lundi 22 novembre 2021

BILAN DE CINQ ANNÉES EN MACRONIE.
II. LES CHÔMEURS ET LES RETRAITÉS

 
Je poursuis mon bilan des cinq années passées dans le monde merveilleux de la Macronie, par un examen des fantastiques avancées sociales dont ont bénéficié les chômeurs et retraités. Dit comme cela, on pourrait en rire. Un rire jaune, certes, car ces deux catégories de personnes sont parmi celles qui ont le plus « dérouillé » au cours du quinquennat qui se termine.

Voyons le cas des retraités. Ces derniers ont réellement fait l’objet d’attention particulières, et ce dès 2018. Commençons par la décision de ne plus indexer sur l’inflation les pensions de retraite, décision à cette date et effective en 2019 et 2020 (1). Des journalistes calculent alors qu’entre ces mesures et la hausse de la CSG, un couple de retraité touchant 1500 euros de retraite perdra presque 470 euros par an de revenus (2), un résultat confirmé par l’OCDE qui indique que presque 80 des retraités verrons leur pouvoir d’achat réduit en 2020 (3). Cette décision ayant provoqué un tollé, le président, Monsieur Emmanuel Macron, décide de réindexer les retraites sur l’inflation, mais seulement pour les retraites de moins de 2000 euros et seulement en 2020 (4).

Impossible par ailleurs de ne pas parler de la soi-disant « réforme des retraites » remise - pour le moment - à plus tard en raison de la crise épidémique. L’argument princeps est le non équilibre des caisses de retraite ; il reste très discutable. Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), tout en surestimant le déficit actuel des caisses, estime en effet probable une diminution de la part des dépenses de retraite dans le PIB dès 2030 sans modifications majeures (5,6). A noter : ce déficit résulte majoritairement d’allègement de cotisations (7). J’ai également expliqué plus tôt (8) comment les pensions pourraient baisser, par l’instauration du système points, et comment la question de la pénibilité, qui se traduit par l’existence de régimes spéciaux, ne sera que très mal prise en compte. Globalement, avec ce système de retraite à points, presque tout le monde sera perdant, avec l’exception des classes très supérieures. Par le jeu de taux de cotisation très faible au delà d’un certain montant de revenus, les personnes touchant au moins 120 000 euros par an de salaire bénéficieraient d’une très forte baisse de cotisation, qu’ils pourront placer pour s’assurer de futures rentes, faisant ainsi dire à Monsieur Thomas Piketty, économiste : « Un truc énorme, c’est que le gouvernement propose un taux global de cotisation de 28 % jusqu’à 120 000 euros de salaire annuel, mais ensuite ça plonge d’un seul coup à 2,8 % ! [...] C’est le nouveau « super Macron des riches » » (9). Comme je l’expliquais aussi dans mon blog, cette retraite pourrait donc aussi viser à l’abandon du système de répartition pour passer à un système par capitalisation, donc à un système de « chacun pour soi » soumis aux aléas des marchés et autres cracks boursiers (10-11). Mais qu’importe ! D’ailleurs, sans crise sanitaire, le gouvernement envisageait tout simplement de faire passer les textes de lois en « procédure accélérée » limitant les délais d’instruction, voire, si besoin, de recourir au 49.3 (12). Une étude d’impact de ces réformes, proposée par le groupe socialiste à l’assemblé Nationale, a été demandée. Les députés LREM l’ont refusée (13). Ne nous leurrons donc pas, si M. Emmanuel Macron est réélu, la casse programmée du système de retraite sera bien implémentée.

Deuxième cible de ce quinquennat : les chômeurs. Ceux-ci seront d’ailleurs fortement affectés par la « réforme » des retraites, leur préparant des « vieux jours difficiles » (14). Ainsi les chômeurs indemnisés verront leur droit à retraite sensiblement réduits et les chômeurs non indemnisés perdront tous leurs droits (14-15). Dans la logique de l’actuel gouvernement c’est logique. En Macronie, le chômeur est considéré comme un tricheur, un feignant qu’il faut remettre au travail à tout prix, sauf au prix qu’il mérite... Ainsi, on augmentera le nombre des agents chargés des contrôles et on conservera le principe de la réduction des allocations chômage en cas de refus de deux « offres raisonnables d’emploi » (16, 17). Le hic est que ces offres raisonnables n’étaient pas clairement définies à la sortie du texte, et maintenant qu’elles le sont, elles apparaissent défavorables aux salariés. Ainsi, après quelques mois de chômage, ces derniers ne pourront refuser « un emploi répondant aux qualifications de l'intéressé, rémunéré au moins au niveau de l'allocation chômage perçue et située à moins de 30 km ou à moins d'une heure du domicile ». Ce « ou » est important car un emploi qui serait situé à 60 du domicile mais à moins d’une heure serait qualifié de raisonnable, même si cela vous fait 120 km de voiture par jour. À l’identique, un travail situé à 25 km de chez vous, mais nécessitant 2h de trajet aller (possible voire fréquent en région parisienne de banlieue à banlieue) est également une proposition raisonnable. Il devient aussi plus difficile de refuser un emploi mal payé (18). Dans le même temps, les emplois aidés, qui bénéficiaient en dépannage aux chômeurs, et en soutien aux associations, communes, hôpitaux ont été supprimés dès le début du quinquennat (19).

Un des buts de ce quinquennat était donc clair : faire des économies sur le dos des chômeurs, dont les aides coûtent « un pognon de dingue » (sic). Dès 2019, le gouvernement redéfinit les droits en matière d’indemnisation du chômage. La crise sanitaire passe par là, les projets sont alors mis « en attente ». En 2021, le premier Ministre, M. Jean Castex siffle la fin de la récré. La « réforme » de l’assurance chômage est lancée. Même si un seuil plancher d’indemnisation est proposé, ce seront, selon les calculs de l’Unedic, 840 000 chômeurs dont les indemnités vont se réduire de 20% (20, 21). Cependant des chiffres plus récents estiment qu’en réalité ce serait plus d’1,1 million de chômeurs qui pourraient être affectés par une baisse des allocations de 17% en moyenne. Parmi eux, 365 000 verraient leur allocation reculer de 885 euros net par mois à 662 euros net par mois, soit une diminution de 25 % (22), touchant donc des personnes qui vivent avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Les plus précaires sont donc les grands perdants de ces changements de calcul d’indemnité (23). On comprend dès lors pourquoi la totalité des syndicats, y compris les plus « accommodants » sont vent debout contre ce qui ressemble à une prochaine hécatombe sociale (24). Ils ont donc portés l’affaire devant le conseil d’Etat, mais celui ci, bien qu’ayant retoqué un certain nombre de points de la « réforme », finit par valider le laminage des droits proposé.

Pour accompagner cette régression sociale, le gouvernement s’est activé en matière de communication. Dans ses communiqués, il a tout d’abord volontairement minoré de 30% environ le nombre de personnes affectées par les nouvelles dispositions (25). Il a continué de chanter la petite ritournelle du « chômage qui paierait plus que le travail » et des « chômeurs feignants » (26, 27). Il y a pourtant 13 fois plus de chômeurs que d’emplois vacants en France (28). Mais chut ! Car une fois toutes les mesures mises en place, ce seront presque 2,3 milliards d’économies qui auront été réalisées tous les ans sur le dos des chômeurs (25). Dans le même temps, rappelons le montant de la fraude patronale aux impôts des sociétés, environ 20 à 30 milliards, ou le montant du cadeau résultant de la suppression quasi totale de l’ISF, environ 5 à 6 milliards d’euros. Mais quand on gouverne pour les quelques pour-cents de français les plus riches, quelle importance ? Car, qu’on le veuille ou non, les grands gagnants du quinquennat de M. Emmanuel Macron auront été les 1 ou 2% des Français les plus fortunés. Contredisant la communication gouvernementale, une étude récente de l’Institut des Politiques Publiques (29) montre que « les 1 % les plus riches ont bénéficié de la plus importante hausse de pouvoir d’achat. Ceux-ci ont ainsi obtenu un gain moyen de 2,8 % sur l'ensemble de leurs revenus après impôts et prestations. Et la progression est encore plus frappante chez les 0,1 % les plus fortunés qui ont, eux, vu leur pouvoir d’achat bondir d’environ 4 %. À l’inverse, les 5 % des ménages les plus pauvres ont perdu 0,5 % de pouvoir d’achat en moyenne  ». Il ne faudra pas s'étonner de revoir des gilets jaunes sur les ronds points, et surtout, il faudra se rappeler ces chiffres lors des élections présidentielles...


Références :

La référence centrale qui a permis la rédaction de cet article est l’excellent site https://macron.watch qui regroupe sous forme de listings l’ensemble des mesures antisociales prises dans différents domaines par le pouvoir en place. Je m’en suis largement inspiré et remercie B. Heeder pour m’avoir transmis cette information. Les autres références consultées sont les suivantes :


1. Antoine Terrel. Prestations sociales : Edouard Philippe s'attaque (encore) au pouvoir d'achat des familles et des retraités. Marianne. Aout 2018.
Consultable en ligne :
https://www.marianne.net/politique/prestations-sociales-edouard-philippe-s-attaque-encore-au-pouvoir-d-achat-des-familles-et

2. Hervé Nathan et Nicolas Prissette. Pourquoi Macron essore les retraités ? Marianne. Septembre 2018.

3. Anonyme. Budget: Près de 80 % des retraités verraient leur pouvoir d’achat reculer en 2020
Vingt minutes. Septembre 2018.
Consultable en ligne :
https://www.20minutes.fr/economie/budget/2345059-20180928-budget-pres-80-retraites-verraient-pouvoir-achat-reculer-2020

4. Romaric Godin et Ellen Salvi. Face à la presse, Macron promet qu’il ne changera rien. Mediapart. Avril 2019.

5. Benoît Zagdoun. Le Conseil d'orientation des retraites a-t-il exagéré le déficit dans son rapport ? France Info. Novembre 2011.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/le-conseil-d-orientation-des-retraites-a-t-il-exagere-le-deficit-dans-son-rapport_3711571.html

6. COR. Rapport annuel du COR juin 2021 - Evolutions et perspectives des retraites en France.
Consultable en ligne
https://www.cor-retraites.fr/node/562

7. Collectif. Rapport du COR : un prétexte pour des mesures régressives avant même la retraite par points. Attac. Novembre 2019.
Consultable en ligne :
https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/rapport-du-cor-un-pretexte-pour-des-mesures-regressives-avant-meme-la-retraite

8. Ante Electionibus. IV. La « réforme » des retraites. Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/10/ante-electionibus-iv-la-reforme-des.html

9. Thomas Piketty. Interview. Libération. Septembre 2019.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/france/2019/09/11/thomas-piketty-sur-les-retraites-c-est-le-nouveau-super-macron-des-riches_1750751/

10. Laurent Mauduit. Macron veut dynamiter les retraites par répartition. Mediapart. Mai 2018.

11. Martine Orange. Retraites: BlackRock souffle ses conseils pour la capitalisation à l’oreille du pouvoir. Mediapart. Décembre 2019.

12. Manuel Jardinaud et Ellen Salvi. Retraites: le gouvernement verrouille déjà le débat parlementaire. Mediapart. Janvier 2020.

13. Anthony Berthelier. Réforme des retraites: tollé à l'Assemblée après le refus d'une commission d'enquête. Huffington Post. mars 2020.
Consultable en ligne :
https://www.huffingtonpost.fr/entry/retraites-pataques-a-lassemblee-apres-le-refus-dune-enquete-sur-la-sincerite-de-la-reforme_fr_5e5f8d8bc5b67ed38b3b22d5

14. Stéphane Béchaux. Réforme des retraites : mauvaises nouvelles pour les chômeurs. L’Express. Janvier 2020.
Consultable en ligne :
https://votreargent.lexpress.fr/retraite/reforme-des-retraites-mauvaises-nouvelles-pour-les-chomeurs_2115487.html

15. Dan Israel. Retraites: avec le 49-3, le gouvernement préserve l’essentiel de son texte. Mediapart. Mars 2020.

16. Dan Israel. Chômage, formation: la nouvelle loi chamboule tout. Mediapart. Aout 2018.

17. Étienne Girard. Le gouvernement renonce à "l'assurance chômage pour tous", promesse de Macron. Marianne. mars 2018.
Consultable en ligne :
https://www.marianne.net/politique/contrairement-aux-promesses-de-macron-le-gouvernement-renonce-assurance-chomage-pour-tous

18. Anonyme. Contrôle des chômeurs : le gouvernement assume des «sanctions beaucoup plus dures». Libération. Janvier 2019.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/france/2019/01/01/controle-des-chomeurs-le-gouvernement-assume-des-sanctions-beaucoup-plus-dures_1700561/

19. Romaric Godin et Manuel Jardinaud. Gel des contrats aidés: un non-sens social. Mediapart. Août 2017.

20. Amandine Cailhol. Assurance chômage : le gouvernement maintient sa réforme à contre-emploi. Libération. Mars 2021

21. Lilian Alemagna. Assurance chômage : la faute du gouvernement. Libération. Mars 2021

22.Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel. Avec la réforme de l’assurance-chômage, l’allocation de 1,15 million de demandeurs d’emploi pourrait baisser la première année. Le Monde. Mars 2021.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/25/reforme-de-l-assurance-chomage-l-allocation-de-1-15-million-de-demandeurs-d-emploi-pourrait-baisser-la-premiere-annee_6074453_823448.html

23. Nolwenn Weiler. Effondrement des indemnités, reprise d’emploi découragée : les aberrations de la réforme de l’assurance chômage. Basta Mag. Avril 2021.
Consultable en ligne :
https://basta.media/reforme-assurance-chomage-baisse-des-indemnites-journalieres-duree-indemnisation-pole-emploi-CDD-CDI-interim

24. Océane Herrero, Wladimir Garcin-Berson. Les syndicats promettent de poursuivre leur bataille contre la réforme du calcul de l'assurance-chômage. Le Figaro. Octobre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/social/les-syndicats-promettent-de-poursuivre-leur-bataille-contre-la-reforme-du-calcul-de-l-assurance-chomage-20211001

25. Cécile Hautefeuille. Assurance-chômage: la note de l’Unedic qui embarrasse le gouvernement. Mediapart. Mars 2021.

26. Mathieu Grégoire. Non, M. le Premier ministre : le chômage ne paye jamais plus que le travail ! Le Monde. Mars 2021.

27. Frantz Durupt. Assurance chômage : Macron ressort le cliché du chômeur feignant. Libération. Juillet 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/economie/social/assurance-chomage-macron-ressort-le-cliche-du-chomeur-feignant-20210713_3SYMPCPF2BFFLAVBT42OXHDKSM/?redirected=1

28. Savinien de Rivet, Julien Guillot, Alice Clair. Il y a treize fois plus de chômeurs que d’emplois vacants en France. Libération. Septembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/economie/il-y-a-treize-fois-plus-de-chomeurs-que-demplois-vacants-en-france-20210922_TOHGPIVLV5FABAP5NI5XH6GW3A/

29. Romain Brunet. Pouvoir d’achat : les plus riches, grands gagnants du quinquennat Macron. France 24. Novembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.france24.com/fr/france/20211117-pouvoir-d-achat-les-plus-riches-grands-gagnants-du-quinquennat-macron


Crédit illustration :

Dessin de Wan pour 



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