J'ai récemment entendu un chroniqueur TV parler des cheminots de façon très méprisante. Face aux mouvements sociaux, celui-ci s'énervait de constater que ces personnes veuillent faire grève alors que ces « gens n'ont qu'à pousser un joystick assis au chaud dans un siège confortable »… Encore un qui ne connaît rien à ce travail et qui aurait mieux fait de se taire. Explications.
Il se trouve que j'ai de nombreuses relations dans le ferroviaire et que je connais assez bien, je le pense, ce monde particulier. Sans rentrer dans trop de détails, disons que j'ai pu voir de très près à quoi ressemblait l'activité de conduite de train, et les contraintes qu'elle impose. Car, oui, il y a des contraintes ! Certes, le confort de conduite des rames à grand parcours ou même celui des rames de banlieue d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui des machines à vapeur des années 50, voire celui des machines Diesel des années 60/70 qui les ont remplacées. À ce sujet, évacuons de suite la prétendue « prime de charbon » qui serait toujours en cours à la SNCF. Cela fait au moins 40 ans qu'elle a été supprimée ! Donc oui, on est mieux assis et moins soumis aux intempéries dans les trains modernes que dans les anciens. Quoique… Lorsqu'il n'y a aucun problème, c'est bien le cas. Mais dès que des problèmes arrivent, tout peut alors changer très vite. Ainsi, sur une panne de freinage, ce qui est heureusement rare, un conducteur devra descendre de sa machine et parcourir tout le train pour identifier le ou les wagons (on parle ici de train de fret) défaillants, isoler le freinage du wagon, puis retester le freinage, une série d'opérations qui implique de passer de la cabine à la queue de train assez régulièrement, et ce de nuit, de jour, qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige. De même pour les trains de voyageurs, en cas de panne, ou plus fréquemment de signal d'alarme « tiré ». Le conducteur ainsi peut être amené à se déplacer tout le long de la rame, agir sur divers dispositifs et prendre la responsabilité de repartir avec des restrictions dues au freinage qui pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité si elles n’étaient pas maîtrisées pleinement. Ce genre de vérification peut durer entre 20 minutes au mieux, et deux heures par exemple sur des trains longs ou des pannes complexes à détecter. Comparativement à une certaine époque, on peut dire que le confort du métier ne s’est finalement pas tant amélioré dans le sens où la technique évoluant, certaines contraintes ont été remplacées par d’autres telles que celles liées aux vitesses élevées pratiquées (donc temps de réaction plus restreint), au stress, où à la difficile gestion des voyageurs, etc.
J'ajoute à cela que le travail de conduite n'est qu'une partie du travail des roulants. Il faut en effet aller prendre son service, parfois à des heures de distance de son lieu d'habitation, surtout lorsque l'on répond en « astreinte ». Ces astreintes font d'ailleurs partie intégrante du travail régulier des roulants, parfois à raison de plusieurs journées par semaine, où l'on peut être appelé à à peu près n'importe quelle heure, de jour comme de nuit, dans un large périmètre géographique. Seule une partie du temps de prise en charge est comptabilisée comme temps de travail. De plus, ces astreintes ne permettent pas au personnel de bénéficier de toutes les primes, ce qui fait qu'elles sont finalement payées à un niveau inférieur à celui d'un roulement « normal ». Par ailleurs, peu de gens savent que lors d'une prise en charge programmée d'un train, le mécanicien doit parfois marcher des kilomètres pour retrouver « son » train garé, puis effectuer toute une série d’opérations pour remettre en fonctionnement la machine ou la rame, celles-ci incluant des purges de circuit, des vérifications de niveau, des essais de freins, des systèmes de sécurité, etc. Tout cela ne se fait pas en 5 minutes, mais reste en revanche comptabilisé comme temps de travail !
De même, on ne pense que rarement aux agents qui conduisent les trains d’entretien, ou plus largement à ceux qui assurent l'entretien des voies, là aussi de jour et souvent de nuit, quelle que soit la météo. Sur certaines lignes du Massif Central, des Alpes, des Pyrénées, des Vosges ou du Jura, les opérations de déneigement, pour permettre la circulation des premiers trains du matin, peuvent être éreintantes, par des températures polaires. Évidemment, le journaliste qui méprisait le travail des roulants, n'en n'a cure !
Il ne se soucie sans doute pas plus du fait de savoir que conduire un train implique la connaissance pointue de plusieurs éléments. Le premier est la réglementation ferroviaire dont l'objet premier est d'assurer la sécurité des circulations. Il y a bien sur tout un volet lié à la signalisation qui est bien plus complexe que les seuls feux verts, jaunes et rouges de la circulation automobile. Sans aller trop loin dans les détails, et s’agissant là d'un sujet que je ne maîtrise que partiellement, un feu rouge allumé sur un signal peut impliquer différentes obligations ou autorisations selon le type de signal et le régime d'exploitation de la ligne. Certains signaux ne s’adressent également qu'à certains trains, d'autres ne s’appliquent qu'à certaines heures. En d'autres termes, il faut des semaines et des semaines d'apprentissage pour maîtriser le seul volet signalisation. Les règles de gestion des urgences sont également complexes : comment réagir en cas d'action sur le signal d'alarme, sur la réception d'un signal d'alerte radio, comment franchir lorsque cela est possible un signal au rouge (signal dit fermé), etc. Tout cela représente des centaines de pages de règlement à assimiler et à mémoriser. De plus, ces règlements, véritables articles de loi, évoluent sans cesse, et pas toujours pour faciliter le travail du mécanicien. Outre le fait que ce dernier se doit de maintenir ses connaissances à jour, à ses frais au passage, il a aussi la responsabilité de leur exécution. En cas de manquement, on parlera pudiquement « d’écart de sécurité », pouvant entraîner une mise à pied et, si la faute provoque un accident, une comparution devant un tribunal. Ainsi, le conducteur travaille avec, sans cesse, une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
La conduite d'un train ne consiste pas non plus qu'à pousser un joystick. Cette conduite nécessite une connaissance parfaite du fonctionnement de la machine ou de la rame, permettant la compréhension du résultat des actions sur les diverses commandes de marche ou de sécurité. Comme pour tous les engins roulants ou volants, le mécanicien avant d'être « lâché » seul, passera des mois en formation sur simulateur et/ou sur rame en service. Cette connaissance du matériel est si nécessaire que l'habilitation délivrée à l'issue ne sera valable que sur les matériels sur lesquels la personne a été formée. C'est un peu comme si on obtenait un permis de conduire des Renault, mais pas des Citroën, des Peugeot, ou pas des Volkswagen… Dans le même ordre d'idée, un mécanicien ne sera habilité que sur certaines lignes, la connaissance forte du réseau parcouru constituant un autre gage de sécurité des circulations. Pour reprendre l'analogie avec le routier, imaginez que votre permis, valable sur Peugeot et Citroën seulement, ne vous autorise qu'à parcourir les routes d’Île de France, ou de la région PACA, mais pas au-delà...
Je n'ai couvert que quelques aspects des spécificités du métier. Je voudrais en ajouter trois. La première est un point que je n'aborde jamais avec les roulants, sauf si ils le font d'eux-mêmes. C'est celui de l’accident et de l'accident de personnes (euphémisme pour souvent parler de suicides) en particulier. Comme me l'ont dit plusieurs mécaniciens, la question n’est pas de savoir si on connaîtra cet accident de personne mais de savoir quand. De tels évènements sont bien évidemment traumatisants, et, jusqu'il y a peu, ils n'étaient pas bien pris en charge par la SNCF. Le second volet est la responsabilité que portent les mécaniciens liée au fait qu'ils assurent seuls la responsabilité de trains pouvant transporter plusieurs centaines, voire un millier de passagers. Pour avoir échangé souvent avec des roulants, je peux affirmer que plusieurs m'ont dit que cette responsabilité était toujours très présente à leur esprit et qu'elle était parfois lourde. Même si les trains sont munis de divers dispositifs de sécurité, et de radios, une erreur humaine, voire une défaillance mécanique peut toujours avoir des résultats catastrophiques. Le dernier point, ce sont les horaires imprévisibles ou décalés. Une semaine d'un roulant, ce sont bien sur des jours de repos, mais aussi des astreintes, où l'on ne sait si on travaillera et où, et des conduites programmées. Mais d'un jour à l’autre, cette programmation change. J'ai demandé à un roulant de me communiquer son programme sur une semaine de travail, et effectivement, on constate très vite la présence d'horaires très variables et de découchés, c'est à dire de repos de nuit passés hors du domicile. Ce même roulant m'a indiqué qu'il avait cette année travaillé le jour de Noël et le jour de l'An. Dans le même ordre d'idée on lira avec intérêt l'article de blog en référence pour se faire une idée plus précise d'un journée, certes chargée, d’un mécanicien français, bien loin des clichés propagés par une certain presse (1).
Pour conclure, quelques remarques en vrac. Tout d'abord, ce travail en horaires décalés de façon systématique provoque une usure qui peut justifier la mise en place d'un régime spécial de retraite. Ce régime spécial, comme d'autres régimes spéciaux, ne vise pas seulement à compenser la fatigue accumulée sur des années, mais aussi à rendre le métier attractif à l'embauche. Le changement de statut des cheminots, comme celui de nombre de roulants de la RATP, la fin de régimes spéciaux, tout cela se traduit par des problèmes de recrutement massifs qui conduisent actuellement la SNCF à supprimer des trains, et la RATP à diminuer les fréquences des bus, métros ou RER. Si le métier était un métier de « planqués » ou de « profiteurs », comme on l'entend ou le lit régulièrement, comment expliquer cette désaffection ? Les gens à la recherche d'un emploi devraient s'y ruer, non ? Sur un autre plan, je continue de penser que si la majorité des travailleurs s’étaient comporté comme les personnels de la SNCF ou de la RATP en matière de défense des conditions de travail, nous n'en serions pas là en termes de régression sociale généralisée. Certes une grève dans les transports, c'est casse-pied, comme sont perturbantes aussi les grèves dans l'éducation nationale, le ramassage des ordures ou les raffineries, toutes catégories professionnelles longtemps méprisées. Ne nous leurrons pas : la quasi totalité des avancées sociales n'a été acquise que par l’instauration d'un rapport de force entre le monde du travail et celui du pouvoir économique. Celui-ci l'a bien compris en faisant main basse sur les moyens de communication (radio, journaux, chaîne de télévision, etc.) sur lesquels il déverse régulièrement une certaine forme de propagande. Les propos du journaliste que j’évoquais plus haut s’inscrivent, à n'en pas douter, dans cette démarche de décrédibilisation des mouvements sociaux, et dans ce que l'on appelle la bataille de l'opinion, que le pouvoir économique et financier doit gagner s'il veut pouvoir imposer ses règles, systématiquement défavorables au monde du travail. Quitte à raconter des bêtises ou à mentir !
Remerciements :
Il se trouve que j'ai de nombreuses relations dans le ferroviaire et que je connais assez bien, je le pense, ce monde particulier. Sans rentrer dans trop de détails, disons que j'ai pu voir de très près à quoi ressemblait l'activité de conduite de train, et les contraintes qu'elle impose. Car, oui, il y a des contraintes ! Certes, le confort de conduite des rames à grand parcours ou même celui des rames de banlieue d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui des machines à vapeur des années 50, voire celui des machines Diesel des années 60/70 qui les ont remplacées. À ce sujet, évacuons de suite la prétendue « prime de charbon » qui serait toujours en cours à la SNCF. Cela fait au moins 40 ans qu'elle a été supprimée ! Donc oui, on est mieux assis et moins soumis aux intempéries dans les trains modernes que dans les anciens. Quoique… Lorsqu'il n'y a aucun problème, c'est bien le cas. Mais dès que des problèmes arrivent, tout peut alors changer très vite. Ainsi, sur une panne de freinage, ce qui est heureusement rare, un conducteur devra descendre de sa machine et parcourir tout le train pour identifier le ou les wagons (on parle ici de train de fret) défaillants, isoler le freinage du wagon, puis retester le freinage, une série d'opérations qui implique de passer de la cabine à la queue de train assez régulièrement, et ce de nuit, de jour, qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige. De même pour les trains de voyageurs, en cas de panne, ou plus fréquemment de signal d'alarme « tiré ». Le conducteur ainsi peut être amené à se déplacer tout le long de la rame, agir sur divers dispositifs et prendre la responsabilité de repartir avec des restrictions dues au freinage qui pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité si elles n’étaient pas maîtrisées pleinement. Ce genre de vérification peut durer entre 20 minutes au mieux, et deux heures par exemple sur des trains longs ou des pannes complexes à détecter. Comparativement à une certaine époque, on peut dire que le confort du métier ne s’est finalement pas tant amélioré dans le sens où la technique évoluant, certaines contraintes ont été remplacées par d’autres telles que celles liées aux vitesses élevées pratiquées (donc temps de réaction plus restreint), au stress, où à la difficile gestion des voyageurs, etc.
J'ajoute à cela que le travail de conduite n'est qu'une partie du travail des roulants. Il faut en effet aller prendre son service, parfois à des heures de distance de son lieu d'habitation, surtout lorsque l'on répond en « astreinte ». Ces astreintes font d'ailleurs partie intégrante du travail régulier des roulants, parfois à raison de plusieurs journées par semaine, où l'on peut être appelé à à peu près n'importe quelle heure, de jour comme de nuit, dans un large périmètre géographique. Seule une partie du temps de prise en charge est comptabilisée comme temps de travail. De plus, ces astreintes ne permettent pas au personnel de bénéficier de toutes les primes, ce qui fait qu'elles sont finalement payées à un niveau inférieur à celui d'un roulement « normal ». Par ailleurs, peu de gens savent que lors d'une prise en charge programmée d'un train, le mécanicien doit parfois marcher des kilomètres pour retrouver « son » train garé, puis effectuer toute une série d’opérations pour remettre en fonctionnement la machine ou la rame, celles-ci incluant des purges de circuit, des vérifications de niveau, des essais de freins, des systèmes de sécurité, etc. Tout cela ne se fait pas en 5 minutes, mais reste en revanche comptabilisé comme temps de travail !
De même, on ne pense que rarement aux agents qui conduisent les trains d’entretien, ou plus largement à ceux qui assurent l'entretien des voies, là aussi de jour et souvent de nuit, quelle que soit la météo. Sur certaines lignes du Massif Central, des Alpes, des Pyrénées, des Vosges ou du Jura, les opérations de déneigement, pour permettre la circulation des premiers trains du matin, peuvent être éreintantes, par des températures polaires. Évidemment, le journaliste qui méprisait le travail des roulants, n'en n'a cure !
Il ne se soucie sans doute pas plus du fait de savoir que conduire un train implique la connaissance pointue de plusieurs éléments. Le premier est la réglementation ferroviaire dont l'objet premier est d'assurer la sécurité des circulations. Il y a bien sur tout un volet lié à la signalisation qui est bien plus complexe que les seuls feux verts, jaunes et rouges de la circulation automobile. Sans aller trop loin dans les détails, et s’agissant là d'un sujet que je ne maîtrise que partiellement, un feu rouge allumé sur un signal peut impliquer différentes obligations ou autorisations selon le type de signal et le régime d'exploitation de la ligne. Certains signaux ne s’adressent également qu'à certains trains, d'autres ne s’appliquent qu'à certaines heures. En d'autres termes, il faut des semaines et des semaines d'apprentissage pour maîtriser le seul volet signalisation. Les règles de gestion des urgences sont également complexes : comment réagir en cas d'action sur le signal d'alarme, sur la réception d'un signal d'alerte radio, comment franchir lorsque cela est possible un signal au rouge (signal dit fermé), etc. Tout cela représente des centaines de pages de règlement à assimiler et à mémoriser. De plus, ces règlements, véritables articles de loi, évoluent sans cesse, et pas toujours pour faciliter le travail du mécanicien. Outre le fait que ce dernier se doit de maintenir ses connaissances à jour, à ses frais au passage, il a aussi la responsabilité de leur exécution. En cas de manquement, on parlera pudiquement « d’écart de sécurité », pouvant entraîner une mise à pied et, si la faute provoque un accident, une comparution devant un tribunal. Ainsi, le conducteur travaille avec, sans cesse, une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
La conduite d'un train ne consiste pas non plus qu'à pousser un joystick. Cette conduite nécessite une connaissance parfaite du fonctionnement de la machine ou de la rame, permettant la compréhension du résultat des actions sur les diverses commandes de marche ou de sécurité. Comme pour tous les engins roulants ou volants, le mécanicien avant d'être « lâché » seul, passera des mois en formation sur simulateur et/ou sur rame en service. Cette connaissance du matériel est si nécessaire que l'habilitation délivrée à l'issue ne sera valable que sur les matériels sur lesquels la personne a été formée. C'est un peu comme si on obtenait un permis de conduire des Renault, mais pas des Citroën, des Peugeot, ou pas des Volkswagen… Dans le même ordre d'idée, un mécanicien ne sera habilité que sur certaines lignes, la connaissance forte du réseau parcouru constituant un autre gage de sécurité des circulations. Pour reprendre l'analogie avec le routier, imaginez que votre permis, valable sur Peugeot et Citroën seulement, ne vous autorise qu'à parcourir les routes d’Île de France, ou de la région PACA, mais pas au-delà...
Je n'ai couvert que quelques aspects des spécificités du métier. Je voudrais en ajouter trois. La première est un point que je n'aborde jamais avec les roulants, sauf si ils le font d'eux-mêmes. C'est celui de l’accident et de l'accident de personnes (euphémisme pour souvent parler de suicides) en particulier. Comme me l'ont dit plusieurs mécaniciens, la question n’est pas de savoir si on connaîtra cet accident de personne mais de savoir quand. De tels évènements sont bien évidemment traumatisants, et, jusqu'il y a peu, ils n'étaient pas bien pris en charge par la SNCF. Le second volet est la responsabilité que portent les mécaniciens liée au fait qu'ils assurent seuls la responsabilité de trains pouvant transporter plusieurs centaines, voire un millier de passagers. Pour avoir échangé souvent avec des roulants, je peux affirmer que plusieurs m'ont dit que cette responsabilité était toujours très présente à leur esprit et qu'elle était parfois lourde. Même si les trains sont munis de divers dispositifs de sécurité, et de radios, une erreur humaine, voire une défaillance mécanique peut toujours avoir des résultats catastrophiques. Le dernier point, ce sont les horaires imprévisibles ou décalés. Une semaine d'un roulant, ce sont bien sur des jours de repos, mais aussi des astreintes, où l'on ne sait si on travaillera et où, et des conduites programmées. Mais d'un jour à l’autre, cette programmation change. J'ai demandé à un roulant de me communiquer son programme sur une semaine de travail, et effectivement, on constate très vite la présence d'horaires très variables et de découchés, c'est à dire de repos de nuit passés hors du domicile. Ce même roulant m'a indiqué qu'il avait cette année travaillé le jour de Noël et le jour de l'An. Dans le même ordre d'idée on lira avec intérêt l'article de blog en référence pour se faire une idée plus précise d'un journée, certes chargée, d’un mécanicien français, bien loin des clichés propagés par une certain presse (1).
Pour conclure, quelques remarques en vrac. Tout d'abord, ce travail en horaires décalés de façon systématique provoque une usure qui peut justifier la mise en place d'un régime spécial de retraite. Ce régime spécial, comme d'autres régimes spéciaux, ne vise pas seulement à compenser la fatigue accumulée sur des années, mais aussi à rendre le métier attractif à l'embauche. Le changement de statut des cheminots, comme celui de nombre de roulants de la RATP, la fin de régimes spéciaux, tout cela se traduit par des problèmes de recrutement massifs qui conduisent actuellement la SNCF à supprimer des trains, et la RATP à diminuer les fréquences des bus, métros ou RER. Si le métier était un métier de « planqués » ou de « profiteurs », comme on l'entend ou le lit régulièrement, comment expliquer cette désaffection ? Les gens à la recherche d'un emploi devraient s'y ruer, non ? Sur un autre plan, je continue de penser que si la majorité des travailleurs s’étaient comporté comme les personnels de la SNCF ou de la RATP en matière de défense des conditions de travail, nous n'en serions pas là en termes de régression sociale généralisée. Certes une grève dans les transports, c'est casse-pied, comme sont perturbantes aussi les grèves dans l'éducation nationale, le ramassage des ordures ou les raffineries, toutes catégories professionnelles longtemps méprisées. Ne nous leurrons pas : la quasi totalité des avancées sociales n'a été acquise que par l’instauration d'un rapport de force entre le monde du travail et celui du pouvoir économique. Celui-ci l'a bien compris en faisant main basse sur les moyens de communication (radio, journaux, chaîne de télévision, etc.) sur lesquels il déverse régulièrement une certaine forme de propagande. Les propos du journaliste que j’évoquais plus haut s’inscrivent, à n'en pas douter, dans cette démarche de décrédibilisation des mouvements sociaux, et dans ce que l'on appelle la bataille de l'opinion, que le pouvoir économique et financier doit gagner s'il veut pouvoir imposer ses règles, systématiquement défavorables au monde du travail. Quitte à raconter des bêtises ou à mentir !
Remerciements :
Merci à Franck, Valentin, et tous les autres pour leurs témoignages et leur dévouement à faire que les trains roulent en sécurité et autant que possible à l'heure !
Référence :
1. Vesper. La journée type d'un conducteur de train. Mediapart.
Consultable en ligne :
https://blogs.mediapart.fr/vesper/blog/031120/journee-type-dun-conducteur-de-trains-10
Thomas Wolf
Référence :
1. Vesper. La journée type d'un conducteur de train. Mediapart.
Consultable en ligne :
https://blogs.mediapart.fr/vesper/blog/031120/journee-type-dun-conducteur-de-trains-10
Crédit illustration :
Thomas Wolf
Machine SNCF série BB37000 tractant un train de fret
Image libre de droits.
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1 commentaire:
Bravo !
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