L’agression du maire de Saint Brévin, M. Yannick Morez, a fait, à juste titre me semble-t-il, le tour de la presse conventionnelle, et des journaux des radios et télévisions. Rappelons que le domicile de cet élu a fait l’objet de dégradation par incendie volontaire, après qu’il ait reçu, pendant des semaines, des menaces y compris des menaces de mort en lien avec l’ouverture d’un centre pour migrants à proximité d’une école…
Ce triste épisode résonne d’une façon très particulière dans notre commune. Rares seront les lecteurs du blog qui n’ont pas eu connaissance d’évènements très similaires survenus à Forges. Rappelons brièvement les faits : mi-août 2016, les élus forgeois entendent dire que, par décision préfectorale, prise en concertation avec la ville de Paris et le département de la Seine, un lieu d’hébergement pour migrants ouvrirait dans les locaux de l’ancien centre d’accueil de cette même ville, situé à Forges, rue du Général Leclerc. Le temps de vérifier l’information, celle-ci est rendue publique fin août. En septembre, le centre d’accueil, encore vide, est incendié et l’adduction d’eau potable sabotée, provoquant une inondation des bâtiments. Une réunion publique organisée par la préfecture et la municipalité rassemble plusieurs centaines de personnes, dont certaines venues d’autres communes que Forges. L’ambiance, malgré la présence de Madame le Préfet de l’Essonne et des responsables de l’association Emmaüs qui gèrera le centre, est délétère. En cause et à la manœuvre, des élus du FN, mais également quelques activistes locaux, qui s’ingénient à créer ce qui se transformera en véritable psychose collective. Des paroles racistes sont entendues dans l’auditoire. On s’inquiète aussi pour la valeur de l’immobilier qui s’effondrerait en cas d’arrivé de migrants (à chacun ses priorités), on parle d’augmentation des vols et de la délinquance (comme d'habitude), et cerise sur le gâteau, on mentionne un surcroit de criminalité liée au viol des enfants en raison de la proximité des écoles. Bref, on nage dans un délire complet, malgré la présence des forces de gendarmerie que d’aucun accuseront froidement, pendant la réunion, de mentir.
La municipalité de l’époque organise par la suite une votation, pour transmettre l’avis de la population à la préfecture, tout en ne cachant pas aux Forgeois que la commune n’a aucunement la main sur le dossier. Grace à cela, nous avons pu négocier l’accueil de 100 personnes au lieu des 200 initialement prévues (ce qui représentait 5% de la population), et ce pour une durée limitée à 2 ans au lieu des 4 ans renouvelables. C’était sans doute encore trop pour certains. En septembre, l’association catholique intégriste Civitas, très proche des milieux d’extrême droite, perturbe la brocante de la commune et distribue des tracts dans les boites aux lettres, au contenu foncièrement haineux. Des activistes forgeois propagent des informations mensongères sur les réseaux sociaux. Pire que cela, en octobre 2016, certains se joignent ouvertement et sans sourcilier à une manifestation où l’on retrouve des cadres du FN, tels M. Wallerand de Saint-Just, trésorier au national et président du groupe politique du FN au conseil régional d'Île-de-France, et Mme. Audrey Guibert, une élue départementale du FN. Parmi les quelques 250 Forgeois présents ce jour, on retrouve aussi des élus de l’actuelle majorité municipale et leurs proches, qui n’ont visiblement pas craint de s’associer sur le bitume aux représentants d’un parti ouvertement raciste et xénophobe…
Malgré tout cela, la précédente municipalité a tenu bon. Et plus remarquable à mon sens, elle a tenu bon en raison d’une vision partagée par ses membres sur le fait que même si la commune n’était pas candidate à un tel accueil, il existait un devoir moral d’asile, en regard de valeurs telles la déclaration des droits de l’Homme. Aidée par une bonne centaine de bénévoles qui ont dispensé aide et cours de français entre autres, l’association Emmaüs a donc géré le centre pendant deux ans, au cours desquels, comme prévu, aucun trouble à l’ordre public - strictement aucun - n’a été relevé dans la commune. Plusieurs Forgeois, très opposés à la venue de ces demandeurs d’asile, ont même finalement reconnu qu’ils étaient d’un contact plutôt agréable, et polis dans la rue où dans les commerces. L’hystérie est progressivement retombée, mais la détestation de cette population, toujours attisée par les réseaux sociaux, a perduré chez les plus extrémistes jusqu’à la fermeture du centre…
Contrairement à ce qui s’est passé à Saint Brévin, la municipalité a été bien aidée par la préfecture de l’Essonne. Le préfet de l’époque, Mme. Josiane Chevalier, nous a reçu à plusieurs reprises pour discuter des mesures à mettre en œuvre pour assurer la sécurité publique. Une caméra a été installée devant le centre à la demande des parents d’élèves. Bien que n’étant pas du tout un « aficionado » de la télésurveillance, j’avoue que je trouvais cette installation pertinente, comme placebo vis-à-vis des inquiétudes démesurées des Forgeois, et surtout parce je pensais qu’elle pourrait peut-être être utile pour la sécurité des demandeurs d’asile hébergés, tant la détestation de certains à leur endroit était prégnante. Les forces de gendarmerie ont aussi été très efficaces en assurant des rondes régulières plusieurs fois par jour, et la nuit, dans ce secteur. De même, Mme. Chantal Castelnot, sous-préfet de l’Essonne, nous a aussi beaucoup aidés, en particulier pour mettre en place les réunions participatives destinées à réfléchir à la reconversion du centre d’accueil.
Ceci posé, comme à Saint Brévin, et bien que nous ayons peu communiqué sur le sujet, il est important que les lecteurs du blog sachent que les élus forgeois de 2016 ont été plusieurs fois menacés, voire agressés, lors de l’arrivée des migrants. J’inclus dans la liste de ces agressions, des petites aux grandes, des gens qui ne vous parlent plus (pas grave !), des gens qui changent de trottoir en vous voyant (pas grave non plus), des insultes dans les boites aux lettres et des appels téléphoniques répétés de nuit (cela m’est arrivé). Pour certains, leurs propriétés ont subi des dégradations, comme des pneus crevés, des carrosseries rayées, etc. Plus grave, des pressions ont été exercées contre des membres de leur famille, y compris leurs enfants, et plusieurs élus ont également reçu des menaces de mort. Je dois dire qu’à cette époque, j’ai eu honte du comportement de nombre de mes concitoyens, que je n’excuse a posteriori que parce que je réalise maintenant qu’ils ont été manipulés par des personnes toxiques. Un certain nombre de ces « toxiques » sont encore présents sur la commune et ils manifestent toujours vis-à-vis, qui de leurs voisins, qui des gens de leur rue, qui des gens de leur hameau, une détestation assimilable à de la haine raciste ou sociale. Celle-ci devra être exposée, un jour, à la vue de toutes et tous…
Crédit illustration :
Le centre d'accueil. Image Wikipédia. Licence Creative commons.
2 commentaires:
Merci Yves pour ce rappel forgeois auquel nous avons immédiatement pensé après avoir vu ce qui s'est passé à Saint-Brévin.
En tant qu'ancien forgeois je suis attristé de voir que ceux-là même qui ont manifesté à Forges contre l'hébergement des migrants au Centre d'Accueil se retrouvent à la tête de la commune depuis 3 ans, bénéficiant d'une opportunité de forte division en face d'eux ... Espérons que les Forgeois et Forgeoises qui défendent les valeurs sociales, humaines et solidaires, qui ont élu pendant 4 mandats consécutifs des équipes défendant puissamment ces valeurs, vont se ressaisir ! C'est tout le bien que je souhaite à Forges.
Ce qui s'est passé à Forges et la façon dont on été traités les élus est un scandale. D'autant que l'on a beaucoup perdu au change !
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