vendredi 2 juin 2023

LAXISTE UN JOUR, TROP SÉVÈRE UN AUTRE, FAUDRAIT SAVOIR !


Voilà une quinzaine de jours, M. Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République, a été de nouveau condamné à trois ans de prison dont un an ferme dans le cadre de l’affaire dite « Bismuth ». Ceci signifie qu'il a été reconnu coupable en première instance, puis en appel à la mi-mai 2023. Néanmoins, ce bon connaisseur des procédures judiciaires - auxquelles il semble être abonné - se pourvoit en cassation. Même si cette cour ne jugera pas le fond de l'affaire, et s'intéressera seulement (et en théorie) à la validité de la procédure, il doit donc de nouveau bénéficier de la présomption d’innocence.

Ceci posé, M. Nicolas Sarkozy semble attirer les casseroles judiciaires, comme d'autres attirent les casseroles de cuisine vers 20H00 le soir ! Mais dans le cas de l'ancien Président, nous avons franchi, me semble-t-il, un palier supplémentaire dans l'indécence. Tout d'abord, il n'en n'est pas à sa première condamnation, et possiblement pas à sa dernière. Si le jugement en cassation confirmait la validité de la décision de première instance et de l'appel, cela signifierait que nous avons bien été gouvernés par un multi-délinquant pendant des années. 

J'ai ensuite été frappé par le fait que M. Nicolas Sarkozy, comme nombre de ses soutiens, s'énervent contre une justice bien trop rapide et sévère, voire partiale. Je cite au hasard M. Henri Guaino, qui déclare : « On me dit que c’est l’intention qui compte. Mais l’intention de quoi ? L’intention, c’est d’aller voit quelqu’un, de l’inviter à déjeuner et de lui dire si tu me passes le marché public, je te donne tant. Ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé » ... Le président du groupe LR de l’Assemblée nationale, M. Olivier Marleix, en fait de même en minimisant l'affaire : « Des écoutes illégales, une enquête hors normes, au final le simple soupçon d’une « tentative » de délit… Oui, à l’évidence Nicolas Sarkozy est victime d’un acharnement ». Peut-être est-il utile de rappeler que dans la loi, et en l'occurrence tel qu'explicité par l'article 121-3 du Code Pénal, « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Il existe néanmoins quelques exceptions en matière délictuelle, en particulier en cas de défaut de prudence, comme ce qui pourrait advenir dans un accident de la route ou du travail. Dans le cas de notre ancien Président, avocat de surcroit, difficile d'imaginer qu'il ne savait pas que ce sa présumée demande au magistrat incriminé était non seulement pénalement répréhensible, mais particulièrement grave... C'est aussi ce que dit l'association Anticor par la voie de sa présidente, Mme Elise Van Beneden : « Cette condamnation intervient pour corruption et trafic d’influence. Ces deux délits d’une extrême gravité sont prévus à l’article 432-11 du Code Pénal aux termes duquel « est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui : 1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ; 2° Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».

Pour rester dans l'absurde, je me rappelle aussi le fait que M. Nicolas Sarkozy, tout comme ses défenseurs, sont précisément ceux qui ont répété jusqu’à plus soif que la justice en France était laxiste. Et je ne peux que m'amuser de citer le même Président de la République qui pérorait, menton viril en avant, sur le fait que « quand un individu revient devant un tribunal pour la 17e fois, il doit être condamné pour l'ensemble de son œuvre ». Je m’amuse également du fait que certains de ses soutiens s'offusquent de son assignation sous bracelet électronique. Je cite M. Jérôme Bascher, sénateur LR de l’Oise, qui déclarait : « est-ce que Nicolas Sarkozy a besoin de bracelet pour qu’on sache où il est ? C’est un dispositif ridicule. On sait où est Nicolas Sarkozy à chaque instant, il y a même un officier de sécurité qui est chargé de cela. Cette peine du bracelet est ridicule ». Condamné à un an ferme, cette décision est d'autant plus généreuse que le même Président de la République, le même menton en avant, affirmait son souhait « qu'il n'y ait pas d’aménagement de peine pour les peines supérieures à six mois »... Sic Transit Gloria Mundi !

Je complète mon propos ici par ceux de l'association Anticor, récemment exprimés par sa présidente, qui remet bien en perspective les tenants et les aboutissants de cette nouvelle affaire Sarkozy / Bismuth: « alors que le Code pénal reconnait l’immense gravité de la corruption en prévoyant une peine de prison de dix ans, le monde politique s’est au contraire ému d’une peine jugée sévère. L’est-elle ? L’ancien Président de la République a été puni d’une peine de trois ans de prison dont un an ferme, un an aménageable. Il n’ira pas en prison mais devra seulement porter un bracelet électronique autour de sa cheville, seule trace d’une trahison inacceptable de la République et des citoyens français. Pour Alain Finkielkraut [Note de YD : philosophe et essayiste classé politiquement à droite], cette décision de justice est contestable car elle reviendrait à « invoquer l’État de droit pour museler l’action politique ». En réalité, comme de nombreux responsables politiques, éditorialistes et philosophes, M. Finkielkraut véhicule une culture de l’impunité et s’inscrit dans une critique infondée de l’institution judiciaire, qui est pourtant la seule qui combat les abus de pouvoir. Ce que ses mots signifient en réalité c’est que pour lui, les hommes politiques sont au-dessus des lois et qu’il faudrait, pour permettre leur action politique, les exonérer du respect de la loi. C’est en effet abandonner l’état de droit et c’est en réalité compromettre toute l’action politique qui impacte à son tour toute la société. C’est aussi renoncer à la démocratie, car un régime dans lequel des citoyens ne sont pas égaux devant la loi n’est pas une démocratie. La cour d’appel a, en outre, prononcé une interdiction des droits civiques de trois ans pour M. Sarkozy, ce qui le rend inéligible. L’inéligibilité est une sanction efficace dès lors qu’elle a le mérite de tenir les personnes dangereuses pour la démocratie à l’écart de la vie publique. Mais est-ce suffisant pour mettre fin au sentiment d’impunité de certains responsables politiques ? À Anticor, nous pensons que la peine prononcée contre M. Sarkozy est loin d’être exemplaire et qu’il est temps que nos responsables politiques assument les conséquences de leurs actes, comme tout citoyen qu’ils sont ». On ne peut mieux dire, en effet !

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Illustration personnelle


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