mardi 6 juillet 2021

LES LIMITES DE L’ACTION PUBLIQUE



Pour garantir à la fois un traitement équitable des citoyens, et un usage raisonnable des fonds publics, la loi encadre assez rigoureusement les opérations qu’une commune ou un établissement public de coopération intercommunal (ou un syndicat intercommunal) peut mener en zones privées. Exemples à Forges.


Le premier cas que je souhaite présenter est le balayage des voiries privées. Certains de mes interlocuteurs m’ont assuré du fait que certaines voiries privées de la commune étaient nettoyées par les services techniques, avec passage de la balayeuse. Je peux comprendre ceci lorsque cela se produit de façon très ponctuelle après un orage violent ou des inondations, par exemple, ne serait-ce qu’au titre de la solidarité locale. Egalement, dans ce cas de conséquence d’intempéries, la responsabilité municipale pourrait être mise en cause pour des raisons de sécurité ou de salubrité publique si le nettoyage n'était pas assuré. Ceci est d'ailleurs cadré par le code général des collectivités territoriales. Cependant, lorsque ce nettoyage est récurrent et effectué par les services techniques de la commune, la donne change. Si effectivement un maire peut faire nettoyer une voirie ou un espace privé (zone verte par exemple) par la commune, cette possibilité ne s’applique que de façon limitée, par exemple dans le cas où cet espace ou cette voirie est ouvert au public et/ou permet un accès entre deux espaces publics. Dans les autres cas, ce qui ressemble fortement à la mobilisation de moyens publics au seul profit de propriétaires privés n’est pas autorisé. Ainsi le balayage d’impasses privées, dont l’usage est quasi-exclusivement réservé aux riverains, ne peut être réalisé par la commune, sauf convention autorisant la fourniture de ce service à titre onéreux.

Deuxième cas : il semblerait que la commune ait fait procéder sur un terrain appartenant à un propriétaire privé au creusement d’un fossé de grande dimension à proximité de la départementale en sortie est du bourg (voir photo). La motivation serait la crainte de voir s’y installer prochainement des « campeurs », comme c’est assez fréquemment le cas à Forges en été. Que je sois clair : l’installation de caravanes est une plaie pour les communes car elle génère l’usage inapproprié des poteaux de défense incendie, et des branchements sauvage sur le réseau électrique, donc des vols d’eau et d’électricité, avec les risques de coupure que nous avons connus au cours des années précédentes. La population des campeurs est par ailleurs très au fait de la loi, ce qui fait qu’il est nécessaire, malgré l’aide des services préfectoraux, avoir recours à des décisions de justice en référé pour ordonner les expulsions, ce qui prend au mieux 10/12 jours. Je sais de quoi je parle, pour voir eu dans le passé à gérer deux fois ce genre de problème y compris au tribunal administratif...

Ceci posé, le creusement de ce fossé est destiné à protéger un espace privé contre l’arrivé de caravanes ne rentre pas dans le cadre des prescriptions des articles L2212-1 et -2 du code général des collectivités territoriales, ni dans les décisions du conseil d’Etat en matière de sécurisation des espaces privés par une commune. Comme je l’indiquais plus haut, la condition essentielle pour que cette sécurisation soit effectuée par la commune est que l’espace en question, même privé soit ouvert à un usage public, ce qui n’est pas le cas d’un champ, que celui-ci soit cultivé ou même laissé en jachère. Me fondant sur la distance creusée et la largeur de la tranché, à raison au minima de 500 euros du mètre linéaire, j’estime le montant des travaux effectué au bénéfice du propriétaire foncier entre 6 et 8 000 euros. Dans ces conditions, et dans un contexte d’une stricte application de la loi, la réalisation de ces travaux sous financement communal pourrait s’apparenter à un détournement de fonds publics, délit sanctionné au titre de l’article 432-15 du code pénal.

On voit bien, au travers de ces deux exemples, que la frontière entre espace privé et espace public reste, en matière de police communale, parfois floue. On touche bien là les limites de l’action publique.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et dire que ces élus avaient signé une charte de bonne conduite ! C'est du cynisme pur sucre !