J’ai été interpelé par certains de mes proches au sujet des divergences de vue entre scientifiques ou médecins, autour du virus de la CoViD-19 lui même et autour des traitements destinés à contrer sa multiplication. La plupart s’étonnaient de ce manque de consensus. Il est à mon sens tout à fait normal, et je tenterai d’expliquer pourquoi plus tard. Au delà, ces réflexions m’ont donné l’idée d’une petite série d’articles présentant différents aspects de la démarche scientifique, série qui commence aujourd’hui avec quelques grands principes généraux.
Définir ce qu’est la science n’est pas si facile que cela et il faudrait sans doute au moins un livre entier pour cela. Le mot vient du latin « scientia » qui veut dire connaissance. Dans notre monde occidental, c’est à l’origine un concept philosophique, né sur le pourtour méditerranéen, qui propose que « l'on pouvait expliquer les phénomènes naturels par des causes naturelles » (1). Aristote, un des penseurs grecs majeurs, écrivait d’ailleurs « Nous estimons posséder la science d’une chose d’une manière absolue quand nous croyons que nous connaissons la cause par laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu’en outre il n’est pas possible que la chose soit autre qu’elle n’est ».
L’objectif premier de la science est donc, comme l’écrivait Bertrand Rusell en 1935 (2) « de découvrir, au moyen de l'observation et du raisonnement basé sur celle-ci, d'abord des faits particuliers au sujet du monde, puis des lois reliant ces faits les uns aux autres, et permettant (dans les cas favorables) de prévoir des événements futurs ». Pour arriver à ses fins, l’activité scientifique s’appuie sur la démarche scientifique, elle même constituée de processus de raisonnement et de procédures expérimentales. Le but ici n’est pas de présenter les différents types de raisonnement (résumés par l’acronyme DIA : déduction, induction, abduction), mais plutôt de dire quels sont certains des grands principes de la recherche scientifique. De façon tout à fait remarquable, ces principes sont ceux avec lesquels les scientifiques de tous les pays et de toutes les cultures travaillent. Car une des caractéristiques de cette activité – et une de ses forces - est d’être universelle, si l’on borne l’univers à notre petite planète que l’on va tenter de conserver bleue encore quelques temps.
Premier principe : la causalité. Il s’agit là du principe aristotélien explicité plus haut. En science, tout phénomène possède une cause. En ce sens, la science est fondamentalement rationaliste puisque pour elle, et pour citer Wikipédia, « la réalité n’est connaissable qu'en vertu d'une explication par les causes qui la déterminent et non par la révélation divine » (3).
Deuxième principe : la réfutabilité. A partir d’une observation et d’un ensemble de connaissances considérées comme établies, la démarche scientifique consiste à élaborer une hypothèse permettant d’expliquer l’observation. Contrainte : cette hypothèse doit être « testable ». Pour cela, la ou le scientifique met en place une expérimentation dessinée de telle sorte que les résultats qui en découlent, et leur analyse permettent de valider ou d’infirmer l’hypothèse. Il s’agit là du concept de réfutabilité, cher au philosophe des sciences Karl Popper (4), qui permet, pour simplifier, de distinguer une théorie scientifique d’une croyance.
Quatrième principe : le doute. Une ou un scientifique doit douter. Douter tout d'abord de ses résultats pour, en fait, les consolider. En tentant une autocritique de son travail, il anticipe la critique qu’en feront ses pairs, et construira une théorie plus robuste. Il doit aussi douter des résultats de ses collègues, non pas de façon destructrice, négative, mais, là aussi, de façon à s’assurer de leur résistance. Ce doute peut et doit éventuellement aller jusqu’à la remise en cause des dogmes lorsque cela est nécessaire et toutes les hypothèses, pour autant qu’elles soient réfutables, ont droit de citer. Cependant comme le disait Claude Bernard, « il faut douter mais ne point être sceptique », le scepticisme étant dans ce sens compris au sens que lui donnait Descartes, c’est à dire de personnes « qui ne doutent que pour douter et affectent d’être toujours irrésolus ». En science, le doute est nécessaire, mais il est temporaire, il est essentiellement une méthode permettant de « s’assurer que nos croyances sont raisonnablement justifiées par des faits observables, quantifiables et reproductibles » (6).
J’arrête là cet article introductif. J’ai conscience qu’il est complexe mais il est nécessaire, me semble-t-il, pour comprendre les bases qui sous-tendent la recherche scientifique. Le prochain article de la série sera plus concret et traitera de la méthode scientifique.
Définir ce qu’est la science n’est pas si facile que cela et il faudrait sans doute au moins un livre entier pour cela. Le mot vient du latin « scientia » qui veut dire connaissance. Dans notre monde occidental, c’est à l’origine un concept philosophique, né sur le pourtour méditerranéen, qui propose que « l'on pouvait expliquer les phénomènes naturels par des causes naturelles » (1). Aristote, un des penseurs grecs majeurs, écrivait d’ailleurs « Nous estimons posséder la science d’une chose d’une manière absolue quand nous croyons que nous connaissons la cause par laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu’en outre il n’est pas possible que la chose soit autre qu’elle n’est ».
L’objectif premier de la science est donc, comme l’écrivait Bertrand Rusell en 1935 (2) « de découvrir, au moyen de l'observation et du raisonnement basé sur celle-ci, d'abord des faits particuliers au sujet du monde, puis des lois reliant ces faits les uns aux autres, et permettant (dans les cas favorables) de prévoir des événements futurs ». Pour arriver à ses fins, l’activité scientifique s’appuie sur la démarche scientifique, elle même constituée de processus de raisonnement et de procédures expérimentales. Le but ici n’est pas de présenter les différents types de raisonnement (résumés par l’acronyme DIA : déduction, induction, abduction), mais plutôt de dire quels sont certains des grands principes de la recherche scientifique. De façon tout à fait remarquable, ces principes sont ceux avec lesquels les scientifiques de tous les pays et de toutes les cultures travaillent. Car une des caractéristiques de cette activité – et une de ses forces - est d’être universelle, si l’on borne l’univers à notre petite planète que l’on va tenter de conserver bleue encore quelques temps.
Premier principe : la causalité. Il s’agit là du principe aristotélien explicité plus haut. En science, tout phénomène possède une cause. En ce sens, la science est fondamentalement rationaliste puisque pour elle, et pour citer Wikipédia, « la réalité n’est connaissable qu'en vertu d'une explication par les causes qui la déterminent et non par la révélation divine » (3).
Deuxième principe : la réfutabilité. A partir d’une observation et d’un ensemble de connaissances considérées comme établies, la démarche scientifique consiste à élaborer une hypothèse permettant d’expliquer l’observation. Contrainte : cette hypothèse doit être « testable ». Pour cela, la ou le scientifique met en place une expérimentation dessinée de telle sorte que les résultats qui en découlent, et leur analyse permettent de valider ou d’infirmer l’hypothèse. Il s’agit là du concept de réfutabilité, cher au philosophe des sciences Karl Popper (4), qui permet, pour simplifier, de distinguer une théorie scientifique d’une croyance.
Troisième principe : la parcimonie (principe aussi dit « du rasoir d’Ockham »). Guillaume d’Ockham était un philosophe anglais et théologien franciscain du moyen-âge. Il est considéré comme un des préfigurateurs de la science moderne. Le terme de rasoir doit être compris dans son sens philosophique, « raser » signifiant « éliminer des explications improbables d'un phénomène » . Il s’agit du principe de parcimonie, qui propose que « les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées » (5). Contrairement à une idée reçue, ce principe ne signifie pas que l’hypothèse la plus simple est la meilleure, mais simplement qu’elle est celle qui doit être testée prioritairement. Si elle se vérifie, et si elle suffit à expliquer un phénomène, alors il ne sera pas nécessaire d’introduire de nouvelles hypothèses explicatives. Cependant, le rasoir d’Ockham ne permet pas de préférer une hypothèse à une autre dans les cas où toutes seraient également parcimonieuses. On retrouve ce principe dans le domaine des sciences de l’ingénieur et également en informatique, sous la forme de l’acronyme KISS « keep it stupidly simple », qui propose que toute complexité non indispensable devrait être évitée, dans toute la mesure du possible.
Quatrième principe : le doute. Une ou un scientifique doit douter. Douter tout d'abord de ses résultats pour, en fait, les consolider. En tentant une autocritique de son travail, il anticipe la critique qu’en feront ses pairs, et construira une théorie plus robuste. Il doit aussi douter des résultats de ses collègues, non pas de façon destructrice, négative, mais, là aussi, de façon à s’assurer de leur résistance. Ce doute peut et doit éventuellement aller jusqu’à la remise en cause des dogmes lorsque cela est nécessaire et toutes les hypothèses, pour autant qu’elles soient réfutables, ont droit de citer. Cependant comme le disait Claude Bernard, « il faut douter mais ne point être sceptique », le scepticisme étant dans ce sens compris au sens que lui donnait Descartes, c’est à dire de personnes « qui ne doutent que pour douter et affectent d’être toujours irrésolus ». En science, le doute est nécessaire, mais il est temporaire, il est essentiellement une méthode permettant de « s’assurer que nos croyances sont raisonnablement justifiées par des faits observables, quantifiables et reproductibles » (6).
J’arrête là cet article introductif. J’ai conscience qu’il est complexe mais il est nécessaire, me semble-t-il, pour comprendre les bases qui sous-tendent la recherche scientifique. Le prochain article de la série sera plus concret et traitera de la méthode scientifique.
Références :
1. Dominique Lecourt. 2015. La philosophie des sciences. Presses Universitaires de France. Paris.
2. Bertrand Russell. 1935. Science et Religion. Thornton Butterworth. Londres.
3. Rationalisme. Wikipedia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rationalisme#:~:text=Le%20rationalisme%20est%20la%20doctrine,de%20toute%20connaissance%20du%20monde.
4.Karl Popper. Wikipedia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Popper
5. Le rasoir d’Ochkam. Wikipédia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasoir_d%27Ockham
6. Les sceptiques du Québec. Foire aux questions.
Consultable à l’adresse :
https://www.sceptiques.qc.ca/association/faq
Jacques Rouxel (avec Jean-Paul Couturier). Les shadocks.. Les fondements de la pensée Shadok.
1. Dominique Lecourt. 2015. La philosophie des sciences. Presses Universitaires de France. Paris.
2. Bertrand Russell. 1935. Science et Religion. Thornton Butterworth. Londres.
3. Rationalisme. Wikipedia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rationalisme#:~:text=Le%20rationalisme%20est%20la%20doctrine,de%20toute%20connaissance%20du%20monde.
4.Karl Popper. Wikipedia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Popper
5. Le rasoir d’Ochkam. Wikipédia.
Consultable à l’adresse :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasoir_d%27Ockham
6. Les sceptiques du Québec. Foire aux questions.
Consultable à l’adresse :
https://www.sceptiques.qc.ca/association/faq
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