Une nouvelle est passée pratiquement sous les radars des médias d’information, trop occupés à nous vendre du « polémiste » de piètre qualité. L’Union Européenne autorise de nouveau l’usage de farines animales en Europe. Le texte est sorti en août 2021 avec une date d’application au 7 septembre 2021. Environ 20 ans après l’arrêt de l’usage de ces « farines », qui, de fait, n’ont rien des farines végétales, il va redevenir possible de nourrir volailles et porcs avec des « protéines animales transformées » (PAT). C’est l’occasion de revenir sur la crise de la vache folle, et de présenter l’agent infectieux non conventionnel à l’origine de cette maladie et des pathologies voisines qui affectent d’autres mammifères, dont l’Homme.
Les farines animales destinées à l’alimentation animale sont obtenues à partir de produits carnés non consommés par l’Homme, tels que certains abats, les peaux et os, ainsi que des sous produits de la pèche, également non consommés. S’y ajoutaient aussi les produits issus des équarrissages. La farine se présente sous forme de poudre obtenue par dégraissage, cuisson, broyage et tamisage de ces produits. Riches en protéines, les farines ont été utilisées en complément alimentaire pour l’élevage intensif pendant des années. Leur usage a commencé au début du XXe siècle pour « exploser » dans les années 60 jusqu’à ce qu’apparaisse au milieu des années 80 une pathologie très particulière, la maladie de la « vache folle ». Celle-ci est une maladie neuro-dégénérative, caractérisée par la présence dans le cerveau des animaux malades de zones à allure spongieuse démontrant la destruction de neurones et la formation de plaques de protéines particulières appelées plaques amyloïdes. La fréquence des cas à la fin des années 80 et au début des années 90 révèle l’existence d’une épidémie, et donc, a priori, d’une cause commune, possiblement transmissible.
La recherche de l’agent infectieux est orientée par des similitudes entre la maladie de la vache folle et une autre maladie affectant les ovins, la tremblante du mouton ou scrapie, mais aussi avec une maladie humaine très particulière, le kuru. Celle-ci est endémique en Papouasie - Nouvelle Guinée. Elle est associée à des rites funéraires de type cannibaliste, qui conduisaient particulièrement les proches d’un mort à en consommer le cerveau. Or l’agent infectieux responsable de ces maladies neuro-dégénératives, globalement appelées encéphalites spongiformes, est précisément localisé dans le cerveau des personnes ou animaux malades. Cependant, il ne s’agit ni d’un champignon, ni d’une bactérie, ni d’un virus, mais d’un des constituants habituel du cerveau, une protéine, appelée PrP (pour prion protein) ou simplement prion. Celle-ci existe sous deux formes, la forme « normale », non pathogène, et une forme légèrement modifiée, appelée PrPsc, caractéristique et responsable de la maladie. Lors de la consommation de produit contaminé par la PrPsc, telles des farines animales, la protéine PrPsc migre vers le cerveau où elle se retrouve en présence d’autres protéines PrP. Pour des raisons encore mal comprises, mais relevant possiblement de questions de stabilité et de thermodynamique, la protéine PrPsc est capable progressivement de transformer une protéine PrP en une protéine PrPsc, avec une possibilité de réversion faible. Ceci entraîne par un effet « boule de neige » la conversion d’un nombre de plus en plus grand de ces protéines PrP et à l’apparition des plaques amyloïdes, riches en formes PrPsc. Cette conversion peut être très lente, puisqu’on estime que l'apparition des symptômes peut prendre de 5 à 10 ans dans le cas de bovins et atteindre presque 50 ans dans le cas de malades du kuru. Le kuru n’est d’ailleurs pas la seule maladie humaine à prion : la maladie de Creutzfeldt-Jakobs en est une autre. De nombreux cas de cette maladie sont apparus lors de consommation de produits contaminés par des prions, par exemple lors d’injection d’hormone de croissance (ou somatotropine) à des individus à risque de nanisme. Or, à ce moment là, cette hormone était préparée à partir des cerveaux de personnes décédées, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. De même, la consommation de viande issue d’animal contaminé par le prion a entraînée également l’apparition de cas de Creutzfeldt-Jakobs, démontrant là la possibilité du franchissement de la barrière d’espèce. Ce franchissement a également été proposé dans le cas de la transmission à des animaux domestiques (chat) de prions issus d’aliments pour animaux de compagnie, préparés à partir d’abats contaminés. Deux autres maladies humaines à prions sont connues, l’insomnie fatale familial et le syndrome de Gerstmann-Straüssler-Scheinker mais elles résultent, elles, d’une mutation spontanée facilitant la transformation spontanée de la protéine PrP en une variante de la PrPsc, avec les mêmes conséquences délétères.
Un denier point sur les aspects scientifiques : on ne sait toujours pas quel rôle joue la version « normale » de la protéine PrP dans le cerveau. Une expérience réalisée avec des souris mutantes, rendues incapables de produire PrP, souris dites PrP KO, a montré qu'elles se développaient et se comportaient en conditions d’élevage comme des souris non mutantes. Aucune différence en termes d’apprentissage, de mémorisation de court et de long terme ou d’anxiété, n’a été observée. La différence principale entre souris PrP KO et souris non mutantes étaient leur résistance aux maladies... à prions, ce qui était attendu. Une petite différence de cycle de sommeil a été observée dans des conditions très particulières d’éclairement, un rôle immunitaire a aussi été proposé, les lignées PrP Ko étant plus résistantes à certains virus, ce qui ne présente pas une logique biologique marquée ! Le seul rôle potentiel qui fait sens serait une résistance accrue des souris normales, par rapport à leurs homologues PrP KO, vis à vis du risque de crise épileptique, là aussi dans des conditions particulières. Depuis peu, des ruminants PrP KO ont été obtenus, et leur développement semble aussi normal. Des recherches sur ces mutants de la protéine PrP sont donc encore nécessaires pour tenter d’identifier le rôle de ce constituant cellulaire, très conservé dans le cerveau des mammifères.
Les farines animales destinées à l’alimentation animale sont obtenues à partir de produits carnés non consommés par l’Homme, tels que certains abats, les peaux et os, ainsi que des sous produits de la pèche, également non consommés. S’y ajoutaient aussi les produits issus des équarrissages. La farine se présente sous forme de poudre obtenue par dégraissage, cuisson, broyage et tamisage de ces produits. Riches en protéines, les farines ont été utilisées en complément alimentaire pour l’élevage intensif pendant des années. Leur usage a commencé au début du XXe siècle pour « exploser » dans les années 60 jusqu’à ce qu’apparaisse au milieu des années 80 une pathologie très particulière, la maladie de la « vache folle ». Celle-ci est une maladie neuro-dégénérative, caractérisée par la présence dans le cerveau des animaux malades de zones à allure spongieuse démontrant la destruction de neurones et la formation de plaques de protéines particulières appelées plaques amyloïdes. La fréquence des cas à la fin des années 80 et au début des années 90 révèle l’existence d’une épidémie, et donc, a priori, d’une cause commune, possiblement transmissible.
La recherche de l’agent infectieux est orientée par des similitudes entre la maladie de la vache folle et une autre maladie affectant les ovins, la tremblante du mouton ou scrapie, mais aussi avec une maladie humaine très particulière, le kuru. Celle-ci est endémique en Papouasie - Nouvelle Guinée. Elle est associée à des rites funéraires de type cannibaliste, qui conduisaient particulièrement les proches d’un mort à en consommer le cerveau. Or l’agent infectieux responsable de ces maladies neuro-dégénératives, globalement appelées encéphalites spongiformes, est précisément localisé dans le cerveau des personnes ou animaux malades. Cependant, il ne s’agit ni d’un champignon, ni d’une bactérie, ni d’un virus, mais d’un des constituants habituel du cerveau, une protéine, appelée PrP (pour prion protein) ou simplement prion. Celle-ci existe sous deux formes, la forme « normale », non pathogène, et une forme légèrement modifiée, appelée PrPsc, caractéristique et responsable de la maladie. Lors de la consommation de produit contaminé par la PrPsc, telles des farines animales, la protéine PrPsc migre vers le cerveau où elle se retrouve en présence d’autres protéines PrP. Pour des raisons encore mal comprises, mais relevant possiblement de questions de stabilité et de thermodynamique, la protéine PrPsc est capable progressivement de transformer une protéine PrP en une protéine PrPsc, avec une possibilité de réversion faible. Ceci entraîne par un effet « boule de neige » la conversion d’un nombre de plus en plus grand de ces protéines PrP et à l’apparition des plaques amyloïdes, riches en formes PrPsc. Cette conversion peut être très lente, puisqu’on estime que l'apparition des symptômes peut prendre de 5 à 10 ans dans le cas de bovins et atteindre presque 50 ans dans le cas de malades du kuru. Le kuru n’est d’ailleurs pas la seule maladie humaine à prion : la maladie de Creutzfeldt-Jakobs en est une autre. De nombreux cas de cette maladie sont apparus lors de consommation de produits contaminés par des prions, par exemple lors d’injection d’hormone de croissance (ou somatotropine) à des individus à risque de nanisme. Or, à ce moment là, cette hormone était préparée à partir des cerveaux de personnes décédées, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. De même, la consommation de viande issue d’animal contaminé par le prion a entraînée également l’apparition de cas de Creutzfeldt-Jakobs, démontrant là la possibilité du franchissement de la barrière d’espèce. Ce franchissement a également été proposé dans le cas de la transmission à des animaux domestiques (chat) de prions issus d’aliments pour animaux de compagnie, préparés à partir d’abats contaminés. Deux autres maladies humaines à prions sont connues, l’insomnie fatale familial et le syndrome de Gerstmann-Straüssler-Scheinker mais elles résultent, elles, d’une mutation spontanée facilitant la transformation spontanée de la protéine PrP en une variante de la PrPsc, avec les mêmes conséquences délétères.
Un denier point sur les aspects scientifiques : on ne sait toujours pas quel rôle joue la version « normale » de la protéine PrP dans le cerveau. Une expérience réalisée avec des souris mutantes, rendues incapables de produire PrP, souris dites PrP KO, a montré qu'elles se développaient et se comportaient en conditions d’élevage comme des souris non mutantes. Aucune différence en termes d’apprentissage, de mémorisation de court et de long terme ou d’anxiété, n’a été observée. La différence principale entre souris PrP KO et souris non mutantes étaient leur résistance aux maladies... à prions, ce qui était attendu. Une petite différence de cycle de sommeil a été observée dans des conditions très particulières d’éclairement, un rôle immunitaire a aussi été proposé, les lignées PrP Ko étant plus résistantes à certains virus, ce qui ne présente pas une logique biologique marquée ! Le seul rôle potentiel qui fait sens serait une résistance accrue des souris normales, par rapport à leurs homologues PrP KO, vis à vis du risque de crise épileptique, là aussi dans des conditions particulières. Depuis peu, des ruminants PrP KO ont été obtenus, et leur développement semble aussi normal. Des recherches sur ces mutants de la protéine PrP sont donc encore nécessaires pour tenter d’identifier le rôle de ce constituant cellulaire, très conservé dans le cerveau des mammifères.
Comme je l’indiquais plus haut, l’apparition massive de ces maladies à la fin des années 80 est liée, entre autres, à un renforcement de l’usage des farines animales, couplé à une modification des procédés d’obtention. En particulier, et afin de réduire l’utilisation de solvants dans le processus de préparation, l’extraction des graisses des produits d’abattage ou d'équarrissage à l’hexane, très pratiquée au début du XXe siècle, a quasiment disparu. De même, le chauffage et les pratiques de stérilisation ont été limités afin d’augmenter la « valeur alimentaire » des farines animales. Pas de chance, le prion est une protéine extrêmement stable qui résiste au chauffage et même à un autoclavage modéré. Outre l’action de solvants tel que le phénol, le prion ne peut être détruit que par un chauffage prolongé de type stérilisation à haute température, puisque de mémoire il faut dépasser les 133°C pendant 25 minutes pour s’assurer de sa disparition quasi complète.
Il y a donc des raisons de s’inquiéter de la réintroduction de farines animales en alimentation animale. C’est à mon avis une mauvaise idée, même si l’argument utilisé fait sens. Il s'agirait : a) de réduire l’importation de soja d’origine sud-américaine, donc de limiter les causes de déforestation de ces territoires, et, b) d’améliorer le bilan carbone de l’élevage affecté par le transport maritime de ces marchandises. Egalement, et il faut le dire, il s’agira d’alimenter les volailles et le porc, et aussi de continuer à alimenter les poissons d’élevage. Or, à ma connaissance, il n’y a jamais eu de transmission de maladie à prions de bovins vers des volailles ou vers le porc ou vers le poisson. En tous cas ces animaux ne sont pas tombés malades. Ceci dit, ils pourraient être des porteurs sains, comme l’a démontré une expérience menée sur la souris et le hamster voila déjà une vingtaine d’années. Enfin, l’UE nous dit que seront utilisées exclusivement des « protéines animales transformées » et non plus des farines. La nuance est subtile mais importante puisque les PAT ne peuvent être obtenues qu’à partir de sous-produits d’abattage d’animaux destinés à la consommation humaine, donc sains. Si cela était respecté, les risques diminueraient donc de façon importante. On se rappellera cependant ici la soit disant viande de bœuf utilisée en alimentation humaine, qui n’était autre que de la viande de cheval à plus de 50%, ou des steaks dits de bœuf contenant une part non négligeable de porc... Dans un monde dominé par le profit à tout va, les scandales alimentaires existent et continueront d’exister ; le doute aussi.
Crédit illustration :
http://oasisdepaix.eklablog.com/drole-de-poisson-a91065461
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