samedi 5 mars 2022

UNE SOLIDARITÉ
À GÉOMÉTRIE TRÈS VARIABLE


Cet article est, sans doute, assez peu politiquement correct. Impossible cependant de ne pas faire de lien entre la guerre en Ukraine et les centaines de milliers de personnes déplacées, avec la guerre en Afghanistan ou avec les conflits locaux en Afrique.


Je dois être un peu un dinosaure, intellectuellement parlant, mais je ne cesse de m’étonner - avec bonheur - depuis quelques jours, de ce qui se passe en matière d’accueil des réfugiés ukrainiens chassés de chez eux par la guerre qui sévit dans leur pays. A tous les niveaux, européen, français, et même local, à Forges, des opérations en soutien aux populations déplacées se sont mises en place avec une célérité indéniable. Afin que mes propos ne soient pas mal interprétés, il me faut être clair. Ce déploiement d’aide, de bonnes volontés, ne me choque pas, bien au contraire. Comme beaucoup d’autres citoyens, je suis infiniment triste de constater que des centaines de milliers de personnes ont dû fuir leur domicile, leurs biens, leurs familles pour sauver leurs vies. Par conséquent, je me réjouis sans arrière-pensée des aides locale, nationale et internationale qui pourront leur être apportées.

Ce qui me choque très fort, en revanche, c’est l’énorme différence qui existe entre le traitement de ces populations venues de Kiev, de Marioupol, de Kharkiv, et celui des populations venues d’autres régions du monde. Je pense aux déplacés d’Afrique sub-saharienne, qui tentent d’échapper aux djihadistes d’Ansar Dine ou de Boko Haram. Je pense aux citoyens de nombreux pays centre-africains ou d’Afrique de l’Est, tels le Soudan, la Somalie, l’Érythrée, le Congo ou la Centrafrique fuyant les guerres civiles et les famines. Je pense aux Irakiens et aux Syriens, pour les mêmes raisons, auxquelles on peut ajouter l'exposition aux bombes chimiques. « Curieusement », tous ces réfugiés n’ont pas eu la chance de bénéficier des mêmes soutiens. L’UE, si prompte à déployer de l’aide pour l’Ukraine, s’est contentée pendant des années de payer des centaines de millions d’euros, voire quelques milliards à des pays tels la Turquie pour qu’elle « stocke » (je ne trouve pas d’autres mot à part « parquer » !) ces personnes dans des camps autorisant tout juste leur survie. Elle n’a rien fait pour éviter les quelques 20 000 migrants disparus en Méditerranée depuis une dizaine d’années malgré les alertes à répétitions des ONG, malgré le travail remarquable de plusieurs journalistes, malgré leurs articles, reportages et photos qui ne nous autorisent pas à dire « on ne savait pas ». Enfin si, elle a fait quelque chose, l’UE ! Elle a regardé ailleurs laissant des pays comme l'Italie gérer seule l'afflux de migrants à Lampedusa ! Et ici, en France, les autorités refusent l’arrivé d’un bateau d’une ONG qui s’est porté au secours de ces personnes au prétexte de ne pas trouver de port d’accueil... Tout en laissant croire que ces ONG sont des complices des passeurs, sans aucune honte. Idem pour les associations caritatives qui soutiennent ces pauvres gens au travers de la fourniture de draps, ou des tentes et de couvertures à Calais ou dans l’arrière-pays niçois, que l’on cherche même à criminaliser. Pourtant, en quelques jours, ces mêmes autorités viennent de mettre en place des dispositifs de visa automatique et prolongé, et planchent sur la gratuité de transport à destination des réfugiés d’Ukraine.

Comment, également, ne pas évoquer l’accueil des réfugiés afghans ici à Forges ? Ces gens venus du bout du monde, « à pied, à cheval et en voiture », ont fait l’objet de propos menaçants, insultants parfois, accusés d’être au mieux des « nuisibles » (propos entendus dans la rue), voire de futurs violeurs (propos entendus en réunion). Comment ne pas rappeler que nombre d’élus forgeois actuels n’ont pas hésité à défiler au côté d’un parti politique réactionnaire et xénophobe, pour dénoncer cette arrivée imposée des migrants ? Ce sont les mêmes, qui aujourd’hui, et encore une fois je m’en réjouis, souhaitent aider les migrants ukrainiens. Mais fondamentalement, où sont les différences ? Est-il plus dangereux de prendre sur sa maison un obus russe ou un obus syrien ? Perdre un bras dans un bombardement d'un MIG, est-ce pire que de perdre une main coupée par un djihadiste ? Des magasins vides à Kharkil, est-ce plus insupportable que des magasins vides à Mogadiscio ? Les balles des supplétifs du Dombass sont-elles plus mortelles que les balles des milices centrafricaines ? Un enfant tué à Odessa, est-ce plus horrible qu’un enfant tué à Qandahar ? Et quelle différence entre un réfugié et un migrant, pourquoi, d'ailleurs, ces qualificatifs différents ?

Ou pour toutes nos institutions, comme le disait le moto des X-files, la vérité ne serait-elle pas ailleurs ? Ainsi, un Érythréen serait-il trop bronzé par rapport à un Ukrainien ? Un Malien ne serait-il pas de la « bonne » religion ? Un Syrien vaut-il moins qu’un Européen ? Il faudrait quand même que l’on se pose toutes ces questions. Il faudrait aussi que ceux - aux manettes aux échelons local, national et international - qui ont été si prompts à proposer une aide bienvenue aux réfugiés ukrainiens (et une dernière fois, tant mieux), fassent aujourd’hui leur examen de conscience. Pour autant que ce mot leur parle.


Crédit illustrations :

Haut :    auteur inconnu.
Bas :     dessin de Coco pour "Libération".


7 commentaires:

  1. Il faut aussi parler des étudiants africains qui pour leur malheur ont choisi l'Ukraine pour poursuivre leurs études.

    Il semblerait que ces étudiants soient considérés comme des réfugiés indésirables en Pologne et qu'ils ne soient pas autorisés à entrer dans ce pays.

    Ces gars-là ne roulent pas dans les mêmes voitures que nous ! Ils ressemblent vraisemblablement trop à nos réfugiés afghans et des polonais ressemblent vraisemblablement trop à ces forgeois qui se sont opposés si violemment à l'accueil de ces jeunes gens.

    Dans quel monde vivons-nous ? choisissons notre avenir avec soin au mois d'avril !

    Source: Abdellatif ALLAM. Grand connaisseur de l'Ukraine qu'il a pratiquée sur place, il peut vous en dire plus que moi.

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  2. Bonjour Christian,
    Tu fais bien de signaler le cas des étudiants étrangers - et particulièrement africains - bloqués en Ukraine, objets d'une discrimination forte aux frontières de l'UE. Cela ne fait d'ailleurs que renforcer mon propos !

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  3. Quand une discrimination s'exerce,celle-ci ou une autre, dans le monde ou dans notre village, c'est toujours absolument consternant. Sauf bien sûr pour ceux qui s'en accommodent où qui l'exercent.

    J'ai lu ton mémo quelques heures seulement après avoir appris d'Abdelatif quel était le sort de ces étudiants en Ukraine.

    Et bien sûr qu'en te lisant, j'ai fait le rapprochement avec ces Forgeois et leur attitude inqualifiable de l'époque vis à vis des jeunes Afghans. Les mêmes sont vraisemblablement en totale empathie avec les réfugiés ukrainiens bien blancs. Tant mieux pour les Ukrainiens, évidemment, mais les gens dont on parle ici ne sortent pas grandis de l'histoire.

    Heureusement, dans notre village, il sont nombreux ceux qui ont donné le coup de main à l'époque et qui ne se posent aucune question aujourd'hui devant la nécessité impérieuse d'aider tous ceux qui sont en souffrance.

    Je veux même croire que ces derniers sont bien plus nombreux que les malveillants qui ont bien abîmé l'image de notre village (et qui continuent j'en ai peur!).



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  4. C'est vrai mais tout cela n'empêche pas la maire de Forges de se pavaner sur Facebook en train de porter des cartons pour l'Ukraine. Elle se la joue Kouchner avec ses sacs de riz. On aurait bien voulu la voir aussi motivée il y a 5 ans, mais comme vous le dites, les Aafghans étaient sans doute trop ceci ou pas assez cela pour elle. Son comportement est minable.

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    1. Réponse à anonyme : j'ai vu les photos. Cela me fait gerber quand je pense aux propos tenus au sujet des migrants afghans et aux positions prises à l'époque par les personnes que l'on voit sur ces photos.

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  5. Il est vrai que vous n'avez jamais voulu comprendre que c'est bien la gestion de ce sujet par la majorité municipale à laquelle vous étiez associé qui était l'objet du mécontentement. Les sévères revers aux dernières élections n'ont visiblement pas été mieux compris. Quand ça veut pas...

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  6. @Anonyme - 14 mars 10:05

    Je n'ai pas eu le temps de réponde à ce commentaire suite à une panne informatique.

    Juste quelques points, en regard de ce que vous dites :

    1. On peut reprocher sans aucun doute des choses aux précédentes mandatures, mais on ne peut reprocher de ne pas avoir informé les Forgeois de l'arrivée de migrants dès que l'information a été vérifiée auprès de la Préfecture.

    2. La précédente mandature n'a pas cherché à tromper nos concitoyens : elle n'a pas cherché à faire croire au travers d'actions à finalité médiatique, que l'on pourrait empêcher l'installation de ces migrants. La préfecture et la ville de Paris ont imposé cette arrivée. La mairie n'a rien demandé et n'a pas fait l'objet d'une concertation dans un premier temps. Dans le même ordre d'idée, nous avons annoncé que la votation locale ne changerait rien, car l'affaire n'était pas dans nos mains. Simplement, nous nous sommes engagés à la convoyer auprès du Préfet, ce qui a été fait.

    3. Face à la situation, et aux drames vécus par les migrants, nous avons décidé d'accompagner cette arrivée au mieux, aidé en cela par une cinquantaine de bénévoles. Nous avons dit qu'il ne se passerait rien de délétère à Forges, ce qu'a confirmé Emmaus et la gendarmerie, et désolé d'avoir à rappeler que les faits nous ont donné raison. Il ne s'est rien passé en termes de risque pour la sécurité des biens et des personnes durant deux ans, strictement rien...

    4. Enfin, considérant que notre commune avait le devoir moral d'accueillir des personnes en grande difficulté, mais pas de façon isolée et pas seule, nous avons négocié un accueil temporaire limité : 90 personnes pendant 2 ans. Nous l'avons dit et nous l'avons fait pendant que quelques personnes bien intentionnées manifestaient au coté d'un parti raciste, contre l'arrivée imposée de ces migrants, bien cachées derrière un paravent de respectabilité.

    Quant aux élections, auxquelles je n'ai d'ailleurs pas pris part, pas besoin d'etre grand mathématiciens pour constater que c'est la division en deux équipes de la précédente équipe municipale qui a permis l'élection de la liste actuelle. Je n'ai pas voté pour cette liste, mais j'espérait qu'un fois en responsabilité, la fonction créerait l'organe. Je regrette de constater que je me suis lourdement trompé, tant le comportement de l'actuelle liste majoritaire vis à vis de la vie citoyenne est lamentable et pèse lourdement sur l'ambiance communale. Certes la communication tout au service de la mairie tente de balayer les peluches sous le tapis, mais les poussières commencent à se voir un peu partout...

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