mardi 14 juin 2022

LÉGISLATIVES 2022 :
UN ENTRE DEUX TOURS TENDU !


Le premier tour des élections législatives de 2022 a eu lieu hier dimanche 12 juin. Il confirme globalement les évolutions politiques déjà perçues lors de l'élection présidentielle. Tout cela annonce d'ailleurs un second tour indécis, et un entre deux tours tendu !

Le vainqueur de l'élection, si l'on peut utiliser ce terme, reste l'abstention largement majoritaire, puisque dépassant hier légèrement 52 %. De toute l'histoire de la Ve République, ce taux d'abstention est le plus élevé pour un premier tour des législatives, et il n'est seulement dépassé par le taux d'abstention du second tour des législatives de 2017, qui culminait à plus de 57 %. Dans un article précédent, j'avais brièvement discuté de certaines des raisons qui pouvaient expliciter ces chiffres. J'ajoute que nombre d'analystes politiques se rejoignent sur le constat que cette abstention est surtout le fait des catégories socioprofessionnelles défavorisées et des tranches les plus jeunes de la population en âge de voter.

Au-delà de cette observation, et même s'il ne faut pas comparer élections présidentielles et législatives, il me semble que cette élection conforte et amplifie les tendances qui se sont fait jour lors de l'élection présidentielle. À mon sens, de droite à gauche, les faits saillants sont les suivants :

1. La disparition de « Reconquête », le parti de M. Éric Zemmour, dont aucun des candidats ne sera présent second tour. Lui-même a été éliminé directement, et, je ne m'en cache pas, cette situation me réjouit !

2. La confirmation de la « poussée » du Rassemblement National, qui qualifie ces candidats au second tour dans quelques 208 circonscriptions. Dans la moitié des cas environ, ces candidats sont d'ailleurs arrivés en tête au premier tour. Les régions qui ont porté le vote d'extrême-droite sont les fiefs habituels du Rassemblement, à savoir la partie sud de la région PACA, une partie du Languedoc-Roussillon, et grosso-modo le quart nord-est de la France.

3. L'affaiblissement des Républicains, dont les candidats ne seront présents au second tour que dans un peu plus de 90 circonscriptions, et où ils ne sont arrivés en tête que dans la moitié d'entre elles. Ces circonscriptions sont celles ce parti était déjà fortement implanté.

4. Un affaiblissement de la République en Marche, prise dans son alliance « Ensemble », qui pourra néanmoins maintenir ses candidats dans 417 circonscriptions (sur 577), et dont la moitié est arrivée en tête du premier tour. Le parti présidentiel perd ainsi une centaine de circonscriptions par rapport à ses résultats de 2017. Les régions qui ont le plus soutenu Ensemble sont la façade atlantique, et les quartiers favorisés des grandes villes et de leur périphérie.

5. Une poussée le la NUPES, dont les candidats seront présents dans 380 circonscriptions, la moitié d'entre eux étant arrivés en tête dans ces zones. Par rapport à 2017, en agrégeant les résultats des partis constituant cette alliance, le gain en nombre de candidats qualifiés pour le second tour est de l'ordre de 230. Les zones qui ont le plus voté pour la NUPES sont les traditionnelles « terres de gauche » : le Limousin, les Cévennes, et plus généralement le Massif central, ainsi qu'une partie de l'Occitanie, et une grande partie de Paris de la petite et de la grande couronnes.

En Essonne, on peut d'ailleurs noter la forte progression du vote pour l'alliance des gauches, puisque toutes circonscriptions confondues, la NUPES arrive en tête dans le département avec 32,5% des suffrages suivie de Ensemble, 27,4%, le RN, 13,7% et les Républicains 7,8%. Le candidat de la NUPES est arrivé en tête dans 8 des 10 circonscriptions du département. Les deux exceptions sont la VIIIe, où M. Dupont-Aignan, le régional de l'étape est premier devant le candidat de l'Alliance des gauches, et la IVe, celle de Forges, Limours, Briis, etc., où la sortante, Mme. Marie-Pierre Rixain est en tête (31,7%), là aussi devant le candidat de la NUPES, M. Amadou Deme (27,5%). Dans notre circonscription, le troisième, non qualifié pour le second tour, est M. Alain Boutaleb, du RN, avec 15,9% des suffrages. Enfin, à Forges, les trois mêmes candidats sont arrivés dans le même ordre avec des résultats différents, respectivement environ 38%, 24% et 14%. Rappelons que compte tenu du taux d'abstention, autour de 50%, les deux premiers candidats qui seront les seuls à pouvoir se maintenir au second tour n'ont reçu en Essonne qu'au mieux un peu plus de 15% des voix des inscrits, ce qui doit absolument questionner en termes de représentativité, tous partis confondus d'ailleurs.

Les projections en sièges sont difficiles à prévoir. Tout au plus, peut-on estimer qu'une grande partie des voix qui sont allées à l'extrême-droite zémourienne pourraient se reporter sur l'extrême-droite lepéniste, susceptible de glaner aussi quelques voix du côté des Républicains. Ensemble dispose sans doute d'un réservoir de voix que pourrait lui apporter les Républicains. Ceci correspond d'ailleurs plus ou moins à la stratégie mise en place par l'ancien président de la république, M. Nicolas Sarkozy, dont on se rappelle l'absence de soutien à la candidate de son camp, Mme Valérie Pecresse. Ensemble pourrait aussi tenter de récupérer les voix qui se seraient portées sur les candidats épars de « centre-gauche », ce dernier repport me paraissant néanmoins minime. Enfin côté NUPES, le réservoir de voix pour le second tour semble être à rechercher principalement parmi les abstentionnistes. C'est d'ailleurs le message qu'a tenté de faire passer hier M. Jean-Luc Mélenchon lors de son discours de soirée électorale.

Ces incertitudes font qu'un climat tendu est perceptible dans cet entre deux tours. Je citerai le cas de l'ancien ministre, M Jean-Michel Blanquer,
battu dès le premier tour dans le Loiret. Avec 18,9% des voix, il est en effet arrivé derrière le candidat NUPES (Bruno Nottin, 19,4%) et derrière celui du RN (Thomas Ménagé, 31,5%). Dès le résultat connu, il a accusé son adversaire de la NUPES d'avoir « violé plusieurs règles électorales pendant la campagne ». Sans doute un coup des islamo-gauchistes qu'il voit partout... Plus près de nous, on peut aussi citer le cas de l'inénarrable candidate Ensemble, Mme. Amélie de Montchalin, qui a accusé, sans le citer, son adversaire dans la VIe de l'Essonne, M. Jérôme Guedj, d'antisémitisme, alors que lui même est de culture israélite. Je la cite «...ces candidats, qui se sont alliés dans un accord électoral mais qui n’est pas un accord de fond. Et qui promet aux Français le désordre et la soumission. La soumission à la Russie. La soumission à des idées antisémites. Quand vous voyez que certains qui étaient au parti socialiste, responsables des enjeux de laïcité, des valeurs républicaines, aujourd’hui sont estampillés Nupes [note du rédacteur : il s'agit de M. J. Guedj]». A l'unisson d'Ensemble, la même candidate n'hésite pas à s'en prendre à tous les candidats NUPES qui « en se repeignant de vert et rose, sont des anarchistes d’extrême gauche. Et qui ont, pour quelques circonscriptions, laissé de côté leurs valeurs républicaines...». Bref, cela sent légèrement le pétage de plombs. Et la prochaine étape, ce sera sans doute l'inversion du sens de rotation de la Terre si la NUPES emporte la majorité, ce qui, pour le moment, n'est d'ailleurs pas l'hypothèse théorique la plus probable, même si elle reste du domaine du possible...

Comment également passer sous silence, les différents décomptes en nombre de voix global effectués par le Ministère de l'Intérieur et la NUPES, chacun donnant des résultats différents ? L'Alliance des gauches indique que le ministère aurait « oublié » de décompter des voies de ses candidats, favorisant alors Ensemble et lui permettant de l'afficher en tête du scrutin. Le ministère se retranche derrière l'étiquette du candidat et de sa suppléante lors du dépôt de sa candidature en préfecture. En ce sens, de factoaucun des candidats de l'Outre Mer n'était effectivement inclus dans l'accord de la NUPES, et ceux-ci ne peuvent donc pas être comptabilisés comme tel. En revanche que penser du cas de M. Hervé Saulignac (arrivé premier dans la Ière de l'Ardèche), étiqueté « divers gauche » ? Celui-ci ne comprend pas ce classement, car il a bien été investi par la Nupes. Idem pour Joël Aviragnet, arrivé en tête dans la VIIIe de Haute-Garonne. Classé aussi « divers gauche » par le ministère « en raison de la candidature dissidente d'Annabelle Fauvernier, qui a clairement indiqué par voie de presse qu'elle avait le soutien de La France insoumise ». Et qu'importe que ce candidat déclare être le « candidat unique pour le PS dans la circonscription dans le cadre de l'accord de la Nupes ». Rien qu'avec ces deux candidats, ce sont plus de 28 000 voix qui ont été retirées à l'Alliance des gauches alors que le Ministère a placé Ensemble devant la NUPES avec 21 000 voix d'avance. Bref, même si il est impossible de savoir qui a raison, mais on ne peut qu'objectivement constater qu'au moins deux des candidats présentés et soutenus par la NUPES pendant toute la campagne ont très étrangement été catalogués comme divers gauche. Le doute sur la sincérité des résultats est d'ailleurs largement permis, car le ministre de l'Intérieur lui-même, M. Gérald Darmanin avait tenté d'empêcher l'enregistrement des candidats au nom de la NUPES dans toute la France. Le ministère avait néanmoins du s'y résoudre à la suite d'une décision de Conseil d'Etat. Il est également nécessaire de rappeler que plusieurs candidats de l'Alliance des gauches ont constaté l'absence de leur profession de foi ou de leur bulletin de vote dans le matériel électoral envoyés aux électeurs. Tout cela, dans le contexte tendu de l'entre deux tours, ne peut qu'alimenter la petite musique du tripatouillage électoral.


Crédit illustration :

Illustration personnelle d'après :
http://grincheuxmarrant.canalblog.com/archives/2012/06/19/24531038.html



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