Je reprends ici un article du collectif de scientifiques "RogueESR" dont j'ai fait partie. RogueESR (pour Enseignement Supérieur et Recherche) a été créé en 2017 pour promouvoir une université et une recherche libres, exigeantes, au service de l’intérêt général, a contrario de la politique menée par le gouvernement actuel. Ce collectif regroupe des personnels originaires de toutes les régions, de l'université et des organismes de recherches tels que CNRS, CEA, INSERM, INRAE, INRIA, etc. travaillant donc dans des disciplines variées et avec des statuts différents. Le texte ci-dessous déconstruit une présentation flatteuse, mais malheureusement tendancieuse, voire mensongère par omission du bilan du quinquennat de M. Emmanuel Macron.
Pour être parfaitement transparent sur mes propos et les propos du collectif, ces derniers apparaissent en italiques ci-dessous ; les miens restant en caractères droits. Le titre est également repris du collectif.
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Le ministère vient de faire paraître un communiqué de presse retraçant l’évolution du budget de l’Université au cours du quinquennat (1). Dans ce communiqué, le ministère se targue d'avoir augmenté le budget de l'ESR d'1 millard d'euros au cours du quinquennat. Si le chiffre est globalement vrai, il cache une réalité bien différente et bien triste : une stabilité de ce budget en euros constants, et une chute drastique des moyens financiers accordés par étudiant encadré. Pour s'en convaincre il suffit de regarder la figure en illustration, et l'explicatif, ci-dessous.Nous avons représenté la figure produite par le ministère à l’usage des journalistes, à gauche (vert), et les mêmes données, une fois l’inflation compensée (violet), en euros de 2017. Malgré l’effet d’affichage consistant à isoler en vert foncé un surcroît de budget — qui ne correspond à rien dans un projet de loi de finances — le graphique du ministère permet de se rendre compte que la loi de programmation de la recherche (LPR) n’a rigoureusement rien changé à la trajectoire budgétaire : les augmentations sont calculées par Bercy de sorte à compenser l’inflation (violet). L’unique loi du quinquennat n’aura fait miroiter un accroissement budgétaire (totalement fictif, donc) que pour précariser et bureaucratiser un peu plus l’enseignement supérieur et la recherche. Dernière entourloupe en date, le « CDI de mission scientifique » prévu par la LPR, s’avère dans le décret du 4 novembre 2021 être un contrat à durée prévisionnelle pour des missions non nécessairement scientifiques, qui peut être interrompu à tout moment. On se trouve donc là dans la traduction en langue recherche du CDI de chantier, cher à notre gouvernement.
Du fait du babyboom de l’an 2000, le nombre de bacheliers a fortement augmenté pendant le quinquennat, ce qui était prévisible 18 ans à l’avance. Le nombre d’étudiants aurait augmenté dans les mêmes proportions, s’il n’y avait pas eu une politique de découragement des études universitaires (Parcoursup en particulier). Le budget par étudiant est représenté en rouge, avec les montants qui s'y rapportent présentés sur l’axe de droite, selon une convention permettant de le lire comme un budget effectif, compensé de l’accroissement du nombre d’étudiants. Il est en baisse significative.
Le déclin de l’Université et de la recherche scientifique publique comme de la recherche appliquée privée est devenu, à l’occasion de la crise sanitaire, un fait documenté. Si ce déclassement touche la majorité du monde académique, certains en ont été préservés. Pourtant, parmi les universitaires et les chercheurs actifs, plus grand monde ne doute du lien de causalité entre les réformes de bureaucratisation, de paupérisation, de précarisation et ce déclin (2). Une refondation tournant la page de vingt ans d’une politique désastreuse est devenue une nécessité pour freiner le délitement de notre écosystème de recherche et d’enseignement supérieur.
2. Olivier Monod. On fait le bilan. Le déclin de la recherche scientifique en France mis en lumière par la crise du Covid-19. Libération. Novembre 2021.
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