vendredi 19 mars 2021

SARS-COV2 : COMMENT LE DÉTECTER.
III. LA « PCR ».




Dernier volet de l’explication des différents tests disponibles pour la détection du virus, ou de contaminations éventuelles. Dans les deux précédents chapitres, j’ai essayé d’expliquer à quoi servaient et comment fonctionnaient le test antigénique et la recherche d’anticorps antivirus. Dans cet article j’aborde le test dit PCR, dont le vrai nom est qRT-PCR.

A la différence des deux autres tests présentés
, le test PCR ne cible ni l’enveloppe du virus, ni la réponse immunitaire du patient. Ce test vise à rechercher des fragments du génome viral, des fragments donc de son matériel génétique, dans un environnement donné. PCR est l’acronyme anglais de « réaction de polymérisation en chaîne ». Comme son nom l’indique, il s‘agit donc, par polymérisation, d’amplifier de l’ADN. Cette technique apparue au milieu des années 1980 a révolutionné la biologie au laboratoire en facilitant le clonage moléculaire, la création de mutants, et l’étude des génomes. Plus proche du grand public, elle est largement utilisée en criminologie pour la recherche des empreintes génétiques, ou dans divers tests génétiques comme certains tests en exclusion de paternité ou de prédisposition à une pathologie. Elle sert aussi au traçage de certaines fraudes alimentaires et à la recherche de pathogènes microbiens quasiment non cultivables, en agronomie. Enfin, en histoire et préhistoire, elle permet de vérifier des filiations, ou d’étudier le régime alimentaire d’animaux ou d’hominidés disparus. Cette liste des utilisations de la PCR ne prétend d’ailleurs pas être exhaustive.



Au plan technique, la méthode repose sur l’utilisation d’une enzyme, une polymérase thermorésistante à ADN, qui possède la capacité de synthétiser de l’ADN à partir d’un copie existante. Il suffit pour cela de lui fournir les briques élémentaires qui constituent l’ADN (les nucléotides) et, condition nécessaire, deux petites amorces d’ADN à partir de laquelle la polymérase va travailler (voir schéma ci-dessus). Dans le cadre de la recherche de virus, ou de tout autre agent pathogène, ces amorces sont des courtes séquences du génome du pathogène, qui, dans le test, s’apparient au génome viral au niveau des régions dont elles sont la « copie miroir », pour simplifier. Cependant recopier une trace d’ADN une seule fois ne donnera qu’une trace ADN à peine plus visible. La force de la PCR est de fonctionner par cycle. Une fois la copie de chaque brin d’ADN effectuée, et par le jeu de changements de température, on provoque la fusion de l’ADN : chacun de ses 2 brins se séparent, et l’on recommence à appareiller les petites amorces de sorte que la polymérase reprenne la synthèse du brin d’ADN manquant… Le nombre de cycles est variable et dépend de très nombreux facteurs. On comprend intuitivement que plus il y a d’ADN amplifiable, moins il faudra de cycles pour observer la présence de cet ADN. Cette propriété permet de quantifier la quantité d’ADN soumise à amplification en incorporant dans l’ADN nouvellement synthétisé un marqueur fluorescent et en mesurant au cours des cycles l’apparition de fluorescence. Cette méthode quantitative s’appelle la qPCR. En termes d’amplification, si l’expérimentateur partait d’une seule copie d’ADN, il en obtiendrait 2 à la fin du premier cycle, 4 au second cycle, etc., et à l’issue des 30 cycles que l’on effectue en moyenne au labo, il obtiendrait plus d’un milliard de copies ! Sur 35 cycles, comme préconisé pour la détection du SARS-CoV2, ce seront plus de 35 milliards de copies néoformées, toujours en prenant l’hypothèse qu’une seule copie d’ADN préexistait dans l’échantillon.

Dans le cas du virus SARS-CoV2 : problème ! Le génome du virus n’est pas composé d’ADN mais d’ARN. Or la polymérase à ADN utilisée en PCR ne fonctionne pas pour amplifier l’ARN. Heureusement, le biologiste a plus d’un tour dans son sac. Il réalise donc pour ce test de détection virale, avant la qPCR, une transformation de l’ARN en ADN, là aussi au moyen d’une enzyme. Celle-ci est appelée transcriptase inverse ou reverse transcriptase en anglais, d’où l’abréviation RT. Pour résumer, la procédure complète consiste donc, à partir d’un prélèvement naso-pharyngé, à extraire l’ARN, à le recopier en ADN, puis à soumettre cet ADN à l’analyse par qPCR.

Les avantages de la technique sont très nombreux, le premier étant sa grande sensibilité et une spécificité forte liée au choix des petites amorces nécessaires aux opérations de synthèse d’ADN. La méthode est versatile et permet également de traiter des échantillons d’origines diverses. On peut ainsi rechercher la présence du virus et en quantifier la concentration par qRT-PCR dans tous les fluides corporels, mais également sur des surfaces (poignées de portes, écrans tactiles, etc.) que l’on peut traiter par écouvillonnage, ou dans des milieux complexes tels les eaux et boues de station d’épuration. Les différents variants peuvent aussi être recherchés en utilisant des amorces spécifiques de ou des mutations qui caractérisent les variants. Les inconvénients de la technique : en premier lieu, celle-ci est assez « pointue » et implique des personnels formés et des conditions de laboratoire, avec un appareillage et des kits relativement coûteux pour la qPCR. Par ailleurs, même si on peut réaliser plusieurs dizaines de tests simultanément sur une machine, la seule réalisation des 35 cycles prend environ 3 heures. Il faut ajouter pour le pré-traitement de l’échantillon et l’opération de transcription inverse encore au minimum 1 à 2 heures. La technique est aussi assez susceptible à la qualité du pré-traitement, de nombreux inhibiteurs de la reverse transcriptase et de la polymérase existant. La technique peut donc générer des « faux négatifs », c’est à dire que des individus pourtant contaminés pourraient être testés négatifs. Elle peut aussi générer des faux positifs. Des amorces du SARS-CoV2 peuvent ainsi en théorie (et parfois en réalité) s’accrocher à « d’autre ADN », générant ces fameux faux positifs... On peut moduler ce risque en utilisant plusieurs jeux d’amorces différents, sachant qu’il serait assez improbable que tous ces jeux induisent tous des faux positifs. Enfin, dernier point, le test ne permet pas de différencier virus infectieux et virus non infectieux. Imaginons qu’une surface ait été contaminée par le virus. Le test en qRT-PCR révélera sans aucun doute la présence de ce virus. On désinfecte par pulvérisation de la surface par une solution hydro-alcoolique par exemple (sans essuyage) et on re-teste par qRT-PCR. Il est plus que probable que le test sera encore positif… Cela bien que pratiquement plus aucune particule virale infectieuse ne subsiste, le mélange eau-alcool ayant complètement détruit la coque du virus.

Le lecteur en saura plus maintenant, je l’espère, sur ces différents tests. Je sais que ce type d’article est parfois compliqué à comprendre en dépit des efforts de clarté que je tente de faire. Si ces questions vous intéressent, ou si vous avez besoin de précisions, il est toujours possible de me contacter en renseignant les cases « pour me contacter », tout en bas à droite des pages de 10 articles, à côté des statistiques de fréquentation.


Crédits illustration :

Roche Lightcycler 96. Vu sur Peatix.
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