Je viens de voir dans le dernier numéro du Petit Forgeois, décevant par ailleurs, que la municipalité refuse de procéder aux mariages entre le 1er juillet et le 15 aout. Cette disposition est non motivée ; elle est aussi stupide puisque de nombreux mariages ont lieu les samedis d'été. Plus grave, cette décision est aussi illégale. Explications.
Les différentes textes de lois relatifs aux cérémonies de mariage fondent le droit en la matière. Que disent ces textes ? Tout d'abord, tout mariage doit pouvoir être célébré dans une commune française. En lien, le maire et ses adjoints sont officiers d’état civil (art. L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales, ou CGCT). En cas d'indisponibilité du maire et des adjoints, par exemple pour raison professionnelle, de congés, de maladie ou autre, il est possible de faire procéder au mariage par un conseiller municipal. Je cite les indications données par le Journal Officiel du Sénat (27/05/1999) : « L'article L. 2122-32 du CGCT confère la qualité d'officier d'état civil, nécessaire pour procéder à la célébration d'un mariage, au maire et aux adjoints. Toutefois, l'article L. 2122-18 du même code dispose que le maire peut déléguer, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal ». Ceci signifie également qu'un conseiller municipal ne peut « célébrer un mariage que si tous les adjoints sont empêchés et s'il a reçu délégation du maire à cet effet ». Il existe dans ce cas une tolérance pour que le conseiller délégué porte l'écharpe tricolore, même si en droit strict, ce port pourrait être qualifié au pénal comme port illégal d’uniforme (art. 433-14 du Code Pénal, ou CP).
Il existe néanmoins quelques motifs de refus de célébration de mariage, pour un officier d'état civil, mais ceux-ci sont très encadrés, heureusement. Outre le cas de force majeure (catastrophe naturelle, accident majeur, etc.), difficilement invocable ici, le premier est que le dossier déposé en mairie soit incomplet. En d'autres termes, si les formalités nécessaires n'ont pas été accomplies, le refus de procéder au mariage s’impose. De même, le refus peut être motivé par une opposition régulièrement formée, telle que l'absence du consentement du conseil de famille, lorsqu'il est nécessaire, ou s’il y a altération des facultés personnelles d’un des futurs époux (art. 172 et suivants du Code Civil, ou CC). Les autres cas concernent l'existence « d'indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition ou des entretiens individuels mentionnés à l'article 63 du CC, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 du CC ou de l'article 180 du CC » (art. 175-2 du CC). Les deux articles en référence se rapportent essentiellement au consentement nécessaire (art. 146) et sur l’identité des mariés (art. 180). Ce sont là les seuls motifs autorisant un maire et un officier d’état civil à refuser de procéder au mariage.
Quant au choix de la date, celui-ci est réglé par le code civil et par l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC), et tous deux sont très clairs : « Le jour de la célébration est fixé par les futurs époux (art.75 du CV) [note de l’auteur : donc pas par la mairie]. Sauf péril imminent de mort, les intéressés ne peuvent pas imposer à l’officier de l’état civil de célébrer le mariage les dimanches et jours fériés. Le jour peut être choisi dès le début des formalités à accomplir en vue du mariage ou être fixé ultérieurement. Les futurs époux peuvent à tout moment changer d’avis et demander que la cérémonie soit reportée ou avancée. Ils doivent cependant attendre l’achèvement du délai de publication, sauf s’ils en ont été dispensés ». La loi reste muette sur le choix de l’heure, mais une autre IGREC indique que l‘officier d’état civil (c’est-à-dire le maire ou les adjoints) « respecter autant que possible le souhait des époux ». Donc, désolé, mais refuser de célébrer des mariages le samedi est totalement illégal !
Il convient donc de s’étonner de ce message de la mairie de Forges, qui pourrait valoir aux élus de sérieux problèmes s’il était maintenu… En effet, le refus de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites, en regard des articles 342-1 et 432-7 du CP. Je cite : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (art. 432-1). L'infraction prévue à l'article 432-1 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende si elle a été suivie d'effet (art. 432-2).
A ce stade, je m’interroge donc tout d’abord sur les motivations qui poussent l’actuelle municipalité à ne pas se conformer à la loi. Un maire et ses adjoints devraient en effet montrer l’exemple en matière de respect des lois. Force est de constater que tel n’est pas le cas à Forges, entre refus de mariage, refus récurrents non motivés de prêt de salles communales, et autres insultes semi-publiques à des associatifs… Je dirais même que la façon dont l’actuelle équipe municipale semble se complaire dans cette situation est honteuse, en regard de la fonction et de ce qu’elle implique en termes républicains. Résulte- t-elle d’un je-m’en-foutisme déjà évoqué, d’un poil dans la main magistral en mode « moins j’en fais, mieux je me porte », ou d’une désorganisation complète, je ne sais pas. L’autre interrogation porte sur les compétences de l’équipe et de ses conseils. Je ne comprends pas comment après plus de trois ans de mandat et avec des personnels renouvelés, personne n’ait appelé l’attention des responsables avant de laisser sortir dans le journal municipal une telle énormité. Voir à quel niveau de médiocrité notre commune est tombée me rend infiniment triste…
Crédit illustration :
Sur une image de Jason Hutchens (Sydney, Australie)
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