Le blog reprend son activité après quelques jours de congés avec un nouvel article sur le virus SARS-CoV2. Drôle de façon de commencer l’année direz-vous, pas très originale non plus. Sans doute. Néanmoins, je souhaitais apporter quelques éléments d’optimisme en regard de la pandémie et des inquiétudes que suscitent ce nouveau variant et sa dispersion massive.
Tout en restant encore prudent, il semblerait bien, comme l’indiquaient des informations préliminaires, que le variant omicron soit moins virulent que les variants précédents, tout en étant plus contagieux. Si ces propriétés du virus se confirmaient au cours du temps, celles-ci pourraient constituer des informations importantes en termes d’évolution virale. Pour comprendre ceci j’ai besoin de faire appel, avec mes excuses pour l’utilisation d’anglicismes, à 3 notions d’écologie : la fitness, le trade-off (ou compromis) et le cul-de-sac évolutif.
Avant d’expliquer ces 3 notions, il est bon de rappeler le principe général d’évolution. Chaque reproduction d’un être vivant, quel qu’il soit, s’accompagne de processus de mutations et de brassage génétique dans le cas de la reproduction sexuée. Il en résulte, dans la descendance, l’apparition de nouveaux caractères, variables d’un individu de la descendance à l’autre, dont « l’intérêt » pour l’individu dépendra des conditions environnementales. Ces conditions constituent le crible qui conduira à la sélection des individus les plus adaptés à l’environnement qui se multiplieront à leur tour (voir schéma récapitulatif ci-dessus). Ceci me permet d'aborder ici la notion de fitness, parfois appelée valeur sélective. La fitness d’un individu peut être estimée par le nombre de ses descendants, qui, parce que mieux adaptés à l’environnement, atteindront à terme la maturité sexuelle. Cette notion s’applique aussi aux organismes se reproduisant de façon non sexuée, leur fitness correspondant cette fois-ci à leur capacité à se multiplier efficacement en produisant le plus grand nombre de descendants.
Dans le schéma que je décris ci-dessus, il apparaît que le variant omicron pourrait être bien mieux adapté que le variant delta à l’environnement actuel, puisqu’il est en train de prendre, à peu près partout dans le monde, la place de ce variant. En termes d’évolution, ce nouveau variant semble donc disposer d’une valeur adaptative supérieure à celle du variant delta. Je n’ai aucune information permettant d'expliquer cette observation. Des hypothèses peuvent cependant être émises. Cette fitness supérieure pourrait s’expliquer par des changements de conformation des protéines à la surface du virus facilitant son entrée dans les cellules, par le fait qu’il rencontre une population maintenant majoritairement vaccinée plus résistante à delta, ou par le fait qu’il résisterait mieux et plus longtemps à la dessiccation dans les gouttelettes de salive qui permet sa propagation. Cette liste de propositions est bien sûr non limitative ; bien d’autres explications sont envisageables.
Le point le plus intéressant dans cette nouvelle émergence de variant réside dans le fait qu’il semble moins virulent que les variants précédents et moins virulent que le virus d’origine. Sans que je puisse l’affirmer sur la base d’éléments scientifiques avérés, il se pourrait que cette observation relève du phénomène de trade-off (ou compromis évolutif) que j’évoquais plus tôt. Pour simplifier, ce phénomène décrit une situation dans laquelle on observe dans la descendance d’un individu la diminution voire la perte d’un caractère, que ce soit de façon qualitative ou quantitative, en échange d’un gain d’autres caractères, dont certains peuvent déterminer une fitness accrue. Notons qu’en termes d’évolution, il ne s’agit pas d’un choix d’une espèce d’un individu, mais simplement de la simple application du principe de sélection par l’environnement. Mon hypothèse, car à ce stade il ne s’agit que d’une hypothèse, est que l’accroissement du pouvoir contaminant du virus s’accompagne, dans le cadre d’un processus de compromis, de la réduction de virulence. En accord avec ce point de vue, l'objectif évolutif du virus est avant tout de se propager. Un virus hautement virulent, qui tuerait très vite son hôte, pourrait en réalité perdre sa capacité à se propager efficacement. Le virus doit donc, pour subsister, trouver un équilibre entre virulence et pouvoir de dissémination.
Bien que nous soyons là encore dans le domaine de la spéculation, si tel était le cas, le variant omicron pourrait alors constituer, troisième notion à expliquer, un cul-de-sac évolutif. Cette notion avait été évoquée pour la reproduction par autofécondation relativement commune chez les plantes et les animaux hermaphrodites. Bien que ce processus de reproduction présente des avantages de court terme lorsqu’on le compare à la reproduction sexuée, des travaux relativement récents d’ex-collègues montpelliérains portant sur des lignées d’escargots d’eau douce hermaphrodites révèlent que ces individus réagissent moins vite à la pression de sélection que ceux qui se reproduisent par fécondation croisée. Dans le cas des variants omicron et delta, le fait que le premier nommé semble présenter une meilleure valeur adaptative pourrait conduire à la disparition du variant delta, ou de ses ascendants, bien plus pathogènes. Or, omicron possède une meilleure fitness : il sera donc plus efficace que delta en termes de contamination. Si rien ne change, le retour en arrière ne sera pas possible, d'où le cul-de-sac évolutif. L’hypothèse optimiste que l’on peut faire à ce stade est que tout nouveau variant qui présenterait une fitness accrue par rapport au variant oméga serait contraint également, par le biais du phénomène de trade-off, « d’échanger » son caractère de propagation accrue contre la perte encore plus marquée de sa virulence. Attention cependant, il ne s’agit que d’une hypothèse, et rien, absolument rien, ne permet d’affirmer que tel sera le cas. On pourrait même, hypothèse pessimiste, proposer que le prochain variant regagne une partie de sa virulence perdue. Il ne reste pas moins vrai que pour le moment, l’émergence d’omicron n’est pas une si mauvaise nouvelle...
Crédit illustration :
Adapté de :
Hussain A., Shad Muhammad Y. Trade-off between exploration and exploitation with genetic algorithm using a novel selection operator. Complex & Intelligent Systems 6, 1–14 (2020).
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