jeudi 19 septembre 2024

LES PETITS ET GROS MENSONGES DE LA MUNICIPALITÉ. CHAPITRE II.



Je reprends cette série de billets que j’ai quelque peu retardée, pour m’intéresser au contenu d’un numéro déjà ancien du Petit Forgeois (juin 2024), dans lequel l’actuelle municipalité présentait son bilan de mi-mandat. Là aussi, dans cet opus fortement teinté d’autosatisfaction béate, on découvre çà et là quelques approximations et disons-le, à certains endroits une présentation trompeuse des faits…

Je ne listerai pas un par un les points évoqués dans le journal communal, mais je compte bien mettre en exergue certaines des omissions, approximations ou présentations biaisées des faits. J’avais en effet été frappé par la section « soutien au commerce local » parue dans la page réservée à l’urbanisme, tant ce qui est dit masque la réalité dudit « soutien », les guillemets étant ici de rigueur. Ce point mérite à lui seul un billet de blog, que j’ai commencé à rédiger et qui paraitra dans les semaines qui viennent…

Un des points critiques de mon examen concerne le dossier associations, bien évidemment. La municipalité évoque dans son bilan son soutien à la vie associative, soutien qu’elle traduit dans la réalité par des mesures de plus en plus coercitives sur l’utilisation des salles communales et l’absence de tout dialogue constructif avec nombre d’associations forgeoises. Le bilan parle d’augmentation des créneaux associatifs. On est bien au contraire, dans le rétrécissement. Ainsi, au moins deux salles qui étaient disponibles en 2020 ne le sont plus en 2024. Les refus de prêt de salle ou de site se sont d'ailleurs multipliés depuis quatre ans, souvent sans justification… D’une façon générale, la situation s’est tellement dégradée qu’une dizaine de ces associations ont dû demander voilà deux ans environ une réunion avec l’équipe élue, réunion de laquelle il n’est rien sorti tant l’incompréhension municipale est grande. La philosophie communale (pour autant que le mot philosophie ait un sens pour nos élus) en la matière semble se résumer à un seul point : le cadre de partenariat de nouveau évoqué dans le journal communal, et dont j’ai à plusieurs reprises dénoncé le caractère léonin, et certains points scandaleux ou illégaux. Dans son bilan, la mairie se vante de sa mise en place, sauf que… Sauf que c’est faux, ce cadre n’a pratiquement pas été mis en place car la quasi-totalité des associations a refusé de le signer ! Mensonge par omission, donc, que le Petit Forgeois réserve à ses lecteurs ! Un mot également sur le soi-disant traitement transparent des demandes de subventions évoqués dans le bilan communal : j’avais brocardé le courrier adressé aux associations au sujet des demandes de subventions tant il était méprisant pour elles. J’avais également signalé le traitement dégradant des responsables d’associations lors d’une réunion à laquelle ils étaient conviés. J’ajoute à cela les insultes dont certains membres d’association ont été l’objet de la part d’élus, et j’ajoute aussi à cela le fait que les refus de subventions et les montants alloués ne font l’objet d’aucune justification. Dans la réalité, on est sur un mode de fonctionnement qui s’apparente au fait du prince, très, très loin de ce qui est dit dans le journal municipal qui en l’espèce réécrit l’histoire.

Un mot également sur la façon dont sont présentés les faits. Ainsi dans la page évènements et culture, il est écrit dans le bilan que des évènements sont devenus incontournables… Sous-entendant qu’il n’y avait auparavant qu‘une fréquentation réduite ou que ces événements n’existaient pas. Ainsi, sont mentionnées la fête des thermes et la fête de la Châtaigne, alors que ces deux événement existent depuis au moins trois ou quatre mandatures ! On est là sur de la com. pure, du « faire croire que »… De même, les chiffres présentés semblent pour le moins fantaisistes. Plus de 2000 visiteurs pour la fête des Thermes est une grossière exagération pour autant que j’ai pu en juger de visu ! A moins de compter les visiteurs qui entrent et qui sortent à chaque fois qu’ils re-rentrent ou à moins de comptabiliser le nombre de visiteurs depuis le début de la mandature ! Dans ce cas là, il faut le dire ! C’est évidemment un détail, mais c’est bien sur un détail qui en dit assez long sur la façon dont l’information peut être manipulée. Enfin, au chapitre des évènements peut-être incontournables, comment ne pas noter que nombre de ces évènements sont devenus des marchés de niche, marchés de niche qui se sont multipliés dans la commune, traduisant le fait que le Forgeois de base est principalement considéré comme un consommateur. A l’heure où il nous faut nous interroger encore plus sur notre consommation, notre frénésie d’achats, cela interroge !

En matière de finances publiques également, j’ai relevé un petit lièvre. Soyons clair, les finances communales sont effectivement saines. Au moins de ce côté, et pour le moment, aucune grosse bêtise n’a été faite, sans doute grâce à la compétence et au dévouement sans faille de notre comptable communale partie maintenant à la retraite. Alors oui, la dette se réduit, mais cette réduction ne doit pas grand-chose à l’actuelle municipalité. Elle résulte en réalité du fait que les précédentes équipes élues, qui ont lourdement investi dans de nombreux secteurs de la commune au cours des douze dernières années, avaient échelonné les emprunts et prévu pour les limiter l’apport de fonds de concours d’une entreprise privée. Ce recul de la dette est donc simplement du au remboursement des emprunts tel qu’anticipé. L’honnêteté oblige à dire que cela est précisé dans l’article… De plus, la remontée sensible de la capacité d’autofinancement* de la commune, réelle elle-aussi, a sans doute bénéficié des efforts des services de la commune comme indiqué, mais - et cela pour le coup est totalement caché dans le bilan présenté - elle a surtout bénéficié de la remontée des bases d’imposition calculées par les services de l’Etat. Ainsi, les rentrées fiscales forgeoises ont sensiblement augmenté depuis 2020, même la commune n’a pas augmenté les taux d’imposition locale au cours des quatre dernières années, un maintien qui avait également été le choix des deux dernières mandatures auxquelles je participais. Ce n’est pas la bonne gestion locale présentée qui est donc seule le moteur de cette santé fiscale, loin de là. Bilan biaisé, présentation trompeuse, je disais...

Un mot pour terminer ce rapide tour d’horizon qui aura une suite, comme indiqué plus haut, au sujet du secteur environnement et ruralité. Premier point, la page dédiée ne contient, cela se voit à l’œil, que très peu d’actions réalisées. Le bruit des avions : la commune qui jusqu'en 2020 avait été porteuse et dans l’accompagnement constant d’une association locale efficace (« Forges sans nuisances » pour ne pas la nommer), a depuis juste rejoint le groupe Drapo. Or, c'est lui essentiellement qui porte le dossier... La « section modification du PLU » est assez creuse comme l’est la section « entretien du patrimoine environnemental », bref, on est sur du diaphane depuis 4 ans. Par ailleurs, et dans le même temps, les actions en faveur de l’environnement proposées ou portées par des associations locales ne sont que peu ou pas soutenues à Forges. Bref, cette section est à mon sens un magnifique exemple de communication autour du pas grand-chose « réalisé » en quatre ans. Je rappellerai d’une façon générale que les indemnités des élus adjoints au maire doivent approcher les 800 euros par mois, soit presque 10 000 euros par an, soit presque 40 000 euros sur 4 ans et 60 000 euros en fin de mandature…

Deux derniers points pour ne pas allonger ce billet. Primo, j’ai été très étonné de constater que ce bilan a été publié en juin 2024, soit grosso modo 4 ans après la dernière élection municipale. Or, à moins que je perde mes notions de maths, le mi-mandat tombait à l'été 2023. On n'est donc pas sur un bilan de mi-mandat ! Alors, pourquoi ce retard ? Simple problème technique, ou volonté de masquer des manques, des absences, un bilan somme toute et à mon avis rarement satisfaisant, et globalement très moyen dans nombre de domaines ? Secundo, je constate une autre différence majeure entre cette mandature et les précédentes, outre celles évoquées plus haut. En effet, si des travaux d’amélioration ou d’entretien ont bien été réalisés dans la commune depuis 4 ans, aucune action structurante n’est visible. En douze ans, les précédentes mandatures avaient ainsi créé de nombreux équipements d'importance, tels le centre de services techniques de Forges, le gymnase, les locaux sportifs du stade, la maison médicale, la maison des associations, le city park, la régie publique de l’eau, un réfectoire scolaire, une classe de plus à la maternelle, le centre de PMI (pour ce dernier avec la CCPL), une station d’épuration neuve (avec le syndicat interco), pour ne citer que le plus visible… Bref, même s’il y avait eu assez peu de com., il y a eu énormément plus de réalisations structurantes. Si on attend encore l’extension de l’école élémentaire promise par l’actuelle équipe, équipement sans doute nécessaire mais qui affectera lourdement les finances communales pour un moment, quel sera l’héritage de cette équipe, hors de son détestable comportement vis à vis des associations et de certains laissés pour compte de la commune ? Pour le moment, il reste plutôt imperceptible…


* l’autofinancement est le montant disponible après payement des emprunts et des diverses charges communales permettant d’assurer le fonctionnement des services. Cette somme est alors affectable au travaux et investissements à venir.


Crédit illustration :


Modification d'un dessin dYsope :
https://www.leravi.org/journal/cadeau-dadieu-de-gaudin-aux-ecoles-privees/




dimanche 8 septembre 2024

M. BARNIER, PREMIER MINISTRE ? MÊME PAS SURPRIS !

 


Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la nomination de M. Michel Barnier au poste de premier ministre, en contradiction avec l’usage en cours. Certains se sont réjouis, d’autres se sont – à juste titre me semble-t-il – offusqués. Pourtant, tout cela était prévisible…

Il aura donc fallu plus de cinquante jours à notre président, M. Emmanuel Macron, pour nommer M. Michel Barnier au poste de premier ministre. Cet évènement est une première dans l’histoire de la cinquième République, à double titre. Premièrement, et sauf erreur de ma part, c’est la première fois qu’un délai de désignation aussi long est constaté. Secondement, c’est la première fois depuis 1958 que le premier ministre n’appartient pas à la même mouvance politique que le parti ou la coalition arrivé en tête aux législatives. Ainsi, M. Michel Barnier est membre d’un parti que l’on peut considérer comme très minoritaire, les Républicains ont en effet obtenu 5 à 7% des voix à la présidentielle de 2022 comme aux dernières législatives. En la matière, il est clair que si M. Emmanuel Macron a respecté la Constitution dans sa lettre, il ne l’a fait en aucun cas dans son esprit, ni dans les usages qui en découlent.

Sans qu’il s’agisse d’un coup d’Etat, ni d’un motif de destitution, le choix de notre président est surtout la marque d’un immense mépris pour une large partie des Français. En tous cas, de ceux dont les suffrages ont porté, qu’on le veuille ou non, le Nouveau Front Populaire (NFP) en tête des législatives. Ce choix s’inscrit dans un mode de fonctionnement récurrent de notre président, mode de fonctionnement qui s’est traduit par la même haute dose d’arrogance lors des manifestations des gilets jaunes, des manifestations contre la pseudo-réforme des retraites, ou du dédain affiché vis à vis des élus locaux ou des représentants des corps intermédiaires, syndicats en tête. Bref, si « la dictature, c’est ferme ta gueule », pour M. Emmanuel Macron la démocratie c’est bien « cause toujours » …

Ces faits sont graves dans la mesure où, à mon sens, ils ouvrent une nouvelle autoroute au rassemblement national (RN). En effet pourquoi encore aller voter de façon assez marquée contre une personne, son parti et sa politique, si c’est pour se retrouver avec « les mêmes » aux manettes, qui mèneront la même politique que par le passé ? Dois-je rappeler l’élection de Mme. Y. Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée Nationale, et dois-je aussi rappeler les déclarations de plusieurs ministres démissionnaires proposant sans honte leurs « services » au nouveau premier ministre ? Parmi ceux-ci, on compte, selon BFM-TV, Mme Nicole Belloubet qui affirme avoir envie de poursuivre son activité, ainsi que M. Guillaume Kasbarian, qui n’a pas hésité à expliciter son « soutien positif » à M. Michel Barnier, et son « souhait de participation » au futur gouvernement. Par ailleurs, toujours selon BFM, M. Michel Barnier ne serait pas du tout opposé à conserver M. Sébastien Lecornu aux armées et Mme Rachida Dati à la culture. Enfin, on cite comme restants potentiels M. Gérald Darmanin et M. Catherine Vautrin. Tout cela ne peut donc que conduire nombre de Français à sa détourner du vote, ce qui mathématiquement sera très favorable au RN, dont les électeurs, eux, restent motivés…

La décision de notre président confirme que le « front républicain » est bien à géométrie variable, comme je l’écrivais dans un article de blog récent. Alors que les députés macronistes et des Républicains ont largement insisté aux second tour pour demander le report des votants du NFP en cas de duel avec un candidat RN, ce à quoi les candidats NFP ont tout de suite répondu favorablement, on a vite constaté que du côté des Républicains, il n’en allait pas de même, certains affichant clairement même leur soutien préférentiel à un candidat RN plutôt que NFP. De plus, une fois élus - et pour un nombre non négligeable d’entre eux avec des voix d’électeurs de gauche - ces mêmes parlementaires, rappelons-le minoritaires, ont décidé qu’il fallait ostraciser d’éventuels ministres issus de la France Insoumise (LFI) au motif que ceux-ci ne seraient pas « républicains ». Et par la suite, ces mêmes comiques ont indiqué qu’ils refuseraient tout gouvernement issu en partie ou en totalité du NFP. Or, on peut ajouter que selon des journalistes dits bien informés, dont les propos sont confirmés par des députés RN, la nomination de M. Michel Barnier s’est faite après discussion entre M. Thierry Solère, conseiller de l’Elysée, et des responsables du RN. C’est vraiment faire peu de cas du front républicain et au-delà des choix démocratiques des Français. Il est donc probable qu’il n’y aura sans doute plus personne à gauche pour répéter l’opération front républicain lors de prochaines élections. Quand je parlais d’autoroute ouverte au RN…

Tout ce qui précède démontre bien que la décision de nommer M. M. Barnier premier ministre est un non-sens démocratique. S’ajoute à cela que cette longue réflexion a été motivée, aux dires de notre président lui-même, par le besoin de trouver une personnalité capable d’échapper à une censure rapide. Ce dernier nous a parlé de « stabilité nécessaire », alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il est lui-même à l’origine de ce qui ressemble fortement à une crise de régime, suite à la dissolution de l’Assemblée. Par ailleurs, en décidant qui pourrait être censuré et qui ne le pourrait probablement pas, M. Emmanuel Macron a empiété sur les prérogatives de l’Assemblée Nationale, car c’est elle et elle seule qui décide de censurer ou non. Cette confusion entre le législatif et l’exécutif est à mon sens bien plus grave qu’il n’y parait, car il s’agit d’un des fondements de la Constitution, dont le président devrait être le gardien.

Reste à comprendre au-delà des arguments présidentiels, les critères de choix de notre nouveau premier ministre. A mon sens, il faut pour cela se poser quelques questions, telles que : qui a permis l’élection du président ? Et quels intérêts représente-t-il ? De façon abrupte, on peut affirmer que le macronisme n’existe pas. L’histoire de ce parti se limite en effet à la première élection du président. Il n’y a pas de doctrine écrite, pas de texte fondateur, pas de passé - et je l’espère - pas de futur. En réalité, M. Emmanuel Macron peut être considéré comme un pur produit de marchandisage, ou de « merchandising » pour ceux qui préfèrent les termes anglais. M. Emmanuel Macron nous a été vendu comme un jeune président, disruptif, un individu intelligent qui ferait enfin pour la France la synthèse entre la droite et la gauche, etc., etc. En ce sens, sa promotion (au sens commercial du terme) répond aux points qui caractérisent l’activité de merchandising, à savoir présenter le bon produit, au bon endroit, au bon moment, au bon prix et avec les bonnes informations… Et qui nous en a fait la publicité ? Essentiellement la presse TV, audio, papier, dont une très grande partie est aux mains de grands groupes financiers, eux même aux mains de quelques milliardaires. De façon brutale, mais peu éloignée de la réalité, M. Emmanuel Macron est bien le président des ultrariches, qui l’ont installé au pouvoir, et qui ont bénéficié au vu de l’accroissement colossal de leurs revenus, de ses largesses. Comment, dès lors, avoir cru un instant qu’il allait nommer quelqu’un comme Mme Lucie Castets, quels que soient son intelligence et son parcours, premier ou première ministre ? Comment ne pas voir vu que cela n’était en aucun cas possible parce qu’elle contrecarrait tous les plans des promoteurs du macronisme, en revenant sur quelques-unes des contre-réformes anti sociales que nous avons subies ? Comment la gauche a-t-elle pu être aussi aveugle et comment a-t-elle pu entretenir l’espoir chez ses militants ? Il faudra qu’elle s’en explique…

La désignation de M. M. Barnier, commissaire européen, aligné sur les positions idéologiques du président à « l’épaisseur du trait près », n'est donc pas surprenante car elle s’inscrit donc dans une logique de continuité des politiques antisociales qui ont émaillées les années passées. Celui-ci reste cependant sur un siège éjectable parce que nommé avec l’aval du RN. Ce dernier point est le seul élément positif du tragique épisode que nous traversons, car il confirme clairement de quel côté politique penche notre président. Il doit cependant faire attention car à force de pencher de plus en plus à droite, il pourrait bien finir par tomber…

 

Crédit illustration :

D'après un dessin de Kak pour l'Opinion

jeudi 5 septembre 2024

BRUNO VA-T-IL ENFIN LA FERMER ?

 

La récente déclaration de l’ex-ministre des finances, M. Bruno Le Maire, a fait réagir un certain nombre de personnalités de tous bords politiques. En ma qualité d’ancien élu, je m’associe à ces réactions, tant le propos que j’explicite ci-dessous me paraît outrancier, injuste, et, disons-le, mensonger !

Dans une lettre envoyée lundi 2 septembre 2024 aux parlementaires, M. Bruno Le Maire indique à propos du budget 2024, que celui-ci devrait connaître un déficit plus important que prévu, de l’ordre de 16 milliards d’euros. Coupables selon l’ancien ministre : les collectivités locales et leurs dépenses excessives. Ceci est évidemment un gros bobard !

Cette technique du bouc émissaire est en réalité, un classique en politique. Elle permet de détourner le regard du simple citoyen de l’action des vrais responsables, en lui proposant comme géniteur de tous ses maux une personne, un groupes de personnes, morales ou physiques sur lequel le simple citoyen pourra épancher sa colère. Comme l’écrivait le sociologue Pierre Mouterde : « le fait de choisir, sous la forme d’un ennemi tout trouvé, un bouc émissaire sur lequel on pourra décharger son agressivité rentrée ou ses haines contenues permet à ceux et celles qui ont l’impression d’être socialement en position précaire ou défavorable, de se gorger de sentiments de force et de puissance, et par conséquent, d’avoir l’impression de tenir en lisière les peurs qui les hantent. Et cela parce qu’ils se trouvent à pouvoir soudainement faire corps avec un groupe qui se soude autour d’eux et fait bloc devant l’image d’un danger appréhendé qu’on a dressé devant eux et illusoirement présenté comme étant à la source de tous leurs maux » (1).

Notre sympathique ex-ministre des finances met donc en cause les collectivités locales et leurs dépenses excessives pour expliquer les dérapages budgétaires. Malheureusement, « il se trompe » de coupables. En effet, comme de nombreux lecteurs de ce blog le savent, les collectivités territoriales, tels que communes ou syndicats intercommunaux, ne peuvent présenter un budget en déficit. Les dépenses doivent y être équilibrés par celui des recettes appropriées. Mais, me direz-vous, certaines dépenses sont telles que les communes doivent emprunter pour les réaliser. Effectivement, les communes peuvent emprunter mais seulement pour investir, et en aucun cas pour assurer le fonctionnement communal, une différence majeure avec l’Etat, qui lui ne se prive pas d’emprunter pour son fonctionnement. De plus, le montant de ces emprunts doit rester limité, tant en montant global qu’en termes de charge de la dette, c’est à dire en termes de remboursement des sommes empruntées. On considère qu’une commune dont le taux moyen de la charge de la dette est d’environ 6 à 12% fonctionne de façon correcte. En dessous, elle n’investit pas assez pour ses administrés, et au-dessus de 18%, les clignotants rouges s’allument en Préfecture, pouvant décider celle-ci à prendre la main sur le budget communal. Au national, le montant des recettes prévues pour 2024 s’élève à 310 milliards d’euros, et celui des dépenses à 450 milliards générant un déficit de l’ordre de 140 milliards d’euros qui sera couvert par l’emprunt… En 2023, la charge de la dette représentait environ 55 milliards d’euros, soit… 18% des recettes. On est donc bien dans une situation qui vaudrait à une commune ou à un syndicat intercommunal, plus que des remontrances de la Préfecture.

Deuxième point, les budgets communaux se doivent d’être « sincères ». Ceci signifie que lors des prévisions de budget, les recettes ne doivent pas être surestimées et les dépenses ne doivent pas être masquées. C’est d’ailleurs ce que nous a avons fait pendant nos 12 ans de mandat municipaux au cours desquels les élus responsables des finances ont systématiquement maximisé les dépenses et minimisé les recettes. Malheureusement, ce n’est pas ce que fait l’Etat depuis 2 ans avec, entre autres, un budget prévisionnel très optimiste en termes de rentrées. La cour des comptes s’en est émue, et l’a écrit en termes polis dans un rapport récent : « Les raisons de cette dégradation sont multiples mais tiennent, en premier lieu, à une loi de finances initiale peu ambitieuse. […] En cours d’année, les rentrées fiscales se sont révélées inférieures aux prévisions, alors que dans le même temps, la charge de la dette augmentait plus rapidement que prévu et que le besoin de financement de l’État atteignait son pic historique » (2).

Enfin, dernier point que M. Bruno Le Maire se garde bien d’évoquer : le non-versement de certaines rentrées fiscales dues aux communes. Lors d’une discussion récente avec le maire d’une ville voisine, celui-ci me confiait que sa commune attendait toujours les subsides promis par la région Ile-de-France, ainsi que les compensations de la TVA de 2023, connues sous le terme de FCTVA. Ce FCTVA, acronyme de « fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée » est, et je cite le site gouvernemental qui lui est consacré, « une dotation versée aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et destinée à assurer une compensation, à un taux forfaitaire, de la charge de TVA que ces derniers supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement et qu’ils ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale ». Il se trouve que ce FCTVA constitue une des principale aides de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’investissement. Si ces subsides ne reveinent pas aux communes, il faudra les compenser par de l’emprunt ou par des augmentations d’impôts de type taxe foncière. Notre ancien ministre des finances ne manque donc pas d’air lorsqu’il accuse les collectivités locales, et donc majoritairement les communes et communautés d’agglos ou de communes, d’être responsables de l’accroissement des déficits publics. Qu’il balaye devant sa porte pour commencer !

Au vu de ce qui précède, et si j’étais cavalier, j’aurais donc tendance à dire « Bruno, ferme-là s’il te plait et retourne à la rédaction de tes bouquins ». Dans le micmac actuel, le seul point positif de la nomination d’un nouveau premier ministre est la constitution d’un nouveau gouvernement à venir, dont M. Bruno Le Maire pourrait être exclu. Ceci dit, il n’y a aucune certitude à cela au vu du coup de barre à droite impulsé par l’actuel président en lien avec le choix de M. Michel Barnier à Matignon. J’y reviendrai bientôt, tant cette décision me semble constituer un coup de canif, voire de poignard dans le contrat liant le président à la nation. Mais ceci est une autre histoire, comment le dirait le très britannique Rudyard Kipling…



Références :

1. Pierre Mouterde. En finir avec la droite ! Réflexions autour de la mécanique du bouc émissaire. Les nouveaux cahiers du socialisme, 23, 148, 2020.

2. Le budget de l’Etat en 2023. Résultats et gestion. Rapport de la Cour de Comptes. Synthèse. Avril 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ccomptes.fr/fr/documents/69402



Crédit illustration : 

Montage personnel

dimanche 21 juillet 2024

PLONGÉE DANS LA FACHOSPHÈRE 2.0


Comme je l'indiquais dans un précédent article, l'émergence du Rassemblement National (RN) n'a pas commencé lors de la dernière élection européenne, ni même lors de l'élection présidentielle de 2022. Nous sommes confrontés là à un processus de long terme, alimenté de façon extrêmement efficace par les réseaux dits-sociaux, où pullulent robots rédactionnels (ou bots) et petites mains chargées d'alimenter la haine de « l'autre » (les trolls). Celui-ci y est alors facilement désigné aux populations défavorisées et déclassées comme seuls responsables de leurs malheurs, dans une stratégie du bouc-émissaire éprouvée. Reste au RN à en ramasser les bénéfices !

Tout cela est fortement lié au développement de liens internet, via les réseaux sociaux, où l'on retrouve ce qu'il est convenu d'appeler de façon très générique « la fachosphère 2.0 ». Selon mon ancien collègue du CNRS, M. David Chavalarias, directeur de recherche au Centre d’Analyse et de Mathématique Sociales (CAMS, EHESS), et directeur de l’Institut des Systèmes Complexes de Paris Ile-de-France (ISC-PIF, CNRS), cette fachosphère est largement soutenue par une puissance étrangère, la Russie pour ne pas la nommer. Ses travaux, très étayés, méritent d'être connus. En ce sens, je reprends à son incitation une de ses récentes publications en ligne, que l'on peut retrouver sur son blog (1). Comme à mon habitude, ses propos, dont je publie des extraits, sont en italiques, mes commentaires en caractères droits.

Son article commence donc par une citation de M. Dimitri Medvedev, Vice-président du Conseil de sécurité de Russie, extraite de sa chaine Telegram, en date de Février 2024 : « Notre tâche consiste à soutenir ces hommes politiques et leurs partis [note : c'est à dire les partis anti-système] en Occident de toutes les manières possibles, en les aidant apertum et secretum à obtenir des résultats décents lors des élections. Certains d’entre eux passeront du statut d’opposants non systémiques à celui de nouveaux membres de l’establishment politique. Et leur accession à la gouvernance de l’État pourrait radicalement améliorer le paysage politique dans le monde occidental ». 

En France, le parti anti-système le plus compatible avec les ambitions géopolitiques de Vladimir Poutine est le Rassemblement national, dont certains cadres lui ont maintes fois exprimé leur sympathie. Entre autres, le président du Rassemblement national Jordan Bardella s’est prononcé le 24 juin 2024 contre « l’envoi de missiles longue portée ou de matériel militaire » en Ukraine. Il a également rappelé son opposition à l’envoi de troupes françaises sur le terrain dans ce conflit. De manière générale, une analyse structurelle de l’espace politique français tel qu’il est reflété par les prises de paroles et interactions sur X/feu-Twitter montre clairement qu’il y a un positionnement quasi dichotomique en France entre les partis de gouvernement qui sont fermement opposés à la guerre du Kremlin contre l’Ukraine, et feraient tous les efforts possibles pour empêcher Vladimir Poutine de la remporter, et l’extrême-droite (RN & Patriotes) qui a une attitude plus complaisante envers son régime et ses actions.

Le problème de Poutine est simple : comment faire perdre les élections aux partis politiques opposées à sa domination ? [...] Contrairement aux États-Unis, qui ont par le passé interféré dans des élections de pays démocratiques en accompagnant des putchs violents, la stratégie géopolitique du Kremlin, héritée de l’ère soviétique, est la plupart du temps indirecte et à long terme. Le KGB avait son proverbe de prédilection : « la goutte d’eau creuse la pierre, non par force, mais en tombant souvent ». Vladimir Poutine, qui s’est arrangé pour régner quasiment à vie, a le temps. Il pratique une subversion des démocraties occidentales qui s’étire dans le temps dans le but de déstructurer leurs sociétés de manière systémique et globale.

Au long cours et de faible intensité, elle consiste en une modification globale de l’espace informationnel qui va de campagnes sur les réseaux sociaux à la création de faux sites d’information, en passant par l’utilisation des régies publicitaires des grands réseaux sociaux permettant le ciblage de populations. [...] Cette stratégie sur le long terme est couplée avec des actions à court terme et opportunistes qui exploitent l’actualité, telles que le piratage d’infrastructures ou des actes de vandalisme sur le territoire (par exemple les tags des Étoiles de David, les tags de mains rouges sur le Mémorial de la Shoah ou l’incendie d’infrastructures). Combinées, ces « mesures actives » qui agissent sur l’espace médiatique et les circuits de circulation d’information, instaurent un climat antisystème. En effet, elles insèrent des « virus médiatiques » dans la vie publique « capables de s’auto-entretenir et s’auto-reproduire », le but étant de « modifier la conscience collective, en particulier dans certains groupes ». Elles amène un pays, « mine de rien », à un point de bascule propice aux alternances de régime politique et de formes institutionnelles [...].

Si le Rassemblement national correspond au portrait robot de ces partis anti-systèmes que Medvedev et le Kremlin ont annoncé vouloir soutenir, il y reste un problème de taille : le front républicain. Cette tradition française, qui amène les adversaires politiques à préférer un mandat bancal plutôt qu’à 30 ans de régime autoritaire, a permis de faire barrage contre le Rassemblement National à chaque fois qu’il fut en position de remporter une élection à portée nationale. Le front républicain est la porte de secours de la démocratie, il faut donc, pour le Kremlin, la condamner. 

En ligne avec ce qui précède, et pour donner raison à M. David Chavalarias, on notera que cette condamnation du front républicain émane principalement du RN... Par ailleurs les liens entre RN, sites complotistes ou fachosphère 2.0 ont bien été analysés par cet auteur, lui permettant de générer une cartographie numérique des liens qui unissent les différents comptes présents sur les réseaux sociaux. En illustration de ce billet, on trouvera une analyse de proximité de ces comptes qui permet « de les regrouper par courants idéologiques [...]. Le Nouveau front populaire, dont la communauté s’est considérablement renforcée au fil des jours, apparait comme déconnectée du super-bloc « d’en face », composé de Renaissance et du bloc des extrêmes-droites. Cette configuration suggère qu’un éventuel partage de l’espace en deux camps lors d’un second tour séparerait les deux partis de gouvernement plutôt que de les unir contre l’extrême-droite. Cela présage également de triangulaires compliquées. Il est à remarquer que la communauté Les Républicains, supposée se démarquer des autres, a complètement disparu en tant que communauté autonome dans ce paysage. Carte calculée sur la période du 10 au 27 Juin 2024 ; 3 500 comptes analysés (seuls les liens représentant 5 retweets ou plus sont affichés - Source de données CNRS/ISC-PIF : collecte des timelines publiques des personnalités politiques ayant un compte sur X).

Or, [...] pour briser le front républicain, il faut trouver des enjeux sociétaux bi-polarisés tels que leur ligne de fracture traverse l’électorat des partis de gouvernement ainsi que les positionnements politiques de leurs leaders. Dès lors, il convient de se demander quels seraient les thèmes de débats les plus favorables au Kremlin ? En utilisant la même base de données que celle mentionnée ci-dessus, le collègue du CNRS démontre que les prises de positions sur la guerre en Ukraine permettent de distinguer les positions, d'un côté des partis d’extrême-droite (RN, Reconquête, et les Patriotes), de celles, de l'autre, des partis de gouvernement y compris ceux constituant le Nouveau Front Populaire (NFP). Le même type d'étude, menée sur la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, montre cette fois que « la ligne de fracture de l’opinion autour de la guerre à Gaza sépare les partis de gauche et les partis de droite et d’extrême-droite, ouvrant ainsi une brèche entre les partis de gouvernement » (Cf. figure ci-dessous).  Autour de la question de l’antisémitisme, la ligne de fracture « divise un ensemble de comptes qui font le pont entre Renaissance et le bloc d’extrême-droite, qui s’inquiètent sur la montée de l’antisémitisme et accuse LFI d’antisémitisme, et de l’autre côté LFI qui s’en défend ». Sur la question de l'islamo-gauchisme, il ressort de l'étude que ce narratif a été « développé majoritairement par le bloc d’extrême-droite avec quelques relais sur la passerelle Renaissance-Extrême-droite, ce qui fait réagir LFI ». Enfin, la question du réchauffement climatique, pourtant largement absente des débats lors des européennes comme des législatives, ont été « abordées essentiellement par EELV et dans une moindre mesure par LFI ».

 

Ci-dessus, analyse effectuée sur le même ensemble de comptes X que celui étudié plus haut, présenté sur la figure d'illustration en tête de page. Cette nouvelle figure montre « les contiguïtés de positionnement des leaders et militants politiques » sur le thème de ma guerre à Gaza, et révèle la fracture gauche - droite des partis de gouvernement. Les comptes y sont placés exactement de la même manière que sur la figure d'illustration en tête d'article, mais seuls les liens reflétant les échanges relevant de la problématique visée sont affichés.

 

De ce qui précède, on remarque qu'un thème « ressort de manière saillante parmi ces thèmes actualité : la guerre à Gaza. Voici le principal pied de biche inséré entre les électeurs des partis de gouvernement qu’active le Kremlin pour les rendre irréconciliables et faire voler en éclat le front républicain. Il est couplé évidemment avec ses corollaires que sont la montée de l’antisémitisme et des attitudes hostiles envers l’islam. Ces corollaires suivent les mêmes lignes de fractures.

Il est important de comprendre que ce conflit au Proche-Orient se révèle être le cadre idéal pour combiner des actions de subversion à long terme de modification de la perception de groupes sociaux, et des actions opportunistes à court terme qui jouent sur l’émotion et le pathos. [...] Sur le long terme, le Kremlin a favorisé l’introduction dans le débat public du concept « islamo-gauchisme », avant que sa popularité n’explose du fait de sa reprise par une Ministre de la République en 2021. Selon toute vraisemblance, les comptes sur X les plus actifs avant cette explosion n’étaient autres que des trolls du Kremlin. C’est un exemple de « virus cognitif », inventé par l’extrême-droite, dont le Kremlin augmente la viralité de manière active. Il amène aujourd’hui une partie de la population à penser que certains groupes politiques conspirent contre la République en s’alliant à des ennemis étrangers, ici l’islam radical. Ces groupes sont de fait infréquentables.

Sur le court terme, cette perception est renforcée par plusieurs actions. Il y a des actions sur le territoire réel, telles que celles évoquées plus haut, qui amplifient dans l’opinion publique la perception de la montée de l’antisémitisme ou du racisme, de manière très concrète. A cela s’ajoute des actions sur les territoires numériques comme par exemple la création de faux comptes tel que @ChtiAudacieux créé en Février 2024 sous le nom de « MuslimChti » qui se positionne en islamiste radical et provoque les communautés d’extrême-droite. Nous trouvons encore des comptes ou sites d’information qui visent à radicaliser certaines communautés. Ainsi, le cinquième compte le plus relayé de cette campagne post-dissolution sur X (entre le 10 et le 27 juin) est un compte anonyme, @FRN7, qui a ouvert plusieurs comptes du même nom au printemps 2020 sur Instagram (compte suspendu), Odysée et Facebook. Resté inactif pendant deux ans sur ces deux dernières plateformes, son historique est typique d’un compte opéré par le Kremlin, ou du moins sous l’emprise de sa propagande. Toutes les théories du complot et les bêtes noires du Kremlin y sont mises en scène, dans des vidéos soigneusement éditées. Dans nos cartes Twitter Politoscope de 2020 et 2021, @FRN se situe dans la communauté anti-système, proche de l’extrême-droite, qui s’est formée pendant la pandémie sous la houlette de personnalités pro-russes comme Florian Philippot (ex. n°2 du RN), François Asselineau ou Nicolas Dupont-Aignan.

Mais depuis mai 2024, @FRN s’est déplacé dans l’espace informationnel pour intégrer la communauté LFI via des comptes intermédiaires, probablement faux eux aussi. Il s’est arrangé pour créer de nouvelles connexions de manière à y diffuser ses contenus, soit par re-tweets actifs, soit via la recommandation algorithmique (ex: X/Twitter vous recommande « @Y à aimé …» parce qu’il croit que @Y partage vos goûts). Le type de contenus que diffuse en continu @FRN pendant ces législatives de 2024 est extrêmement anxiogène et donc très adapté à cette stratégie [...]. Il s’agit exclusivement d’images et de vidéos des massacres perpétués par le gouvernement de Netanyahou à Gaza et de la crise humanitaire qui en découle. 

Or cette guerre à Gaza est une véritable aubaine pour le président russe. [...] Voilà en effet, le couple de forces du moment et la fenêtre d’opportunité pour Vladimir Poutine qui cristallise des efforts de longue haleine. D’un côté le Kremlin s’efforce d’amplifier la perception des horreurs de la guerre à Gaza auprès de la communauté LFI afin qu’elle impose le cadre du conflit israélo-palestinien aux européennes et aux législatives, avec ses corollaires sur la montée de l’antisémitisme, du racisme et d’attitudes hostiles envers l’islam. Cela favorise sa radicalisation et, en conséquence, la polarisation politique entre extrême-gauche et extrême-droite. De l’autre, les communautés juives traumatisées par le 7 Octobre, et la droite, sont matraquées depuis des années par des narratifs tel que celui de l’islamo-gauchisme [...].

Le fait que le Kremlin amplifie les divisions dans les sociétés occidentales ne veut pas non plus dire qu’il est la source de tous les maux de la Nation. Bien au contraire, ses opérations ne fonctionnent jamais aussi bien que lorsqu’elles peuvent s’appuyer sur d’authentiques dysfonctionnements. Mais elles auront pour résultats d’éliminer certaines voies de résolution des problèmes pour orienter les électeurs vers une alternance plus autoritaire qui convient le mieux aux intérêts du Kremlin.

Ne faisons pas la même erreur que de nombreux autres pays en sous-estimant la capacité de nuisance de M. Vladimir Poutine. Beaucoup de contre-feux ont été allumés par l’extrême-droite française, et probablement par des trolls du Kremlin, qui soit minimisent son impact, soit tentent d’influencer les votes en prônant de ne pas tenir compte des nombreuses alertes en provenance du milieu académique ou des services de renseignement. L’alignement des intérêts du Kremlin avec ceux des extrêmes-droites occidentales est un fait incontestable affirmé de la bouche même des représentants de M. Vladimir Poutine.

Si la feuille de route de la subversion a été correctement suivie, la majorité de la population pourrait être à ce point désorientée qu’elle en viendrait, lors de ces élections ou des suivantes, à réclamer des dirigeants « forts », qui « savent comment parler aux Russes », et les élire. Cela s’est produit par exemple en 2024 en Slovaquie, avec l’élection d’un Président prorusse suite à une intense campagne de désinformation en ligne du Kremlin, les législatives de 2023 ayant préalablement donné la majorité à un parti d’extrême-droite prorusse.

Rappelons-nous les mots de l’ex-agent du KGB Tomas Schuman : la plupart des actions de subversion sont manifestes et facilement identifiables. Le seul problème est qu’elles sont « étirées dans le temps ». En d’autres termes, « le processus de subversion est un processus à si long terme qu’un individu moyen, en raison de la courte durée de sa mémoire historique, est incapable de le percevoir comme un effort cohérent et délibéré ». De là l’intérêt des macroscopes développés au CNRS, c’est-à-dire des outils mathématiques et informatiques qui permettent d’observer à grande échelle et sur de longues périodes les processus d’évolution et de déstructuration des sociétés, un peu comme le visionnage en accéléré du développement d’une liane pour comprendre comment elle s’accroche à son arbre.

Ainsi outillés, nous pourrons peut-être mieux prendre conscience des stratégies de subversion qui peuvent, sur une partie de la société et par effet domino, mener à terme à une décohésion sociale globale. Cette prise de conscience est le premier pas vers une résolution des conflits qui minent la société française.

 

Référence et crédit illustration :

1.David Chavalarias. 23h59 à l’horloge de Poutine. Son site. Juin 2024.
Consultable en ligne :
https://hackmd.iscpif.fr/s/HJQny14PA#

Son site : https://iscpif.fr/chavalarias/ 


 

mardi 9 juillet 2024

DIRE LE VRAI NE SUFFIT PAS, IL FAUT DIRE LE JUSTE

Ce billet reprend en quasi totalité un article de blog publié par mes collègues du collectif Rogue ESR (Enseignement Supérieur et Recherche). Il analyse les causes qui ont conduit, aux yeux de ce collectif, à la situation que nous connaissons, suite à la dissolution de l'Assemblée par M. le Président de la République. Le Rassemblement National (RN), dernier avatar du Front National (FN), n'est pas arrivé à la place qu'il occupe ex-nihilo. En réalité, les Européennes et les Législatives ont uniquement joué un rôle de catalyseur, de révélateur. Au delà de cette analyse, et mes collègues de Rogue ES font en grande partie l'impasse là dessus, il reste à évaluer les possibilités réelles qu'offre la nouvelle composition de l'Assemblée Nationale en termes de gouvernement. J'y reviendrai brièvement à la fin de cet article. Comme à mon habitude, la citation du collectif est en italiques, mes commentaires et ajouts en caractères droits.

« Passé le soulagement d’un soir, ne subsiste que l’immensité de la tâche à accomplir pour transformer quelques mois de sursis en une bifurcation historique qui éloigne durablement le spectre d’un gouvernement d’extrême-droite et rouvre l’horizon d’une aube démocrate.

Il me semble important ici de citer, comme le font les collègues de Rogue, Albert Camus qui disait dans l'Homme révolté : « Le fascisme, c’est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme ».

Les travaux de sociologie politique montrent que le vote national-identitaire procède de la conjonction de plusieurs mécanismes : le racisme et sa politisation par la « préférence nationale » et le droit du sang ; la hantise du déclassement, conséquence directe de l’extension du marché et de la mise en concurrence à l’intégralité de la vie sociale ; la rhétorique dévoyées des « privilégiés » qui oppose un peuple autochtone désireux de vivre correctement du fruit de son labeur d’un côté aux élites intellectuelles et économiques et de l’autre aux « immigrés » et aux « assistés » supposés détourner à leur profit ce qui reste d’État providence ; le désir de préserver un mode de vie ou un « entre-soi ». Cette conjonction est favorisée par la reprise des thèmes et des éléments de langage de l’extrême-droite par une large partie de la classe politique, et par la sphère médiatique, notamment par des groupes possédés par des entrepreneurs politiques ; cette reprise, enfin, est elle-même facilitée par le soutien des franges libertariennes et néo-conservatrices des milieux d’affaire. Derrière l’émergence d’une extrême-droite hybride entre néolibéralisme autoritaire et suprémacisme national-identitaire dans l’ensemble des pays occidentaux, il y a de fait l’érosion tendancielle de la croissance et, en même temps, l’accroissement aux forceps du taux de profit : « France now has […] an unusually dominant billionaire class whose total wealth is equal to 22 per cent of GDP, ahead of even the US » (1 ; pour ceux qui ne pratiquent pas l'anglais, la traduction est « La France compte désormais […] une classe de milliardaires inhabituellement dominante dont la richesse totale est égale à 22 pour cent du PIB, devant même les États-Unis »).

La minorité présidentielle porte ainsi une responsabilité écrasante dans la transition du FN/RN de 7 députés en 2021 à 143 aujourd’hui. Le pouvoir sortant s’est engagé dans une dérive illibérale interminable, au point d’avoir, le premier, noué une « coalition de projet » avec Mme Le Pen, en décembre dernier, pour faire adopter sa loi sur l’asile et l’immigration ; l’artisan de cet accord s’appelait… M. Ciotti. L’exigence de l’heure est donc de congédier « tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte » (V. Hugo) et leur monde fait d’arrangements sordides, de concessions à la xénophobie et de démagogie médiatique. Les rapports de force dans le futur hémicycle mettront du temps à devenir lisibles. Une chose est sûre, toutefois : le Parlement ne suffira pas à la tâche, et la société civile — associations, organisations non gouvernementales, syndicats, collectifs — doit prendre une part active à l’institution d’une démocratie propre à juguler la polycrise qui lamine nos existences. La Ve République est morte honteusement, au détour d’une manœuvre tactique du prétendu « maître des horloges ». Rendre un avenir à notre société impose d’en passer par un nouveau moment constituant et, sauf en pensée magique, la Constituante n’émergera pas spontanément d’un parlement ingouvernable issu de la décomposition d’un régime césariste.

Cette intervention directe de la société civile n’est donc pas une simple conséquence de l’impasse arithmétique d’une Assemblée divisée en trois blocs d’importance analogue. Elle vient de plus loin, de la faillite même de la monarchie élective sur laquelle se fondait la Ve République. Chaque élection abîme un peu plus notre société. L’abandon de toute forme d’attachement à la vérité par les prétendants au pouvoir conduit à ce que candidats et électeurs s’entre-déchirent, dans un spectacle navrant que la raison pousse à fuir. Les élections ne sont plus un moment d’expression et de résolution des contradictions qui habitent notre société, mais un moment de surdité et d’intensification de ces contradictions, dont la majorité des citoyens sort plus frustrée et inquiète qu’elle n’y est entrée. Une élection qui se joue sur les plateaux de MM. Drahi et Bolloré ne saurait offrir la délibération démocratique nécessaire à sortir de la société de l’insignifiance et à nous bâtir un avenir commun. La démocratie ne sera réinstituée que si la société civile organisée s’attèle à ce travail.

Les fronts sont multiples. Il y a urgence à défasciser la sphère médiatique, en s’inspirant des ordonnances de 1944 conçues par le Conseil national de la résistance (CNR) et en commençant par le renouvellement des fréquences TNT par l’Arcom. Place de la République, hier soir, dans la douceur de ce bref soulagement, des slogans chantés par la jeunesse le disaient déjà : «
Casse-toi Hanouna », « Bolloré la TNT c’est pas à toi ».

Il y a urgence aussi à ce que les organisations du mouvement démocratique, écologique et social interpellent les élus de centre-gauche pour empêcher la poursuite de la destruction de la société.


[...] Quelles contributions concrètes pouvons-nous apporter à cet effort ? Il est au moins un thème politique se situant au point d’articulation de la crise démocratique, sociale, économique et écologique : l’aménagement du territoire. Le prendre à bras-le-corps nécessite de tourner la page du bonapartisme et mettre à bas le mythe des métropoles intelligentes en concurrence avec les villes-mondes des autres pays de l’OCDE, qui contribue directement à offrir à l’extrême-droite les territoires relégués au rang d’arrière-pays paupérisé, vivier de travailleurs précaires et de salariés déclassés, où la jeunesse n’a pas d’avenir. [...] Mais l’aménagement du territoire est aussi un enjeu pour la construction d’une société post-carbonée. Le réchauffement climatique implique de relocaliser la production de biens agricoles et manufacturés, conformes aux besoins de la population, au plus près de leur utilisation. Investir dans l’aménagement du territoire est à même de réunir un large consensus, incluant ce qui reste du centre-droit démocratique, dont les derniers bastions sont souvent dans des circonscriptions rurales et périurbaines ».

Comme je l'écrivais en introduction, cet article du Collectif Rogue ESR, fait l'impasse sur le Hic et Nunc, le « ici et maintenant »... Certes, appeler à une contribution large de la société civile est un projet majeur et réjouissant, mais de long terme. Qui plus est, il n'est pas possible de s'affranchir des fondamentaux de notre démocratie et de notre Ve République. En d'autres termes, la question posée est comment gouverner dans l'immédiat, sans majorité à l'Assemblée Nationale (AN) ? Un premier ministre et des ministres issus du NFP conduiront - cela a déjà été annoncé - à une motion de censure du gouvernement si une seule tête d'un membre de la France Insoumise (LFI) y paraît. Cette motion a de fait toutes les chances d'être majoritaire (2). Il semble également totalement illusoire d'envisager un gouvernement NFP sans une participation de LFI. Une coalition entre les Macronistes et les Républicains ? Même des discussions ont eu lieu, cela ne donne pas de majorité à l'AN (2)  ! Une coalition entre Macronistes et le NFP ? Certes, une telle coalition pourrait dégager une majorité, même en l'absence des députés LFI, mais il faudrait alors y agréger les divers gauches et quelques régionalistes. Et quelle trahison, une telle option constituerait vis à vis de nombre d'électeurs du NFP... Soyons réalistes : il n'y a aucune majorité à l'Assemblée pour gouverner. Dire le contraire serait tromper les électeurs ! Nous sommes donc en face d'une situation de blocage. Avant de voir se constituer cette grande alliance de la politique et de la société civile, il va pourtant falloir gérer le quotidien, et en l'espèce, pour citer Germaine Tillion, « dire le vrai ne suffit pas, il faut dire le juste »...

 

Références :

1. Ruchir Sharma. Capitalism is in worse shape in Europe. The Financial Time. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ft.com/content/5d12c8ed-c184-4d15-af6d-6523f7f875c8

2.Mathieu Lehot-Couette, Valentin Pigeau. Résultats des élections législatives 2024 : découvrez la composition de la nouvelle Assemblée Nationale. France-Info TV. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/infographies-resultats-des-elections-legislatives-2024-decouvrez-en-direct-la-composition-de-l-assemblee-nationale_6645201.html


Crédit illustration :

Richard Ying, Tangui Morlier. Document Wikicommons.


vendredi 5 juillet 2024

UN FRONT RÉPUBLICAIN À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Le score du rassemblement national (RN) aux dernières élections législatives et la perspective d’une majorité absolue de députés de ce parti inquiètent nombre de personnes et d’institutions, au sens large. Outre les remises en cause possibles de certaines avancées sociales et sociétales, à l’image de ce qui a pu être observé dans des pays où l’extrême-droite est arrivée aux affaires, se pose la question des libertés individuelles, et au-delà du respect des dispositions fondamentales de la République, donc de la Constitution.

Pour toutes ces raisons, nous avons assisté très rapidement après les résultats du premier tour à des appels multiples de désistements républicains destinés à empêcher l’élection de députés du RN. L’idée est relativement simple, et probablement simpliste si l’on pousse un peu l’analyse politique, car il sera difficile à gauche d'oublier la casse sociale organisée de façon systématique par la macronie depuis 7 ans... Revenons au principe de ce désistement : lorsqu’un candidat du RN est arrivé premier ou 2e lors du premier tour de l’élection, le candidat arrivé 3e s’engage à se désister au profit du candidat membre d’un parti dit « républicain » arrivé 2e ou premier. Cette situation est typiquement celle que nous pouvons observer dans notre circonscription, où l’actuelle députée, Madame Marie-Pierre Rixain est arrivée en tête lors du premier tour, devant le candidat du RN, M. Jérôme Carbriand, arrivé 2e, ce dernier devançant d’une grosse centaine de voix le candidat du Nouveau Front Populaire (NFP), Monsieur Amadou Deme (1). M. Amadou Deme et sa suppléante, Madame Marie Colson se sont alors rapidement désistés (2). À ce sujet, et bien que je puisse me tromper, je n’ai vu aucun remerciement républicain sur la profession de foi de second tour de Madame M.-P. Rixain ; ceux-ci auraient pourtant été bienvenus…

Au-delà de l’Essonne, cette stratégie de désistement a très vite été évoquée le soir du 1er tour. Un des premiers partis à réagir a été La France Insoumise par la voix de M. Jean-Luc Mélenchon, qui déclarait alors : « Notre consigne est simple, directe et claire: pas une voix, pas un siège de plus pour le RN », ajoutant « dans un certain nombre de cas, des triangulaires sont possibles: Conformément à nos principes et à nos positions constantes dans toutes les élections précédentes, nulle part nous ne permettrons au RN de l'emporter et c'est pourquoi, dans l'hypothèse où il serait arrivé en tête, tandis que quand nous ne serons qu'en troisième position, nous retirerons notre candidature ». Cette même stratégie a été clairement annoncée par l’ensemble des partis constituant le NFP. Au Parti Socialiste, le premier secrétaire, M. Olivier Faure, déclarait au soir du 30 juin son souhait de voir les candidats du NFP se retirer « dès lors qu’il y a un risque de faire élire un candidat du Rassemblement national ». Au Parti Communiste (PCF), un communiqué publié rapidement après le 1er tour indiquait : « dans tous les duels opposant un candidat d’une force républicaine à un candidat d’extrême droite, nous appellerons à voter pour le candidat républicain. Et si un candidat du PCF se retrouve qualifié au second tour en troisième position dans une triangulaire, il se désistera pour que le candidat républicain le mieux placé ait les meilleures chances de battre l’extrême droite ». Enfin, chez les écologistes, Madame Marine Tondelier, secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts, parti devenu Les Écologistes en octobre 2023, déclarait dans une interview donnée à l’AFP le 24 juin « qu’à chaque fois qu’un candidat écologiste arrivera en troisième position, il se retirera au profit du candidat qui respecte les valeurs de la République pour battre l’extrême droite ». Bref, du coté de la NFP, le discours est très clair !

La situation est tout autre au centre et à droite, puisque globalement, les positions oscillent grandement entre le « devoir moral » « d’empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue » prononcé par M. Gabriel Attal (3) en passant par le « circo par circo » de M. François Bayrou (3), ou le « pas pour LFI » de Ms. Bruno Le Maire et Edouard Philippe (4). Bref, c'est « p'tet ben qu'oui, p'tet ben qu'non » pour le centre et la droite. Pour eux, qui ont largement bénéficié dans notre histoire récente du désistement républicain de gauche lors de trois élections présidentielles, le front républicain ne va clairement pas de soi. Visiblement même, certains de leurs membres sont même prêts à faire élire un député RN. C’est le cas de l’inénarrable vice-président des Républicains, M. François-Xavier Bellamy, qui a appelé au « barrage contre LFI », indiquant qu’en cas de duel avec le RN, il voterait pour ce dernier. Dans un discours dangereux et totalement décalé avec les réalités, ce dernier clamait haut et fort : « le danger qui guette notre pays aujourd’hui, c’est l’extrême gauche » (4).

Ces positions sont évidemment honteuses ; elles sont aussi minables moralement, et en disent finalement assez long sur le positionnement idéologique de certains membres de la quasi défunte macronie et des Républicains, dont, faut-il le rappeler, certains sont passés sans sourciller, avec armes et bagages, au service du RN. A ce sujet, il semblerait que les voix de ces Républicains « canal Ciotti » aient pesé pour quelques 4% dans les score du RN au 1er tour des législatives. C’est à la fois peu et beaucoup car dans certaines circonscriptions, cela a pu suffire à faire suffisamment progresser le candidat du RN pour qu’il apparaisse au 2nd tour. Une telle hypothèse pourrait éclairer les résultats de notre circonscription où, je le rappelle, le candidat du RN devance celui du NFP d’un peu plus de 100 voix.

Pour terminer ce billet avant l’heure limite fixée à ce soir 24h00, un mot pour éclairer la personnalité du candidat RN local. Son parcours vient en effet d’être mis en lumière par un excellent article publié par l’Humanité (5). Celui-ci reprend des passages d’un blog qu’il rédigeait voilà une dizaine d’années et qu’il a effacé, en droite - c’est le mot qui convient - ligne avec le souci de respectabilité dont fait preuve le RN depuis quelques années, entre vidéos de petits chats et cravates à l’Assemblée. Voici quelques extraits choisis de ce blog, où il est fait l’éloge de « nos ancêtres aryens » possédant un « génie pour le courage ». D’un côté, ce fin penseur nous ressert du complot juif ; je cite textuellement : « On comprend aisément pourquoi aujourd’hui les représentants de la communauté juive se font d’ardents défenseurs du modernisme progressiste, il paraît donc logique qu’ils s’emploient à appliquer à l’humanité tout entière leur mode de vie nomade […]. Il est bien cohérent que ces gens-là soutiennent une mondialisation autodestructrice de toutes les nations, apatride et globalisante». De l'autre côté, le blog de M. Jérôme Carbriand n’oublie pas les homosexuels et les étrangers, je le cite encore : « Un sujet pédéraste a raté un stade de sa sexualité » et, au sujet de l’insécurité de certains quartiers : « les viols, on sait par qui ils sont commis. Pas par des blancs ».

Je ne pense pas que les lecteurs de mon blog soient nombreux à envisager de voter pour le RN, mais au moins ceux qui souhaiteraient le faire sont-ils prévenus du réel positionnement idéologique de ce candidat. Quant au front républicain, on verra ce qu’il en est au soir du second tour, après une analyse un peu poussée des réels reports de voix sur les candidats les mieux placés. Le danger est grand que des reports ne soient que partiels, et ce danger s’appelle majorité absolue au RN, avec les conséquences qu’on imagine…


Références :

1. Pour voir les résultats, circonscription par circonscription :
https://www.lemonde.fr/resultats-legislatives-2024/ile-de-france/essonne/

2. Thibaut Faussabry. Législatives 2024 en Essonne : Amadou Deme se désiste et appelle à "battre le RN" dans la 4e circonscription. Actu.fr. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://actu.fr/politique/elections-legislatives/legislatives-2024-en-essonne-amadou-deme-se-desiste-et-appelle-a-battre-le-rn-dans-la-4e-circonscription_61285076.html

3. Robin D’Angelo, Claire Gatinois. Législatives 2024 : la coalition macroniste se divise sur la physionomie du front républicain. Le Monde, Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/01/legislatives-2024-ni-rn-ni-lfi-cas-par-cas-ou-desistement-systematique-la-coalition-macroniste-se-divise-sur-la-physionomie-du-front-republicain_6245741_823448.html

4. Anonyme et AFP. On vous résume les consignes de vote et de désistement pour le second tour. Le Dauphiné Libéré. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.ledauphine.com/elections/2024/07/01/on-vous-resume-les-consignes-de-vote-et-de-desistement-pour-le-second-tour

5. Lisa Guillemin. Malgré ses propos antisémites et homophobes, les électeurs de Jérôme Carbriand (RN) plus que jamais convaincus. L’Humanité. Juillet 2024.
Consultable en ligne :
https://www.humanite.fr/politique/antisemitisme/malgre-ses-propos-antisemites-et-homophobes-les-electeurs-de-jerome-carbriand-rn-plus-que-jamais-convaincus


Crédits illustration : 

D’après le dessin d’Aurel pour Politis :
https://www.politis.fr/articles/2024/06/le-dessin-daurel-dissolution-de-lassemblee-et-mepris-de-classe/