Au cours de ma carrière scientifique, je me suis souvent dit qu'il serait bon que nos concitoyens soient un peu plus informés des fondamentaux en sciences. Pour cette raison, et parce que j’ai été, et reste, payé avec de « l’argent public», il m'a toujours semblé important de mener des actions de vulgarisation scientifique auprès de ce qu'il est convenu d'appeler « le grand public ». C'est ce que je continue de faire, à mon rythme et selon mes envies, via certains des articles de ce blog, justifiant ainsi le terme de citoyen que j'utilise pour celui-ci.
Une des raisons de cette effort de vulgarisation est que s'il est légitime d'avoir une opinion, un avis sur un sujet donné, il m'a toujours semblé que cet avis devait être formé sur la connaissance de faits aussi objectifs que possible, et non pas sur des présupposés. En ce sens, et même si je trouve la formulation un peu « raide », je comprends parfaitement ce que voulait dire M. Harlan Ellison, écrivain américain de science-fiction, quand il disait « vous n'avez pas le droit d'avoir une opinion, mais vous avez le droit d’avoir une opinion éclairée ».
La notion d'écologie que je voulais présenter aujourd’hui s’appelle la « car-rying capacity », notion que l'on a traduite en - mauvais - français en capacité de portage. Je préfère le terme de capacité biologique ou de capacité de charge. Cette notion trouve son origine dans le domaine de la microbiologie, lorsque nos prédécesseurs du XIXe siècle ont cherché à comprendre et modéliser le développement des micro-organismes. Le terme n'est en revanche apparu que dans le premier quart du XXe siècle. Cette notion dit en substance que « la capacité de charge d'un environnement est la taille maximale de la population d'une espèce biologique qui peut être soutenue par cet environnement spécifique, compte tenu de la nourriture, de l' habitat, de l'eau et des autres ressources disponibles. La capacité de charge est définie comme la charge maximale de l'environnement, qui correspond en écologie des populations à l'équilibre de la population, lorsque le nombre de décès dans une population est égal au nombre de naissances » (1). Il est à noter que cette notion prend en compte les facteurs qui relèvent des ressources, mais qu'elle ne s'intéresse que moyennement à l'impact de certains des autres facteurs susceptibles d'affecter la taille de la population d'une espèce donnée (telle que les interactions entre espèces, par exemple au travers de la prédation) sauf à les réintégrer dans un coefficient utilisée pour le calcul de l'évolution de taille des populations, dit « taux intrinsèque d'accroissement naturel ». Je ne vais pas plus dans le détail. Si des lecteurs sont intéressés par ces questions, ils peuvent me contacter via le lien de contact en tête de page du blog (en version ordinateur), et je tenterai de répondre à leur demande.
La notion de capacité de charge a été très utilisée dans les calculs mis en oeuvre pour optimiser les processus de fermentation, au sens large puis elle a été étendue aux productions agricoles et à l'élevage. Un développement spectaculaire a été son application aux sociétés humaines, avec, il faut le souligner tout de suite, un risque d'erreur lié au fait que cette capacité de portage sous-entend, comme je l'ai indiqué plus haut, l'existence d'un équilibre populationnel, dans lequel « le nombre de décès dans une population est égal au nombre de naissances ».
Avec la limitation exposée ci-dessus en tête, et en moyennant fortement des facteurs qui font que les conditions de vie en Suède diffèrent sensiblement de celles au Pakistan, au hasard, plusieurs spécialistes ont calculé voilà des dizaines d'années la capacité de charge maximale de notre planète en fonction des ressources de l'époque. Celle-ci s'élevait de 9 à 10 milliards d'individus, une valeur qui semblait encore valide dans les années 2010 (2). Ce chiffre doit cependant être modulé en fonction de la nature des prélèvements humains sur la planète. Ceux-ci semblent en effet sensiblement dépasser la capacité productive de la Terre. De plus, l'impact croissant du réchauffement climatique conduira sans aucun doute, par le biais de l'élévation du niveau des mers, de la réduction des surfaces arables et des rendements des cultures, à une limitation des ressources, donc à une révision de ce chiffre. Comme je l'indiquais, cette capacité de charge dépend de nombreux facteurs, et entre autres la façon dont sont utilisées les ressources. Une étude de CJ. Peters et collaborateurs (3), publiée en 2016, évaluait la capacité de charge du territoire des USA en fonction de 10 régimes alimentaires différents. Elle montrait qu'un régime végan strict mais respectant les critères d'apports journaliers nécessaires, permettrait de nourrir 735 millions d'Etat-Uniens, contre 400 millions en conservant le régime actuel. Une autre étude publiée deux ans plus tard (4) confirmait que si toute la population américaine passait à un régime alimentaire végan, il serait alors possible de nourrir 350 millions de citoyens US en sus. Je ne dis pas ici qu'il faut devenir végétarien ou adepte du véganisme, ce que je ne suis pas d'ailleurs. Je souhaitais simplement montrer au travers de ces données que la capacité de charge d'un environnement donné dépend fortement du type et du mode d'utilisation des ressources.
La capacité de charge de notre planète n'est donc pas un chiffre intangible, fixé une fois pour toute, d'autant que le pic d'accroissement de la population humaine a été atteint dans les années 60 avec un taux de 2,2 % (voir illustration). Depuis cette date, nous sommes passé à 1,5% au début des années 90, puis à 1% actuellement, ce qui signifie que la croissance globale de la population se ralentit. Il n'est donc pas impossible, et je pense qu'il est en fait assez probable, que ce taux deviendra négatif au cours de ce siècle, entraînant une diminution de la population mondiale. La question est de savoir quand elle interviendra. Celle-ci reste débattue mais plusieurs évaluations estiment qu'elle pourrait être notable dès le milieu du XXIe siècle. Si je me fie à la page Wikipédia sur le sujet, la population mondiale pourrait se limiter à 9 milliards et quelques d'individus, puis redescendre autour de 4 à 8 milliards selon les scénarios (5). Ce serait une excellente nouvelle pour la planète, à mon avis, dans l'hypothèse ou aucune catastrophe d'origine anthropique ou non, affecterait cette estimation.
Références :
1. Capacité de charge. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Capacit%C3%A9_porteuse
2. N .Wolchover. How Many People Can Earth Support? Livescience.Com; Live Science, Novembre 2011.
3. CJ Peters et coll. Carrying capacity of U.S. agricultural land: Ten diet scenarios. Elem. Sci. Anthr. 4, 000116 (2016).
4. Alon Shepon et coll. The opportunity cost of animal based diets exceeds all food losses. Proc. Natl. Acad. Sci. 115:3804-3809 (2018).
5. Population mondiale. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale
La notion de capacité de charge a été très utilisée dans les calculs mis en oeuvre pour optimiser les processus de fermentation, au sens large puis elle a été étendue aux productions agricoles et à l'élevage. Un développement spectaculaire a été son application aux sociétés humaines, avec, il faut le souligner tout de suite, un risque d'erreur lié au fait que cette capacité de portage sous-entend, comme je l'ai indiqué plus haut, l'existence d'un équilibre populationnel, dans lequel « le nombre de décès dans une population est égal au nombre de naissances ».
Avec la limitation exposée ci-dessus en tête, et en moyennant fortement des facteurs qui font que les conditions de vie en Suède diffèrent sensiblement de celles au Pakistan, au hasard, plusieurs spécialistes ont calculé voilà des dizaines d'années la capacité de charge maximale de notre planète en fonction des ressources de l'époque. Celle-ci s'élevait de 9 à 10 milliards d'individus, une valeur qui semblait encore valide dans les années 2010 (2). Ce chiffre doit cependant être modulé en fonction de la nature des prélèvements humains sur la planète. Ceux-ci semblent en effet sensiblement dépasser la capacité productive de la Terre. De plus, l'impact croissant du réchauffement climatique conduira sans aucun doute, par le biais de l'élévation du niveau des mers, de la réduction des surfaces arables et des rendements des cultures, à une limitation des ressources, donc à une révision de ce chiffre. Comme je l'indiquais, cette capacité de charge dépend de nombreux facteurs, et entre autres la façon dont sont utilisées les ressources. Une étude de CJ. Peters et collaborateurs (3), publiée en 2016, évaluait la capacité de charge du territoire des USA en fonction de 10 régimes alimentaires différents. Elle montrait qu'un régime végan strict mais respectant les critères d'apports journaliers nécessaires, permettrait de nourrir 735 millions d'Etat-Uniens, contre 400 millions en conservant le régime actuel. Une autre étude publiée deux ans plus tard (4) confirmait que si toute la population américaine passait à un régime alimentaire végan, il serait alors possible de nourrir 350 millions de citoyens US en sus. Je ne dis pas ici qu'il faut devenir végétarien ou adepte du véganisme, ce que je ne suis pas d'ailleurs. Je souhaitais simplement montrer au travers de ces données que la capacité de charge d'un environnement donné dépend fortement du type et du mode d'utilisation des ressources.
La capacité de charge de notre planète n'est donc pas un chiffre intangible, fixé une fois pour toute, d'autant que le pic d'accroissement de la population humaine a été atteint dans les années 60 avec un taux de 2,2 % (voir illustration). Depuis cette date, nous sommes passé à 1,5% au début des années 90, puis à 1% actuellement, ce qui signifie que la croissance globale de la population se ralentit. Il n'est donc pas impossible, et je pense qu'il est en fait assez probable, que ce taux deviendra négatif au cours de ce siècle, entraînant une diminution de la population mondiale. La question est de savoir quand elle interviendra. Celle-ci reste débattue mais plusieurs évaluations estiment qu'elle pourrait être notable dès le milieu du XXIe siècle. Si je me fie à la page Wikipédia sur le sujet, la population mondiale pourrait se limiter à 9 milliards et quelques d'individus, puis redescendre autour de 4 à 8 milliards selon les scénarios (5). Ce serait une excellente nouvelle pour la planète, à mon avis, dans l'hypothèse ou aucune catastrophe d'origine anthropique ou non, affecterait cette estimation.
Références :
1. Capacité de charge. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Capacit%C3%A9_porteuse
2. N .Wolchover. How Many People Can Earth Support? Livescience.Com; Live Science, Novembre 2011.
3. CJ Peters et coll. Carrying capacity of U.S. agricultural land: Ten diet scenarios. Elem. Sci. Anthr. 4, 000116 (2016).
4. Alon Shepon et coll. The opportunity cost of animal based diets exceeds all food losses. Proc. Natl. Acad. Sci. 115:3804-3809 (2018).
5. Population mondiale. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale
Crédit illustration :
Image tirée de la référence 5, ci-dessus.
Les valeurs indiquées sont les taux d'acroissement en rouge, et le nombre d'individus « gagnés » en un an en gris.
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