samedi 6 août 2022

CÉDRIC : NOTRE INCROYABLE FACTEUR !



Une bonne partie de Forges connaît Cédric, un des facteurs de notre commune. Très apprécié pour sa bonne humeur, son amabilité, son caractère serviable et son efficacité, Cédric cache derrière son ton enjoué un vécu hors normes. J’ai récemment eu l’occasion de discuter de cela avec lui et je livre ici, bien sur avec son accord, quelques éléments de sa personnalité et de son histoire qui révèlent une personne aux multiples facettes, décidée, capable d’un engagement sans faille et d'un courage assez exceptionnel.

J’ai eu l’occasion de discuter avec Cédric, voilà plusieurs mois, d’un séjour que j’avais fait en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, voilà 6 ou 7 ans, ainsi que la traversée de la Krajina, région durement frappée par la guerre des Balkans. J’avais été impressionné par les stigmates de ce conflit, tels que les impacts de balles ou d’éclats d’obus toujours très visibles sur les façades de nombreuses maisons, les constructions brûlées ou les bâtiments entourés de « Rubalise » portant la mention « danger mines ». Autant la côte Croate est touristique, autant l’intérieur du pays, comme une large part de la Bosnie, paraissent bien plus pauvres et très marqués par le conflit. En en parlant à Cédric, celui ci me dit tout à trac qu’il connaît très bien le secteur, et qu’il avait d’ailleurs participé à la guerre des Balkans. Cela m’a intéressé et je lui ai donc demandé de m’en dire plus, s’il le souhaitait.

Cédric a grandi dans le nord des Hauts de Seine, comme moi d’ailleurs, lui à Clichy et moi à Asnières dans un quartier animé et commerçant ! Lui a connu une enfance qu’il qualifie de difficile, dans une cité où la vie pouvait être dure, et les tentations de dérive en marge de la légalité, très présentes. Cédric quitte assez vite l’école et le milieu familial pour se lancer dans de multiples « petits boulots ». Il est intérimaire, travaille comme employé municipal, également à la SOFRES.

En 1993, il est appelé, service militaire oblige, au sein de l’armée de l’air, plus précisément dans les commandos chargés de la protection rapprochée des bases aériennes. Il effectue ses classes et passe son temps d’appelé sur la base de Chateaudun. Après quelques mois, outre le fait d’être nourri, logé et « verdi » comme j’ai coutume de le dire, le caporal Cédric comprend tout ce que peut lui apporter l’institution militaire en termes de vie et de formation. Il signe donc un contrat d’engagé. Rentrant de permission, et juste après une rupture sentimentale, il aperçoit sur un des panneaux d’affichage de la base un appel à volontaires pour des missions à l’étranger. République de Djibouti, Tchad, ou Sarajevo... Il décide abruptement que ce sera Sarajevo, tout en affirmant au capitaine commandant le peloton qui l’interrogeait « non, je ne pars par sur un coup de tête ». Du Cédric tout craché !

Nous sommes en Juillet 1994. Le conflit des Balkans, première guerre en Europe continentale depuis la seconde guerre mondiale, fait rage depuis 3 ans. Pour mémoire, celle-ci avait commencé en mai 1991 en Croatie, alors que cet État avait décidé de faire sécession de l’ex-Yougoslavie, contre l’avis des Serbes de Croatie et de l’armée yougoslave dont les cadres étaient aussi majoritairement serbes et monténégrins. Le conflit s’est rapidement étendu en particulier à la Bosnie-Herzégovine. En 1992, les Bosniaques, favorables à l’indépendance de leur pays s’opposèrent aux Serbes de Bosnie, qui souhaitaient, eux, créer un État serbe sur ce territoire. Cette dernière guerre a été extrêmement meurtrière : on se rappelle sans doute des noms de Srebrenica, Zvornik, Banja Luka, Bihać et Goražde, entre autres.

Après une période de flottement, les instances internationales réagissent en envoyant des casques bleus. Dès février 1992, le Conseil de Sécurité de l’ONU crée une force de 14 000 « casques bleus », et la déploie dans les régions de Croatie et de Bosnie dominées par les Serbes. Mais faute de directives claires, certains se retrouvent prisonniers de belligérants. Incapables d’assurer une partie de leur mission, ils ne pourront empêcher le massacre de Srebenica, ni les exactions à Sarajevo.

Cette dernière ville, à l’époque, n’est donc pas une destination de vacances, bien au contraire. C’est un des points chauds du conflit. Les militaires qui vont y être envoyés reçoivent donc une formation spéciale pour les préparer, pour autant que cela soit possible, à ce qu’ils vont rencontrer dans un conflit armé. Marches tactiques, c’est à dire avec équipement complet, armes et rations, soit 50 kilos sur le dos, succèdent aux nuits écourtées avec alertes nocturnes, exercices de tirs divers. Dans ces derniers, Cédric avait excellé et il devient alors tireur d’élite. En janvier 1995, Cédric décolle avec ses camarades de formation de la base d'Orange vers Sarajevo. La réalité du terrain l’y attend. Dès son arrivée, l’aéroport, pris entre les hauteurs environnantes, est soumis aux tirs incessants d’armes mi-lourdes, armes automatiques, et fusils des snippers cachés dans les immeubles de la ville. La nuit est illuminée par les balles traçantes des armes automatiques. Les déplacements des militaires de l'ONU sont donc périlleux sur ces sites, d’autant qu’ils ne bénéficient pas toujours, et plutôt même rarement, des blindés qui seraient nécessaires pour les protéger des tirs.

Les missions de protection des civils sont permanentes, mais elle exposent les militaires. Un jour, c’est le drame. Cédric voit un de ses camarades s’effondrer à ses côtés. On ne peut réaliser, tant que l’on ne l’a pas vécu, l’ampleur du traumatisme que cela peut générer. Sans que j’en sois sur, cela a certainement été un déclic pour Cédric. Sa mission dans les Balkans durera 6 mois, mais de retour en France, il décidera de ne pas renouveler son contrat avec les forces armées. Il quittera le monde militaire en 1996 avec le grade de sergent-chef. Pour son engagement comme casque bleu, il sera décoré de la médaille de l'ONU et médaille des Opérations Extérieures.

Après plusieurs boulots, Cédric entre à La Poste. Il y exerce ses fonctions depuis 1998. Son sens de l'engagement et son mental lui ont permis de mener voilà quelques années, avec succès, une autre bataille, sociale cette fois, dans un conflit de plus de 40 jours avec la direction de la Poste. Celle-ci a finalement du céder face aux revendications de ses employés. Plus récemment, son sens de l’à-propos et du travail bien fait l'ont conduit à secourir une personne en grand danger. Cette personne âgée à laquelle il distribuait le courrier ne répondait pas à ces appels ; en se rendant chez elle, il constate qu’elle semble être victime d’un malaise cardiaque. Il appelle les secours. Ceux-ci interviennent rapidement, et dirigent le malade vers l’hôpital, lui assurant la vie sauve.

De tout ce qui précède, de son passé militaire et des ses "BA", Cédric ne se vante pas. Je ne sais si c’est de la modestie, ou simplement parce que « le passé, c’est le passé », ou les deux ! Par ailleurs, je ne sais quel sera le futur de notre cher facteur. Je sais simplement qu’il a beaucoup de cordes à son arc et beaucoup de projets. On l’a connu comme rappeur. On le connaît comme sportif accompli, pratiquant de boxe Thaï, entre autre. On le connaîtra peut être comme entrepreneur, prochainement, si ses projets récents se concrétisent, ce que je lui souhaite.

Je voudrais conclure en remerciant Cédric, simplement et sincèrement, pour tout ce qu’il a fait et continue à faire pour nous, Forgeois, et au delà pour son courage et son engagement au service des autres, en France, comme à l’étranger. Je voulais aussi le remercier pour m’avoir raconté ce passé, sans doute encore présent. Je considère cela comme des marques de confiance et de sympathie à mon endroit, et, quoi qu’il en soit, il peut être assuré de conserver également toute ma confiance et ma sympathie. 


Crédit illustration :

Cédric Pinel. Documents personnels. 
Publiés avec l'autorisation du propriétaire.




2 commentaires:

  1. Incroyable parcours de Cédric.On ignore parfois la vie de ceux que l'on voit quotidiennement..

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  2. Merci Yves pour cet article et merci surtout à Cédric pour tout ce qu'il fait !

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