Le texte que je publie ci-dessous n'est pas de moi. Il s'agit de la lettre mensuelle d'Anticor association de lutte contre la corruption, dont je suis membre, signée par sa présidente Élise Van Beneden. Ce texte est intéressant car il montre que la lutte contre la fraude fiscale est une nécessité, le montant de celle-ci correspondant grosso modo au montant de l'impôt sur le revenu. En bref, nous payons des impôts sur le revenu entre autres, pour ceux - très organisés - qui n'en payent pas. De façon aussi importante, cette tribune fait référence aux différentes enquêtes journalistiques internationales, dont la récente affaire des Pandora papers*, qui ont révélé que nombre de dirigeants, y compris certains dans nos démocraties occidentales, bénéficient de conseils avisés pour échapper à l'imposition, souvent légalement d'ailleurs. Comment, dès lors, ne pas s'étonner de la montée d'un populisme très prompt à dénoncer les "élites" corrompues laissant le bon peuple se débrouiller avec ses problèmes... Au premier rang desquels l'immigré fera figure de bouc-émissaire, pour le plus grand profit de quelques éditorialistes, hommes ou femmes politiques ou polémistes auprès desquels Messieurs Drieu La Rohelle, Louis-Ferdinand Céline, ou Jean-Louis Tixier-Vigancourt, pourraient passer pour de dangereux gauchistes.
* Voire l'excellente page Wikipédia à ce sujet
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La fraude fiscale est une réalité violente, connue de tous depuis des décennies.
Dans un rapport de novembre 2019, le syndicat Solidaires finances publiques a évalué la fraude fiscale en France entre 80 et 100 milliards d'euros par an. Il est en réalité probable que ce chiffre, deux ans plus tard, dépasse les 100 milliards, compte tenu des évaluations réalisées à l’échelle mondiale. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une fourchette basse, dont le calcul est issu du travail syndical des agents des impôts.
Car le gouvernement peine à s’engager dans une évaluation officielle qu’il a pourtant parfaitement les moyens de mener. En septembre 2017, l’alors ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, critiquait ces chiffres et annonçait la création d’un observatoire rassemblant divers experts pour plancher sur une estimation plus scientifique de la fraude fiscale.
Quatre ans plus tard, aucun observatoire… ne serait-ce qu’en devenir. En revanche, le travail patient de 280 journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a permis de mettre en évidence une pratique bien répandue.
En 2016, les Panama Papers révélaient les avoirs secrets de chefs d’État, de milliardaires, de sportifs et de criminels dans les paradis fiscaux. Ils ont permis à l’État français de récupérer 126 millions d’euros sur la base de 50 redressements fiscaux. Merci les journalistes !
Les Pandora Papers, publiés le 3 octobre dernier, ne semblent pas dire autre chose si ce n’est l’exaspération d’un monde qui ne change pas. On y découvre que plusieurs chefs de gouvernement ont placé des avoirs dans des sociétés offshore, notamment pour échapper à l'impôt dans leur propre pays.
Une économie parallèle donc, qui se développe dans l’opacité de systèmes financiers complexes et refuse de contribuer à l’effort collectif, sans pourtant se priver d’y accéder. Car au-delà de l’État providence que chacun est libre de remettre en cause, les impôts payent de nombreuses dépenses non contributives qui font de nos pays des endroits où il est agréable de vivre.
Les Pandora Papers font tourner la tête : 11 300 000 000 000 de dollars (10.000 milliards d’euros environ) dans le monde, investis dans 84 millions de comptes financiers détenus à l’étranger. À partir de combien de zéros faut-il réagir ?
Alors que les chiffres augmentent de manière incontrôlée, le nombre de contrôles en France, lui, ne cesse de baisser, du fait des réductions d’effectifs d’agents des finances publiques.
La question que laissent dernière nous ces remous est identique dans tous les cas : pourquoi, face à des mécanismes qui relèvent d'une criminalité organisée et mondiale, appuyée par des cabinets d’avocats et de conseils, avec la complicité des plus grandes banques et de certains dirigeants politiques, dont tous s'accordent à dire qu'elle crée des inégalités profondes dans nos sociétés, la réponse politique est-elle si faible ?
Au niveau de l’Union européenne, dans le domaine de la fiscalité, seule l’unanimité peut bouger les lignes, ce qui signifie que tous les États membres doivent être d'accord sur toute mesure adoptée dans ce domaine. C’est un verrou de taille.
Un autre verrou, appelé verrou de Bercy, limite l’action de la justice en France. Le fisc détient un monopole d’action sur les affaires de moins de 100.000 euros. Pour les dossiers d’un montant supérieur, le fisc a le devoir de transmettre les dossiers au procureur de la république. Reste que le parquet n’a pas de possibilité d’auto-saisine. Anticor a développé un plaidoyer qui propose la suppression totale de ce système : https://www.anticor.org/plaidoyerpage/.
Mais si la loi distingue aujourd’hui la fraude, illégale, et l’optimisation fiscale, légale, la frontière entre les deux n’est pas si évidente. Car il existe une notion, dénommée abus de droit fiscal, qui permet d’écarter les contrats, comme parfois les licences de marques, qui ont un caractère fictif, en ce que leur objectif principal consiste à éluder ou atténuer les charges fiscales.
Il existe donc des armes juridiques à disposition de nos responsables politiques et administratifs. Reste à s'en saisir.
Crédit illustration :
Pandora Papers : « Il faut sortir de l’hypocrisie dans la lutte contre l’évasion fiscale », accuse Éric Bocquet. Public Sénat. Octobre 2021.
https://www.publicsenat.fr/article/societe/pandora-papers-il-faut-sortir-de-l-hypocrisie-dans-la-lutte-contre-l-evasion-fiscale
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