Je le concède d’office, voilà un article sur un sujet peu original. Néanmoins, je voulais, dans cet article, discuter deux points liés à la pandémie. Le premier porte sur les facteurs qui expliqueraient les différences en termes de bilan humain entre l’Allemagne et la France. Le second point porte sur la question ultrasensible du traitement à l’hydroxy-chloroquine.
En, introduction à cela, quelque mots pour rappeler ce qu’est un virus et comment il se multiplie. A la différence des autres micro-organismes, un virus n’est pas doué de métabolisme ni de capacité de reproduction autonome. C’est un organisme qui ne se réplique que dans son (ou ses) hôte(s) dont il parasite la machinerie cellulaire. De façon très schématique, il se compose d’une « coque de protection » qui abrite son matériel génétique. Cette coque comporte en général quelques « motifs » qui permettent l’entrée dans les cellules de l’hôte, qui les reconnaissent alors comme provenant de lui même, ou étant un de ses propres constituants. Une fois le virus entré dans la cellule, son matériel génétique est libéré et l’information qu’il porte conduit à la multiplication de ce matériel et à la production en masse de la coque du virus et de ses « motifs », le tout permettant l’empaquetage du matériel dans la coque. De très nombreuses particules virales sont ainsi formées par la cellule hôte, ce qui souvent la tue et permet la libération des nouvelles particules virales dans l’environnement infecté. Le cycle infectieux peut donc se poursuivre. Le caractère de parasite du virus, et le fait qu’il utilise la machinerie cellulaire de l’hôte, rend toujours difficile la production d’antiviraux, car on comprend intuitivement que ceux-ci vont exercer un effet délétère sur les fonctions cellulaires de l’hôte. C’est pour cela que les traitements antiviraux sont toujours donnés sous stricte surveillance médicale.
Les différences de mortalité entre France et Allemagne nous ont été largement présentées par les médias au cours des mois et semaines passées. Plusieurs journalistes, voire des personnalités politiques, nous ont dit que c’était le nombre de tests de dépistages, bien plus grand en Allemagne qu’en France, qui était l’élément explicatif majeur des différences de mortalité observées. Une étude récente menée par des collègues biologistes et microbiologistes du collectif « Rogue ESR » nous indique que ceci ne serait pas le cas (1). Les politiques mises en oeuvre en France et en Allemagne, bien que différentes, n’ont pas démontré une efficacité plus élevée dans un pays ou l’autre. Selon le collectif « Rogue ESR », et je suis assez enclin à penser que cette piste est intéressante, la différence majoritaire viendrait de la durée entre détection des premiers cas, et instauration du confinement. Cette hypothèse solide est soutenue par la comparaison du nombre de décès dans chaque région touchée en France, l’une après l’autre au fur et à mesure de l’avancée de l’épidémie. Cette comparaison montre que plus le confinement a été imposé tôt par rapport au premier décès, survenu donc de façon décalée dans ces régions, plus la mortalité se réduit. Juste avant le confinement, la courbe de mortalité globale montrait un doublement des décès tous les trois jours en France. Ceci signifie que si nous avions confiné, disons une semaine plus tôt, nous aurions sans doute divisé le nombre des décès par au moins deux, et possiblement quatre. Or, ce qui a poussé à confiner le mardi 17 mars, c’est la volonté affichée du gouvernement de voir se tenir les élections municipales. Il faut reconnaître cependant que le gouvernement n’est pas seul responsable, puisque certains partis politiques, les Républicains en tête avaient fortement poussé pour que cette élection soit maintenue, qualifiant un éventuel report de « coup de force institutionnel » visant à utiliser la crise sanitaire « pour éviter une débâcle électorale » (2). Cette décision a engendré plusieurs conséquences délétères. Tout d’abord, la participation a été bien plus faible que les années précédentes, certains électeurs ne s'étant pas déplacés en raison de la crise sanitaire, et, plus grave à mon sens, le second tour des élections a du être reporté post-confinement, entraînant le blocage partiel ou total du fonctionnement des communes et établissements publics de coopération intercommunale, dont les communautés de communes, d’agglomération, et les syndicats intercommunaux...
La deuxième question que je voulais aborder concerne l’efficacité de l’hydroxychloroquine comme traitement potentiel de la maladie. En effet, le dossier hydroxy-chloroquine, dérivée de la chloroquine elle même issue de l’écorce du quinquina, est intéressant. Utilisée comme antipaludéen, l’hydroxy-chloroquine bloque l’élimination des déchets toxiques chez le parasite Plasmodium, responsable de la maladie, conduisant à son empoisonnement progressif. Contrairement, à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, la chloroquine n’est absolument pas un médicament anodin, puisque son index thérapeutique, c’est à dire le rapport entre dose active et dose toxique, est de l'ordre de 3. Ainsi, ces molécules peuvent induire des pathologies ophtalmiques. De plus, la chloroquine et dans une moindre mesure l’hydroxy-chloroquine bloquent aussi les flux de potassium au niveau de cellules cardiaques, d'où des risques cardio-vasculaires non nuls associés à son usage. On comprend donc pourquoi le développement d’un tel médicament n’aurait pas du tout été poursuivi si les normes en vigueur aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique avaient existé au temps de sa découverte. Quid de l'efficacité de ce composé dans la lutte contre le SARS-CoV2 ? Je fais régulièrement le tour de la bibliographie scientifique sur l’usage de l’hydroxy-chloroquine, et à ce jour la réalité oblige à dire que l’ensemble de la littérature scientifique n’indique pas de façon claire que cette molécule, associée ou nom à un antibiotique, présente un intérêt thérapeutique pour le traitement de la CoViD19. Certaines études montrent un effet, d’autres non, et toutes sont sujettes à discussion en particulier autour de la méthodologie et de la statistique. Je reviendrai plus tard sur ce point car il soulève de très nombreuses interrogations qui vont au delà de la « simple » et tout à fait normale controverse scientifique, le débat actuel mêlant querelles d’égos, oppositions politiques locale et nationale, et question relevant de la sociologie, de la propagation des rumeurs et du rôle, encore une fois délétère, que jouent les réseaux dits sociaux...
Références :
1. Voir la video : https://www.youtube.com/watch?v=SvvO7ximvXU
2. « Les municipales maintenues in extremis ». Alain Auffray. Le 12 mars 2020. https://www.liberation.fr/france/2020/03/12/les-municipales-maintenues-in-extremis_1781517
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