europe remis par Mario Draghi à la Commission européenne le 9 septembre a eu le grand mérite de remettre en cause le dogme de l'austérité budgétaire et de souligner l’importance de la recherche, de l’innovation et de la formation pour juguler le décrochage économique, scientifique et technique de l’Europe et retrouver des perspectives florissantes. Pour autant, si ce rapport propose avec raison d’investir dans la formation, la santé, l’isolation thermique des bâtiments, les énergies décarbonées ou les grandes infrastructures de transports, il demeure attaché à une conception de la recherche et de l’Université frappée d’obsolescence, fondée sur la croyance économiciste en un marché total des chercheurs et des établissements.

Dans notre contexte de longue dépression économique, couplée aux crises climatique, démocratique, sanitaire et sociale, il importe de tirer le bilan des politiques publiques suivies en France depuis 20 ans en matière de formation et de recherche fondamentale et appliquée. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est une niche fiscale qui permet aux entreprises de déduire de leur impôt sur les sociétés 30% de dépenses qu’elles font apparaître dans leur bilan comme procédant de “recherche et développement” (R&D). En l’absence de contrôles sérieux et « critériés », de multiples officines se sont spécialisées dans le maquillage de dépenses génériques en R&D et de cadres commerciaux en chercheurs et ingénieurs. Si le CIR a un effet très positif pour les microentreprises et les PME qui emploient des ingénieurs-chercheurs pour concevoir et produire de la haute technologie qui dispose de marchés de niche, il a toutefois un effet largement négatif sur la R&D des moyennes et grandes entreprises. Les rapports de l’OCDE, de la Cour des Comptes ou de France Stratégie (1) ont montré que le CIR est avant tout un contournement des règlements européens sur les aides directes aux entreprises et n’a aucun effet ni sur l’emploi ni sur l’investissement en R&D. Les effets indirects sont en réalité bien pires, puisque en privant de financement la recherche publique et l’Université, le CIR détériore l’écosystème français de recherche et de formation. Si les entreprises continuent de délocaliser leur R&D en Asie du sud-est et, dans une moindre mesure, aux USA, c’est pour la qualité de leur écosystème et la dégradation du nôtre. Le décrochage du niveau scientifique et technique en France est alarmant, et le manque de culture scientifique de la classe politique en est le reflet. Les désastreuses réformes du lycée comme l'absence de politique ambitieuse de recrutement et formation des enseignants ont encore accéléré la débâcle.

Comment en sommes-nous arrivés là ? L’enseignement supérieur et la recherche ont connu deux décennies d’incessantes réformes structurelles théorisées par le rapport « Éducation et croissance » de MM. Aghion et Cohen, paru en 2004. Il reposait sur quelques postulats: (i) les financements de l’Université et de la recherche doivent êtres concentrés sur quelques établissements, qui ont vocation à assurer l’activité de recherche et donc d’innovation ; les autres, paupérisés, doivent graduellement être transformés en collèges universitaires en grande partie financés par des frais d’inscription dérégulés ; (ii) les universitaires et chercheurs doivent être mis en concurrence pour obtenir les budgets nécessaires à l’exercice de leur métier ; (iii) l’Etat doit accompagner l’essor d’un enseignement supérieur privé lucratif. Ce dernier volet a parfaitement réussi. Les moyens qui manquent au service public se retrouvent par exemple dans les 25 milliards € consacrés  à l’apprentissage et à l’alternance et captés par un secteur privé de piètre qualité (2). Pour le reste, ces croyances infondées ont engendré bureaucratisation, paupérisation, précarisation et participé au décrochage pointé par le rapport Draghi. Il en résulte une perte de sens pour l’Université (3), conçue pour produire, transmettre, conserver et critiquer les savoirs, et réformée au prétexte de produire de la croissance économique — avec un résultat à l’exact opposé des promesses de prospérité.

Concevoir un système d’Université et de recherche conforme aux défis du XXIe siècle suppose de se projeter à 10 ou 20 ans, dans une société profondément transformée, qui aurait triomphé des crises qui la frappent et qui ait retrouvé vitalité, espoir et envie d’ouvrir des horizons communs désirables. Dépasser la crise politique et instituer une démocratie effective suppose une formation à la citoyenneté permettant de faire vivre un espace public de pensée, de critique réciproque et de délibération. A quelles connaissances, y compris pratiques et techniques, voulons nous que l'École forme pour ce faire ? Surmonter la crise sociale nécessite de traduire les valeurs de la République — liberté, égalité, fraternité — en services publics d’éducation, de santé, de transports, de justice. Juguler les crises climatique et environnementale suppose d’organiser une production agricole, énergétique et industrielle locale, conforme aux besoins de la population. Ce nouvel aménagement du territoire implique un besoin massif de formation et de recherche mais aussi une organisation de l’Université et de la recherche en réseau, qui innerve le territoire. Plafonner le CIR et le conditionner à l’emploi de docteurs en CDI et au paiement de l’impôt sur les sociétés — que moins d’un tiers des entreprises de recherche paient à ce jour — permettrait de financer en grande partie cette politique d’avenir.

Nous projeter dans un avenir meilleur suppose d’une part de comprendre le monde au plus juste et au plus vrai et d’autre part de témoigner d’une attention et d’une confiance dans la jeunesse qui passent par sa formation intellectuelle et pratique et par les conditions matérielles de son émancipation. Mener une politique d’austérité pour l’Université et la recherche serait priver la société d’avenir.

Pétition à signer ici:
https://rogueesr.fr/investir-recherche-universite/

 

Références :   

1. Évaluation du crédit impôt-recherche. France Stratégie,2019.
Consultable en ligne :
https://www.strategie.gouv.fr/publications/evaluation-credit-dimpot-recherche-rapport-cnepi-2021

2. Bruno Coquet. Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle.OFCE, Sciences Po, Septembre 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2024/OFCEpbrief135.pdf

3. Anonyme. Rapport sur l’état des services publics : l'enseignement supérieur. Nos services publics.fr. 2024.
Consultable en ligne :
https://files.umso.co/lib_ufoFEvhlRMwflNFx/owpdyer9vl2kz27e.pdf

 

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D'après une citation de J. Séguéla.



mercredi 2 octobre 2024

RETAILLEAU : POPULISTE, DANGEREUX, MINABLE...



Plusieurs des récentes déclarations de notre ministre de l’intérieur sont très inquiétantes car elles marquent un virage sensible vers les positions de l’extrême droite. Clin d’œil aux idées nauséabondes du Rassemblement National (RN) qui pour le moment soutient le gouvernement Barnier, ou plus grave, alignement sur ces positions, l’avenir le dira…

Premier dérapage en date, M. Bruno Retailleau affirme dans un entretien donné au Journal du Dimanche - nouvel acquisition de l’empire Bolloré - que « L’Etat de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’Etat de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain ». Le propos en lui-même est contradictoire. Pour comprendre cela, il faut savoir que l’Etat de droit est une position qui stipule que l’Etat est l’équivalent d’une personne morale et qu’il est donc, en quelque sorte, responsable de ses actes (pour des explications plus détaillés, voir 1). Ceci implique que l’Etat comme les citoyens, doit être respectueux des règles de droit, auxquelles il est soumis. Quand M. Bruno Retailleau dit que l’Etat de Droit n’est ni intangible ni sacré, il affirme que l’Etat pourrait s’affranchir des règles qu’il impose à ses citoyens. On se retrouverait donc dans une situation où le pouvoir serait inattaquable, irresponsable. Ce ne serait plus le peuple qui serait souverain, mais le pouvoir en place. Bref, on se trouverait plus en démocratie, mais dans une situation de quasi dictature. Dangereux, non ?

Derrière cela, ne nous leurrons pas, se cache une vision d’extrême droite. Rappelons-nous que le Conseil Constitutionnel a censuré une grande partie du texte de loi relatif à l’immigration au motif qu’il s’y trouvait des cavaliers législatifs ou que des dispositions étaient contraires à la Constitution (2). Ceci n’est possible que parce que l’Etat de droit existe. Celui-ci, en effet, dispose que l’Etat doit respecter la hiérarchie des normes, au sommet desquelles se trouve notre Constitution. Or, celle-ci protège non seulement les citoyens français, mais aussi les personnes se trouvant sur notre territoire. Il semblerait que ceci soit insupportable à l’extrême droite, dont tous les discours visent à porter atteinte à l’égalité de traitement des citoyens français et des étrangers, que ces derniers soient en situation régulière ou non ; cette égalité est garantie par notre Constitution. Par ses propos, M. Bruno Retailleau s’inscrit donc dans la droite ligne du RN.

Deuxième dérapage en date, les propos tenus toujours par M. Retailleau sur l’immigration qui ne serait « pas une chance pour notre pays ». Il ajoute que l’immigration n’est pas une chance car nous ne serions « pas capables d’accueillir » et parce que l’immigration concerne aussi « des individus qui peuvent parfois être dangereux ». On est ici en pleine démagogie populiste, en plein amalgame. Sur ce sujet, il ne faut cependant pas se voiler la face, et donc nier l’existence de problèmes liés à l’immigration, mais il faut aussi raison garder et examiner la situation en termes de rapport coûts / bénéfices, aux sens économique, humain, social… J’avais écrit plus tôt (2) que ce discours « désignant l’immigré comme un délinquant voire un criminel en puissance, un opportuniste, venu ici pour profiter des allocations chômage ou du système de santé » était totalement erroné. J’en voulais pour preuve le fait que l’INSEE dans ses données 2019 indiquaient que la France et son activité économique bénéficie de « la présence de quelques 250 000 artisans, 400 000 cadres, 400 000 contremaitres, et 1 600 000 employés ou ouvriers immigrés ». Je peux attester également qu’il suffit de lever le nez de son écran de télé et de CNews pour s’apercevoir du nombre d’immigrés travaillant sur les chantiers du BTP ou sur nos routes, nos voies ferrées, etc. Je connais pas mal de patrons de petites et grosses boites qui m’indiquent que ces immigrés occupent des emplois que les bons petits Français bien blancs, bleus ne veulent pas occuper… Dans d’autres domaines, nous sommes confrontés à des pénuries de compétences. Il suffit de prendre rendez-vous dans un hôpital ou de se rendre dans les services d’urgence, par exemple à Bligny ou à Dourdan, pour voir que les services ne fonctionnent que grâce à la présence de médecins, infirmiers et aides-soignants d’origine étrangère… Nos labos de recherche également fonctionnent avec 20 à 25 % d’étudiants ou de thésards étrangers. Rappelons aussi que selon l'Insee, en Île-de-France, 60% des aides à domicile sont des immigrées, comme le sont 50 % des cuisiniers et 40 % des employés de l’hôtellerie-restauration. De même, selon la Dares, en 2017, près de 40 % des employés de maison étaient issus de l'immigration. Je conclurais cela en citant un rapport de l'Institut Montaigne (4) de 2020 qui indique que la Seine-Saint-Denis, département qui comprend la plus grande part de personnes issues de l'immigration en France (31,6 % selon l'Insee), est « le 8e département contributeur au financement de la protection sociale et celui qui reçoit le moins de protection sociale par habitant ». Exit donc le mythe de l’immigré profiteur. Bref, on perçoit dès lors le fait que remettre tout le monde dans des charters pour l’Afrique, l’Asie ou n’importe où n’aura qu’une seule conséquence : l’appauvrissement de notre pays, et l’arrêt du fonctionnement de nombreux services.

Plusieurs personnalités étrangères ou françaises d’origine étrangère ont par ailleurs réagi aux propos insultants de M. Bruno Retailleau. Je cite ici un excellent article du Huffington Post (3) qui donne la parole à ces personnes. « Mes parents ont immigré en France. Ils nous ont poussés, mon frère, ma sœur et moi à faire des études, à évoluer, à vouloir nous en sortir. Je suis avocat. Je suis élu. Mais merci Monsieur le ministre de me le rappeler : ce n’était pas de chance, pour la France » (Me. Seydi Ba, avocat au barreau de Paris). « Ce ministre vient de jeter sous le bus l’ensemble des Français issus de l’immigration, dont la présence au sein de la communauté nationale serait une malchance. S’il ne démissionne pas, c’est que nous sommes officiellement entrés dans un régime raciste » (Joan Stavo-Debauge, sociologue au CEMS-EHESS-Paris). « Non Bruno Retailleau, l’immigration est depuis toujours une chance pour les migrants et pour la France. Pour moi, comme beaucoup d’immigrés, la France m’a tout donné et je lui ai tout donné » (Mahmoud Zureik, épidémiologiste, directeur de recherche à l'INSERM). « Bruno Retailleau est une honte pour la France » (Nassira El Moaddem, journaliste à I-Télé, Canal+, France 2 et France Inter).

Je vais ajouter ma voix à celles qui précèdent. Il se trouve que malgré mon patronyme, je suis plus « étranger » que Français, ce qui ne m’a pas empêché, je peux le dire maintenant puis que ceci est prescrit, d’avoir été accrédité « confidentiel défense » et « secret défense » pendant mon service militaire en Allemagne… En ce qui concerne ma généalogie, ma mère était italienne. Mon père, né d’une mère italienne et d’un père né en Bolivie d’une famille française émigrée, est resté pendant plusieurs années de « nationalité incertaine ». Cela ne l’a pas empêché d’être mobilisé en 1936, puis en 1939, de combattre lors de la seconde guerre mondiale dans les forces française libres au sein de l’escadrille Gascogne. Ses opérations en Afrique du Nord, en Italie et en Allemagne lui ont valu la médaille militaire et la croix de guerre. Il a plus tard travaillé pour le consortium Euratom à Ispra sur le projet de réacteur atomique d’essai, ainsi qu’au sein des centrales de Marcoule et Cadarache, où il était auditeur de sécurité électrique. Plus tôt, entre les deux guerres, mon grand-père, lui, a œuvré pour les services secrets français, le « deuxième bureau ». Au sein de l’ambassade de France à Lisbonne, et officiellement représentant en machines à coudre (sic !), il a mené plusieurs missions en Afrique du nord et au Moyen-Orient. Au décès de mon père, lorsqu’il a fallu prouver que ma mère était française pour lui permettre d’obtenir une pension de réversion, cela a pris presque 9 mois. Ni les faits d’armes de son mari, ni ceux de son beau-père, ni les cartes d’identité française de ces trois personnes, ni leurs passeports français, ni leurs cartes d’électeurs n’ont suffit à convaincre le ministère de l’intérieur et celui des anciens combattants des droits de ma mère… Par chance, je suis tombé en fouillant un énième fois les papiers familiaux sur une décision du tribunal de police de Paris où mes parents s’étaient mariés, qui stipulait que mon père était supposé français et que par conséquent ma mère l’était aussi de par son mariage… Vous comprendrez pourquoi je considère avec d'autres que les propos populistes de M. Bruno Retailleau sont non seulement dangereux et stupides, mais aussi et surtout profondément indignes et minables.


Références :

1. Frank Baron. Qu'est-ce que l'État de droit ? Vie publique. Juillet 2018.
Consultable en ligne :
https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270286-quest-ce-que-letat-de-droit

2. Notre sénateur pris dans un naufrage républicain. Ce blog. Février 2024.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2024/02/notre-senateur-pris-dans-un-naufrage.html

3. Marceau Taburet. Bruno Retailleau pense que « l’immigration n’est pas une chance » pour la France, des concernés lui répondent. Le Huffington Post. Septembre 20204.
Consultable en ligne :
https://fr.news.yahoo.com/bruno-retailleau-pense-l-immigration-093419479.html

4. Hakim El Karoui. Les quartiers pauvres ont un avenir. Rapport de l’Institut Montaigne. Septembre 2020.

jeudi 19 septembre 2024

LES PETITS ET GROS MENSONGES DE LA MUNICIPALITÉ. CHAPITRE II.



Je reprends cette série de billets que j’ai quelque peu retardée, pour m’intéresser au contenu d’un numéro déjà ancien du Petit Forgeois (juin 2024), dans lequel l’actuelle municipalité présentait son bilan de mi-mandat. Là aussi, dans cet opus fortement teinté d’autosatisfaction béate, on découvre çà et là quelques approximations et disons-le, à certains endroits une présentation trompeuse des faits…

Je ne listerai pas un par un les points évoqués dans le journal communal, mais je compte bien mettre en exergue certaines des omissions, approximations ou présentations biaisées des faits. J’avais en effet été frappé par la section « soutien au commerce local » parue dans la page réservée à l’urbanisme, tant ce qui est dit masque la réalité dudit « soutien », les guillemets étant ici de rigueur. Ce point mérite à lui seul un billet de blog, que j’ai commencé à rédiger et qui paraitra dans les semaines qui viennent…

Un des points critiques de mon examen concerne le dossier associations, bien évidemment. La municipalité évoque dans son bilan son soutien à la vie associative, soutien qu’elle traduit dans la réalité par des mesures de plus en plus coercitives sur l’utilisation des salles communales et l’absence de tout dialogue constructif avec nombre d’associations forgeoises. Le bilan parle d’augmentation des créneaux associatifs. On est bien au contraire, dans le rétrécissement. Ainsi, au moins deux salles qui étaient disponibles en 2020 ne le sont plus en 2024. Les refus de prêt de salle ou de site se sont d'ailleurs multipliés depuis quatre ans, souvent sans justification… D’une façon générale, la situation s’est tellement dégradée qu’une dizaine de ces associations ont dû demander voilà deux ans environ une réunion avec l’équipe élue, réunion de laquelle il n’est rien sorti tant l’incompréhension municipale est grande. La philosophie communale (pour autant que le mot philosophie ait un sens pour nos élus) en la matière semble se résumer à un seul point : le cadre de partenariat de nouveau évoqué dans le journal communal, et dont j’ai à plusieurs reprises dénoncé le caractère léonin, et certains points scandaleux ou illégaux. Dans son bilan, la mairie se vante de sa mise en place, sauf que… Sauf que c’est faux, ce cadre n’a pratiquement pas été mis en place car la quasi-totalité des associations a refusé de le signer ! Mensonge par omission, donc, que le Petit Forgeois réserve à ses lecteurs ! Un mot également sur le soi-disant traitement transparent des demandes de subventions évoqués dans le bilan communal : j’avais brocardé le courrier adressé aux associations au sujet des demandes de subventions tant il était méprisant pour elles. J’avais également signalé le traitement dégradant des responsables d’associations lors d’une réunion à laquelle ils étaient conviés. J’ajoute à cela les insultes dont certains membres d’association ont été l’objet de la part d’élus, et j’ajoute aussi à cela le fait que les refus de subventions et les montants alloués ne font l’objet d’aucune justification. Dans la réalité, on est sur un mode de fonctionnement qui s’apparente au fait du prince, très, très loin de ce qui est dit dans le journal municipal qui en l’espèce réécrit l’histoire.

Un mot également sur la façon dont sont présentés les faits. Ainsi dans la page évènements et culture, il est écrit dans le bilan que des évènements sont devenus incontournables… Sous-entendant qu’il n’y avait auparavant qu‘une fréquentation réduite ou que ces événements n’existaient pas. Ainsi, sont mentionnées la fête des thermes et la fête de la Châtaigne, alors que ces deux événement existent depuis au moins trois ou quatre mandatures ! On est là sur de la com. pure, du « faire croire que »… De même, les chiffres présentés semblent pour le moins fantaisistes. Plus de 2000 visiteurs pour la fête des Thermes est une grossière exagération pour autant que j’ai pu en juger de visu ! A moins de compter les visiteurs qui entrent et qui sortent à chaque fois qu’ils re-rentrent ou à moins de comptabiliser le nombre de visiteurs depuis le début de la mandature ! Dans ce cas là, il faut le dire ! C’est évidemment un détail, mais c’est bien sur un détail qui en dit assez long sur la façon dont l’information peut être manipulée. Enfin, au chapitre des évènements peut-être incontournables, comment ne pas noter que nombre de ces évènements sont devenus des marchés de niche, marchés de niche qui se sont multipliés dans la commune, traduisant le fait que le Forgeois de base est principalement considéré comme un consommateur. A l’heure où il nous faut nous interroger encore plus sur notre consommation, notre frénésie d’achats, cela interroge !

En matière de finances publiques également, j’ai relevé un petit lièvre. Soyons clair, les finances communales sont effectivement saines. Au moins de ce côté, et pour le moment, aucune grosse bêtise n’a été faite, sans doute grâce à la compétence et au dévouement sans faille de notre comptable communale partie maintenant à la retraite. Alors oui, la dette se réduit, mais cette réduction ne doit pas grand-chose à l’actuelle municipalité. Elle résulte en réalité du fait que les précédentes équipes élues, qui ont lourdement investi dans de nombreux secteurs de la commune au cours des douze dernières années, avaient échelonné les emprunts et prévu pour les limiter l’apport de fonds de concours d’une entreprise privée. Ce recul de la dette est donc simplement du au remboursement des emprunts tel qu’anticipé. L’honnêteté oblige à dire que cela est précisé dans l’article… De plus, la remontée sensible de la capacité d’autofinancement* de la commune, réelle elle-aussi, a sans doute bénéficié des efforts des services de la commune comme indiqué, mais - et cela pour le coup est totalement caché dans le bilan présenté - elle a surtout bénéficié de la remontée des bases d’imposition calculées par les services de l’Etat. Ainsi, les rentrées fiscales forgeoises ont sensiblement augmenté depuis 2020, même la commune n’a pas augmenté les taux d’imposition locale au cours des quatre dernières années, un maintien qui avait également été le choix des deux dernières mandatures auxquelles je participais. Ce n’est pas la bonne gestion locale présentée qui est donc seule le moteur de cette santé fiscale, loin de là. Bilan biaisé, présentation trompeuse, je disais...

Un mot pour terminer ce rapide tour d’horizon qui aura une suite, comme indiqué plus haut, au sujet du secteur environnement et ruralité. Premier point, la page dédiée ne contient, cela se voit à l’œil, que très peu d’actions réalisées. Le bruit des avions : la commune qui jusqu'en 2020 avait été porteuse et dans l’accompagnement constant d’une association locale efficace (« Forges sans nuisances » pour ne pas la nommer), a depuis juste rejoint le groupe Drapo. Or, c'est lui essentiellement qui porte le dossier... La « section modification du PLU » est assez creuse comme l’est la section « entretien du patrimoine environnemental », bref, on est sur du diaphane depuis 4 ans. Par ailleurs, et dans le même temps, les actions en faveur de l’environnement proposées ou portées par des associations locales ne sont que peu ou pas soutenues à Forges. Bref, cette section est à mon sens un magnifique exemple de communication autour du pas grand-chose « réalisé » en quatre ans. Je rappellerai d’une façon générale que les indemnités des élus adjoints au maire doivent approcher les 800 euros par mois, soit presque 10 000 euros par an, soit presque 40 000 euros sur 4 ans et 60 000 euros en fin de mandature…

Deux derniers points pour ne pas allonger ce billet. Primo, j’ai été très étonné de constater que ce bilan a été publié en juin 2024, soit grosso modo 4 ans après la dernière élection municipale. Or, à moins que je perde mes notions de maths, le mi-mandat tombait à l'été 2023. On n'est donc pas sur un bilan de mi-mandat ! Alors, pourquoi ce retard ? Simple problème technique, ou volonté de masquer des manques, des absences, un bilan somme toute et à mon avis rarement satisfaisant, et globalement très moyen dans nombre de domaines ? Secundo, je constate une autre différence majeure entre cette mandature et les précédentes, outre celles évoquées plus haut. En effet, si des travaux d’amélioration ou d’entretien ont bien été réalisés dans la commune depuis 4 ans, aucune action structurante n’est visible. En douze ans, les précédentes mandatures avaient ainsi créé de nombreux équipements d'importance, tels le centre de services techniques de Forges, le gymnase, les locaux sportifs du stade, la maison médicale, la maison des associations, le city park, la régie publique de l’eau, un réfectoire scolaire, une classe de plus à la maternelle, le centre de PMI (pour ce dernier avec la CCPL), une station d’épuration neuve (avec le syndicat interco), pour ne citer que le plus visible… Bref, même s’il y avait eu assez peu de com., il y a eu énormément plus de réalisations structurantes. Si on attend encore l’extension de l’école élémentaire promise par l’actuelle équipe, équipement sans doute nécessaire mais qui affectera lourdement les finances communales pour un moment, quel sera l’héritage de cette équipe, hors de son détestable comportement vis à vis des associations et de certains laissés pour compte de la commune ? Pour le moment, il reste plutôt imperceptible…


* l’autofinancement est le montant disponible après payement des emprunts et des diverses charges communales permettant d’assurer le fonctionnement des services. Cette somme est alors affectable au travaux et investissements à venir.


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Modification d'un dessin dYsope :
https://www.leravi.org/journal/cadeau-dadieu-de-gaudin-aux-ecoles-privees/




dimanche 8 septembre 2024

M. BARNIER, PREMIER MINISTRE ? MÊME PAS SURPRIS !

 


Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la nomination de M. Michel Barnier au poste de premier ministre, en contradiction avec l’usage en cours. Certains se sont réjouis, d’autres se sont – à juste titre me semble-t-il – offusqués. Pourtant, tout cela était prévisible…

Il aura donc fallu plus de cinquante jours à notre président, M. Emmanuel Macron, pour nommer M. Michel Barnier au poste de premier ministre. Cet évènement est une première dans l’histoire de la cinquième République, à double titre. Premièrement, et sauf erreur de ma part, c’est la première fois qu’un délai de désignation aussi long est constaté. Secondement, c’est la première fois depuis 1958 que le premier ministre n’appartient pas à la même mouvance politique que le parti ou la coalition arrivé en tête aux législatives. Ainsi, M. Michel Barnier est membre d’un parti que l’on peut considérer comme très minoritaire, les Républicains ont en effet obtenu 5 à 7% des voix à la présidentielle de 2022 comme aux dernières législatives. En la matière, il est clair que si M. Emmanuel Macron a respecté la Constitution dans sa lettre, il ne l’a fait en aucun cas dans son esprit, ni dans les usages qui en découlent.

Sans qu’il s’agisse d’un coup d’Etat, ni d’un motif de destitution, le choix de notre président est surtout la marque d’un immense mépris pour une large partie des Français. En tous cas, de ceux dont les suffrages ont porté, qu’on le veuille ou non, le Nouveau Front Populaire (NFP) en tête des législatives. Ce choix s’inscrit dans un mode de fonctionnement récurrent de notre président, mode de fonctionnement qui s’est traduit par la même haute dose d’arrogance lors des manifestations des gilets jaunes, des manifestations contre la pseudo-réforme des retraites, ou du dédain affiché vis à vis des élus locaux ou des représentants des corps intermédiaires, syndicats en tête. Bref, si « la dictature, c’est ferme ta gueule », pour M. Emmanuel Macron la démocratie c’est bien « cause toujours » …

Ces faits sont graves dans la mesure où, à mon sens, ils ouvrent une nouvelle autoroute au rassemblement national (RN). En effet pourquoi encore aller voter de façon assez marquée contre une personne, son parti et sa politique, si c’est pour se retrouver avec « les mêmes » aux manettes, qui mèneront la même politique que par le passé ? Dois-je rappeler l’élection de Mme. Y. Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée Nationale, et dois-je aussi rappeler les déclarations de plusieurs ministres démissionnaires proposant sans honte leurs « services » au nouveau premier ministre ? Parmi ceux-ci, on compte, selon BFM-TV, Mme Nicole Belloubet qui affirme avoir envie de poursuivre son activité, ainsi que M. Guillaume Kasbarian, qui n’a pas hésité à expliciter son « soutien positif » à M. Michel Barnier, et son « souhait de participation » au futur gouvernement. Par ailleurs, toujours selon BFM, M. Michel Barnier ne serait pas du tout opposé à conserver M. Sébastien Lecornu aux armées et Mme Rachida Dati à la culture. Enfin, on cite comme restants potentiels M. Gérald Darmanin et M. Catherine Vautrin. Tout cela ne peut donc que conduire nombre de Français à sa détourner du vote, ce qui mathématiquement sera très favorable au RN, dont les électeurs, eux, restent motivés…

La décision de notre président confirme que le « front républicain » est bien à géométrie variable, comme je l’écrivais dans un article de blog récent. Alors que les députés macronistes et des Républicains ont largement insisté aux second tour pour demander le report des votants du NFP en cas de duel avec un candidat RN, ce à quoi les candidats NFP ont tout de suite répondu favorablement, on a vite constaté que du côté des Républicains, il n’en allait pas de même, certains affichant clairement même leur soutien préférentiel à un candidat RN plutôt que NFP. De plus, une fois élus - et pour un nombre non négligeable d’entre eux avec des voix d’électeurs de gauche - ces mêmes parlementaires, rappelons-le minoritaires, ont décidé qu’il fallait ostraciser d’éventuels ministres issus de la France Insoumise (LFI) au motif que ceux-ci ne seraient pas « républicains ». Et par la suite, ces mêmes comiques ont indiqué qu’ils refuseraient tout gouvernement issu en partie ou en totalité du NFP. Or, on peut ajouter que selon des journalistes dits bien informés, dont les propos sont confirmés par des députés RN, la nomination de M. Michel Barnier s’est faite après discussion entre M. Thierry Solère, conseiller de l’Elysée, et des responsables du RN. C’est vraiment faire peu de cas du front républicain et au-delà des choix démocratiques des Français. Il est donc probable qu’il n’y aura sans doute plus personne à gauche pour répéter l’opération front républicain lors de prochaines élections. Quand je parlais d’autoroute ouverte au RN…

Tout ce qui précède démontre bien que la décision de nommer M. M. Barnier premier ministre est un non-sens démocratique. S’ajoute à cela que cette longue réflexion a été motivée, aux dires de notre président lui-même, par le besoin de trouver une personnalité capable d’échapper à une censure rapide. Ce dernier nous a parlé de « stabilité nécessaire », alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il est lui-même à l’origine de ce qui ressemble fortement à une crise de régime, suite à la dissolution de l’Assemblée. Par ailleurs, en décidant qui pourrait être censuré et qui ne le pourrait probablement pas, M. Emmanuel Macron a empiété sur les prérogatives de l’Assemblée Nationale, car c’est elle et elle seule qui décide de censurer ou non. Cette confusion entre le législatif et l’exécutif est à mon sens bien plus grave qu’il n’y parait, car il s’agit d’un des fondements de la Constitution, dont le président devrait être le gardien.

Reste à comprendre au-delà des arguments présidentiels, les critères de choix de notre nouveau premier ministre. A mon sens, il faut pour cela se poser quelques questions, telles que : qui a permis l’élection du président ? Et quels intérêts représente-t-il ? De façon abrupte, on peut affirmer que le macronisme n’existe pas. L’histoire de ce parti se limite en effet à la première élection du président. Il n’y a pas de doctrine écrite, pas de texte fondateur, pas de passé - et je l’espère - pas de futur. En réalité, M. Emmanuel Macron peut être considéré comme un pur produit de marchandisage, ou de « merchandising » pour ceux qui préfèrent les termes anglais. M. Emmanuel Macron nous a été vendu comme un jeune président, disruptif, un individu intelligent qui ferait enfin pour la France la synthèse entre la droite et la gauche, etc., etc. En ce sens, sa promotion (au sens commercial du terme) répond aux points qui caractérisent l’activité de merchandising, à savoir présenter le bon produit, au bon endroit, au bon moment, au bon prix et avec les bonnes informations… Et qui nous en a fait la publicité ? Essentiellement la presse TV, audio, papier, dont une très grande partie est aux mains de grands groupes financiers, eux même aux mains de quelques milliardaires. De façon brutale, mais peu éloignée de la réalité, M. Emmanuel Macron est bien le président des ultrariches, qui l’ont installé au pouvoir, et qui ont bénéficié au vu de l’accroissement colossal de leurs revenus, de ses largesses. Comment, dès lors, avoir cru un instant qu’il allait nommer quelqu’un comme Mme Lucie Castets, quels que soient son intelligence et son parcours, premier ou première ministre ? Comment ne pas voir vu que cela n’était en aucun cas possible parce qu’elle contrecarrait tous les plans des promoteurs du macronisme, en revenant sur quelques-unes des contre-réformes anti sociales que nous avons subies ? Comment la gauche a-t-elle pu être aussi aveugle et comment a-t-elle pu entretenir l’espoir chez ses militants ? Il faudra qu’elle s’en explique…

La désignation de M. M. Barnier, commissaire européen, aligné sur les positions idéologiques du président à « l’épaisseur du trait près », n'est donc pas surprenante car elle s’inscrit donc dans une logique de continuité des politiques antisociales qui ont émaillées les années passées. Celui-ci reste cependant sur un siège éjectable parce que nommé avec l’aval du RN. Ce dernier point est le seul élément positif du tragique épisode que nous traversons, car il confirme clairement de quel côté politique penche notre président. Il doit cependant faire attention car à force de pencher de plus en plus à droite, il pourrait bien finir par tomber…

 

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D'après un dessin de Kak pour l'Opinion

jeudi 5 septembre 2024

BRUNO VA-T-IL ENFIN LA FERMER ?

 

La récente déclaration de l’ex-ministre des finances, M. Bruno Le Maire, a fait réagir un certain nombre de personnalités de tous bords politiques. En ma qualité d’ancien élu, je m’associe à ces réactions, tant le propos que j’explicite ci-dessous me paraît outrancier, injuste, et, disons-le, mensonger !

Dans une lettre envoyée lundi 2 septembre 2024 aux parlementaires, M. Bruno Le Maire indique à propos du budget 2024, que celui-ci devrait connaître un déficit plus important que prévu, de l’ordre de 16 milliards d’euros. Coupables selon l’ancien ministre : les collectivités locales et leurs dépenses excessives. Ceci est évidemment un gros bobard !

Cette technique du bouc émissaire est en réalité, un classique en politique. Elle permet de détourner le regard du simple citoyen de l’action des vrais responsables, en lui proposant comme géniteur de tous ses maux une personne, un groupes de personnes, morales ou physiques sur lequel le simple citoyen pourra épancher sa colère. Comme l’écrivait le sociologue Pierre Mouterde : « le fait de choisir, sous la forme d’un ennemi tout trouvé, un bouc émissaire sur lequel on pourra décharger son agressivité rentrée ou ses haines contenues permet à ceux et celles qui ont l’impression d’être socialement en position précaire ou défavorable, de se gorger de sentiments de force et de puissance, et par conséquent, d’avoir l’impression de tenir en lisière les peurs qui les hantent. Et cela parce qu’ils se trouvent à pouvoir soudainement faire corps avec un groupe qui se soude autour d’eux et fait bloc devant l’image d’un danger appréhendé qu’on a dressé devant eux et illusoirement présenté comme étant à la source de tous leurs maux » (1).

Notre sympathique ex-ministre des finances met donc en cause les collectivités locales et leurs dépenses excessives pour expliquer les dérapages budgétaires. Malheureusement, « il se trompe » de coupables. En effet, comme de nombreux lecteurs de ce blog le savent, les collectivités territoriales, tels que communes ou syndicats intercommunaux, ne peuvent présenter un budget en déficit. Les dépenses doivent y être équilibrés par celui des recettes appropriées. Mais, me direz-vous, certaines dépenses sont telles que les communes doivent emprunter pour les réaliser. Effectivement, les communes peuvent emprunter mais seulement pour investir, et en aucun cas pour assurer le fonctionnement communal, une différence majeure avec l’Etat, qui lui ne se prive pas d’emprunter pour son fonctionnement. De plus, le montant de ces emprunts doit rester limité, tant en montant global qu’en termes de charge de la dette, c’est à dire en termes de remboursement des sommes empruntées. On considère qu’une commune dont le taux moyen de la charge de la dette est d’environ 6 à 12% fonctionne de façon correcte. En dessous, elle n’investit pas assez pour ses administrés, et au-dessus de 18%, les clignotants rouges s’allument en Préfecture, pouvant décider celle-ci à prendre la main sur le budget communal. Au national, le montant des recettes prévues pour 2024 s’élève à 310 milliards d’euros, et celui des dépenses à 450 milliards générant un déficit de l’ordre de 140 milliards d’euros qui sera couvert par l’emprunt… En 2023, la charge de la dette représentait environ 55 milliards d’euros, soit… 18% des recettes. On est donc bien dans une situation qui vaudrait à une commune ou à un syndicat intercommunal, plus que des remontrances de la Préfecture.

Deuxième point, les budgets communaux se doivent d’être « sincères ». Ceci signifie que lors des prévisions de budget, les recettes ne doivent pas être surestimées et les dépenses ne doivent pas être masquées. C’est d’ailleurs ce que nous a avons fait pendant nos 12 ans de mandat municipaux au cours desquels les élus responsables des finances ont systématiquement maximisé les dépenses et minimisé les recettes. Malheureusement, ce n’est pas ce que fait l’Etat depuis 2 ans avec, entre autres, un budget prévisionnel très optimiste en termes de rentrées. La cour des comptes s’en est émue, et l’a écrit en termes polis dans un rapport récent : « Les raisons de cette dégradation sont multiples mais tiennent, en premier lieu, à une loi de finances initiale peu ambitieuse. […] En cours d’année, les rentrées fiscales se sont révélées inférieures aux prévisions, alors que dans le même temps, la charge de la dette augmentait plus rapidement que prévu et que le besoin de financement de l’État atteignait son pic historique » (2).

Enfin, dernier point que M. Bruno Le Maire se garde bien d’évoquer : le non-versement de certaines rentrées fiscales dues aux communes. Lors d’une discussion récente avec le maire d’une ville voisine, celui-ci me confiait que sa commune attendait toujours les subsides promis par la région Ile-de-France, ainsi que les compensations de la TVA de 2023, connues sous le terme de FCTVA. Ce FCTVA, acronyme de « fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée » est, et je cite le site gouvernemental qui lui est consacré, « une dotation versée aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et destinée à assurer une compensation, à un taux forfaitaire, de la charge de TVA que ces derniers supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement et qu’ils ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale ». Il se trouve que ce FCTVA constitue une des principale aides de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’investissement. Si ces subsides ne reveinent pas aux communes, il faudra les compenser par de l’emprunt ou par des augmentations d’impôts de type taxe foncière. Notre ancien ministre des finances ne manque donc pas d’air lorsqu’il accuse les collectivités locales, et donc majoritairement les communes et communautés d’agglos ou de communes, d’être responsables de l’accroissement des déficits publics. Qu’il balaye devant sa porte pour commencer !

Au vu de ce qui précède, et si j’étais cavalier, j’aurais donc tendance à dire « Bruno, ferme-là s’il te plait et retourne à la rédaction de tes bouquins ». Dans le micmac actuel, le seul point positif de la nomination d’un nouveau premier ministre est la constitution d’un nouveau gouvernement à venir, dont M. Bruno Le Maire pourrait être exclu. Ceci dit, il n’y a aucune certitude à cela au vu du coup de barre à droite impulsé par l’actuel président en lien avec le choix de M. Michel Barnier à Matignon. J’y reviendrai bientôt, tant cette décision me semble constituer un coup de canif, voire de poignard dans le contrat liant le président à la nation. Mais ceci est une autre histoire, comment le dirait le très britannique Rudyard Kipling…



Références :

1. Pierre Mouterde. En finir avec la droite ! Réflexions autour de la mécanique du bouc émissaire. Les nouveaux cahiers du socialisme, 23, 148, 2020.

2. Le budget de l’Etat en 2023. Résultats et gestion. Rapport de la Cour de Comptes. Synthèse. Avril 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ccomptes.fr/fr/documents/69402



Crédit illustration : 

Montage personnel

dimanche 21 juillet 2024

PLONGÉE DANS LA FACHOSPHÈRE 2.0


Comme je l'indiquais dans un précédent article, l'émergence du Rassemblement National (RN) n'a pas commencé lors de la dernière élection européenne, ni même lors de l'élection présidentielle de 2022. Nous sommes confrontés là à un processus de long terme, alimenté de façon extrêmement efficace par les réseaux dits-sociaux, où pullulent robots rédactionnels (ou bots) et petites mains chargées d'alimenter la haine de « l'autre » (les trolls). Celui-ci y est alors facilement désigné aux populations défavorisées et déclassées comme seuls responsables de leurs malheurs, dans une stratégie du bouc-émissaire éprouvée. Reste au RN à en ramasser les bénéfices !

Tout cela est fortement lié au développement de liens internet, via les réseaux sociaux, où l'on retrouve ce qu'il est convenu d'appeler de façon très générique « la fachosphère 2.0 ». Selon mon ancien collègue du CNRS, M. David Chavalarias, directeur de recherche au Centre d’Analyse et de Mathématique Sociales (CAMS, EHESS), et directeur de l’Institut des Systèmes Complexes de Paris Ile-de-France (ISC-PIF, CNRS), cette fachosphère est largement soutenue par une puissance étrangère, la Russie pour ne pas la nommer. Ses travaux, très étayés, méritent d'être connus. En ce sens, je reprends à son incitation une de ses récentes publications en ligne, que l'on peut retrouver sur son blog (1). Comme à mon habitude, ses propos, dont je publie des extraits, sont en italiques, mes commentaires en caractères droits.

Son article commence donc par une citation de M. Dimitri Medvedev, Vice-président du Conseil de sécurité de Russie, extraite de sa chaine Telegram, en date de Février 2024 : « Notre tâche consiste à soutenir ces hommes politiques et leurs partis [note : c'est à dire les partis anti-système] en Occident de toutes les manières possibles, en les aidant apertum et secretum à obtenir des résultats décents lors des élections. Certains d’entre eux passeront du statut d’opposants non systémiques à celui de nouveaux membres de l’establishment politique. Et leur accession à la gouvernance de l’État pourrait radicalement améliorer le paysage politique dans le monde occidental ». 

En France, le parti anti-système le plus compatible avec les ambitions géopolitiques de Vladimir Poutine est le Rassemblement national, dont certains cadres lui ont maintes fois exprimé leur sympathie. Entre autres, le président du Rassemblement national Jordan Bardella s’est prononcé le 24 juin 2024 contre « l’envoi de missiles longue portée ou de matériel militaire » en Ukraine. Il a également rappelé son opposition à l’envoi de troupes françaises sur le terrain dans ce conflit. De manière générale, une analyse structurelle de l’espace politique français tel qu’il est reflété par les prises de paroles et interactions sur X/feu-Twitter montre clairement qu’il y a un positionnement quasi dichotomique en France entre les partis de gouvernement qui sont fermement opposés à la guerre du Kremlin contre l’Ukraine, et feraient tous les efforts possibles pour empêcher Vladimir Poutine de la remporter, et l’extrême-droite (RN & Patriotes) qui a une attitude plus complaisante envers son régime et ses actions.

Le problème de Poutine est simple : comment faire perdre les élections aux partis politiques opposées à sa domination ? [...] Contrairement aux États-Unis, qui ont par le passé interféré dans des élections de pays démocratiques en accompagnant des putchs violents, la stratégie géopolitique du Kremlin, héritée de l’ère soviétique, est la plupart du temps indirecte et à long terme. Le KGB avait son proverbe de prédilection : « la goutte d’eau creuse la pierre, non par force, mais en tombant souvent ». Vladimir Poutine, qui s’est arrangé pour régner quasiment à vie, a le temps. Il pratique une subversion des démocraties occidentales qui s’étire dans le temps dans le but de déstructurer leurs sociétés de manière systémique et globale.

Au long cours et de faible intensité, elle consiste en une modification globale de l’espace informationnel qui va de campagnes sur les réseaux sociaux à la création de faux sites d’information, en passant par l’utilisation des régies publicitaires des grands réseaux sociaux permettant le ciblage de populations. [...] Cette stratégie sur le long terme est couplée avec des actions à court terme et opportunistes qui exploitent l’actualité, telles que le piratage d’infrastructures ou des actes de vandalisme sur le territoire (par exemple les tags des Étoiles de David, les tags de mains rouges sur le Mémorial de la Shoah ou l’incendie d’infrastructures). Combinées, ces « mesures actives » qui agissent sur l’espace médiatique et les circuits de circulation d’information, instaurent un climat antisystème. En effet, elles insèrent des « virus médiatiques » dans la vie publique « capables de s’auto-entretenir et s’auto-reproduire », le but étant de « modifier la conscience collective, en particulier dans certains groupes ». Elles amène un pays, « mine de rien », à un point de bascule propice aux alternances de régime politique et de formes institutionnelles [...].

Si le Rassemblement national correspond au portrait robot de ces partis anti-systèmes que Medvedev et le Kremlin ont annoncé vouloir soutenir, il y reste un problème de taille : le front républicain. Cette tradition française, qui amène les adversaires politiques à préférer un mandat bancal plutôt qu’à 30 ans de régime autoritaire, a permis de faire barrage contre le Rassemblement National à chaque fois qu’il fut en position de remporter une élection à portée nationale. Le front républicain est la porte de secours de la démocratie, il faut donc, pour le Kremlin, la condamner. 

En ligne avec ce qui précède, et pour donner raison à M. David Chavalarias, on notera que cette condamnation du front républicain émane principalement du RN... Par ailleurs les liens entre RN, sites complotistes ou fachosphère 2.0 ont bien été analysés par cet auteur, lui permettant de générer une cartographie numérique des liens qui unissent les différents comptes présents sur les réseaux sociaux. En illustration de ce billet, on trouvera une analyse de proximité de ces comptes qui permet « de les regrouper par courants idéologiques [...]. Le Nouveau front populaire, dont la communauté s’est considérablement renforcée au fil des jours, apparait comme déconnectée du super-bloc « d’en face », composé de Renaissance et du bloc des extrêmes-droites. Cette configuration suggère qu’un éventuel partage de l’espace en deux camps lors d’un second tour séparerait les deux partis de gouvernement plutôt que de les unir contre l’extrême-droite. Cela présage également de triangulaires compliquées. Il est à remarquer que la communauté Les Républicains, supposée se démarquer des autres, a complètement disparu en tant que communauté autonome dans ce paysage. Carte calculée sur la période du 10 au 27 Juin 2024 ; 3 500 comptes analysés (seuls les liens représentant 5 retweets ou plus sont affichés - Source de données CNRS/ISC-PIF : collecte des timelines publiques des personnalités politiques ayant un compte sur X).

Or, [...] pour briser le front républicain, il faut trouver des enjeux sociétaux bi-polarisés tels que leur ligne de fracture traverse l’électorat des partis de gouvernement ainsi que les positionnements politiques de leurs leaders. Dès lors, il convient de se demander quels seraient les thèmes de débats les plus favorables au Kremlin ? En utilisant la même base de données que celle mentionnée ci-dessus, le collègue du CNRS démontre que les prises de positions sur la guerre en Ukraine permettent de distinguer les positions, d'un côté des partis d’extrême-droite (RN, Reconquête, et les Patriotes), de celles, de l'autre, des partis de gouvernement y compris ceux constituant le Nouveau Front Populaire (NFP). Le même type d'étude, menée sur la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, montre cette fois que « la ligne de fracture de l’opinion autour de la guerre à Gaza sépare les partis de gauche et les partis de droite et d’extrême-droite, ouvrant ainsi une brèche entre les partis de gouvernement » (Cf. figure ci-dessous).  Autour de la question de l’antisémitisme, la ligne de fracture « divise un ensemble de comptes qui font le pont entre Renaissance et le bloc d’extrême-droite, qui s’inquiètent sur la montée de l’antisémitisme et accuse LFI d’antisémitisme, et de l’autre côté LFI qui s’en défend ». Sur la question de l'islamo-gauchisme, il ressort de l'étude que ce narratif a été « développé majoritairement par le bloc d’extrême-droite avec quelques relais sur la passerelle Renaissance-Extrême-droite, ce qui fait réagir LFI ». Enfin, la question du réchauffement climatique, pourtant largement absente des débats lors des européennes comme des législatives, ont été « abordées essentiellement par EELV et dans une moindre mesure par LFI ».

 

Ci-dessus, analyse effectuée sur le même ensemble de comptes X que celui étudié plus haut, présenté sur la figure d'illustration en tête de page. Cette nouvelle figure montre « les contiguïtés de positionnement des leaders et militants politiques » sur le thème de ma guerre à Gaza, et révèle la fracture gauche - droite des partis de gouvernement. Les comptes y sont placés exactement de la même manière que sur la figure d'illustration en tête d'article, mais seuls les liens reflétant les échanges relevant de la problématique visée sont affichés.

 

De ce qui précède, on remarque qu'un thème « ressort de manière saillante parmi ces thèmes actualité : la guerre à Gaza. Voici le principal pied de biche inséré entre les électeurs des partis de gouvernement qu’active le Kremlin pour les rendre irréconciliables et faire voler en éclat le front républicain. Il est couplé évidemment avec ses corollaires que sont la montée de l’antisémitisme et des attitudes hostiles envers l’islam. Ces corollaires suivent les mêmes lignes de fractures.

Il est important de comprendre que ce conflit au Proche-Orient se révèle être le cadre idéal pour combiner des actions de subversion à long terme de modification de la perception de groupes sociaux, et des actions opportunistes à court terme qui jouent sur l’émotion et le pathos. [...] Sur le long terme, le Kremlin a favorisé l’introduction dans le débat public du concept « islamo-gauchisme », avant que sa popularité n’explose du fait de sa reprise par une Ministre de la République en 2021. Selon toute vraisemblance, les comptes sur X les plus actifs avant cette explosion n’étaient autres que des trolls du Kremlin. C’est un exemple de « virus cognitif », inventé par l’extrême-droite, dont le Kremlin augmente la viralité de manière active. Il amène aujourd’hui une partie de la population à penser que certains groupes politiques conspirent contre la République en s’alliant à des ennemis étrangers, ici l’islam radical. Ces groupes sont de fait infréquentables.

Sur le court terme, cette perception est renforcée par plusieurs actions. Il y a des actions sur le territoire réel, telles que celles évoquées plus haut, qui amplifient dans l’opinion publique la perception de la montée de l’antisémitisme ou du racisme, de manière très concrète. A cela s’ajoute des actions sur les territoires numériques comme par exemple la création de faux comptes tel que @ChtiAudacieux créé en Février 2024 sous le nom de « MuslimChti » qui se positionne en islamiste radical et provoque les communautés d’extrême-droite. Nous trouvons encore des comptes ou sites d’information qui visent à radicaliser certaines communautés. Ainsi, le cinquième compte le plus relayé de cette campagne post-dissolution sur X (entre le 10 et le 27 juin) est un compte anonyme, @FRN7, qui a ouvert plusieurs comptes du même nom au printemps 2020 sur Instagram (compte suspendu), Odysée et Facebook. Resté inactif pendant deux ans sur ces deux dernières plateformes, son historique est typique d’un compte opéré par le Kremlin, ou du moins sous l’emprise de sa propagande. Toutes les théories du complot et les bêtes noires du Kremlin y sont mises en scène, dans des vidéos soigneusement éditées. Dans nos cartes Twitter Politoscope de 2020 et 2021, @FRN se situe dans la communauté anti-système, proche de l’extrême-droite, qui s’est formée pendant la pandémie sous la houlette de personnalités pro-russes comme Florian Philippot (ex. n°2 du RN), François Asselineau ou Nicolas Dupont-Aignan.

Mais depuis mai 2024, @FRN s’est déplacé dans l’espace informationnel pour intégrer la communauté LFI via des comptes intermédiaires, probablement faux eux aussi. Il s’est arrangé pour créer de nouvelles connexions de manière à y diffuser ses contenus, soit par re-tweets actifs, soit via la recommandation algorithmique (ex: X/Twitter vous recommande « @Y à aimé …» parce qu’il croit que @Y partage vos goûts). Le type de contenus que diffuse en continu @FRN pendant ces législatives de 2024 est extrêmement anxiogène et donc très adapté à cette stratégie [...]. Il s’agit exclusivement d’images et de vidéos des massacres perpétués par le gouvernement de Netanyahou à Gaza et de la crise humanitaire qui en découle. 

Or cette guerre à Gaza est une véritable aubaine pour le président russe. [...] Voilà en effet, le couple de forces du moment et la fenêtre d’opportunité pour Vladimir Poutine qui cristallise des efforts de longue haleine. D’un côté le Kremlin s’efforce d’amplifier la perception des horreurs de la guerre à Gaza auprès de la communauté LFI afin qu’elle impose le cadre du conflit israélo-palestinien aux européennes et aux législatives, avec ses corollaires sur la montée de l’antisémitisme, du racisme et d’attitudes hostiles envers l’islam. Cela favorise sa radicalisation et, en conséquence, la polarisation politique entre extrême-gauche et extrême-droite. De l’autre, les communautés juives traumatisées par le 7 Octobre, et la droite, sont matraquées depuis des années par des narratifs tel que celui de l’islamo-gauchisme [...].

Le fait que le Kremlin amplifie les divisions dans les sociétés occidentales ne veut pas non plus dire qu’il est la source de tous les maux de la Nation. Bien au contraire, ses opérations ne fonctionnent jamais aussi bien que lorsqu’elles peuvent s’appuyer sur d’authentiques dysfonctionnements. Mais elles auront pour résultats d’éliminer certaines voies de résolution des problèmes pour orienter les électeurs vers une alternance plus autoritaire qui convient le mieux aux intérêts du Kremlin.

Ne faisons pas la même erreur que de nombreux autres pays en sous-estimant la capacité de nuisance de M. Vladimir Poutine. Beaucoup de contre-feux ont été allumés par l’extrême-droite française, et probablement par des trolls du Kremlin, qui soit minimisent son impact, soit tentent d’influencer les votes en prônant de ne pas tenir compte des nombreuses alertes en provenance du milieu académique ou des services de renseignement. L’alignement des intérêts du Kremlin avec ceux des extrêmes-droites occidentales est un fait incontestable affirmé de la bouche même des représentants de M. Vladimir Poutine.

Si la feuille de route de la subversion a été correctement suivie, la majorité de la population pourrait être à ce point désorientée qu’elle en viendrait, lors de ces élections ou des suivantes, à réclamer des dirigeants « forts », qui « savent comment parler aux Russes », et les élire. Cela s’est produit par exemple en 2024 en Slovaquie, avec l’élection d’un Président prorusse suite à une intense campagne de désinformation en ligne du Kremlin, les législatives de 2023 ayant préalablement donné la majorité à un parti d’extrême-droite prorusse.

Rappelons-nous les mots de l’ex-agent du KGB Tomas Schuman : la plupart des actions de subversion sont manifestes et facilement identifiables. Le seul problème est qu’elles sont « étirées dans le temps ». En d’autres termes, « le processus de subversion est un processus à si long terme qu’un individu moyen, en raison de la courte durée de sa mémoire historique, est incapable de le percevoir comme un effort cohérent et délibéré ». De là l’intérêt des macroscopes développés au CNRS, c’est-à-dire des outils mathématiques et informatiques qui permettent d’observer à grande échelle et sur de longues périodes les processus d’évolution et de déstructuration des sociétés, un peu comme le visionnage en accéléré du développement d’une liane pour comprendre comment elle s’accroche à son arbre.

Ainsi outillés, nous pourrons peut-être mieux prendre conscience des stratégies de subversion qui peuvent, sur une partie de la société et par effet domino, mener à terme à une décohésion sociale globale. Cette prise de conscience est le premier pas vers une résolution des conflits qui minent la société française.

 

Référence et crédit illustration :

1.David Chavalarias. 23h59 à l’horloge de Poutine. Son site. Juin 2024.
Consultable en ligne :
https://hackmd.iscpif.fr/s/HJQny14PA#

Son site : https://iscpif.fr/chavalarias/ 


 

mardi 9 juillet 2024

DIRE LE VRAI NE SUFFIT PAS, IL FAUT DIRE LE JUSTE

Ce billet reprend en quasi totalité un article de blog publié par mes collègues du collectif Rogue ESR (Enseignement Supérieur et Recherche). Il analyse les causes qui ont conduit, aux yeux de ce collectif, à la situation que nous connaissons, suite à la dissolution de l'Assemblée par M. le Président de la République. Le Rassemblement National (RN), dernier avatar du Front National (FN), n'est pas arrivé à la place qu'il occupe ex-nihilo. En réalité, les Européennes et les Législatives ont uniquement joué un rôle de catalyseur, de révélateur. Au delà de cette analyse, et mes collègues de Rogue ES font en grande partie l'impasse là dessus, il reste à évaluer les possibilités réelles qu'offre la nouvelle composition de l'Assemblée Nationale en termes de gouvernement. J'y reviendrai brièvement à la fin de cet article. Comme à mon habitude, la citation du collectif est en italiques, mes commentaires et ajouts en caractères droits.

« Passé le soulagement d’un soir, ne subsiste que l’immensité de la tâche à accomplir pour transformer quelques mois de sursis en une bifurcation historique qui éloigne durablement le spectre d’un gouvernement d’extrême-droite et rouvre l’horizon d’une aube démocrate.

Il me semble important ici de citer, comme le font les collègues de Rogue, Albert Camus qui disait dans l'Homme révolté : « Le fascisme, c’est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme ».

Les travaux de sociologie politique montrent que le vote national-identitaire procède de la conjonction de plusieurs mécanismes : le racisme et sa politisation par la « préférence nationale » et le droit du sang ; la hantise du déclassement, conséquence directe de l’extension du marché et de la mise en concurrence à l’intégralité de la vie sociale ; la rhétorique dévoyées des « privilégiés » qui oppose un peuple autochtone désireux de vivre correctement du fruit de son labeur d’un côté aux élites intellectuelles et économiques et de l’autre aux « immigrés » et aux « assistés » supposés détourner à leur profit ce qui reste d’État providence ; le désir de préserver un mode de vie ou un « entre-soi ». Cette conjonction est favorisée par la reprise des thèmes et des éléments de langage de l’extrême-droite par une large partie de la classe politique, et par la sphère médiatique, notamment par des groupes possédés par des entrepreneurs politiques ; cette reprise, enfin, est elle-même facilitée par le soutien des franges libertariennes et néo-conservatrices des milieux d’affaire. Derrière l’émergence d’une extrême-droite hybride entre néolibéralisme autoritaire et suprémacisme national-identitaire dans l’ensemble des pays occidentaux, il y a de fait l’érosion tendancielle de la croissance et, en même temps, l’accroissement aux forceps du taux de profit : « France now has […] an unusually dominant billionaire class whose total wealth is equal to 22 per cent of GDP, ahead of even the US » (1 ; pour ceux qui ne pratiquent pas l'anglais, la traduction est « La France compte désormais […] une classe de milliardaires inhabituellement dominante dont la richesse totale est égale à 22 pour cent du PIB, devant même les États-Unis »).

La minorité présidentielle porte ainsi une responsabilité écrasante dans la transition du FN/RN de 7 députés en 2021 à 143 aujourd’hui. Le pouvoir sortant s’est engagé dans une dérive illibérale interminable, au point d’avoir, le premier, noué une « coalition de projet » avec Mme Le Pen, en décembre dernier, pour faire adopter sa loi sur l’asile et l’immigration ; l’artisan de cet accord s’appelait… M. Ciotti. L’exigence de l’heure est donc de congédier « tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte » (V. Hugo) et leur monde fait d’arrangements sordides, de concessions à la xénophobie et de démagogie médiatique. Les rapports de force dans le futur hémicycle mettront du temps à devenir lisibles. Une chose est sûre, toutefois : le Parlement ne suffira pas à la tâche, et la société civile — associations, organisations non gouvernementales, syndicats, collectifs — doit prendre une part active à l’institution d’une démocratie propre à juguler la polycrise qui lamine nos existences. La Ve République est morte honteusement, au détour d’une manœuvre tactique du prétendu « maître des horloges ». Rendre un avenir à notre société impose d’en passer par un nouveau moment constituant et, sauf en pensée magique, la Constituante n’émergera pas spontanément d’un parlement ingouvernable issu de la décomposition d’un régime césariste.

Cette intervention directe de la société civile n’est donc pas une simple conséquence de l’impasse arithmétique d’une Assemblée divisée en trois blocs d’importance analogue. Elle vient de plus loin, de la faillite même de la monarchie élective sur laquelle se fondait la Ve République. Chaque élection abîme un peu plus notre société. L’abandon de toute forme d’attachement à la vérité par les prétendants au pouvoir conduit à ce que candidats et électeurs s’entre-déchirent, dans un spectacle navrant que la raison pousse à fuir. Les élections ne sont plus un moment d’expression et de résolution des contradictions qui habitent notre société, mais un moment de surdité et d’intensification de ces contradictions, dont la majorité des citoyens sort plus frustrée et inquiète qu’elle n’y est entrée. Une élection qui se joue sur les plateaux de MM. Drahi et Bolloré ne saurait offrir la délibération démocratique nécessaire à sortir de la société de l’insignifiance et à nous bâtir un avenir commun. La démocratie ne sera réinstituée que si la société civile organisée s’attèle à ce travail.

Les fronts sont multiples. Il y a urgence à défasciser la sphère médiatique, en s’inspirant des ordonnances de 1944 conçues par le Conseil national de la résistance (CNR) et en commençant par le renouvellement des fréquences TNT par l’Arcom. Place de la République, hier soir, dans la douceur de ce bref soulagement, des slogans chantés par la jeunesse le disaient déjà : «
Casse-toi Hanouna », « Bolloré la TNT c’est pas à toi ».

Il y a urgence aussi à ce que les organisations du mouvement démocratique, écologique et social interpellent les élus de centre-gauche pour empêcher la poursuite de la destruction de la société.


[...] Quelles contributions concrètes pouvons-nous apporter à cet effort ? Il est au moins un thème politique se situant au point d’articulation de la crise démocratique, sociale, économique et écologique : l’aménagement du territoire. Le prendre à bras-le-corps nécessite de tourner la page du bonapartisme et mettre à bas le mythe des métropoles intelligentes en concurrence avec les villes-mondes des autres pays de l’OCDE, qui contribue directement à offrir à l’extrême-droite les territoires relégués au rang d’arrière-pays paupérisé, vivier de travailleurs précaires et de salariés déclassés, où la jeunesse n’a pas d’avenir. [...] Mais l’aménagement du territoire est aussi un enjeu pour la construction d’une société post-carbonée. Le réchauffement climatique implique de relocaliser la production de biens agricoles et manufacturés, conformes aux besoins de la population, au plus près de leur utilisation. Investir dans l’aménagement du territoire est à même de réunir un large consensus, incluant ce qui reste du centre-droit démocratique, dont les derniers bastions sont souvent dans des circonscriptions rurales et périurbaines ».

Comme je l'écrivais en introduction, cet article du Collectif Rogue ESR, fait l'impasse sur le Hic et Nunc, le « ici et maintenant »... Certes, appeler à une contribution large de la société civile est un projet majeur et réjouissant, mais de long terme. Qui plus est, il n'est pas possible de s'affranchir des fondamentaux de notre démocratie et de notre Ve République. En d'autres termes, la question posée est comment gouverner dans l'immédiat, sans majorité à l'Assemblée Nationale (AN) ? Un premier ministre et des ministres issus du NFP conduiront - cela a déjà été annoncé - à une motion de censure du gouvernement si une seule tête d'un membre de la France Insoumise (LFI) y paraît. Cette motion a de fait toutes les chances d'être majoritaire (2). Il semble également totalement illusoire d'envisager un gouvernement NFP sans une participation de LFI. Une coalition entre les Macronistes et les Républicains ? Même des discussions ont eu lieu, cela ne donne pas de majorité à l'AN (2)  ! Une coalition entre Macronistes et le NFP ? Certes, une telle coalition pourrait dégager une majorité, même en l'absence des députés LFI, mais il faudrait alors y agréger les divers gauches et quelques régionalistes. Et quelle trahison, une telle option constituerait vis à vis de nombre d'électeurs du NFP... Soyons réalistes : il n'y a aucune majorité à l'Assemblée pour gouverner. Dire le contraire serait tromper les électeurs ! Nous sommes donc en face d'une situation de blocage. Avant de voir se constituer cette grande alliance de la politique et de la société civile, il va pourtant falloir gérer le quotidien, et en l'espèce, pour citer Germaine Tillion, « dire le vrai ne suffit pas, il faut dire le juste »...

 

Références :

1. Ruchir Sharma. Capitalism is in worse shape in Europe. The Financial Time. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ft.com/content/5d12c8ed-c184-4d15-af6d-6523f7f875c8

2.Mathieu Lehot-Couette, Valentin Pigeau. Résultats des élections législatives 2024 : découvrez la composition de la nouvelle Assemblée Nationale. France-Info TV. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/infographies-resultats-des-elections-legislatives-2024-decouvrez-en-direct-la-composition-de-l-assemblee-nationale_6645201.html


Crédit illustration :

Richard Ying, Tangui Morlier. Document Wikicommons.