M. Jean-Pierre Bechter, ancien maire de Corbeil-Essonnes (LR) vient d’être condamné à deux ans de prison ferme pour achat de votes et financement illégal de campagne électorale, en rapport avec les élections municipales partielles de 2009 et 2010. Lui et des comparses de l’affaire, pour certains élus locaux à Corbeil-Essonne, ont également été condamnés à 5 ans d’inéligibilité.
Cela fait maintenant plusieurs années que l’on parle de toutes les ramifications de l’étrange système que M. Serge Dassault (UMP) avait mis en place à Corbeil-Essonnes, ville qu’il avait dirigée jusqu’en 2009. En l’espèce, la condamnation de M. Jean-Pierre Bechter se rapporte à l’achat de voix pour les partielles de 2009 et 2010. Dans un article publié en 2013, le journal en ligne Mediapart rapportait que l’industriel milliardaire et sénateur UMP admettait dans un enregistrement clandestin réalisé fin 2012 « avoir payé pour s’assurer de la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes ». (1). Il s’agissait d’un système de corruption de type pyramidal permettant de rémunérer les responsables d’équipe et les équipes recrutées dans différents quartiers de la ville, pour convaincre les habitants d’aller voter pour la liste de M. Jean-Pierre Bechter, soutenue par M. Serge Dassault. En échange de leur zèle, les membres de ces systèmes recevaient des dons en cash, ou des versements de sommes sur des comptes à l’étranger, ou des avantages en nature du type logement... Selon Le Monde, le système était tellement implanté dans cette ville qu’il a fait dire au représentant du parquet national financier : « On n’a jamais vu en France une ville livrée à un tel degré de corruption et de décomposition civique » (2).
Il est très probable que le système Dassault existait bien avant 2009. Dans un article du journal Libération paru en novembre 2014, le journaliste Yann Philippin relate des informations que M. Gérard Limat, comptable et ami de M. Serge Dassault, avait transmises au juge d’instruction en charge cette affaire. Ce dernier avait alors raconté avoir remis en cash à l’ex-maire de Corbeil depuis 1995 presque 53 millions d’euros, transférés directement de Suisse. Le journaliste précise que « Sur la seule période 2008-2012, qui englobe les trois élections visées par l’enquête, Gérard Limat a livré 7,45 millions d’euros en cash à Dassault. Il a également effectué pour 4,2 millions d’euros de virements suspects, pour l’essentiel à des habitants de Corbeil, dont plusieurs acheteurs de voix présumés » (3). L’argent ne circulait pas nuitamment dans de petites valises entre Suisse et France. Les transferts s’effectuaient de façon électronique, et impliquaient une société de services, Cofinor, basée à Genève et ayant pignon sur rue, dont l’activité se situait dans le domaine du change et de la compensation financière. Ils impliquaient également des banques renommées dans lesquelles Ms. Gérard Limat et Serge Dassault détenaient des comptes, telles que la Raiffeinsen Bank située à Ménier, dans la banlieue de Genève, et les banques UBS de Zurich et Edmond de Rotschild au Luxembourg (3).
M. Serge Dassault présente par ailleurs un parcours de justiciable assez remarquable. Dès 1991 il est condamné pour entrave au fonctionnement du comité d’entreprise de la société des avions Marcel Dassault. En 1998, il est condamné, en Belgique cette fois, à 2 ans de prison avec sursis pour corruption active. En 2017, M. Serge Dassault est condamné à 2 millions d’euros d’amende et à 5 ans d’inéligibilité pour blanchiment. Il décède en 2018 ce qui éteint toute procédure à son encontre. Néanmoins, dans cette affaire d’achats de voix, et de façon tout à fait symbolique, le procureur de la République avait requis à titre posthume une peine de prison de 5 ans à l’encontre de M. Serge Dassault, fustigeant « la dérive mafieuse qui rappelle la tradition palermitaine ou le Chicago des années 1920 » (4).
M. Serge Dassault avait été élevé à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur en 2004, sous la présidence de M Jacques Chirac. En même temps que M. Henri Groues, plus connu sous le nom de l’Abbé Pierre. L’Histoire connait parfois des raccourcis saisissants...
Références
1. Fabrice Arfi, Michaël Hajdenberg, Pascale Pascariello. Serge Dassault : l'aveu de la corruption. Mediapart. Septembre 2013.
2. Anonyme. Achat de votes à Corbeil-Essonnes : Jean-Pierre Bechter, l’ancien maire LR et ex-bras droit de Serge Dassault, condamné à deux ans de prison ferme. Le Monde (avec l’AFP). Décembre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/17/achat-de-votes-a-corbeil-essonnes-jean-pierre-bechter-l-ancien-maire-lr-et-ex-bras-droit-de-serge-dassault-condamne-a-deux-ans-de-prison-ferme_6063750_3224.html
3. Yann Philippin. Je montais dans le bureau, je posais le sac dans un coin. Libération. Novembre 2014.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/societe/2014/11/17/je-montais-dans-le-bureau-je-posais-le-sac-dans-un-coin_1145029
4. Anonyme. Achat de votes : quatre ans ferme requis contre le successeur de Serge Dassault à Corbeil. Capital. Novembre 2020.
Crédit photo
Association SADUR : les usagers du RER D
https://portail.sadur.org/component/content/article?id=175:codes-gares-ligne-d
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