mardi 7 décembre 2021

ÉTRANGES RESSEMBLANCES ENTRE FORGES ET MUNICIPALITÉS « FRONTISTES »



A la recherche d’infos sur les associations, je lisais récemment des articles du Monde, de l’Express, de « Libé » et de « L’Huma » et suis tombé par le jeu des renvois et la magie d’internet sur des articles intéressants qui pourraient montrer l’existence d’étonnantes ressemblances entre les communes dirigées par le Front National, devenu Rassemblement National en 2018*, et la notre. Il me semble important de partager ici ces observations.

Revenons tout d’abord sur les faits. Les lecteurs de ce blog savent à quelle sauce l’actuelle municipalité a tenté, très rapidement après son installation, d’accommoder nombre d’associations forgeoises. Par le biais d’une convention de partenariat, la mairie a essayé d’imposer aux associations des obligations étranges, demandant entre autres et en contre partie de son soutien, le prêt du matériel associatif et l’implication des membres des associations dans les événements organisés par la commune. Idem pour le prêt des salles communales, devenu payantes au delà de deux prêts annuels, une décision, soit dit en passant, discutable au plan juridique, celle-ci n’ayant pas fait l’objet de délibération en conseil municipal, à l'heure où j'écris. Moins visible, la mairie a également fait le vide dans la maison des associations, puisque toutes celles qui y étaient installées en ont été « exfiltrées », parfois du jour au lendemain, à l’exception notable de l’académie de musique moderne (AMM). Encore moins visible, la mairie ne répond que très tardivement à certaines associations, par exemple en regard de demande de prêt de salle quand elle ne les refuse pas sans justification ou pour des raisons douteuses et là aussi parfois illégales.

Curieusement, les associations les plus mal traitées à Forges sont celles œuvrant dans le soutien scolaire, l’aide sociale, la transition environnementale, l’aide aux pays en voie de développement, et la réflexion publique. Pour certaines d’entre elles, une des premières actions de l’actuelle municipalité a été de sensiblement réduire leurs subventions communales. Je ne peux donc m’empêcher ici de citer des extraits des articles de presse qui décrivent la situation dans les communes frontistes, où les offensives anti-association semblent être une règle. Prenons le cas de Mantes la Ville, où le maire a vite ciblé l’association Réflexion et Action Citoyenne (1). Son président disait alors « Le social est en train de mourir à Mantes-la-Ville [...] On a essayé de créer le dialogue mais on ne nous a pas tendu la main ». De même, dans cette commune comme dans d’autres contrôlées par le FN, on n’aime pas trop le vivre-ensemble, et les associations de quartiers sont particulièrement ciblées. Comme le dit un des anciens médiateurs de la commune : « On leur refuse d'organiser des événements, on est passé cette année de trois fêtes de quartier par an, une dans chaque quartier, à une fête tournante ». A noter, il s’agit de témoignages obtenus avant la crise sanitaire ; la CoViD 19 n’y est donc pour rien ! A Mantes, le maire ne veut d’ailleurs plus subventionner certaines associations qui proposeraient des activités dites « déjà présentes » comme l'aide aux devoirs ou la médiation sociale. Tiens tiens… Et il ajoute « je veux au contraire développer notre police municipale » (1). A Forges, on préfère les caméras de sécurité !

On pourrait se dire que Mantes La Ville, ce n’est qu’une commune et qu’il ne faut pas généraliser l’action des maires FN. Malheureusement d'autres communes de même obédience connaissent des dérives identiques (2,3). Je cite : « Dès leur arrivée au pouvoir en 2014, les maires Front National n’ont pas hésité à faire des exemples. La Ligue des droits de l’homme et le Secours populaire ont été et sont toujours les deux associations les plus visées. Neuf jours après son élection, Steeve Briois mettait à la porte la LDH d’Hénin-Beaumont, qu’il jugeait trop « politisée ». [...] A Hayange, dans l’Est, le maire Fabien Engelmann s’en prend depuis plusieurs mois au Secours populaire, considérant, dans un communiqué du 30 septembre dernier, que « madame la présidente (du Secours populaire) et son trésorier ont instrumentalisé l’antenne d’Hayange à des fins politiques [...] ».

Là où le constat devient encore plus intéressant - et inquiétant - c’est lorsque l’on s’intéresse à la face caché de l’iceberg. Je cite toujours : « Car si ces maires médiatisent ces choix, cela masque habilement des stratégies, plus discrètes, de mise au pas généralisée du reste des associations. Les refus de soutien financier ou de prêt de matériel ne se drapent pas toujours d’arguments « politiques ». Il faut creuser pour s’apercevoir que, dans ces trois communes FN, le diable se niche dans les détails. Parmi les méthodes : des obligations inscrites dans les conventions signées entre mairie et association ou bien, plus cynique, la pratique du mépris et de virulentes intimidations via les réseaux sociaux » (2). A Forges, je crois avoir rappelé l’existence d’un contrat cadre de partenariat et des clauses léonines qu’il comporte, que la municipalité a tenté d’imposer aux associations. J’ai également décrit le mépris avec lequel sont traitées certaines associations, ou leurs représentants. Quant aux propos tenus sur les réseaux sociaux, il n’est certes pas question d’intimidations, mais on reviendra plus tard sur ce sujet particulièrement intéressant...

On pourrait bien sur arguer que L’Huma et Libé sont de parti pris. Sans doute. Aussi me suis-je intéressé à un article du Point, journal que l’on ne peut qualifier de « journal de gauche », sauf à se positionner soi-même très à droite de l’échiquier politique. Dans un article de 2016 (4), le Point fait les mêmes constats que ceux faits par Libé, L’Huma ou Basta. Je cite, là aussi « Dans la ville de Moselle [Note : il s’agit d’Hayange], c'est le Secours populaire qui est visé. Fabien Engelmann, le maire FN, lui demande de rendre les clés de son local occupé jusqu'à présent à titre gratuit, car l'association mènerait une  « propagande pro-migrants » [...] Déjà, à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ou Mantes-la-Ville (Yvelines), la Ligue des droits de l'Homme, accusée d'être « politisée », avait été visée. A Fréjus (Var), c'est un centre social qui a été fermé, comme la « Maison du vivre ensemble » à Beaucaire (Gard) [...] A chaque fois, le débat est le même entre exécutifs frontistes et opposants: d'un côté, les édiles d'extrême droite arguent d'une « chasse au gaspi » et d'économies jugées indispensables dans des contextes budgétaires contraints ».

Dans son choix de mise au pas des associations, le maire FN de Hayange, déjà cité, avait décidé de couper l’électricité et le gaz au Secours Populaire (2) au motif que cette associations serait « pro-migrants » en plus d’être « une succursale du Parti communiste » (sic). Il s‘agissait d’en gêner, voire d’en empêcher le fonctionnement. À Forges, deux associations occupent des locaux dans lesquels un des deux cabinets de toilettes est hors service, en raison d’une coupure d’eau et de travaux de réfection de la cuisine entamés par la municipalité voilà plus de 14 mois, et toujours à l’arrêt depuis malgré les multiples relances associatives. Cette coupure d’eau et la mise hors service de l’ancienne cuisine sans volonté de réparation ont le même effet que la coupure d’électricité, à savoir entraver le fonctionnement des associations. Il ne reste disponible dans leurs locaux, en effet, qu’un seul WC et un seul point d’eau, un tout petit lavabo qui sert surtout au lavage des mains. Impossible pour les associations de s’y développer et difficile d’y travailler au quotidien. Étrange parallèle avec la situation lorraine, non ?

Les similitudes ne s’arrêtent pas là. Au Luc, commune dirigée par un élu FN, on constate une valse impressionnante des personnels communaux. Ce sont 4 DGS (directeurs des services) qui ont quitté la commune (3). Dois-je rappeler qu’à Forges, de très nombreux mouvements de personnels ont aussi affecté la commune (5,6) ? Hors des départs en retraite, nous en sommes, en un an et demi de mandat, à deux DGS, à savoir la candidate potentielle et une nouvelle DGS restée en poste quelques mois, plus la nouvelle responsable du service urbanisme, le responsable des services techniques et depuis peu un de ses anciens agents. Indéniablement, un bon rythme !

Au vu de ce qui précède, je pense qu’il existe des similitudes assez surprenantes entre notre commune et des communes « frontistes », mais je vous laisse juge de l’existence ou non d’une gouvernance forgeoise proche par certains aspects de celle de l’extrême-droite. Je dois cependant, pour terminer cet article, mentionner que les élus FN des différentes municipalités évoquées ont tous en commun une haine assez marquée de l’autre, surtout s’il sont étrangers (1, 2). Selon certains d’entre eux « l'installation de camps de migrants situés à proximité des coeurs de ville engendre des tensions graves, nuit à l'ordre public, asphyxie l'économie locale » (7). Ceci pour la version « soft », car les mots parasites, égoïstes ou lâches sont plus souvent employés. Comment dès lors, ne pas se rappeler - et ne pas rappeler - que nombre d’élus de l’actuelle majorité forgeoise - et/ou certains de leurs proches - ont défilé au coté de cadres du Front National lors du pénible épisode de l’installation forcée de migrants à Forges (8) ?


Note :

* l’article se fonde sur des références de 2015 et 2016 en grande partie époque où le FN était le FN, et pas encore le RN, d’où la nomenclature utilisée. Ce qui ne change rien, convenons en, aux idées qu’il propage et à ses méthodes de gouvernance.


Références :

1. Anonyme. A Mantes-la-Ville, le FN fait le tri dans les associations. Libération. Juillet 2015.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/france/2015/07/11/a-mantes-la-ville-le-fn-fait-le-tri-dans-les-associations_1346420/

2. Ixchel Delaporte. Comment les maires FN musèlent les associations. L’humanité. Décembre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.humanite.fr/comment-les-maires-fn-muselent-les-associations-6287832. 

3. Anonyme. Dans les villes gérées par le RN : budgets sociaux sabrés, démocratie entravée, indemnités des maires augmentées… Basta. Mars 2020.
Consultable en ligne :
https://basta.media/RN-FN-Marine-Le-Pen-extreme-droite-municipales-2020-Henin-Beaumont-identitaires

4. Anonyme ;Dans les mairies FN, une politique sociale et associative ambivalente. Le Point ; octobre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.lepoint.fr/politique/dans-les-mairies-fn-une-politique-sociale-et-associative-ambivalente-04-10-2016-2073341_20.php

5. Cascade de départs parmi les cadres communaux de Forges Les Bains.Ce blog : https://dessaux.blogspot.com/2020/10/cascade-de-departs-parmi-les-cadres.html

6. Ambiance, ambiance. Ce blog :
https://dessaux.blogspot.com/2021/01/ambiance-ambiance.html

7. Anonyme. La municipalité FN de Beaucaire adopte une charte anti-migrants. L’Express. Septembre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.lexpress.fr/actualite/politique/fn/la-municipalite-fn-de-beaucaire-adopte-une-charte-anti-migrants_1835507.html


8. Gurvan Le Guellec. Migrants à Forges-les-Bains : "Je n'ai aucun préjugé raciste, mais..." L'Obs. Décembre 2016.


Crédit illustration :

Le trésorier du FN et une conseillère de ce parti, pris en photographie, lors de la manifestation à laquelle participaient des élus forgeois et/ou leurs proches, en 2016.

https://www.la-croix.com/France/FN-Wallerand-de-Saint-Just-loue-lattitude-plutot-noble-de-Melenchon-2017-04-28-1300843131



5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me disais aussi qu'il y avait un drôle de parfum à Forges !

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je vous remercie pour votre prise de position.
Sincèrement, je suis venue à forges avec ma famille pour son cadre et sa tranquillité et en aucun cas pour profiter d'acquis ou d'aides sociales.

Cependant, depuis l'installation de la nouvelle municipalité, j'ai l'impression d'être de trop ici.

Je pourrais apporter beaucoup par mes connaissances et je trouve dommage l'exclusion ambiante existante.

Bien à vous

Yves Dessaux a dit…

Bonjour,
Merci pour votre retour.
Pour comprendre la situation actuelle, je vous renvoie aussi sur l'article "15 logements à l'hectare...", et aussi sur l'article "l'entre soi comme vision politique locale majeure". Dans ce dernier, je cite la sociologue S. Tissot : "L'entre-soi désigne « le regroupement de personnes aux caractéristiques communes, que ce soit dans un quartier, une assemblée politique, ou encore un lieu culturel. Elle sous-entend l’exclusion, plus ou moins active et consciente, des autres."
Effectivement exclusion il y a sur notre commune, même si on peut estimer qu'elle n'est pas pensée comme telle par les élus (quoique). Mon ressenti est que ces nouveaux élus sont dans une attitude de type "il faut que rien ne change", dans une logique hyper conservatrice, à la fois intellectuellement et socialement, le tout accompagné d'une perception 'naturaliste" de l'ordre social (pour simplifier " il y a toujours eu des riches et des pauvres") et un coeur de cible constitué de CSP+. Tout ceci se traduit par une absence de volonté d'innovation (ex. aucun soutien au projet de télétravail, pourtant si nécessaire, aucun soutien aux projets de transitions environnementale), aucun soutien au projet du CNVA (pour que cela avance il faudrait que la commune pousse derrière, ce qui n'est pas le cas), aucun soutien aux associations à visée sociale, locale ou internationale, bien au contraire. Autre marqueur de cette "exclusion" : la pénalisation financière des nouveaux arrivés qui ont eu l'outrecuidance de s'installer à Forges, la mairie ayant décidé de supprimer leur abattement fiscal sur la taxe foncière...

Anonyme a dit…

Ces ressemblances sont inquiétantes mais elles expliquent des observations que j'ai fait sur Forges il y a peu de temps.

Anonyme a dit…

Je viens de tomber sur votre article. C'est très inquiétant d'autant que j'habitais Forges en 2016 (je n'y suis plus) et que j'y ai vu l'odieux visage de la haine chez certains habitants. Je suis convaincue de la réalité de ce que vous exposez.