vendredi 22 avril 2022

CHARYBDE ET SCYLLA, PESTE ET CHOLÉRA



Il n'a échappé à personne, je pense, qu'il reste encore un tour avant de connaître le résultat de l'élection présidentielle. Ce denier tour ressemble au dernier tour de la précédente élection, opposant M. Emmanuel Macron à Mme. Marine Le Pen. La question qu'une part non négligeable des électeurs se pose est clairement comment voter lorsqu'aucun des programmes des candidats en lice ne vous satisfait. Ma réponse n'engage que moi.

Je ne vais pas tourner autour du pot. Je n'ai confiance ni en Madame Marine Le Pen, ni en Monsieur Emmanuel Macron.

Le RN et précédemment le FN ont trop frayé avec l'extrême droite identitaire, avec les jeunes aux cheveux aussi courts que leurs idées, le racisme, la violence, les discriminations de tous ordres - du droit des femmes à l'identité sexuelle - pour accepter qu'un ou une présidente issue de ses rangs dirige un jour notre République. Et puis, il y a toutes les déclarations, plus récentes, de la campagne actuelle. Mme. Marine Le Pen et ses partisans tiennent des propos ségrégationnistes, au sens large. Ces propos ne font pas, par exemple, clairement le distinguo entre islam et islamisme. Elle disait ainsi : « Le voile est un uniforme islamiste et pas musulman, c’est l’uniforme d’une idéologie, pas d’une religion », proposant dès lors l'interdiction du port du voile dans l'espace public. En incidente, il faudra alors penser aussi à interdire les kippas et les croix, ainsi que les médailles des tous les saints ou de Marie également. Or, ce n'est pas cela la laïcité. La laïcité, c'est de permettre à tous d'exercer ses convictions, ses préférences religieuses, des athées aux croyants, sans empêcher son voisin de le faire également. Le seul endroit où ces préférences ne doivent pas être visibles, c'est dans la marche de l'Etat. Ainsi, l'interdiction du port ou de l'expression de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique me parait nécessaire et justifiée, comme symbole de la neutralité, et paradoxalement de la bienveillance de l'Etat en la matière. Pour revenir à Mme. Marine Le Pen, elle propose aussi des mesures discriminatoires lorsqu'elle annonce vouloir mettre fin au regroupement familial, ou réserver les allocations familiales aux nationaux. Dans cette logique, un étranger légalement établit en France, y payant ses impôts depuis des années n'aurait-il donc pas les mêmes droits qu'un Français ? Et un Français marié à une étrangère ne pourrait-il la faire s'installer définitivement en France. Quel délire ! Et son programme environnemental ? Certes, celui de M. Emmanuel Macron est quasi-inexistant, mais que dire, alors que la crise climatique s'amplifie et qu'elle continuera de s'amplifier pendant des décennies en raison de l'inertie de notre biosphère, de sa proposition d'un moratoire sur le solaire ? Ou du démantèlement des éoliennes, défendant ainsi une position complètement orthogonale aux accords de Paris. Enfin, en matière de politique internationale, que dire de ses accointances avec M. Vladimir Poutine, dont elle encensait encore voilà peu, le comportement et la politique nationale. Autre temps, autres moeurs, certes, mais quoiqu'il en soit, je n'ai aucune envie de voir cette personne représenter la France et ses valeurs. Elle ne peut le faire. Elle en est même à l'opposée. 

Quant à M. Emmanuel Macron, j'ai bien explicité dans différents articles de ce blog ses actions et celles des marcheurs, dont les godillots (c'est le terme approprié) ont assez systématiquement approuvé les décisions à l'assemblée nationale. A commencer par la possibilité que cette majorité a offerte au gouvernement de décider par ordonnance, supprimant ainsi le contrôle parlementaire sur les décisions proposées. Or ces décisions, et donc la politique menée par M. Emmanuel Macron, a conduit à une division encore plus accentuée des Français. Au cours du quinquennat, la fortune des plus riches a explosé, merci entre autres à la suppression de l'ISF, et à l'instauration de la flat tax. En même temps, pour reprendre la phraséologie en cours, « la France qui rame » a assez systématiquement fait l'objet de mesures la défavorisant : laminage du droit du travail, blocage des salaires, et pour les plus défavorisés, réduction des APL ou réduction de facto des aides aux handicapés, pour ne citer que quelques mesures. J'y ajoute la poursuite de la casse des services publics, l'hôpital en tête. Je ne sais pas d'ailleurs si celui-ci survivra : il était malade au début du quinquennat, il est maintenant agonisant. Tout cela, combiné aux augmentations du coût de la vie, a conduit à la crise des gilets jaunes, qui n'est à mon sens pas une crise. Une crise présente en effet une durée limitée dans le temps. Or celle-ci se poursuit plus de trois ans après son commencement, et elle n'a disparu des radars, écrans et infos que parce qu'une crise sanitaire sans précédent qui perdure lui a succédé. Tout cela a pour conséquence le fait qu'un Français sur quatre (27%) avouait ne pas manger à sa faim, un chiffre encore en augmentation, et que 20% déclaraient voilà peu devoir sauter certains repas. Cette France d'en bas, terme que je n'aime pas, est en fait celle de l'exclusion. C'est la France exclue des centres villes, des métropoles, de l'emploi pérenne, des services publics. C'est celle qui fait a fait l'objet de toutes railleries de l'ancien président. C'est celle qui coûte un pognon de dingue, qui n'a qu'à traverser la rue pour trouver du boulot, celle qui croise dans les gares des gens qui réussissent, alors qu'eux ne sont rien. Qualifié d'arrogance, la pensée macronienne et la politique qu'il a menée sont en réalité totalement engagées dans un processus de lutte des classes, terme que certains voudraient faire passer pour désuet, obsolète, mais qui fournit pourtant, volens nolens, une grille de lecture pertinente du dernier quinquennat. M. Emmanuel Macron n'est pas que le candidat des riches ou des banques, comme cela a été dit. C'est aussi le candidat d'un apartheid social, différent de celui proposé par son opposante, mais tout aussi pitoyable et impitoyable. Pour s'en convaincre, voici quelques propos qu'il a tenus, lors de discours, de visites, ou d'interviews. Je cite : « les salariés français sont trop payés », « les salariés doivent pouvoir travailler plus, sans être payés plus si les syndicats majoritaires sont d’accord », « la meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler ». D'autres citations montrent toute l'étendue du mépris de classe de l'ex-président, vis à vis d'une partie non négligeable des Français, qu'il devrait, pourtant défendre en priorité. Je cite toujours : « les Britanniques ont la chance d’avoir eu Margaret Thatcher », « je ne suis pas là pour défendre les jobs existants », « le chômage de masse en France c’est parce que les travailleurs sont trop protégés », ou « 35 h pour un jeune, ce n’est pas assez ». Restent également des propos très inquiétants et, curieusement, très peu relevés dans la presse tels que « je suis pour une société sans statuts » et « La France est en deuil d’un roi ». Jupitérien, vous avez dit Jupitérien?

J'arrête là la démonstration. Tout cela indique qu'avec M. Emmanuel Macron, comme avec Mme Marine Le Pen, la France pourra faire le deuil de sa devise « liberté, égalité, fraternité ». Se pose donc la question du vote du second tour, dimanche. L'option logique serait donc le vote blanc, aucun des candidats ne satisfaisant aux critères minimaux que j'exige à titre personnel pour obtenir mon suffrage. A ce stade, que l'on vienne pas me parler de front républicain. Ce n'est pas moi qui a installé ce choix invraissemblable entre un représentant de l'extrême droite et un représentant de la finance et des ultras riches, entre un programme raciste et xénophobe, et un programme de casse sociale généralisée. J'ai d'ailleurs voté pour M. Jacques Chirac contre M. Jean-Marie Le Pen quand il l'a fallu, j'ai rejeté la candidature de Mme Le Pen en 2017, tout cela pour constater que le président élu a ensuite très rapidement oublié la pluralité des opinons politiques des citoyens qui l'avaient porté au pouvoir. Malheureusement, le vote blanc, bien que comptabilisé, passera rapidement aux oubliettes. Il me semble donc, que l'action la plus visible et forte reste l'abstention. Celle-ci sera en effet bien plus discutée et bien plus significative si, comme je l'espère, elle tutoie ou dépasse la barre des 40%. C'est donc l'option la plus raisonnable vers laquelle je me dirige dans le cadre d'un choix impossible entre Charybde ou Scylla, peste ou choléra...


Crédit illustration :

Rallye lecture. Charybde et Scylla
https://rallye-lecture.fr/charybde-et-scylla-niveau-3/



5 commentaires:

Christian Heeder a dit…

Le second tour est conforme à ce qu'en ont fait nos media. Oublions-le, votons blanc ou pour le moins déraisonnable. Peu importe, le dossier est plié de ce côté-là.

Restent les législatives! Alors, regardons bien les chiffres:

- 104 circonscriptions où Jean-Luc Melenchon est arrivé premier
- 423 circonscriptions - dont la nôtre - où le même Jean-Luc Mélenchon est arrivé second et aurait donc franchi la barrière du second tour.
- 1,5 millions de voix de plus pour l'Union Populaire que pour LREM aux législatives de 2017.

ça vous parle ? Qu'en conclure ? Tout simplement que l'objectif des 290 députés qui nous donneront une majorité au parlement est un objectif ambitieux mais accessible.

Et la majorité au parlement, c'est l'obligation pour le ou la présidente de choisir un premier ministre parmi cette nouvelle majorité.

Et Jean-Luc Mélenchon premier ministre, c'est lui qui constitue le gouvernement et c'est le gouvernement qui gouverne.

Premiers gestes: Le RIC, le blocage des prix, le smic à 1400 € nets.... Et c'est toute la France qui respire. Et c'est tous les gens qui rament aujourd'hui qui retrouvent de l'oxygène et de la joie de vivre. Le programme de l'Union Populaire avec la retraite à 60 ans, une vraie bifurcation écologique et tout le reste sera un peu plus compliqué à appliquer mais il s'appliquera.

Alors les amis, laissons la peste, laissons le choléra. A ces deux très vilains lauréats du premier tour d'aller de Charybde en Scylla mais qu'ils y aillent tous seuls. Nous, on ira pas, on ira vers des jours plus heureux.

Tout le monde peut rejoindre l'Union Populaire dès à présent. Elles est accueillante. Viendez !

Amicalement,

Christian Heeder

Christian Heeder a dit…

A ces réflexions, il convient d'ajouter celle de Hannah Arendt. Je cite:

"Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal"

Je persiste et je signe: le bon et le bien, nous l'aurons à portée de bulletin de vote aux législatives en privant le ou la présidente de la majorité qui produirait inévitablement le mal, moindre ou pas.

Agissons et évitons cinq années de malheur en particulier pour les plus fragiles d'entre nous.

Anonyme a dit…

Bonjour Yves,
Si je suis assez d'accord avec ton analyse, je suis en désaccord avec ta conclusion qui est une position logique face à tes arguments mais dangereuse face aux risques de voir MLP sortir vainqueur de cette élection; pour ne citer que les principaux à mes yeux: risques de mise à mal de la République et de la laïcité (comme tu le décris d'ailleurs ), risque sur la liberté d'expression, risque de la main-mise de l'extrême droite sur l'éducation et la culture avec les dégâts qu'on connait, risque de remise en cause de nos avancées sociétales comme le droit à l'avortement et le mariage pour tout, risque de voir la France mise au banc des nations comme la Hongrie, le Brésil ou les USA de Trump ...
Macron n'est pas une menace pour la République. Je t'invite à lire l'article d'Olivier Thomas sur sa page Facebook qui explique pourquoi doit-on voter Macron, article avec lequel je suis 300% d'accord.
Pour ma part, je mettrai un bulletin Macron (hélas pour une 3ème fois après 2002 et 2017) non pas "pour" Macron mais CONTRE Le Pen ...et ensuite je resterai dans l'opposition pour combattre ses idées libérales.
Réfléchi encore un peu avant de t'abstenir: ne jouons ni à la politique du pire, ni à la roulette russe, c'est le cas de le dire.
Bon week-end.

Anonyme a dit…

Les électeursdu RN, eux, vont aller voter.

Anonyme a dit…

Ton article était comme la plupart du temps excellent...Certains disent que le Choléra tue moins que la Peste...Je n'en suis pas sûre...Reste à s'unir pour les législative, si la gauche en est encore capable...dans une sursaut salvateur...
Fanny