jeudi 30 septembre 2021

L’ENTRE-SOI COMME VISION
POLITIQUE LOCALE MAJEURE



La récente démission d’un membres de l’opposition du conseil municipal de Forges, en plein conseil, est un indicateur fort du dysfonctionnement continu de certaines des structures communales. C’est aussi un marqueur de l’entre-soi qui sert de ligne de conduite politique à l’actuelle municipalité. Explications
.

La notion d’entre-soi désigne « le regroupement de personnes aux caractéristiques communes, que ce soit dans un quartier, une assemblée politique, ou encore un lieu culturel. Elle sous-entend l’exclusion, plus ou moins active et consciente, des autres » (1). Ce phénomène est particulièrement sensible dans le domaine immobilier. Comme l’explique Sylvie Tissot dans le même article que celui référencé précédemment (1) : « Les enquêtes consacrées aux quartiers résidentiels montrent d’abord à quel point l’exclusivité contrôlée des espaces est une dimension de la domination sociale. […] Si les lois du marché immobilier sont puissantes, le capital économique ne semble pourtant pas suffire à contrer l’accès des populations indésirables aux habitations, aux quartiers, voire aux villes (2) ». Dans certaines communes, poursuit cette chercheuse, « les élus municipaux s’efforcent d’en réserver l’accès aux classes populaires blanches et respectables ». En accord avec Pierre Bourdieu, on peut donc effectivement estimer que  le contrôle du peuplement des villes est devenu un enjeu politique majeur (3).

J’ai rapporté dans un article précédent quelques éléments permettant de penser que l’actuelle municipalité souhaite voir se développer à Forges une forme d’immobilisme tant intellectuel que social, par exemple au travers de la limitation de l’arrivée de primo-accédants, pour ne citer que cela (4). Cet entre-soi se retrouve aussi au niveau du fonctionnement municipal. Ceci a conduit ce mercredi 29 septembre au soir à la démission de M. Pierre Audonneau, ancien adjoint au maire, délégué aux finances, du conseil municipal. Un mot pour remercier Pierre pour la gestion rigoureuse de la commune pendant les 12 années précédentes. Celle-ci a permis, en maintenant une pression fiscale stable au cours de ces années, de réaliser des investissements importants (gymnase, maison des santé, maison des associations, locaux sportifs, city-stade, centre technique municipal, etc.). Ceci dit, les points les plus intéressants restent les motivations de la démission. Celles-ci sont liées tout d’abord à son éviction du SIAL par les élus majoritaires, alors qu’il était le seul délégué « sérieux » de la commune auprès de ce syndicat, évitant à Forges de se ridiculiser davantage. La mauvaise foi n’étouffant pas la liste majoritaire, celle-ci a reproché à M. Pierre Audonneau, pour justifier cette éviction, l’absence de compte-rendu des réunions du SIAL, comptes-rendus qui auraient du être rédigés par l’ancien président, membre, lui, de ladite liste majoritaire de Forges. Comme réécriture de l’histoire et comme argument bidon, on ne peut trouver mieux ! En fait, la présence d’un élu d’opposition au SIAL devait être « de trop » pour la liste majoritaire, tout simplement. Autre motivation de la démission, le fonctionnement erratique des commissions auxquelles M. Pierre Audonneau appartenait. Ces dysfonctionnements incluent des oublis de transmission d’informations, des convocations tardives, ou des annulations de dernier moment de réunions de travail… Visiblement les élus de la majorité ne sont pas étouffés par l’exactitude, et semblent préférer rester entre eux ! Point intéressant : cette démission, intervenue en conseil municipal, devra être rendue publique et elle ne pourra donc pas être balayée sous le tapis par la majorité actuelle. On verra donc comment cela se traduit dans le compte rendu du conseil.

Ce manque de transparence et ce fonctionnement commun dégradé caractérisent l'entre-soi politique local. Celui-ci se retrouve au niveau d’autres commissions, dont certaines ne se tiennent qu’une fois par an ! On se demande dès lors où sont évaluées et proposées les orientations validées en conseil municipal. Pas en commun, sans doute ! En lien, lors du vote du budget ou du débat d'orientation budgétaire, il avait été fait mention en conseil municipal de documents discutés en commission « finances ». Comme l’a fait alors remarquer l’opposition, ces discussions n’avaient jamais eu lieu. Idem lors du vote récent de la définition d’un périmètre d’étude des ruissellements : les attendus renvoyaient à une décision prise, soi-disant, en commission « urbanisme ». Sauf que cette discussion n’avait également jamais eu lieu. La remarque en a été faite à l’actuelle municipalité qui a décidé de retirer cet « attendu », sans explication, et sans aucune excuse d’ailleurs. On voit donc bien que cette volonté d’entre-soi peut induire des dérapages sérieux, tels que l’invention de décisions prises dans des « commissions fantômes ». Ceci est vraiment peu reluisant en termes de fonctionnement municipal et très inquiétant en termes d’honnêteté intellectuelle !


Références :

1. Sylvie Tissot. Entre soi et les autres. Actes de la recherche en sciences sociales. 204, 4-91, 2014.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2014-4-page-4.htm

2. Luc Boltanski. L’encombrement et la maîtrise des « biens sans maître». Actes de la recherche en sciences sociales. , 1, 102-109, 1976.

3. Pierre Bourdieu. Effets de lieu. pp. 159-167. In : La Misère du monde, Le Seuil, Paris. 1993.

4. Quinze logements à l'hectare en centre bourg ? Vraiment ?

Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/08/quinze-logements-lhectare-en-centre.html


Crédit illustration : 

Le chat de Ph. Geluck.

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