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dimanche 14 mars 2021

SARS-COV2 : COMMENT LE DETECTER.
II. LA RECHERCHE D’ANTICORPS.





Suite de l’explication des différents tests disponibles pour la détection du virus, ou de contamination éventuelles.


Alors que le test antigénique visait à détecter la présence du virus dans les échantillons, la recherche d’anticorps vise, elle, à évaluer si une personne a été ou non en contact avec le virus. En ce sens, un test positif, montrant qu’un patient héberge des anticorps anti SARS-CoV2 ne signifie pas que ce patient est porteur du virus.

La détection d’anticorps anti SARS CoV2 se fait dans des prélèvements sanguins. Il existe plusieurs méthodes possibles, celle que je décris ci-dessous porte le joli nom d’ELISA (acronyme anglais pour technique « immuno-enzymatique sur support solide ») et pour être précis ELISA indirecte.



Le test repose sur l’utilisation de plaques en matière plastique, porteuses de cupules. Ces plaques existent en différents modèles, mais celles qui sont présentés sur la figure ci-dessus mesurent environ 13 x 8,5 cm et comportent 96 micro-puits. 


Le fond de chaque puits est revêtu de composants du virus SARS-CoV2, généralement des protéines (schématisées par des hexagones gris ci-dessus). L’extrait sanguin (sérum ou plasma) de la personne à tester est apporté dans le micropuits. Si la personne porte des anticorps anti-virus (en vert, panneau de gauche sur la figure), ces anticorps réagissent avec les composants protéiques du virus fixés au fond du puits, et vont s’y « accrocher ». Le sérum ou plasma est ensuite éliminé, le puits lavé, et on ajoute ensuite un anticorps anti-anticorps humain (en bleu) couplé à système de détection (en rose ; dans le vrai test tous ces produits sont incolores !). Si le patient portait des anticorps anti-SARS-CoV2, ceux-ci sont restés fixés au fond du puits « attachés » aux protéines virales, malgré les lavages, et ils sont donc reconnus par l’anticorps anti-anticorps humain. Il reste alors, après lavage de l’anticorps anti-anticorps humain, à activer le système de détection qui diffère selon les fabricants de kits de détection. Ce système peut être une enzyme produisant par son activité un composé coloré (voir la micro-plaque, tout en haut : le composé produit est jaune). Si le patient n’a pas d’anticorps anti-SARS-CoV2, rien ne s’est accroché au fond du puits sur les protéines virales, l’anticorps anti-anticorps humain ne se fixe donc pas, et on ne détectera donc aucun composé coloré dans le micro-puits.

L’intérêt des la technique ELISA est d’être sensible, plutôt spécifique, et dans certaines conditions, de fournir une estimation de la quantité d’anticorps présent dans le sang du patient. Le résultat est disponible en 2 heures environ. La détection se fait visuellement, sans appareillage coûteux, et la mise en œuvre est à la portée de tout technicien biologiste formé. Point remarquable, cette technique peut aussi être automatisée, permettant dès lors de réaliser plusieurs centaines de tests par jour, voir plusieurs milliers avec un instrument « tournant H24 ». Néanmoins, dans ce cas, le coût des robots est élevé mais peut se justifier dans le cadre de campagnes massives de dépistage ou dans le cadre d’un regroupement de labos d’analyse. Inconvénients : les kits de détection, et en particulier les produits permettant de réaliser la réaction colorée (ou lumineuse) sont chers. La technique nécessitant du matériel de labo et des condition d’incubation contrôlées, elle n’est pas la plus simple à mettre en place sur le terrain.

Je rappelle ce que j’écrivais plus haut : la présence d’anticorps dans le sang (donc la séropositivité au SARS-CoV2) ne signifie pas que la personne testée est porteuse du virus, mais simplement qu’elle a été en contact avec ce virus. Par ailleurs, et c’est là tout son objet, les personnes non contaminées par le virus, mais vaccinées, porteront également, si leur système immunitaire a répondu, des anticorps dirigés contre certains composants du virus. Ces personnes seront donc également « séropositives ».

Je sais que ce type d’article est parfois compliqué à comprendre en dépit des efforts de clarté que je tente de faire. Si ces questions vous intéressent, ou si vous avez besoin de précision, il est toujours possible de me contacter en renseignant les cases « pour me contacter », tout en bas à droite des pages de 10 articles, à côté des statistiques de fréquentation.



Crédits illustration :

Laboratory techniques to evaluate the antibody immune response in the pig. Pig333.com.
https://www.pig333.com/articles/laboratory-techniques-to-evaluate-the-antibody-immune-response-in-the_13898/

Société VWR ; Plaque 96 puits.
https://be.vwr.com/store/product/fr/2058319/plaques-de-culture-cellulaire-a-96-nbsp-puits



samedi 13 mars 2021

SARS-COV2 : COMMENT LE DETECTER.
I. LE TEST ANTIGÉNIQUE.




Nous avons presque tous entendu parler des tests permettant la détection du virus responsable de la CoViD-19. Il existe 3 catégories de tests, un test de recherche d’anticorps dans le sang des patients, un test antigénique qui vise à rechercher des éléments du virus dans un prélèvement naso-pharyngé, et un test RT-PCR qui a pour objectif de repérer des éléments du génome viral dans le même type de prélèvements. Je me suis dit que quelques explications autour de ces tests pourraient éventuellement intéresser les lecteurs de ce blog. Je commence aujourd’hui par le test antigénique.

Ce test a pour objectif de rechercher des antigènes viraux qui sont essentiellement les protéines qui constituent la coque du virus. Au travers de la recherche de ces antigènes, c’est donc la présence du virus qui est analysée. À partir du prélèvement naso-pharyngé réalisé en général au moyen d’un petit écouvillon flexible, le biologiste, médecin ou pharmacien responsable du test procède à l’extraction d’éventuelles particules virales par simple imprégnation avec une solution appropriée, et il ajoute ensuite à cette solution un anticorps qui reconnaît spécifiquement les protéines du SARS-CoV2. Cet anticorps est couplé à une substance colorante. Sur le schéma ci-dessous, cet anticorps couplé est représenté en vert, et le colorant en orange foncé. Dans le cas où le patient héberge des particules virales (partie gauche de la figure), l’anticorps couplé au colorant reconnaît ces particules virales (représentées sous forme d’un hexagone gris foncé) et forme un complexe anticorps-virus. Si le patient n’est pas contaminé (partie droite de la figure), l’anticorps couplé ne forme aucun complexe.



L’ensemble de la solution est ensuite déposé sur un petit dispositif en plastique qui renferme une bandelette sur laquelle sont fixés à un endroit un autre anticorps reconnaissant spécifiquement les protéines du virus (en vert foncé sur le schéma), et à un autre endroit un anticorps reconnaissant les anticorps utilisés dans le test (en bleu sur le schéma - dans la réalité, ceux-ci sont bien sûrs invisibles). Le dépôt liquide imprègne progressivement la bandelette et tous les éléments qu’il contient migrent à partir de la zone de dépôt. La migration des anticorps couplés, complexés ou non au virus, s’arrête au niveau de l’anticorps anti-anticorps antivirus sur la bandelette, ce qui provoque une accumulation visible du colorant, et l’apparition d’un trait, ici orange. Ce trait apparaît au niveau du repère C : contrôle. Si anticorps couplé se trouvait complexé par la présence du virus, une partie de ce complexe aurait aussi arrêté sa migration au niveau de l’anticorps antivirus fixé, provoquant également l’accumulation du colorant et l’apparition d’un second trait. Ce second trait apparaît au niveau du repère T : test.

Ce type de test antigénique, appelé test immuno-chromatographique, est utilisé pour la détection du SARS-CoV2 et d’autres virus, mais également dans certains tests de grossesse et dans des tests de détection de substances stupéfiantes par les forces de l’ordre. L’avantage de ce type de test et qu’il ne nécessite pratiquement aucun matériel, peu ou pas de connaissances techniques, et qu’il peut être réalisé par toute personne un tant soit peu soigneuse. Il est également relativement rapide puisque la migration des composés peut prendre, selon le type de support, le type d’anticorps, etc. de 5 à 30 minutes environ. Il est également relativement peu coûteux. Dans le cas de la détection du SARS-CoV2, la seule étape délicate est le prélèvement qui doit être fait par du personnel formé. Comme on ne peut pas tout avoir, ces tests antigéniques présentent cependant quelques défauts, le premier d’entre eux étant d’être moins sensible généralement que des tests PCR. Certains d’entre eux sont également relativement sensibles à la température et ne doivent pas être utilisé sur le « terrain » par exemple par grand froid. Un certain nombre de « faux positifs » a également été observé dans les tests anti SARS-CoV2, sans qu'aucune explication précise puisse être donnée. Ces tests sont donc essentiellement des tests rapides d’orientation qu’il est nécessaire dans certains cas de confirmer par des tests plus fins de type PCR.

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jeudi 31 décembre 2020

LE SARS-CoV2 MUTANT EN PROVENANCE D’AFRIQUE DU SUD PRÉSENTE-T-IL UN NOUVEAU RISQUE SANITAIRE ?




L’un des rares points positifs de l’épidémie de CoViD19 est que les Français auront appris quelques éléments de base de biologie. Il est devenu clair pour un grand nombre d’entre nous que tous les virus mutent au cours de leur cycle infectieux. C’est ensuite la pression sélective qui « fait le reste », conservant les mutations les plus adaptées, qui contribuent à ce que l’on appelle la fitness virale, c’est à dire à sa capacité de se transmettre rapidement et se reproduire efficacement.


Dans ce contexte, le mutant du SARS-CoV2 apparu en Angleterre semble plus infectieux que les souches parentales virales déjà connues, tout en conservant le même pouvoir pathogène (c’est à dire une capacité d’induire la maladie) et la même virulence (sa capacité à induire des symptômes plus ou moins graves en lien avec sa capacité de multiplication dans l’hôte). Bonne nouvelle malgré tout, la mutation principale caractérisant ce mutant ne modifie que très partiellement la protéine (les termes soulignés sont définis dans le glossaire ci-dessous) dite Spike, qui se trouve à l’extérieur du virus. Cette protéine Spike est cruciale pour la multiplication du virus, puisqu'elle présente une structure qui permet sa reconnaissance par un récepteur (dit ACE2) situé à l’extérieur de certaines cellules humaines. Cette reconnaissance provoque une invagination de la membrane cellulaire qui entoure alors le virus, lui permettant ainsi de rentrer dans la cellule où il va se multiplier.

Les vaccins autorisés de type à ARN messager (ARNm) ciblent justement la protéine Spike en induisant chez les personnes vaccinées la fabrication d’anticorps dirigés contre cette protéine. Ces anticorps lient la protéine, donc le virus, et le complexe ainsi formé est dégradé par certains de nos globules blancs, permettant l’élimination du virus. La crainte - justifiée - était que les mutations touchant la protéine Spike pourraient empêcher sa reconnaissance par les anticorps, annihilant ainsi l’efficacité vaccinale. La bonne nouvelle que j’évoquais plus haut est que tel n’est pas le cas. Les vaccins actuellement proposés sont a priori aussi actifs contre le « mutant anglais » que contre les souches de SARS CoV2 « d’origine »...

Un autre mutant (ou variant) du virus inquiète davantage les spécialistes. Il s’agit du mutant d’origine Afrique du Sud connu sous le nom de 501.V2. Il semble en effet que la fitness de cette souche soit plus élevée, celle-ci se propageant plus rapidement. En accord, 90% des virus circulant en Afrique du Sud sont du type 501.V2. Cependant la souche ne paraît pas plus virulente. Elle se propage simplement plus vite, avec un effet potentiel défavorable donc sur le fameux « R effectif », c’est à dire le taux de reproduction du virus, rendant le contrôle de la dispersion virale plus difficile. L’autre problème est que la mutation touche une région de la protéine Spike qui est précisément celle qui est reconnue par le récepteur des cellules humaines, et une des régions majeures reconnues par les anticorps vaccinaux. Pour le moment, il ne semble pas y avoir un impact sur l’efficacité des vaccins à ARNm parce que ceux-ci induisent la fabrication d’anticorps qui reconnaissent plusieurs régions de Spike, mais un doute et des incertitudes demeurent*. Par ailleurs, cette mutation pourrait affecter la détection des génomes viraux par la technique RT-PCR, obligeant à revoir la stratégie mise en place pour la détection.

Quoi qu’il en soit, la force des vaccins à ARNm est qu’il sera très certainement possible de proposer une formulation modifiée du vaccin très rapidement, prenant en compte la mutation qui caractérise 501.V2. On peut même envisager de produire si besoin était, comme pour la grippe, un vaccin composé de plusieurs ARNm ciblant les protéines Spike des « souches d’origine » du SARS-CoV2 ainsi que celles des mutants anglais et 501.V2. A ce stade, pas de panique donc, mais vigilance accrue d’autant que le premier cas de malade porteur de ce mutant a été identifié très récemment en France, chez un voyageur de retour d’Afrique du Sud.


*Note ajoutée le 23 février 2021 :

Une publication scientifique récente fait état d'une efficacité un peu plus faible des vaccins ARN sur le variant d'Afrique du Sud, mais qui sera probablement sans conséquence sur le niveau de protection conféré. 
 La situation est plus défavorable pour les autres vaccins : les formulation de Novavax et Johnson et Johnson ont montré une moindre efficacité en Afrique du sud, pays majoritairement infectée par son variant.
Le vaccin Astra Zeneca semble lui peu efficace contre le variant sud Africain. En lien, le gouvernement sud-africain a suspendu l'usage de ce vaccin dans son pays.


Crédit photo :

https://theconversation.com/nouveau-variant-du-coronavirus-sars-cov-2-detecte-en-angleterre-que-faut-il-savoir-152398


Glossaire :

Protéine : Il existe trois grands types de composés biochimiques, communs à tous les êtres vivants, à savoir les sucres, les lipides et les protéines. Les sucres sont décrits plus bas. Les lipides sont, de façon simplifiées, des matières grasses. Ils jouent des rôles fondamentaux dans les cellules, composant de nombreuses membranes cellulaires assurant à la fois étanchéité et plasticité. Les protéines sont des constituant essentiels, et jouent de très nombreux rôles comme éléments de structure des cellules, un peu comme des "échafaudages" ou des "routes" internes aux cellules. D'autres protéines, assemblées en groupes, sont des "moteurs cellulaires" permettant par exemple aux cellules de se déplacer, ou d'incorporer des éléments extracellulaire, par exemple pour se nourrir. Nos muscles sont essentiellement constitués de protéines. Un rôle fondamental est celui des protéines dites enzymes qui assurent les réactions métaboliques des cellules, y compris les division et réplication de l'ADN. Dans le cas qui nous intéresse, ce sont des protéines présentes vers l'extérieur des cellules bactériennes, ou des virus, qui sont susceptibles de déclencher des réactions immunitaires.

Spike : la protéine Spike (ou protéine S) est un composant essentiel du coronavirus. Elle est présente à l’extérieur du SARS CoV2. Elle permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines. La protéine Spike est reconnue par un récepteur protéique situé sur certaines cellules humaines, qui se lie avec elle, permettant l’incorporation du virus dans la cellule. Spike est aussi la cible des anticorps produits par l’organisme après l’infection ou vaccination.

ARN messager : les ARN messagers sont produits par toutes les cellules vivantes. Ils correspondent à la copie de chacun des gènes exprimés du génome, copie qui sera lisible par la machinerie cellulaire pour la fabrication des protéines. Les vaccins autorisés utilisent des ARN messagers du SARS-CoV2 qui déterminent la fabrication de la protéine Spike qui entoure le virus, et entraînent leur reconnaissance par le système immunitaire.

Anticorps : ensemble de protéines (associées à des sucres) produites par le système immunitaire en réponse à un composé immunogène et capable de s'associer à lui pour induire sa dégradation par des « globules blancs ».





mercredi 25 novembre 2020

UN HOLD-UP MANQUÉ !





Difficile d’avoir échappé au bruit médiatique causé par la diffusion du documentaire « Hold Up », produit par Pierre Barnérias, Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé. Ce film, d’une durée de 2h40, se fonde sur les interviews d’une petite quarantaine de personnes pour nous dévoiler un message fondamental que l’on peut formuler comme suit : la pandémie de CoViD-19 a pour seul but de provoquer une obligation vaccinale qui permettra l’injection de nanoparticules activables à distance, permettant l’élimination d’une très grande partie de la population mondiale. Je le dis tout de suite, ce documentaire est fondamentalement frauduleux. Je commencerai par apporter ma pierre à la déconstruction des arguments présentés et finirai par m’interroger sur le « qui est derrière » ce documentaire.


Pour soutenir la thèse des auteurs de ce film, thèse que j’ai présentée plus haut, plusieurs des intervenants tiennent des propos soit erronés, soit mensongers. Je les relève quelque peu en désordre, tels qui sont apparus dans le documentaire. Une première erreur consiste à dire que la situation en Suède est bien meilleure qu’en France alors que ce pays n’aurait pas mis en place les mesures restrictives ce que nous connaissons. S’il est vrai que le nombre de décès dus à la CoViD-19 est bien moindre en Suède qu’en France, cela est essentiellement dû à la plus faible population du pays. Si l’on ramène le nombre de décès dus à la CoViD-19 en Suède à une population équivalente, on trouve alors des valeurs qui sont sensiblement identiques à celles que nous connaissons. On peut bien sûr arguer que cela démontre l’inefficacité des mesures de confinement, ce qui resterait cependant une conclusion erronée puisqu’il faut comparer toutes choses égales par ailleurs. La population suédoise étant bien moins dense que la population française, les risques de dissémination du virus y sont beaucoup plus faibles. En accord, si l’on compare le taux de décès dus à la CoViD-19 en Suède avec ceux de la Finlande qui dispose d’une typologie de population quasi identique, on constate que les résultats suédois sont bien pires que le résultat finlandais (pour une analyse au 20 mai 2020, voir 1).


Un autre mensonge propagé par ce film et qu’il existerait au Canada des camps d’internement de malades de la CoViD-19. Ceci a été démenti plusieurs fois, et fait partie des légendes urbaines récentes. Il n’y a d’ailleurs pas de témoignages de personne ayant été internée dans un tel établissement, et l’on peut donc considérer que cette affirmation est totalement fausse (2). Erreur suivante : il n’y aurait pas de surmortalité entre l’année 2020 et les années 2018 et 2019. Il suffit pour se convaincre du contraire, de visiter le site de l’INSEE. Les courbes de mortalité révèlent, entre 2018 et 2019 d’un côté, et 2020 de l’autre, une surmortalité de l’ordre de 15 % (3). Je poursuis avec trois autres contrevérités. La première information fausse serait que les hôpitaux bénéficieraient financièrement d’une déclaration de décès liés à la CoViD-19. Il s’agit là d’une autre légende urbaine, qui a également été démentie par plusieurs instances (4). La seconde est qu’il serait interdit de pratiquer des autopsies sur les personnes soi-disant décédés du CoViD-19. Ceci est totalement faux. L’OMS donne d’ailleurs des lignes directrices précises pour procéder à de tels examens qui nécessitent la mise en place de mesures de sécurité visant à éviter tout risque de contamination du personnel pratiquant ses autopsies (5). La 3e contrevérité serait que la vaccination anti-poliomyélitique aurait causé 400 000 paralysies parmi les enfants vaccinés en Inde. Là aussi, cette rumeur persistante a été démentie (6). La vaccination contre la polio est en fait un véritable succès, puisqu’elle a permis la quais eradication de cette maladie en Europe depuis des années et très récemment en Afrique (7).


Je pourrais continuer encore assez longuement sur la liste des erreurs factuelles, par exemple sur celles concernant les analyses par PCR, analyses que j’ai pratiquées sur d’autres organismes que des virus pendant des années. Je voudrais simplement contredire encore un élément important. Contrairement à ce qui nous est affirmé sur la foi d’un brevet, le SARS-CoV2 n’a pas été construit par l’institut Pasteur. Si le brevet existe effectivement, celui-ci a été déposé dans le but de développer des techniques de détection de divers Coronavirus, et non pas de développer un virus hyper pathogène. Ce mensonge est tellement délétère pour l’image de l’institut Pasteur que la direction de cet institut va déposer plainte en diffamation contre les auteurs du documentaire (8).


Hold Up est cependant astucieusement construit. Le film conduit le spectateur à penser que le message central délivré par les promoteurs du documentaire, à savoir l’existence d’un complot visant à réduire la population mondiale, est exact. En effet, la présentation des éléments que j’ai décrits ci-dessus est telle qu’elle induit chez le spectateur la croyance qu’il y a « anguille sous roche », en mélangeant aux mensonges que j’ai listés des éléments factuels, vérifiables et exacts, par exemple sur le fait que l’industrie pharmaceutique gagne de l’argent (quel scoop !), sur les discours contradictoires que nous avons entendus sur le port du masque, ou sur le manque de moyens des hôpitaux. De plus, la multiplication des ces informations, qui a pour objectif de saturer le cerveau donc de l'empêcher de travailler en « allant au plus simple », rend l’hypothèse du complot plus facilement acceptable. Cependant, et c'est sa faiblesse, Hold-up s’appuie sur un raisonnement par inférence. Sur le fondement des prémisses (c’est à dire des propositions préalables) qu’il présente comme vraies, il induit la conclusion que l’hypothèse du complot présentée est également vraie. Malheureusement, dans ce type de raisonnement, si une des prémisses est erronée, les conclusions sont fausses. Je crois avoir largement démontré que plusieurs des prémisses sont en fait mensongères, ce qui permet de conclure que l’ensemble du raisonnement l’est aussi, et donc que la conclusion est fausse. Il n’en reste pas moins vrai que ce documentaire est particulièrement dangereux, dans la mesure où tous les spectateurs, et particulièrement les plus jeunes, ne disposent pas des éléments factuels et intellectuels pour démonter l’argumentaire. Le film ayant été vu aujourd’hui par plus de 6 millions de personnes, je crains qu’il renforce dans une part non négligeable de l’opinion la croyance en des théories - pour ne pas dire des délires - complotistes les plus extrêmes. 


Reste à savoir à qui profite le crime. Pour cela je me suis intéressé au Curriculum Vitae de son principal promoteur, et aux financements obtenus. Pierre Barnérias est un journaliste qui a travaillé dans de nombreux médias et qui a fondé en 2010 son agence de production, Tprod. Proche des milieux catholiques (9), il produit dans les années qui suivent un documentaire sur les secrets de Fatima, et un autre sur les manipulations qui auraient été orchestrées par les autorités lors des différents défilés de la « Manif pour tous ». Les deux points les plus intéressants pour comprendre qui est « le mouvement profond » qui se cache derrière ce documentaire, sont à mon sens qui a financé le film et qui a été interviewé. Côté gros sous, le documentaire a bénéficié de financements participatifs sur 2 plates-formes, Ulule et TiPee, où des sommes considérables ont pu être récoltées en peu de temps. Néanmoins, M. Alexandre Boucherot, fondateur de Ulule, indique que « Très vite on s'est rendus compte [que le documentaire] débordait du cadre initial supposé (le pluralisme des voix) pour devenir un étendard de thèses complotistes très éloignées de ce que l'on défend sur Ulule » et il précise que la commission que Ulule prélève sur ces financements sera reversée à une « association de défense de l'information » (10).


Par ailleurs, comment ne pas voir les proximités entre le thème de ce documentaire et des thèses défendus par le mouvement Qanon, mouvement états-unien, proche de l’extrême droite et de M. Donald Trump, convaincu de l’existence d’un « Etat profond » qui serait dirigé par des pédophiles et des satanistes et soutenu par les banquiers et les médias « mainstream ». Je cite Wikipédia (11): « Mediapart relève que le documentaire comporte de nombreux « clins d’œil à la nébuleuse QAnon, en agitant le spectre d’un « gouvernement mondial », en évoquant l’« État profond » ou la « grande réinitialisation » voulue par Bill Gates et ses amis », et qu'il « se termine d’ailleurs sur la lettre à Trump de Monseigneur Vigano, ancien ambassadeur au Vatican, qui reprend la plupart des lubies des QAnon et a été à l’origine diffusée par le mystérieux Q » ». En accord, Hold Up fait la part belle dans les interviews à des personnalités plus que douteuses, présentées comme des spécialistes. Je cite ci-dessous une petite partie de l’enquête d’Acermandax sur le blog « La menace théoriste », dont j’ai pu vérifier les propos, et qui a scruté ces participants (12). Nous y retrouvons : « Alexandra Henrion-Caude, généticienne catholique intégriste, proche de l’extrême droite, anti-avortement (13); Jean-Bernard Fourtillan, pharmacien, opposant farouche à la vaccination qu’il décrit comme un « massacre imposé à tous les enfants nés en France depuis le 1er janvier 2018 » [...] et prétend avoir reçu de Dieu la formule d’un médicament sur lequel il a mené (avec Henri Joyeux) des essais cliniques illégaux dans une abbaye (14); Silvano Trotta, entrepreneur, connu comme antivaccin, qui prétend que la Lune est un satellite artificiel creux (15), proche de Qanon ; Nadine Touzeau (soi-disant “profiler”‘) enseignante dans la « fausse » école IHECRIM dont le directeur Laurent Montet a fini en prison. [...] Elle est condamnée elle-même pour escroquerie d’une famille endeuillée à qui elle réclamait 60.000€ pour enquêter sur le meurtre de leur fils en réalité suicidé (16) ou Valérie Bugault (17), avocate fiscaliste, candidate UPR en 2014. Conseillère et consultante pour l’organisation ultra catho Civitas, à ce titre, elle reconnait, je cite « la nécessité de restaurer une France catholique ». Conférencière pour Égalité & Réconciliation, promotrice de la théorie QAnon ». Bref, que du beau monde !


Ce documentaire est bien un véritable hold-up, mais c’est aussi et surtout une manipulation de l’opinion. Comme le disait très justement un internaute dont je ne retrouve plus trace, au sujet de cette manipulation, « La liberté d’expression l’autorise, les réseaux sociaux l’amplifient, la cupidité l’exploite, et la bêtise la rémunère »… Mais Hold-up est aussi une opportunité ratée, côté intelligence et sens critique. Dommage car la pandémie de CoViD19 devrait être l’occasion de poser nombre de question majeures, fondamentales en démocratie, telles que la place et le pouvoir des mutinationales (GAFA ou autres) par rapport aux Etats, les politiques de services publics (ou plutôt devrais-je dire le
« management » de ces services) à l'image des entreprises. J'inclus là la gestion des hôpitaux, des stocks de produits fondamentaux : masques, gants et médicaments, etc. Autres questions en suspens, le contrôle des populations par des instances non démocratiques (actuellement, nous nous conformons aux décisions prises par un conseil de défense, instance exécutive découplée de la représentation parlementaire - cela ne peut perdurer) ou, voir l’ouvrage d’Herman et Chomsky, la fabrication du consentement qui nous conduit collectivement à abandonner - temporairement et sans nier la gravité de la situation sanitaire - une partie de nos libertés fondamentales sur l’autel des « sécurités ».




Références


1. Anonyme. Les Echos. Mai 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/monde/europe/coronavirus-la-suede-deplore-plus-de-4000-morts-1205793

2. Sur les soi-disant camps d’internements canadiens voir:
https://hoax-net.be/non-le-canada-ne-va-pas-construire-des-camps-de-concentration-pour-les-infectes-du-covid-19/ 

7. Succès vaccinal en Afrique
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/08/25/la-polio-eradiquee-en-afrique-selon-l-oms_6049859_3212.html

8. Sur la plainte de l’Institut Pasteur
https://www.huffingtonpost.fr/entry/hold-up-linstitut-pasteur-va-porter-plainte-en-diffamation-contre-le-realisateur-pierre-barnerias_fr_5fbc0f8bc5b6e4b1ea44fb45

9. Page Wikipédia sur Pierre Barnérias
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Barn%C3%A9rias

10. Louis Heidsieck. Hold-Up : comment les plateformes de financement ont validé le documentaire. Le Figaro. Novembre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/hold-up-comment-les-plateformes-de-financement-ont-valide-le-documentaire-20201113

11. Page Wkipédia sur Hold Up
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hold-up_(film,_2020)

12. Acermandax. Hold up le film : la vérité c’est important !
https://menace-theoriste.fr/hold-up-le-film-la-verite-cest-important/

13. Sur la proximité intellectuelle d avec les catholiques « pro-life », voir son interview :
https://www.cath.ch/newsf/leglise-doit-parler-de-lexistence-de-lame-demande-la-geneticienne-alexandra-henrion-caude/

14. Aveline Marques. L'improbable pacte secret proposé par le Pr Fourtillan à Macron pour "arrêter le massacre" des vaccins. Egora.fr. Décembre 2019.
Consultable en ligne :
https://www.egora.fr/actus-pro/insolite/53919-l-improbable-pacte-secret-propose-par-le-pr-fourtillan-a-macron-pour

15. Anonyme. Complotisme : Martine Wonner dans Hold-up. L’Alsace. Novembre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lalsace.fr/politique/2020/11/16/chuchotements-un-hold-up-non-une-arnaque

16. Anonyme. Hold-up. Une intervenante du documentaire avait été condamnée pour escroquerie en 2014. Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Novembre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.dna.fr/faits-divers-justice/2020/11/17/hold-up-une-intervenante-du-documentaire-avait-ete-condamnee-pour-escroquerie-en-2014#:~:text=Le%208%20janvier%202014%2C%20le,%C2%AB%20tentative%20d'escroquerie%20%C2%BB.

17. Concernant Valérie Bugault, voir :
https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/tag/valerie-bugault/
https://94.citoyens.com/2018/lextreme-droite-anti-republicaine-revient-faire-promo-a-rungis,22-03-2018.html


mardi 10 novembre 2020

VACCIN CONTRE LA COVID-19 : ENTRE ESPOIR ET EFFET D’ANNONCE




Le résultat provisoire avancé hier par le laboratoire américain Pfizer et la société allemande BioNTech, pour spectaculaire qu’il soit, a déjà suscité des réactions importantes. Un effet d’annonce indéniable a agité les médias et entraîné une réponse mon sens disproportionnée en bourse même si les espoirs portés par cette technologie innovante sont réels.


NB: certains termes scientifiques difficiles à comprendre sont soulignés et repérés par un astérisque à leur première apparition. Je fournis un glossaire pour ceux-ci en fin d'article

La stratégie développée par ces deux laboratoires, mais également plusieurs autres dont Moderna aux USA est particulièrement novatrice. Habituellement, les vaccins sont dérivés d’éléments viraux ou bactériens, principalement des protéines* ou de longues chaînes de sucres* (sucre s’entendant au sens biochimique, couvrant donc une gamme plus large que le sucre que nous utilisons quotidiennement). La raison est que ces éléments (protéines ou sucres à longue chaîne) sont souvent des antigènes* immunogènes*, donc capables de déclencher les réponses immunitaires. Celles-ci aboutissent in fine à la production d’anticorps* par notre organisme capables de se lier aux antigènes et de provoquer leur destruction par nos globules blancs. Les stratégies de vaccination classiques reposent sur l’injection des virus ou bactéries pathogènes* neutralisées par un agent physique ou chimique mais conservant suffisamment de pouvoir immunogène. Plus récemment on a utilisé des protéines ou des fragments protéiques d’origine virale ou bactérienne purifiées, obtenus par génie génétique, ce qui présente l’avantage de ne pas avoir à cultiver dans les laboratoires pharmaceutiques les pathogènes bactériens ou viraux. 

Dans le cas du vaccin en cours de développement par Pfizer et BioNTech, et de même dans le cas du vaccin en développement chez Moderna, on utilise cette fois-ci des ARN messagers. De façon simplifiée, les ARN messagers sont produits par toutes les cellules vivantes. Ils correspondent à la copie de chacun des gènes exprimés du génome, copie qui sera lisible par la machinerie cellulaire pour la fabrication des protéines. Les vaccins en développement utilisent donc les ARN messagers du SARS-CoV2 qui déterminent la fabrication de certaines des protéines qui entourent le virus, et entraînent leur reconnaissance par le système immunitaire. Mais l’ARN, où l’ADN, ne sont eux pas immunogènes. Toute l’astuce de ce type de vaccination consiste donc à faire que cet ARN messager soit lu par les cellules de l’hôte auquel le vaccin est injecté, en l'occurrence l'Homme. Ces cellules décryptant le message codé par l’ARN messager synthétisent alors la protéine virale immunogène. Pour cela il faut que l’ARN messager rentre dans la cellule et qu’il y soit protégé de la dégradation, qui peut être parfois rapide. Il s’agit là de deux points (l'entrée et la protection contre la dégradation) majeurs sur lesquels ont achoppé les premiers essais vaccinaux utilisant des ARN messagers. Au laboratoire, plusieurs techniques de protection sont disponibles telles que le recouvrement de microparticules de tungstène ou d’or par cet ARN ou « l’enfermement » de cet ARN dans une « bulle » constituée de lipides. Dans le cadre des développements vaccinaux en cours contre le SARS-CoV2, j’ignore la technique précise qui a été développée. J’ignore également quel est le mode d’administration (intraveineux, intramusculaire sous-cutanée) mais je sais que celui-ci joue un rôle déterminant dans l’efficacité vaccinale. 

L’annonce par Pfizer et BioNTech d’une efficacité vaccinale de 90 % signifie que 90 % des personnes vaccinées ont présenté une réduction de l’incidence de la maladie, donc ont moins contracté la maladie que le groupe vacciné avec un placebo. Cette annonce, effectivement spectaculaire, a engendré, comme je le disais en introduction, une réaction totalement disproportionnée - mais nous en avons l’habitude - des marchés boursiers et spéculatifs. Je n’ai pas un esprit complotiste mais on ne pouvait que s’attendre à ce type de répercussion suite à l’annonce. En lien, l’action Pfizer a grimpé de 8 % en bourse et celle de son partenaire allemand de plus de 15 % à Wall Street, le patron de Pfizer en profitant pour vendre avec profit un petit paquet de ses actions... Or il faut absolument rester prudent. Tout d’abord ce vaccin est encore en phase de test, et les résultats présentés portent sur un tout petit échantillon de personnes (moins d'une centaine), testées par ailleurs peu de temps après la première injection et l'injection de rappel. De plus, même si les populations participant à l’essai représentent une grande diversité ethnique, il est impossible de s’assurer que ce vaccin fonctionnera sur toute la population mondiale. Il faudra aussi s’assurer qu’il protège toutes les classes d’âge, et que son effet perdure dans le temps. Et puis et surtout, il faut souligner qu’il ne s’agit pour le moment que d’un communiqué de presse et en aucun cas d’une communication scientifique

Les espoirs restent néanmoins réels. Tout d’abord dans le cas de la CoViD-19, ce sont presque 200 essais vaccinaux qui sont en cours sur toute la planète, certains utilisant des stratégies conventionnelles, d’autres des stratégies ARN messager. Le véritable espoir que porte cette annonce, à mon sens, réside dans le fait qu’il est visiblement possible de surmonter un certain nombre des obstacles techniques que pose cette « vaccination », qui relève de la thérapie génétique, et que j'évoquais plus haut. L’autre véritable espoir est que l’on peut envisager que cette stratégie vaccinale soit utilisée vis-à-vis de nombreux agents pathogènes, bactéries ou virus, puisque «  il suffit » de disposer de leur génome de d'avoir identifié les protéines immunogènes pour fabriquer facilement en laboratoire la copie ARN messager de leur gène, à introduire dans les cellules de l’hôte. De plus, cette fabrication d’ARN messager se fait essentiellement par voie biochimique ce qui ne nécessite pas l’utilisation de cellules hôtes intermédiaires et donc le risque de contamination par d’autres agents infectieux inconnus. Pour l’anecdote, rappelons que les premiers vaccins antipoliomyélitiques avaient été préparés par infection de cellules de singe contenant un virus (le SV40) susceptible de déclencher la formation de tumeurs chez le rat. Plusieurs entreprises, dont la société Moderna pour les États-Unis, développent des vaccins à l'ARN messager, contre le Zika, le virus d'Epstein-Barr (agent de la mononucléose infectieuse), le très contagieux virus respiratoire syncytial (agent de la bronchiolite) chez l’Homme, contre la rage chez le chien, ou contre différents virus du saumon d’élevage. 

Il n’est pas exclu non plus, et plusieurs équipes y travaillent en France et dans le monde, que l’on puisse développer des approches de vaccination à ARN messager dans le cadre de thérapies anticancéreuses. L’idée sous-jacente est de repérer dans les cellules tumorales un antigène caractéristique, d’en rechercher le gène dans les cellules hôtes, d’en réaliser une copie ARN messager, et d’injecter celle-ci dans l’organisme pour tenter d'induire la production d’anticorps dirigés contre cet antigène, donc contre les cellules des tumeurs qui le produisent. Cette perspective est particulièrement stimulante dans le cas de tumeurs affectant des régions d’organes ou des organes non accessibles à des interventions chirurgicales.


Crédit photo :

https://theconversation.com/demain-vacciner-grace-a-ladn-125267


Glossaire :

Protéine : Il existe trois grands types de composés biochimiques, communs à tous les êtres vivants, à savoir les sucres, les lipides et les protéines. Les sucres sont décrits plus bas. Les lipides sont, de façon simplifiées, des matières grasses. Ils jouent des rôles fondamentaux dans les cellules, composant de nombreuses membranes cellulaires assurant à la fois étanchéité et plasticité. Les protéines sont des constituant essentiels, et jouent de très nombreux rôles comme éléments de structure des cellules, un peu comme des "échafaudages" ou des "routes" internes aux cellules. D'autres protéines, assemblées en groupes, sont des "moteurs cellulaires" permettant par exemple aux cellules de se déplacer, ou d'incorporer des éléments extracellulaire, par exemple pour se nourrir. Nos muscles sont essentiellement constitués de protéines. Un rôle fondamental est celui des protéines dites enzymes qui assurent les réactions métaboliques des cellules, y compris les division et réplication de l'ADN. Dans le cas qui nous intéresse, ce sont des protéines présentes vers l'extérieur des cellules bactériennes, ou des virus, qui sont susceptibles de déclencher des réaction immunitaires.  

Sucres : tout le monde connait le saccharose (nom du sucre de cuisine), le glucose ou le fructose, représentants des sucres dits simples. Il existe aussi des sucres à longues chaines, constitués d'enchaînement de sucres simples, tels que la cellulose, la pectine ou l'amidon. Des sucres à longues chaines se trouvent souvent sur la paroi bactérienne, tournés vers l'extérieur des bactéries, et ils sont aussi susceptibles d'être reconnus par le système immunitaire.   

Antigène : toute substance capable de se lier avec un anticorps (voir définition ci-dessous), même si ce n'est pas lui qui en a déclenché la production.

Immunogène : toute substance capable de déclencher une réponse du système immunitaire. 

Anticorps : ensemble de protéines (associées à des sucres) produites par le système immunitaire en réponse à un antigène immunogène et capable de s'associer à lui pour induire sa dégradation par des "globules blancs".  

Pathogène : toute substance ou agent biologique susceptible de causer une maladie.




dimanche 1 novembre 2020

AGIT-PROP ET RESPONSABILITÉ POLITIQUE



Petit coup de gueule envers les maires qui prennent des arrêtés autorisant la réouverture des commerces de proximité... 

Il faut que je sois clair tout de suite. Je trouve aberrant que l’on autorise des grandes enseignes nationales à vendre des livres, et pas le libraire de proximité. Je trouve tout aussi aberrant que l’on puisse acheter vêtements et chaussures au supermarché, mais pas dans une galerie commerçante attenante. Je trouve aussi discutable que l’on interdise aux restaurants et aux bars de servir des usagers, pourtant à distance les uns des autres, alors qu’on autorise les mêmes personnes à prendre, entassées les unes sur les autres, le RER ou les lignes de métros 1, 13 ou 14 pour ne citer que les plus bondées... 

Ceci posé, je ne comprends pas les maires - ou peut être les comprends-je trop bien - qui prennent des arrêtés autorisant la réouverture des commerces de proximité. Tout d’abord, le ou la maire a un devoir absolu d’exemplarité, me semble-t-il... Ne serait-ce que parce que le ou la maire est le premier magistrat de la commune. Quand les pouvoirs publics demandent un effort à beaucoup d'entre nous, on ne rame à pas à contre courant. Sachant que son arrêté municipal sera instantanément rejeté par le contrôle de légalité en Préfecture, on évite aussi de faire croire à ses administrés que l’on peut aller à l’encontre de décisions préfectorales, surtout lorsqu’il y va de la santé publique. Dans le cas qui nous intéresse, cela ne fait que saper l’autorité du Préfet. Même si le Préfet représente le gouvernement, il représente aussi l’Etat, selon l’article 72 de la Constitution. Ne pas se conformer à une décision préfectorale, es qualité d’élu, participe donc aussi à la décrédibilisation de l’Etat. Comment, dès lors, ne pas voir dans cette « agit-prop », cette politique-spectacle tendance poujadiste, un soupçon, pour ne pas dire une bonne dose d’arrière pensée électoralistes ? 

En cas de désaccord, il ne s'agit pas non plus de garder le petit doigt sur la couture du pantalon. Pour un maire comme pour un conseil municipal, il existe plusieurs façons honnêtes et responsables permettant de manifester son mécontentement. On peut se regrouper entre mairies, faire agir les associations départementales ou nationales de maires, se rapprocher des sénateurs et présidents de départements, on peut alerter la presse et les médias en général, on peut aller en délégation en sous préfecture ou en préfecture. Dans le cas de la fermeture des commerces de proximité, ce n’est pas parce que la ou les questions posées sont légitimes que l’on doit s’abaisser à des comportements relevant de la pure démagogie. Cette façon de procéder est en effet la meilleure façon de discréditer l’action politique, qui n'en a pas vraiment besoin...



LA PANDÉMIE À CORONAVIRUS COMME EXTERNALITÉ NÉGATIVE DE LA MONDIALISATION





Nombreux sont les tenants de l’économie néolibérale qui citent les bénéfices dégagés de la mondialisation économique comme une réussite du capitalisme global. Mais n’est-ce pas finalement qu’un regard très fragmentaire sur notre monde ?


La mondialisation des échanges a pris une ampleur considérable au cours des 20 ou 30 dernières années. De 1980 à 2017, le volume du commerce mondial a été multiplié pratiquement par un facteur 7 (source INSEE). Dans le même temps le PIB mondial a cru d’un facteur 3,5 (1). Il serait malhonnête de ne pas dire ici que cet accroissement de la richesse mondiale a profité à de nombreux pays, souvent encore sous-développés ou en voie de développement dans les années 60, l’exemple le plus significatif étant la Chine. En 40 ou 50 ans, ce pays est devenu l’usine mondiale, et, en 2013, la première puissance commerciale avec 4 160 milliards de dollars de biens échangés. Sur les 15 dernières années la part de la Chine dans le PIB mondial est passée d’environ 5 % à environ 20 % alors que dans le même temps celle de l’union européenne chutait de 25 à 18 % et celle des États-Unis se réduisait légèrement de 27 à 25 % (2). Même dans ce contexte difficile pour les pays de l’union européenne, qui n’ont sans doute pas pris toute la mesure des conséquences internes du libéralisme économique, la mondialisation a eu des conséquences bénéfiques. Ainsi, pour la France, les importations représentaient 13,5 % de la demande intérieure dans les années 50 contre un peu plus de 30 % aujourd'hui. Sur la même période, les exportations sont passées de 14,6 % du PIB français à 30,8 % (1). 

Cet accroissement du PIB mondial a entraîné, au moins partiellement, un recul de la pauvreté. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2008, le nombre des personnes vivant avec moins de 1,25 $ par jour dans le monde a diminué de 500 millions, et leur proportion dans la population totale est tombée de 52 % à 26 % entre 1981 et 2005 (3). Et alors que l’Asie de l’Est et du Sud-Est affichait le taux de pauvreté le plus élevé du monde avec 80 % en 1981, celui-ci est tombé à 18 % en 2020 et 600 millions de personnes sont sorties de la très grande misère. Le même constat peut être fait pour d’autres pays. Ainsi, entre 1981 et 2001, la proportion de la population rurale vivant avec moins de un dollar par jour est passée de 63 à 42 % en Inde, et de 55 à 11 % Indonésie (4). 

Mais derrière cette  apparence merveilleuse de la mondialisation, se cachent des réalités très dérangeantes. Ainsi, au cours des 15 dernières années, la part des emplois en France sous contrôle d’entreprises multinationales étrangères à doublé atteignant pratiquement 18 % (1). Contenu du fait qu’un emploi sur 5 est un emploi du secteur public en France, ce chiffre signifie que pratiquement 1/4 des emplois du secteur privé dans notre pays se trouve sous le contrôle d’entreprises étrangères. Or, on a bien vu lors de crises récentes (Goodyear, Bridgestone, Ford, Continental, Nokia, General Electric, Ascoval, Cargill, etc.) le peu de cas que font ces multinationales de leurs salariés. Si ceci n’était que la seule critique que l’on puisse faire, le bilan global de la mondialisation resterait positif.

Malheureusement il existe de nombreuses externalités négatives (langage d'économistes) à la mondialisation. Définition de l’externalité négative : il s’agit d’une situation dans laquelle un agent économique provoque par son activité des effets négatifs sur autrui, sans contrepartie monétaire. L’exemple le plus simple est la pollution générée par une activité industrielle. Cette pollution n’est pas nécessairement seulement de l’ordre de rejets toxiques, elle peut être visuelle, sonore, etc. Il serait fort long de décrire toutes les externalités négatives de la mondialisation. D’autant, comme le dit Wikipédia, que « l'analyse exhaustive des externalités - en particulier négatives - est loin d'être évidente. Le risque de les omettre s’accroît lorsque celles-ci sont masquées par un surcroît d'activité économique qui fausse le bilan apparent et global de l'événement en cause ». Dans le cas de l'économie globalisée, ces externalités négatives couvrent pourtant de larges domaines relevant de l’environnement - dont le plus visible est sans doute ce que l’on appelle le changement global lié à l’accroissement de la production de gaz à effet de serre - ou du social, avec paradoxalement dans les pays développés un maintien des taux de chômage et de pauvreté à haut niveau expliquant en partie, par exemple en France, la crise des gilets jaunes. Même des économistes « mainstream » le reconnaissent, tel le prix Nobel d’économie 2008 Paul R. Krugman lorsqu’il écrit « Il n’est plus certain d’affirmer, comme on l’aurait fait une douzaine d’année plus tôt, que l’impact du commerce [mondial] sur la répartition des revenus dans les pays riches reste mineur. Il y a de bonnes raisons de penser que cet impact est important et qu'il s'agrandit. Je ne soutiens pas le protectionnisme, mais les libres-échangistes ont besoin de meilleures réponses aux inquiétudes des perdants de la mondialisation » (5). En termes coût, la pollution de l'air, particulièrement sensible dans les villes des usines mondiales, représenterait plus de 5 000 milliards de dollars par an (6)... 

Avec de tels effets négatifs au plan social, environnemental et financier, la mondialisation ne semble pas - à mon avis - compatible avec le développement durable. En sus des problèmes de pollution gravissimes liés aux transports mais aussi la production en masse de biens de consommation, donc de déchets, l’augmentation des échanges a entraîné corrélativement une diffusion accrue d’entités biologiques susceptibles de générer des externalités négatives. Je pense bien sur aux espèces invasives, telles l’écrevisse américaine, l'écureuil gris, le ragondin, le frelon asiatique pour les seules espèces animales qui menacent des écosystèmes entiers et les services écosystémiques rendus, eux aussi difficiles à quantifier. Je pense également, et c’est là le sujet de cet article, que la diffusion massive du SARS-CoV2, agent de la CoViD19 est liée de façon extrêmement étroite pour ne pas dire indissoluble aux échanges mondiaux. En l’occurrence il ne s’agit pas d’échanges de biens (encore que) mais de l’accroissement des flux de personnes entre les différentes parties du monde. Entre 1980 et 2019, le nombre de passagers du transport aérien a en effet doublé tous les 15 ans, et il a décuplé en Chine et en provenance de Chine entre 2005 et 2019 (7). Juste avant la pandémie, ce nombre de passagers s’établissait à presque 4 milliards et demi, soit grosso modo la moitié de la population mondiale. Or, avec l’expérience des précédentes épidémies de SRAS (2002/2003) et de MERS (2012), toutes deux provoquées par des coronavirus, il était évident que dès lors que des cas de CoViD19 étaient apparus en Chine, ceux-ci apparaîtraient en Europe si les flux de voyageurs n’étaient pas très vite bloqués entre ces différentes régions (voir santé publique France (8) à ce sujet et au sujet du rôle des transports aériens). Or au nom de la libre circulation des biens et des personnes, et, disons le d’une vision néolibérale valorisant les échanges mondiaux, pas une seconde il n’a été question de bloquer le trafic aérien entre l’Asie et l’UE, ou l’Asie est les Amériques... Ceci a entraîné l’arrivée de cas en Italie puis en France, puis dans toute l’Europe et le monde. Or si j’en crois les évaluations parues dans la presse, le coût de la pandémie pourrait atteindre, selon le FMI, 9 000 milliards de dollars, soit 10% du PIB mondial (9), dans une estimation déjà ancienne de juin 2020. Un joli montant pour une externalité négative que « les marchés » ne pourront pas, cette fois comme à leur habitude, facilement balayer sous le tapis... 


Références

1. L'essentiel sur... la mondialisation. INSEE. Janvier 2020.
Consultable en ligne
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633242

2. L’économie chinoise. Wikipédia.
Consultable en ligne
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_la_r%C3%A9publique_populaire_de_Chine

3. Pauvreté. Wikipédia.
Consultable en ligne
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauvret%C3%A9

4. Pranab Bardhan. Mondialisation et pauvreté. Pour la science N° 348. Octobre 2006
Consuiltable en ligne
https://www.pourlascience.fr/sd/economie/mondialisation-et-pauvrete-919.php

5. Paul R. Krugman. « Trade and inequality revisited » (2007).
Consultable en ligne
http://hussonet.free.fr/krugman7.pdf

6. Grégoire Normand. La pollution coûte 5 100 milliards de dollars par an selon la banque mondiale. La Tribune. Septembre 2016.

7. Paul Chiambaretto. Trafic aérien mondial, une croissance fulgurante pas prête de s’arrêter. The Conversation. Mai 2019.

8. Santé publique France Le SRAS-CoV, un coronavirus à l’origine d’une épidémie mondiale d’une ampleur considérable. Mai 2019.
Consultable en ligne
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/articles/le-sras-cov-un-coronavirus-a-l-origine-d-une-epidemie-mondiale-d-une-ampleur-considerable

9. Salima Barragan. Quel est le coût du Covid-19? All News, la finance Suisse dans l’E-media. Juin 2020.
Consultable en ligne
https://www.allnews.ch/content/points-de-vue/quel-est-le-co%C3%BBt-du-covid-19


Crédits photos


Rationalité économique et mondialisation
https://academiesciencesmoralesetpolitiques.fr/2014/06/23/rationalite-economique-et-mondialisation/



mercredi 28 octobre 2020

CERTITUDES ET INCERTITUDES AU SUJET DE L’ORIGINE DU SARS-COV2




Je relaye ici les informations fournies par mon collègue Étienne Decroly, directeur de recherche au CNRS, et parues récemment dans le journal de notre bonne maison (1). La question de l’origine du SARS-CoV2 est une des questions centrales dans la pandémie qui affecte actuellement notre planète. Déterminer l’origine du virus pourrait permettre de mieux orienter les recherches visant à développer un vaccin ou des thérapies efficaces. Par une meilleure compréhension des phénomènes qui ont conduit à l’émergence du virus, ces travaux pourraient également permettre d’éviter de nouvelles émergences et de mieux anticiper les conséquences de l’apparition de nouveaux virus.


Grâce aux progrès de la biologie moléculaire, la séquence du virus SARS-CoV2 a pu être rapidement déterminée. La séquence d'un acide nucléique — ADN ou ARN — est la succession des nucléotides qui le constituent. Ces nucléotides, au nombre de 4 dans l’ADN ou l’ARN, sont des molécules liées les unes aux autres, et qui forment, dans le cas de l’ADN la structure bien connue en double hélice. Cette succession de 4 nucléotides symbolisés par les lettres A, T, G et C dans le cas de l’ADN (et A, U, G, et C pour l’ARN) contient l'information génétique de tous les êtres vivants, organisée en unités fonctionnelles que l’on appelle les gènes. Chaque gène contient  des centaines, voire des milliers ou des dizaines de milliers des 4 nucléotides... Il est possible depuis bientôt une trentaine d’années de comparer les différentes séquences de nucléotides des êtres vivants, et d’établir ainsi les proximités existant entre ces êtres. De façon très intuitive et également simplifiée, plus une séquence d’ADN d’un organisme A est proche de celle d’un organisme B, plus ces organismes sont proches au plan évolutif.


Dans le cas du SARS-CoV2 la comparaison de séquences du virus révèle sans aucune ambiguïté sa proximité avec le virus RaTG13 de chauve-souris (96% d’identité entre les séquences virales). Par ailleurs « on ne relève que 79 % d’identité génétique entre SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, et seulement 50 % en ce qui concerne MERS-CoV » (1). Ceci signifie que le SARS-CoV-2 est plus proche de souches virales de chauve-souris que de virus déjà « acclimatés » à l’homme, et donc qu'il ne dérive pas de ces virus acclimatés.


Une question fondamentale est de comprendre comment le SARS-CoV2, virus de chauve-souris, a pu être transmis à l’Homme ? L’hypothèse généralement admise, parce que démontrée pour d’autres virus animaux qui ont conduit à des épidémies, est celle d’une recombinaison entre différents virus, dont certains susceptibles d’affecter l’Homme, dans un hôte intermédiaire. En recherchant dans la séquence génétique du virus responsable de la maladie celle d’autres virus, dont on connaît l’origine et l’hôte habituel, on peut retracer l’origine évolutive des virus et identifier l’hôte intermédiaire. C’est de cette façon que l’on sait que le redoutable virus MERS-CoV a probablement recombiné avec un virus retrouvé chez le dromadaire. Pour le moment, dans le cas du SARS-CoV2, les travaux de recherche n’ont pas permis de retrouver quel pourraient être cet hôte intermédiaire.


À ce jour, 3 hypothèses sont plausibles pour expliquer l’émergence virale. La première est celle que je viens d’expliquer ci-dessus à savoir la recombinaison du virus de chauve-souris avec un autre virus pour le moment inconnu dans un hôte intermédiaire. L’autre possibilité serait que le SARS-CoV-2 aurait pu infecter à bas bruit et très modérément l'Homme, où il aurait recombiné avec un virus, par exemple un virus respiratoire, déjà bien adapté  à l’être humain et transmissible d'Homme à Homme. Enfin la dernière hypothèse - qui aujourd’hui ne peut pas être éliminée - serait que le SARS-CoV-2 descende « d’un virus de chauves-souris isolé par les scientifiques lors des collectes de virus et qui se serait adapté à d’autres espèces au cours d’études sur des modèles animaux en laboratoire ; laboratoire dont il se serait ensuite échappé accidentellement » (1). Pour éviter toute dérive complotiste, il est important de préciser qu’il n’existe à ce jour aucune preuve scientifique soutenant cette éventualité, même si de tels accidents sont documentés, par exemple dans l’épidémie de grippe de 1977, causée par un virus de type H1N1, l‘agent de la grippe dite espagnole de 1918, isolé en 1950. Cet isolat viral se serait échappé d’un laboratoire. En support de cette hypothèse, la comparaison des séquences du virus H1N1 de 1950 avec celle du H1N1 de 1977 ne révèle aucune différence génétique. Cette absence de mutation permet de réfuter l’hypothèse qui proposerait que ce virus se soit maintenu soit à bas bruit chez l’Homme, soit dans des hôtes non humains pendant 27 ans, puisque toute multiplication virale, même sur un cycle, entraîne apparition de mutations. L’échappement du laboratoire avait été évoqué par un ancien prix Nobel, le professeur Luc Montagnier, avec beaucoup de légèreté. Dans une interview récente, ce dernier indiquait en effet que des séquences du virus HIV, agent responsable du SIDA, avait été détectées dans la séquence du SARS-COV2. Il s’agit cependant de séquences extrêmement courtes pour 3 des 4 séquences détectées. Le consensus scientifique actuel est que la présence de ces séquences HIV est simplement fortuite. En lien, je m’étais amusé à rechercher des courtes séquences de plantes dans la séquence du SARS-CoV2, et en avais trouvé, montrant bien le caractère non significatif de cette présence. De plus ces 3 séquences sont également présentes dans d'autres coronavirus, isolés avant l’émergence du SARS-CoV2.


La 4ème séquence pose néanmoins une question intéressante car son occurrence est spécifique du SARS-CoV2. De plus, sa présence modifie un des composants extérieurs du virus, ce qui pourrait expliquer la transmissibilité d’Homme à Homme de ce dernier. A ce stade, on ne peut formellement rejeter qu’une une telle modification pourrait être d’origine humaine, et qu’elle aurait pu se produire « au labo » dans le cadre du développement de nouveaux vaccins par exemple. Il serait éventuellement possible de détecter des traces de manipulation génétique par des analyses extrêmement fines et poussées de la séquence, analyses qui sont très probablement en cours dans différents laboratoires. À ce jour cependant, il n’existe pas non plus de preuve formelle révélant une origine expérimentale et une libération accidentelle du virus à partir d’un laboratoire. Plusieurs articles sur ce sujet ont d’ailleurs déjà été publiés, ne révélant aucune trace de manipulation. Il reste donc clair que le SARS-CoV2 est bien majoritairement un virus d’origine animale mais les mécanismes de recombinaison qui ont permis son émergence sont encore incompris. La conclusion appartient à mon ancien collègue Étienne Decroly qui précise : « L’éventuelle découverte de virus animaux présentant une très forte similarité avec SARS-CoV-2 fournirait un élément décisif pour valider son origine naturelle » (1). Affaire à suivre donc.


Références

Yaroslav Pigenet. La question de l'origine du SARS-CoV-2 se pose sérieusement. Le Journal du CNRS. Octobre 2020.


Crédit photo

Institut Pasteur et AFP, repris dans Futura Science.
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-sars-cov-2-serait-melange-coronavirus-pangolin-chauve-souris-79290/





vendredi 18 septembre 2020

QUELQUES MOTS SUR LA PANDÉMIE DE CoViD19 ET LE SARS-CoV2

                                        


Je le concède d’office, voilà un article sur un sujet peu original. Néanmoins, je voulais, dans cet article, discuter deux points liés à la pandémie. Le premier porte sur les facteurs qui expliqueraient les différences en termes de bilan humain entre l’Allemagne et la France. Le second point porte sur la question ultrasensible du traitement à l’hydroxy-chloroquine.


 

En, introduction à cela, quelque mots pour rappeler ce qu’est un virus et comment il se multiplie. A la différence des autres micro-organismes, un virus n’est pas doué de métabolisme ni de capacité de reproduction autonome. C’est un organisme qui ne se réplique que dans son (ou ses) hôte(s) dont il parasite la machinerie cellulaire. De façon très schématique, il se compose d’une « coque de protection » qui abrite son matériel génétique. Cette coque comporte en général quelques « motifs » qui permettent l’entrée dans les cellules de l’hôte, qui les reconnaissent alors comme provenant de lui même, ou étant un de ses propres constituants. Une fois le virus entré dans la cellule, son matériel génétique est libéré et l’information qu’il porte conduit à la multiplication de ce matériel et à la production en masse de la coque du virus et de ses « motifs », le tout permettant l’empaquetage du matériel dans la coque. De très nombreuses particules virales sont ainsi formées par la cellule hôte, ce qui souvent la tue et permet la libération des nouvelles particules virales dans l’environnement infecté. Le cycle infectieux peut donc se poursuivre. Le caractère de parasite du virus, et le fait qu’il utilise la machinerie cellulaire de l’hôte, rend toujours difficile la production d’antiviraux, car on comprend intuitivement que ceux-ci vont exercer un effet délétère sur les fonctions cellulaires de l’hôte. C’est pour cela que les traitements antiviraux sont toujours donnés sous stricte surveillance médicale.

 

Les différences de mortalité entre France et Allemagne nous ont été largement présentées par les médias au cours des mois et semaines passées. Plusieurs journalistes, voire des personnalités politiques, nous ont dit que c’était le nombre de tests de dépistages, bien plus grand en Allemagne qu’en France, qui était l’élément explicatif majeur des différences de mortalité observées. Une étude récente menée par des collègues biologistes et microbiologistes du collectif « Rogue ESR » nous indique que ceci ne serait pas le cas (1). Les politiques mises en oeuvre en France et en Allemagne, bien que différentes, n’ont pas démontré une efficacité plus élevée dans un pays ou l’autre. Selon le collectif « Rogue ESR », et je suis assez enclin à penser que cette piste est intéressante, la différence majoritaire viendrait de la durée entre détection des premiers cas, et instauration du confinement. Cette hypothèse solide est soutenue par la comparaison du nombre de décès dans chaque région touchée en France, l’une après l’autre au fur et à mesure de l’avancée de l’épidémie. Cette comparaison montre que plus le confinement a été imposé tôt par rapport au premier décès, survenu donc de façon décalée dans ces régions, plus la mortalité se réduit. Juste avant le confinement, la courbe de mortalité globale montrait un doublement des décès tous les trois jours en France. Ceci signifie que si nous avions confiné, disons une semaine plus tôt, nous aurions sans doute divisé le nombre des décès par au moins deux, et possiblement quatre. Or, ce qui a poussé à confiner le mardi 17 mars, c’est la volonté affichée du gouvernement de voir se tenir les élections municipales. Il faut reconnaître cependant que le gouvernement n’est pas seul responsable, puisque certains partis politiques, les Républicains en tête avaient fortement poussé pour que cette élection soit maintenue, qualifiant un éventuel report de « coup de force institutionnel » visant à utiliser la crise sanitaire « pour éviter une débâcle électorale » (2). Cette décision a engendré plusieurs conséquences délétères. Tout d’abord, la participation a été bien plus faible que les années précédentes, certains électeurs ne s'étant pas déplacés en raison de la crise sanitaire, et, plus grave à mon sens, le second tour des élections a du être reporté post-confinement, entraînant le blocage partiel ou total du fonctionnement des communes et établissements publics de coopération intercommunale, dont les communautés de communes, d’agglomération, et les syndicats intercommunaux...

 

La deuxième question que je voulais aborder concerne l’efficacité de l’hydroxychloroquine comme traitement potentiel de la maladie. En effet, le dossier hydroxy-chloroquine, dérivée de la chloroquine elle même issue de l’écorce du quinquina, est intéressant. Utilisée comme antipaludéen, l’hydroxy-chloroquine bloque l’élimination des déchets toxiques chez le parasite Plasmodium, responsable de la maladie, conduisant à son empoisonnement progressif. Contrairement, à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, la chloroquine n’est absolument pas un médicament anodin, puisque son index thérapeutique, c’est à dire le rapport entre dose active et dose toxique, est de l'ordre de 3. Ainsi, ces molécules peuvent induire des pathologies ophtalmiques. De plus, la chloroquine et dans une moindre mesure l’hydroxy-chloroquine bloquent aussi les flux de potassium au niveau de cellules cardiaques, d'où des risques cardio-vasculaires non nuls associés à son usage. On comprend donc pourquoi le développement d’un tel médicament n’aurait pas du tout été poursuivi si les normes en vigueur aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique avaient existé au temps de sa découverte. Quid de l'efficacité de ce composé dans la lutte contre le SARS-CoV2  ? Je fais régulièrement le tour de la bibliographie scientifique sur l’usage de l’hydroxy-chloroquine, et à ce jour la réalité oblige à dire que l’ensemble de la littérature scientifique n’indique pas de façon claire que cette molécule, associée ou nom à un antibiotique, présente un intérêt thérapeutique pour le traitement de la CoViD19. Certaines études montrent un effet, d’autres non, et toutes sont sujettes à discussion en particulier autour de la méthodologie et de la statistique. Je reviendrai plus tard sur ce point car il soulève de très nombreuses interrogations qui vont au delà de la « simple » et tout à fait normale controverse scientifique, le débat actuel mêlant querelles d’égos, oppositions politiques locale et nationale, et question relevant de la sociologie, de la propagation des rumeurs et du rôle, encore une fois délétère, que jouent les réseaux dits sociaux...

 

Crédit photo : 

Wikipedia. 


Références :

1. Voir la video : https://www.youtube.com/watch?v=SvvO7ximvXU

2. « Les municipales maintenues in extremis ». Alain Auffray. Le 12 mars 2020. https://www.liberation.fr/france/2020/03/12/les-municipales-maintenues-in-extremis_1781517