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vendredi 15 avril 2022

SCANDALES SANITAIRES. À QUI LA FAUTE ?



L'actualité récente a mis en lumière un certain nombre d'événements qui constituent, à mon sens, autant de scandales sanitaires. Je pense bien entendu aux dernières contaminations alimentaires bactériennes (listériose, salmonellose, infections à Escherichia coli enterotoxiques) mais également à la maltraitance de nos anciens dans certains EHPAD. Il y a des points communs entre ces affaires.

Ce dernier point a été particulièrement douloureux. Il fait suite à la publication du livre « les fossoyeurs » de Victor Castanet, dans lequel ce dernier rapporte la façon dont sont traités une partie des résidents fragiles des établissements appartenant au groupe ORPEA. Il y décrit les manquements constatés dans les soins d’hygiène, ainsi que les déficiences de la prise en charge médicale de nos anciens. Il décrit également les rationnements dont sont victimes certains de ces résidents, leur repas étant de plus en plus réduits pour améliorer la rentabilité de l'établissement. Après que l'entreprise ait nié l'existence de tels agissements, la situation a semblé suffisamment sérieuse pour qu'enquêtes internes et enquêtes des services de l'Etat soient lancées. Dans ce dernier cas, ce sont même deux procédures qui ont été initiées, l'une, administrative, de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et l'autre, financière, de l'Inspection Générale des Finances (IGF). Les EPHAD incriminés bénéficient, en effet et à divers titres, de soutiens financiers des collectivités et de l'État. Début avril 2022, et après avoir tergiversé en invoquant « le secret des affaires », le gouvernement s'est résolu à rendre le rapport de 500 pages public tout en en masquant certains aspects (1). Ce dernier confirme une nourriture limitée, les grammages étant jugés « sensiblement et systématiquement insuffisants ». Le rapport relève également des problèmes dans la transmission des informations et plus particulièrement une gestion opaque des signalements faits par les personnels, objets de filtrages au niveau des directions de l'entreprise. Au plan budgétaire, ce même rapport pointe des documents financiers « insincères » et des excédents budgétaires dégagés sur les dotations publiques. Ainsi, selon Jade Peychieras, de France-Bleu (2) : « Sur la seule période 2017-2020, Orpea a ainsi dégagé 20 millions d'euros d'excédent sur ces dotations versées. Ces excédents « ne font l'objet d'aucun suivi comptable précis », si bien qu'une partie pourrait, « le cas échéant », être « distribuée aux actionnaires ». Sur la même période, l'entreprise a également, de façon irrégulière, imputé plus de 50 millions d'euros de dépenses sur le forfait soins, payé par l'argent public. Plus de la moitié de cette somme concerne la rémunération des auxiliaires de vie « faisant fonction » d'aides-soignantes, alors qu'elles n'ont pas de diplôme pour exercer ce métier ». D'une façon générale, les enquêteurs indiquent que la gestion des établissements donne la priorité à la performance financière plutôt qu’à des critères de qualité. Tout est dit.

Passons maintenant aux récents problèmes sanitaires rapportés au sein de grandes groupes agroalimentaires, les derniers en date étant les contaminations bactériennes relevées dans des produits des entreprises Buitoni (pizzas) et Ferrero (Kinder). Dans le premier cas, ce sont une cinquantaine d'enfants qui ont été touchés, dont deux sont décédés, en lien avec une toxi-infection à Escherichia coli. Une autre cinquantaine de cas sont en cours d'analyse. L'origine de l'infection a pu être tracée au niveau de l'usine de Cambrai, dont la production est à l'arrêt suite un arrêté préfectoral. Une inspection a révélé des manquements sérieux en termes d'hygiène, notamment la présence de rongeurs dans l'usine, d'aliments non nettoyés au sol, ou de moisissures en quantité importante sur les murs. Ceci posé, l'origine de la bactérie est le plus souvent animale, celle-ci étant présente dans le tube digestif des ruminants. La probabilité qu'elle provienne donc - encore une fois - de viandes mal préparées reste donc élevée. Il faudra cependant attendre des études complémentaires pour identifier avec précision la source de la contamination. Dans le cas des chocolats Kinder, l'origine de la contamination a été tracée dans l'usine d'Arlon, en Belgique. La source des Salmonelles est le plus souvent le lait et ses produits dérivés. Il est donc probable que dans le cas de la chocolaterie industrielle, ces mêmes produits soient en cause. Au total ce sont plus de 150 cas de contamination par des salmonelles qui ont été répertoriées, et ce dans plus de neuf pays européens.

Dans ces deux cas de contamination alimentaire, un élément est choquant. Il réside dans l'espace de temps qui s'est écoulé entre les premiers signalements et l'arrêt de production. Ainsi, selon l'ONG Foodwatch, la première détection de salmonellose a été rapportée fin décembre 2021 au Royaume-Uni (3). Il faudra attendre le 23 mars, pour que les autorités sanitaires de Grande-Bretagne, enquêtant sur une épidémie, préviennent l'entreprise et pointe du doigt l'usine belge. Ce délai, en lui-même, ne me surprend pas, parce qu'une étude épidémiologique destinée à identifier une source de contamination est généralement longue. Ce qui me surprend, en revanche, c'est qu'aucun des tests d'autosurveillance que doit réaliser l'industriel n'ait mis en évidence la présence de salmonelles dans les lignes de production. Je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit au mieux d'un manquement de rigueur dans les procédures de suivi qualité internes à l'entreprise, et au pire d'une possible dissimulation. En accord avec cette observation, le 28 mars, Ferrero, pourtant prévenu du risque sanitaire, continuait d'écouler les produits Kinder dans toute l'Europe. Cette distribution des produits contaminés se poursuivra jusqu'au 4 avril (3,4), date à laquelle l'entreprise lance sa première procédure de rappel. Nous sommes pratiquement deux semaines après l'alerte britannique, et, curieusement, à une période où se vendent en grande quantité les chocolats en prévision des fêtes de Pâques. Cet avis est également celui de Foodatch qui écrit « plus les informations arrivent, plus la désinformation organisée par la multinationale Ferrero pour préserver ses affaires saute aux yeux ».

Bien qu'apparemment non liées, ces deux affaires du domaine de l'alimentation et celle concernant le scandale des EHPAD ORPEA présentent pourtant au moins deux traits communs. Le premier est qu'elles ont été rendues possible, au moins partiellement, par des déficiences des services de contrôle de l'Etat. Loin de moi l'idée d'incriminer les agents de ces services qui font ce qu'ils peuvent dans des conditions de travail de plus en plus dégradées, et confrontés à des réductions d'effectifs de plus en plus criantes. Ainsi, dans les ARS, en 6 ans, de 2014 à 2020, « le nombre d’inspecteurs de l’action sanitaire et sociale est passé de 944 à 688 (-27 %), celui des médecins inspecteurs de 297 à 182 (-40 %), et celui des pharmaciens inspecteurs de 137 à 126 (-8 %). Soit une diminution moyenne de l’ensemble de ces personnels de 28 % [...] » (5). Comment s'étonner dès lors que, sur les 700 EHPAD d'Ile de France, seulement 17 aient été contrôlés en un an (données 2019). Le même constat peut être fait pour les services de la DGCCRF et de l'inspection vétérinaire. Selon Foodwatch, « en 2022, les rangs de la répression des fraudes (DGCCRF) comptaient 442 agents de moins que dix ans auparavant. Du côté de la Direction générale de l’alimentation en charge de l’inspection vétérinaire (abattoirs, etc.) et aussi phytosanitaire (pesticides), le nombre des inspections sur la sécurité sanitaire des aliments a diminué de 33% entre 2012 et 2019 » (6). Un constat similaire est fait par la CFDT-finance qui observe qu'entre 2010 et 2017, les effectifs du service sont passés de 3800 agents avant la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), à 2800 (7). Dans le même temps, l'activité de ces mêmes agents s'est vue davantage contrainte. Une partie des agents travaillent sous l’autorité de la région, l’autre partie est rattachée au préfet de département, ce qui « pose clairement la question de l'indépendance de leur activité ». Certains agents de la DGCCRF « doivent ainsi obtenir un feu vert préfectoral pour contrôler et sanctionner les entreprises » (7). Ayant eu pendant de nombreuses années le retour d'amis, pour certains assez haut placés dans les services de province de la DGCCRF, je ne peux que confirmer ces dires. Je peux également ajouter, que vu la lourdeur des contrôles, et la pression au rendement exercée par la hiérarchie, il arrivait que les agents de la DGCCRF soient amenés à prévenir les entreprises des dates de leurs visites. Une situation similaire est d'ailleurs décrite pour les contrôles opérés auprès des EHPAD (5).

Le second trait commun que j'évoquais plus haut est que toutes les dérives observées, in fine, proviennent de considérations économiques et financières. L'État pense faire des économies en réduisant le nombre de ses fonctionnaires affectés aux différents services de contrôle, avec les conséquences que l'on voit. Les entreprises de l'agroalimentaire augmentent leurs bénéfices en rognant sur la qualité des produits mis en œuvre et sur la robustesse des procédures, les EHPAD font quasiment la même chose en limitant les dépenses tout en n'oubliant pas de maximiser les recettes. Dans ces deux cas, ce que nous voyons n'est que le revers de la pièce de l'organisation capitaliste de notre société, dont on vante régulièrement l'efficacité. Et contrairement à une idée bien ancrée chez les néolibéraux, toutes les affaires démontrent que lorsque l'État « oublie » (parfois volontairement) de jouer son rôle de contrôle et de régulation, ce n'est pas la main invisible du marché qui le remplace. Bien au contraire.


Références :

1. Jean-Philippe de Saint-Martin et coll. Mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) du groupe Orpea.
Inspection générale des finances. Inspection générale des affaire sociales. Mars 2022.
Consultable en ligne :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/vff040422_2022-m-012-06_rapport_definitif_orpea_publiable.pdf

2. Jade Peychieras. Ehpad : le gouvernement publie un rapport d'enquête accablant pour Orpea. France-Bleu. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ehpad-le-gouvernement-publie-un-rapport-d-enquete-accablant-pour-orpea-1649169439

3. Anonyme. Scandale Kinder : deux nouvelles révélations de foodwatch. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/scandale-kinder-ferrero-deux-nouvelles-revelations-de-foodwatch

4. Anonyme. Rappels des chocolats Kinder et pizzas Buitoni : les questions qui fâchent. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/rappels-des-chocolats-kinder-et-pizzas-buitoni-les-questions-qui-fachent

5. Luc Peillon. Comment sont contrôlés les EHPAD en France ? Libération. Février 2022.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/checknews/comment-son-controles-les-ehpad-en-france-20220205_L4OR46EOO5GIRO6ZVNPZDOTCGU

6. Anonyme. Œufs Kinder, pizzas Buitoni et fromages Lactalis contaminés : le système favorise ces scandales alimentaires pourtant évitables. Foodwatch.org. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2022/oeufs-kinder-pizzas-buitoni-et-fromages-lactalis-contamines-le-systeme-favorise-ces-scandales-alimentaires-pourtant-evitables-selon-foodwatch

7. Marie-Nadine Eltchaninoff. DGCCRF : des missions mises à mal. CFDT.fr. Avril 2018.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/retraite/orpea-l-etat-a-t-il-suffisamment-controle-les-ehpad_4938159.html


Crédit illustration :

Dessin de T. Soulcié pour Foodwatch
https://www.foodwatch.org/fr/actualites/2022/rappels-des-chocolats-kinder-et-pizzas-buitoni-les-questions-qui-fachent/


mercredi 16 février 2022

QUE SE CACHE-T-IL DERRIÈRE
LA « START-UP NATION » ?



Contrairement à ce que ce titre sous-entend, cet article ne parlera pas de politique industrielle, ou de technologie pure. Il parlera de la langue nouvelle qui a essaimé des mondes de l’entreprise, de la haute fonction publique, de la publicité, ou d’une certaine presse - pour ne citer que quelques unes des sources - vers le grand public. Beaucoup des nouveaux mots de cette langue sont d’ailleurs d’origine anglo-saxonne ; je tenterai de proposer une explication à cela.

J’avais commencé cet article voilà plusieurs semaines après avoir lu dans un article de presse en ligne qu’une actrice connue enceinte dévoilait un « baby-bump ». J’ai beau parler anglais couramment, j’avoue ne pas avoir compris immédiatement l’expression. Évidemment il était question d’un ventre rond, terme probablement trop désuet pour être présenté en l'état dans l’article. En lien, je peux citer bien d’autres termes anglo-saxons dont différents centres de pouvoir économique usent et abusent, alors que des termes français tout aussi pertinents existent. Ainsi un « challenge » est en français un défi, la « maintenance » est l’entretien, la « supply chain », la chaîne d’approvisionnement, un « meeting », une réunion, le « planning », le plan d’action ou l’agenda, l’« engineering » l’ingénierie, un « show-room » une salle d’exposition, le « packaging », l’emballage, la « business class », la classe affaire, etc. Je passe sur le « B to B » et le « B to C », ou autres « emporwerment » des « managers » (la responsabilisation des dirigeants). Je passe aussi sur le « confcall » que je t’ai demandé par mail pour un « brainstorm » autour des « slides » du « powerpoint » sur le « benchmarking » que tu m’as « forwardées »...

Le monde de la presse, surtout de la presse audio-visuelle, autre cercle de pouvoir, est aussi un grand pourvoyeur de ces mots nouveaux. La télévision parle de « prime time », de « late show », de « show-runner ». On peut « podcaster » des émissions quand on ne les écoute pas en « live ». Et au cinéma, on ne dévoile que le « pitch » ou le « making-of » d’un « thriller » dans un « teaser », même si c’est un « remake », au risque de le pas le voir au « box-office » et dans le « top » 10 des productions de l’année.

Impossible de ne pas poursuivre ce petit tour d’horizon des sources de mots nouveaux sans évoquer deux mondes très différents, également d'ailleurs cercles de pouvoir, version « soft-power » pour rester dans la tonalité de l’article. Le premier est le monde du sport, truffé de mots anglo-saxons, bien que, là aussi, des équivalents français existent. Je me suis toujours demandé pourquoi il y avait des « penalties » au football, alors que le rugby parle de pénalité ? Toujours en football, le « corner » est chez les Canadiens un coup de pied de coin alors qu’au rugby le terme mêlée ouverte est depuis plusieurs années remplacé par son équivalent anglo-saxon « ruck ». J’ai également récemment entendu parler de « referee » en place et lieu d’arbitre. Dans les termes qui pourraient également être traduits très facilement, je cite, dans le désordre, le « time out » (temps mort), les « play-off » (barrages), le « coach » (l’entraineur), le « goal average » (la différence de buts), le « tie-break » (le jeu décisif), les « hooligans » (les casseurs), etc. La dernière source de ces mots nouveaux et sans conteste le secteur de la science et de la technologie, avec, tenant le haut du pavé (j’aurais dû dire au top) l’informatique et la téléphonie. Il faut néanmoins dire que nous avons assisté, au cours de ces dernières années, à un effort sensible de reconstruction lexicale. Plus personne ne parle de téléphone GSM (Global System for Mobile communication) en France, mais de téléphone mobile, même s’il reste des « smartphones ». Les softwares sont devenus des logiciels, le mail (mot pourtant d’origine française) bien que toujours utilisé, a été retraduit en courriel, le « firewall » en pare-feu, le « hacker » s'est converti en cyberpirate, et pour les spécialistes le input/ouptut (i/o) est traduit en entrée/sortie (e/s)... 

J’arrête là la démonstration car je pense que toute personne un peu attentive à son environnement ne peut être que convaincue de l’afflux massif de ces termes nouveaux anglo-saxons dans le français de tous les jours. Si je voulais être un peu excessif, je dirais que le « grand remplacement » - théorie fumeuse à laquelle je n’adhère absolument pas - se trouve là et pas ailleurs. 

Ce qui m’inquiète dans cette histoire, et ce que je souhaite dénoncer, ce n’est pas l’afflux de mots étrangers en tant que tel mais l’absence d’une volonté d’utiliser les termes français alors que, comme je l’ai indiqué plus tôt, ceux-ci existent. Tout compte fait, cependant, cette absence s'explique. Ne voyez surtout pas dans ma critique une attitude similaire à celle de certains politiques qui se sont empressés de dénoncer l’existence des mentions en français et en anglais des nom, prénom, date de naissance, etc., sur la nouvelle carte d’identité française . Il ne s’agit pas dans mon cas d’une position réactionnaire vis-à-vis de ce qui pourrait être étranger. Comment d’ailleurs ne pas rappeler qu’il existe en français de nombreux mots d’origine étrangère, tels ce kawa que l’on prend fissa sur le zinc du bistro ! Tous ces termes ne sont pas, d’ailleurs, de l’ordre du langage familier. Alchimiste, amiral, algèbre tout comme sirop, alcool, chiffre ou magasin sont d’origine arabe. Pantalon, opéra, banque, grosso modo, ainsi que de nombreux noms de spécialités culinaires (pizzas, spaghettis, lasagnes, etc.) sont d’origine italienne. D’autres viennent également de beaucoup plus loin, comme chocolat, cacao, coyote, caoutchouc, cacahouète ou avocat, originaires de langues anciennes d’Amérique Centrale et du Sud. Je considère ces apports comme des enrichissements du vocabulaire.

Ce qui m’inquiète disais-je donc, au travers de cet emploi de cette novlangue majoritairement constituée de termes anglais en lieu et place de termes français, réside dans ce qu’il traduit. J’y vois tout d’abord le poids du monde anglo-saxon et de son importance économique, ainsi que le résultat de son implantation massive dans le cadre de la mondialisation que nous avons vécue au cours des 30 dernières années. Adopter sans réfléchir les termes de novlangue, c’est quelque part adhérer à cette vision du monde. Par ailleurs, comme je l’indiquais plutôt, cette langue nouvelle peut par certains aspects être considérée comme un instrument du pouvoir, des pouvoirs, et d’une certaine forme d’élite. Utiliser ces termes, parler cette langue, revient à marcher dans les traces de ces élites. Mais c’est aussi, paradoxalement, faire preuve de paresse intellectuelle.

La novlangue est également un outil de domination. Par conséquent, il est clair que tenter de remplacer tous ces mots anglo-saxons de novlangue par leurs équivalents français, surtout lorsque ceux-ci existent, constitue une forme de résistance intellectuelle à ces forces dominantes. Dans cette grille de lecture, je n’ai été qu’à moitié étonné des propos tenus par notre actuel président, M. Emmanuel Macron, lorsqu’il vantait la « start-up nation ». Au travers de termes tels que « helpers » (bénévoles), de « CEO » (chief executive officer), de « feedback », du « benchmark », son équipe de campagne 2017 n’a eu de cesse d’évacuer des mots trop simples, trop familiers, probablement trop « peuple ». Cette utilisation de ces termes traduits à mon sens une vision du monde particulière. D’un côté cette novlangue donne une fausse impression de modernité mais en même temps (pour parler le LREM dans le texte) elle exclut de facto ceux qui ne font pas partie de « l’élite ». Signant son attachement au monde de l’entreprise, et à sa soi-disant efficacité, mais incapable de procéder à l’analyse de la crise néolibérale, la langue parlée dans la « start-up nation » est celle des catégories socio-professionnelles favorisées qui constituent la majorité de l’électorat macronien, que cette langue flatte et conforte. 

Comment ne pas y voir également un formatage idéologique, à l’image de ce que décrivait magnifiquement le livre de George Orwell, 1984, dans lequel la langue officielle du pays fictif où se déroule l'action est la novlangue, terme que j’ai repris ici et dans plusieurs de mes articles de blog. Comme indiqué sur Wikipedia, ce langage est « une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l'expression des idées potentiellement subversives et à éviter toute formulation de critique de l’État, l'objectif ultime étant d'aller jusqu'à empêcher l'idée même de cette critique ». A méditer à quelques 50 jours la prochaine élection présidentielle.



Crédit illustration :

Adaptation d'un dessin de Gros pour Marianne.
https://www.marianne.net/politique/liberer-les-energies-etre-plus-agile-cette-novlangue-macroniste-qui-rend-fou


lundi 20 décembre 2021

BILAN DE CINQ ANNÉES EN MACRONIE.
IV. LES SERVICES PUBLICS



Cet avant-dernier volet du bilan du quinquennat de Monsieur Emmanuel Macron traitera de la question des services publics, avec un examen plus marqué, crise sanitaire oblige, du secteur de la santé.

Dans ce domaine comme dans d’autres, autant le dire tout de suite, le quinquennat qui s’achève ne s’est pas fondamentalement distingué des précédents. Les services publics continuent d’être maltraités, avec des suppressions de moyens, autant financiers qu’humains, dans nombre de domaines. Par ailleurs, les privatisations se sont peut être quelque peu ralenties en nombre, mais elles ont concerné des secteurs de plus en plus stratégiques de l’économie française, quand elles ne se sont pas directement infiltrées au niveau des fonctions régaliennes de l’État (1).

Un des premiers secteurs affectés est sans doute celui des transports. J’ai récemment écrit sur l’ouverture au secteur privé (ou semi privé) de lignes SNCF dans la région PACA (2). Ce qui se passe en PACA résulte en grande partie de la réforme de la SNCF décidée en 2018 par l’actuelle majorité gouvernementale (3). Celle-ci se concentrait essentiellement sur le statut des cheminots et l’ouverture à la concurrence en oubliant assez systématiquement la nécessaire réflexion du financement des lignes d’intérêt local. Ainsi, les opérateurs de trains à grandes vitesse et de TER pourront décider seuls des lignes qu’ils couvrent avec le risque de supprimer les dessertes de ville de moyenne importance pas suffisamment attractive pour l’actionnaire (3). Ce serait alors à l’opérateur public de prendre le relais, comme je l’ai décrit pour ce qui se passe en région PACA (1). La SNCF a cependant besoin de présenter un budget équilibré, et en réponse à cette réforme, elle annonçait en 2019 de nouvelles fermetures sur son réseau, portant au total sur 56 lignes et 120 gares (4).

Si la presse s’est faite assez largement l’écho de cette ouverture à la concurrence, dont le dernier avatar est l’exploitation de la radiale Paris-Lyon par la société italienne Trenitalia (filiale privée mais détenue à 100% par les FS, l’équivalent de la SNCF), elle a, sauf exception, passé quasi sous silence la vente par la SNCF en 2018 de la Gare du Nord à Ceetrus, filiale du groupe Auchan (5). Il s’agissait de créer avant tout sur le site un centre commercial reléguant l’aspect transport de voyageurs au second plan. « Qu’il aille à Soissons (Aisne) ou à Bruxelles, expliquait un groupe d’architectes, d’urbanistes et d’historiens, le voyageur devra d’abord monter à 6 mètres de hauteur dans le centre commercial, tout à l’est de la gare, puis accéder aux quais par des passerelles, des escaliers et des ascenseurs. Cela veut dire : plus de distance à parcourir, des temps d’accès nettement augmentés. Indécent » (6). Presque 4 ans plus tard, le projet a du plomb dans l’aile en raison de dérapages budgétaires et de calendrier (6). L’efficacité de la privatisation, sans doute !

Autre secteur très touché : celui de l’énergie. Le projet Hercule, chez EDF, a été largement dénoncé dès son annonce, par l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, SUD) de cet établissement. Il s’agissait de facto d’un projet de démantèlement de l’opérateur EDF facilitant la privatisation d’une partie de ses activités (7). Ce projet visait à diviser EDF en 3 entités : « une entreprise publique (EDF bleu) pour les centrales nucléaires ; une autre (vert) cotée en Bourse pour la distribution d’électricité et les énergies renouvelables ; et une troisième (azur) qui coifferait les barrages hydroélectriques dont les concessions seraient remises en concurrence sous la pression de Bruxelles » (8). Le souhait était de conserver la branche nucléaire hors privatisation, car celle-ci, prise isolément, pourrait être plombée financièrement par le coût des démantèlements d’installations rendant ainsi la mariée moins attractive pour le privé. Or cette privatisation, pour le moment repoussée (8), a été très fortement soutenue par le président lui-même (9) ainsi que par le gouvernement qui souhaitait procéder à son adoption par ordonnance (7, 9). Pourtant, soyons clair, jusqu’ici l’ouverture à la concurrence dans le domaine de l’énergie électrique n’a été qu’une mascarade. L’opérateur historique est ainsi obligé de vendre depuis 2007, sans indexation sur l’inflation, donc quasi à perte maintenant, 25 % de sa production nucléaire, une proportion que le « régulateur » voudrait voir encore augmentée (10), malgré les risques pour EDF (11). Alors que la construction de ces réacteurs a été menée sur financements publics, et alors que les risques liés à leur exploitation sont pris par la seule entité EDF, et par une branche qui serait restée publique si le projet Hercule avait été mené à son terme, on vérifie donc bien, encore une fois, la règle qui préside aux transferts vers le privé d’activités publiques : « privatisation des bénéfices, mutualisation des coûts (ou des dettes) ».

En Macronie, les services publics dérangent. Rappelons qu’à l’origine de son mandat, l’actuel président des « marcheurs », M/ Stanislas Guerini, voulait supprimer 150 000 postes de fonctionnaires avant 2022 (12). Il semblerait que cet objectif soit aujourd’hui moins prioritaire, la crise sanitaire étant passée par là. Néanmoins, les objectifs d’économie sur le dos de la fonction publique sont toujours présents, et pour y travailler le gouvernement recourt aux services de groupes d’experts privés, ceux des cabinets Accenture et McKinsey (13). Ce dernier cabinet bénéficie d’ailleurs des largesses gouvernementales, puisque l’exécutif lui avait commandé pour pas moins de quatre millions d’euros de contrats sur différents sujets, dont plusieurs en lien avec la gestion de la crise sanitaire. La raison officielle serait, je cite, le fait que « la direction générale de la santé (DGS) s’est trouvée démunie en moyens humains pour gérer la crise. Le ministère a senti le besoin d’être aidé » (14). Or, si la direction de la santé manque de moyens humains, c’est précisément parce que l’on y a réduit le nombre de fonctionnaires ! Comme le constate la députée Véronique Louwagie (LR), qui s’est intéressée à cette question, la mise à disposition de personnel de ces cabinets auprès du ministère comme auprès de Santé Publique France, dans le cadre de la gestion des stocks de vaccins, a un coût non négligeable qu’elle estime à 250 000 € de contrat par semaine soit 50 000 € par jour ouvré. Pour établir un parallèle, le salaire d’un agent de catégorie A s’élève à environ 40 000 € annuels, auxquels faut ajouter les cotisations sociales pour quelques 32 000 €. En d’autres termes, en 2 jours de contrat on financerait largement le salaire annuel d’un agent de l’État, et en 10 jours ceux des 5 agents mis à disposition par le cabinet auprès mystère (14). Cette aberration pourrait ne rien devoir au hasard puisque plusieurs élus soupçonnent surtout des « liens d’intérêts » entre certains cabinets et le gouvernement, voire Emmanuel Macron lui-même (14, 15).Signalons pour l'anecdote que le cabinet Mac Kingsley est domicilié dans un paradis fiscal (13).

Je pourrais ajouter plusieurs autres exemples de privatisations en cours ou souhaitées. Une des plus intéressantes concerne la fondation Egis (filiale à 75 % de la Caisse des Dépôts et détenu à 25 % par des cadres partenaires et des salariés, et spécialisée en ingénierie environnementale) au seul bénéfice d’un fonds hautement spéculatif (16). J’évoquais aussi en début d’article les privatisations qui ont affecté certaines des fonctions régaliennes de l’État. J’ai déjà décrit le recours à la sous-traitance privée dans le cadre des missions des armées (1). Je pourrais ajouter, toujours dans le domaine régalien, la privatisation en cours à la banque de France. Cette dernière s’apprête à fermer 13 caisses régionales et à supprimer plus de 130 emplois en lien avec l’abandon de sa mission de destruction des billets usagés qu’elle envisage de confier à des banques privées. L’institution prévoit en plus de les payer chaque année pour assurer cette tâche (17). Enfin, je peux rappeler le récent fiasco de la distribution des documents électoraux aux citoyens pour les élections régionales et départementales : dans de nombreuses communes, les documents de présentation électorale des candidats n’ont pas été distribués aux électeurs (18). Pour tenter de rattraper le coup, on a dû avoir recours dans certaines régions au service départemental d’incendie de secours, qui a peut-être mieux à faire que de pallier les déficiences d’une entreprise privée, remplissant, très curieusement, les missions qui relèvent du domaine régalien de l’État (19). Pour mémoire, cette entreprise bénéficie d’un contrat de 200 millions d’euros pour remplir la tâche que l’État a décidé de ne plus effectuer (20). Cet abandon des missions régaliennes est particulièrement inquiétant dans la mesure où, comme on l’a vu dans le cas des élections locales, le moindre dysfonctionnement peut avoir des conséquences majeures. Il est également particulièrement inquiétant parce qu’il crédibilise le rôle de l’État et questionne, in fine, la notion même d’État.

Last but not least, on ne peut terminer ce tour d’horizon des services publics sans parler du service public de santé. Cela avait mal commencé avec un budget 2018 destiné à réaliser 1,6 milliards d’euros d’économie, dont quasiment 1 milliard sur le dos des établissements de santé (21). Des fermetures ont été particulièrement visibles dans le cas des maternités, regroupées à marche forcée au motif que les petits établissements ne seraient pas sûrs, avec paradoxalement des risques accrus pour la mère et l’enfant dès lors que l’on se trouve en zone blanche. Pour Madame Évelyne Combier, chercheuse au CHU de Dijon, qui évalue un risque plus élevé au delà de 45 minutes de trajet entre domicile et maternité « Ne pas pouvoir accoucher en maternité multiplie le risque de mortalité par 6,5 [...] Pour le bébé, il est multiplié par 3,5 » (22). Avec 3 fois moins d’établissements en 2016 par rapport à 1975 (1369 en 1975, 498 en 2016), cette diminution s’est accompagnée de fermetures de lits sans rapport avec la baisse de la natalité. Comme le dit une sage-femme de ma connaissance  « On ne fait en réalité qu’expédier les mères le plus vite possible chez elles ». Entre 1990 et 2020, la durée du séjour en maternité à été globalement divisé par 2. La cure d’austérité pour l’hôpital public s’est poursuivie en 2019 et 2020 (23). Devant la crise des urgences, la fatigue des personnels hospitaliers, le gouvernement a vite communiqué sur une hausse des budgets de 1,5 milliards sur 3 ans mais c’est un trompe l’œil, car il s'agit de sommes cumulées. L'argent nouveau mis dans le système n'est que de 700 millions sur 3 ans, soit moins de 250 millions chaque année en moyenne (24). Devant l’indigence des soutiens d’Etat, certains hôpitaux ont donc lancé un appel aux dons sur les réseaux sociaux (25). Quant au « Ségur de la santé », on est là, en partie, dans de la « com ». L’effort historique vanté par le Premier Ministre, M. Jean Castex, est également en partie un autre trompe-l’œil. Malgré la reprise de la dette des hôpitaux par l'État, un minimum quand on sait que ce sont les gouvernements successifs qui ont creusé le trou, les revalorisations des salaires ont été limitées à 60% des montants demandés, et obtenues en échange d’une flexibilité accrue (26). En dépit de la promesse d’embauche de 15 000 personnes vantée par l’exécutif, seuls 7 500 postes sont des postes nouvellement créés, les 7 500 autres sont des postes déjà ouverts et non pourvus. Enfin, le « Ségur de la santé » ne prévoit aucune création de nouveaux lits en hôpital. Le manque de lits a pourtant été pointé du doigt à l’occasion de la crise du CoViD-19. Le Ségur maintient aussi la « tarification à l’activité » favorisant une logique de rentabilité avant une logique de soins (26). Malgré un objectif de dépense d’assurance maladie (ONDAM) en hausse, en grande partie - il faut le reconnaître - lié aux objectifs d’accroissements des salaires des personnels, le budget 2021 prévoit un « nouveau tour de vis » avec 900 millions d’économie sur le dos de l’hôpital. Pour arriver à ce chiffre, il faut retrancher de l’ONDAM les coûts liés aux accords et à la CoViD-19. « En excluant ces deux catégories, l'objectif de dépenses tombe à 86 milliards d'euros. Soit une hausse de 2,1 milliards par rapport à 2020. Ce surcroît est à comparer à la hausse tendancielle de ces charges, qui se produirait en 2021 sans mesures d'économies : le texte indique qu'elles progresseraient de 3,6%, soit 3 milliards d'euros. Résultat : 900 millions d'écart, qui seront autant d'économies à réaliser l'an prochain pour les établissements de santé » (27). Corollaire, les fermetures de lits vont se poursuivre comme ceci est le cas à Nantes (28) ou à Nice. Dans cette dernière ville, c’est un service d’urgence gériatrique qui a dû être transféré vers le CHU. Sauf qu’avant la crise, le CHU avait dû renoncer à ouvrir 6 lits supplémentaires, faute de personnel (29) ! Au total, le quinquennat Macron aura vu la fermeture de plus de 17 000 lits ! On voudrait casser l'hôpital que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Impossible pour moi de ne pas vous parler également, dans le domaine santé, du faible effort de recherche consenti en France, non seulement de façon générale (30) mais aussi spécifiquement en regard du virus SARS-CoV2 et de la CoViD 19. Alors que l’Allemagne et le Royaume-Uni, pays comparables au nôtre, ont investi environ 1 500 et 1 300 millions d’euros dans cette recherche, respectivement, la France a injecté 500 millions seulement, soit 3 fois moins, dans un écosystème déjà en difficulté (31).

J’ai volontairement évité de parler, dans la section traitant de la santé, des errements (pour rester politiquement correct) des gouvernements sur les stratégies développées vis à vis des masques, vaccins, du confinement, des personnes à risques, du rôle de l’école, etc. Ce sont d’autres sujets qui mériteraient débat sans aucun doute. Je me suis concentré sur le sort réservé aux services publics en France, pour monter comment leur recul, leur dégradation constante, se poursuit. En conséquence, j’estime que ceci ne peut qu’être le résultat d’une volonté politique, dont un des objectifs serait d’autoriser le transfert de biens publics vers des intérêts privés, sans amélioration du service rendu. Si l’actuel président devait être réélu, il n’y a aucune raison de penser que cette stratégie change. Au contraire.


Références :

1. Le lent abandon des missions régaliennes de l'Etat.
Ce blog :
2. Le rail en PACA : une privatisation très politique.
3. Martine Orange. Loi sur la SNCF: une entreprise de démolition. Mediapart. Juin 2018.

4. Anonyme. SNCF : quelles sont les lignes menacées ? FranceInfo. Mars 2019.
Consultable en ligne :
https://urlz.fr/h0PY

5. Martine Orange. Première privatisation à la SNCF: la gare du Nord. Mediapart. Juillet 2018

6. Damien Dole. Le projet de rénovation de la Gare du Nord sur la voie de garage. Libération. Septembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/economie/transports/le-projet-de-renovation-de-la-gare-du-nord-sur-la-voie-de-garage-20210921_ULZOXFVQFJHF3BMAPSCKD6MMQ4

7. Martine Orange. Démantèlement d’EDF: le saccage d’un bien commun essentiel. Mediapart. Décembre 2020.

8. Erwan Benezet. EDF : cinq minutes pour comprendre la fin du projet de réforme Hercule. Juillet 2021.
Consultable en ligne :
https://www.leparisien.fr/economie/edf-cinq-minutes-pour-comprendre-la-fin-du-projet-de-reforme-hercule-29-07-2021-KGI4AYWGSVDWTPAEFZ3BKCYQDI.php 

9. Martine Orange. Démantèlement d’EDF : au bon plaisir d’Emmanuel Macron. Mediapart. Juin 2021.

10. Jean-Michel Bezat. EDF est contrainte de vendre moins cher son électricité à ses concurrents. Le monde. Juin 2007.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2007/06/29/edf-est-contrainte-de-vendre-moins-cher-son-electricite-a-ses-concurrents_929574_3234.html

11. Muriel Motte. Paul Marty (Moody’s): « Obliger EDF à vendre à ses concurrents à 42 euros le MWh risque de peser sur sa rentabilité ». L’Opinion. Novembre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.lopinion.fr/economie/paul-marty-moodys-obliger-edf-a-vendre-a-ses-concurrents-a-42-euros-le-mwh-risque-de-peser-sur-sa-rentabilite

12. Anonyme. Fonction publique: 120.000 postes en moins est un objectif « tenable », selon Guerini. Public Sénat. Mars 2019.
Consultable en ligne :
https://www.publicsenat.fr/article/politique/fonction-publique-120000-postes-en-moins-est-un-objectif-tenable-selon-guerini?amp

13. Romaric Godin, Antton Rouget. Accenture et McKinsey embauchés par l’Etat pour faire un milliard d’économies. Medipart. Février 2021.

14. Pierre Maurer. McKinsey, Citwell, Accenture… Ce que l’on sait des commandes passées par le gouvernement à des cabinets de conseil. Public Sénat. Mars 2021.
Consultable en ligne :
https://www.publicsenat.fr/article/politique/mckinsey-citwell-accenture-ce-que-l-on-sait-des-commandes-passees-par-le

15. François Krug. McKinsey, un cabinet dans les pas d’Emmanuel Macron. Février 2021.

16. Laurent Mauduit. Egis: une privatisation sans précédent au profit d’un fonds spéculatif. Mediapart. Mai 2021.

17. Martine Orange. Banque de France: un plan social pour privatiser la gestion de la monnaie usagée. Mediapart. Mai 2021.

18. Anaïs Condomines, Emma Donada. Régionales 2021 : quelle est l’ampleur du dysfonctionnement dans les livraisons des professions de foi par Adrexo ? Libération. Juin 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/checknews/regionales-2021-quelle-est-lampleur-du-dysfonctionnement-dans-les-livraisons-des-professions-de-foi-par-adrexo-20210621_UCVFQG2G7ZAZTGNCMU6S33G534/

19. Vincent Ballester. Haut-Rhin : appel aux pompiers pour remplir les enveloppes des élections, « c'est hallucinant ». France3 Grand Est. Juin2021.
Consultable en ligne :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/colmar/haut-rhin-appel-aux-pompiers-pour-remplir-les-enveloppes-des-elections-c-est-hallucinant-2154586.html

20. Martin Terrien. « Vous saviez que le fiasco était à venir » : Adrexo ciblé par les députés pour les couacs dans la distribution des plis électoraux. Le Monde. Juin 2021.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/06/30/vous-saviez-que-le-fiasco-etait-a-venir-adrexo-ciblee-par-les-deputes-pour-les-couacs-dans-la-distribution-des-plis-electoraux_6086331_823448.html

21. Laurent Fargues. Malgré les promesses de Macron, l'hôpital fera bien près d'un milliard d'économies. Challenges. Mai 2018.
Consultable en ligne :
https://www.challenges.fr/economie/malgre-les-promesses-d-emmanuel-macron-l-hopital-fera-bien-pres-d-un-millard-d-economies-en-2018_584177

22. Céline Hussonnois-Alaya. Fermetures de maternités: quand les femmes accouchent seules.
BFM TV. Novembre 2019.
Consultable en ligne :
https://www.bfmtv.com/sante/fermetures-de-maternites-quand-les-femmes-accouchent-seules_AN-201911040042.html

23. Romaric Godin. Sécurité sociale: l’austérité se poursuit dans la santé. Mediapart. Septembre 2019.

24. Romaric Godin. La charité pour l’hôpital. Mediapart. Novembre 2019.

25. Maeliss Innocenti. Coronavirus : les Hôpitaux de Paris lancent un appel aux dons sur Facebook. RTL. Mars 2020.
Consultable en ligne :
https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/coronavirus-les-hopitaux-de-paris-lancent-un-appel-aux-dons-sur-facebook-7800281562

26. Caroline Coq-Chodorge. Ségur de la santé: un petit accord sur les salaires contre une plus grande flexibilité. Mediapart. Juillet 2020.

27. Sébastien Grob. Hôpital : après le Ségur, le gouvernement prévoit un nouveau tour de vis budgétaire. Octobre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.marianne.net/societe/sante/hopital-apres-le-segur-le-gouvernement-prevoit-un-nouveau-tour-de-vis-budgetaire

28 Hugo Bossard. Nantes. Nouvelle mobilisation contre le projet de futur CHU sur l’Île Beaulieu. Ouest-France. Mars 2021.
Consultable en ligne :
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-nouvelle-mobilisation-contre-le-projet-de-futur-chu-sur-l-ile-beaulieu-0d6dd8ce-85b1-11eb-9a14-aaaf3655ac04

29. Laure Bruyas. En pleine crise Covid-19, un service de réanimation va fermer à Nice. Nice-Matin. Mars 2021.

30. Les naufrageurs.
Ce blog :
https://dessaux.blogspot.com/2021/11/les-naufrageurs.html

31. Anonyme. Le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cour des comptes. Juillet 2021.
Consultable en ligne :
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-financement-de-la-recherche-publique-dans-la-lutte-contre-la-pandemie-de-covid-19


Crédit illustration :


Dessin de Mykolas
L'actu de Mykolas 
Avril 2019



jeudi 18 novembre 2021

BILAN DE CINQ ANNÉES EN MACRONIE.
I. LE DROIT DU TRAVAIL


Il arrive un moment, dans les mandats électifs, où il est nécessaire de faire le bilan des actions passées. Dans le cas du probable-futur-candidat-président, M. Emmanuel Macron, j’ai la quasi certitude que ce bilan ne sera pas fait. Trop d’intérêts économiques sont en jeu, et sa non réélection serait délétère pour le monde de la finance qui contrôle une partie importante des médias de masse. Je livre ici le premier volet de ma propre analyse, réalisée à partir de différents sites que je placerai en référence. On commence donc par le volet social du quinquennat et plus particulièrement par les aspects propres au droit du travail. Je traiterai de l’aspect chômage ultérieurement.

Une des premières lois édictées dans ce quinquennat (en 2017) s’inscrit dans la droite ligne des lois El Khomri. Globalement, ces « lois travail », dont certaines sont des ordonnances, c’est à dire des textes qui n’ont pas été discutés par les chambres*, inscrivent dans le marbre des régressions sociales marquées. Elles portent sur 4 volets principaux : la négociation collective, les accords dans les PME, la fusion des institutions représentatives du personnel (IRP) et la rupture du contrat de travail.

En termes de négociations collectives, ces ordonnances font ainsi que les conditions de salaires, de temps de travail et de mobilité ne sont plus du seul ressort des accords de branche, mais peuvent désormais être modifiées par entreprises lors de négociations avec le personnel (1). A noter, en théorie ces accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les accords de branche sur un certains nombre de points, tels que les salaires minimaux, la durée et l’organisation du travail du travail, les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminée et temporaire (CDD), la formation ou la parité homme/femme. Le code du travail ne fixera cependant plus que des seuils très minimalistes, adaptables dans chacune des branches professionnelles, avec le chantage au risque de chômage lors de ces négociations dans les entreprises.

Ces lois prévoient aussi un accroissement de la précarité au travail, par exemple via l’extension des CDI dit de chantier à toutes les branches (2). Sous un dehors apparemment favorable, ce type de contrat cumule les inconvénients de l’intérim et ceux du CDI. Cette précarité accrue se retrouve aussi au niveau des conseils des Prud’hommes, au sein desquels les indemnités que peuvent toucher les employés lésés sont plafonnées, grosso modo, à la moyenne des indemnités précédemment reçues, et avec un délai de recours réduit de moitié (3). Les tribunaux qui se sont affranchis de ces lois, sur des bases juridiques parfaitement fondées, à savoir le droit européen, ont été recadrés par la ministre de la justice, Madame Nicole Belloubet, en contradiction avec les textes que la France avait pourtant ratifiés (4).

Au cours des cinq années passées, les licenciements ont aussi été facilités. Là encore les salariés ont donc été les grands perdants des ordonnances Macron avec plusieurs items importants. Ainsi, pour les multinationales, seule la santé de la filiale française fera foi pour le déclenchement du plan social, le rendant plus facilement possible via la mise en faillite artificielle de cette filiale alors que la société continue de réaliser des profits. Le plan social pourra d’ailleurs être conduit au rabais via la procédure de « rupture conventionnelle collective ». Faciliter les licenciements était bien un des objectifs du Président et du gouvernement : ceux-ci se sont quelque peu trahis en fournissant des lettres-type de licenciements aux entreprises afin d’éviter les recours aux Prud’hommes (5). Quelle délicate attention !

La régression est aussi sensible au niveau de l’hygiène et de la sécurité. Tout d’abord, rappelons la suppression du CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail), désormais fusionné avec la représentation des personnels et le comité d’entreprise, avec à la clef un impact non négligeable sur la façon dont les dossiers hygiène et sécurité sont maintenant traités (6). Rappelons également que le contact avec des substances chimiques et cancérigènes, ce qui a été mon quotidien et celui de nombreux autres collègues pendant une trentaine d’années, le port de charges lourdes, les positions pénibles, les vibrations mécaniques sont retirés des critères dits de pénibilité (7).

En Macronie, les syndicats se sont aussi trouvés attaqués assez régulièrement. Des délégués syndicaux ont à plusieurs reprises été licenciés contre l’avis de l’inspection du travail mais après approbation de la ministre du travail de l’époque, Mme. Muriel Penicaud (8,9). Cette dernière s’est d’ailleurs fait une spécialité de la limitation des droits des salariés. Elle avait par exemple nié l’existence d’un droit de retrait exercé par des cheminots suite à un accident sans hésiter à remettre en cause la légitimité de l’inspection du travail qui avait travaillé sur ce sujet (10). L’inspection du travail semble d’ailleurs être la bête noire de Madame Muriel Pénicaud qui a tenté, à la suite d’autres ministres, de lui rogner les ailes (11) quand elle ne lui demandait pas de se reconcentrer sur des dossiers sans doute plus urgents que ceux concernant des salariés licenciés (12).

La crise de la CoViD-19 a aussi fragilisé le monde du travail, le « quoi qu’il en coûte » tant vanté par les soutiens de Monsieur Emmanuel Macron pouvant aussi se comprendre comme un quoi qu’il en coûte aux salariés ou fonctionnaires. Je cite ainsi dans le désordre les mesures de régression que l’actuel gouvernement a fait passer profitant plus ou moins de la crise sanitaire : la possibilité de travailler jusqu’à 60 heures hebdomadaires dans certains secteurs, décision unilatérale ne nécessitant pas d’accord syndical (13), la limitation du droit de retrait pour les personnels réquisitionnés (14), la possibilité d’imposer ou non des congés aux salaries, tout en les prévenant simplement 24 heures à l’avance (13), la facilitation du travail le dimanche (13), ou la suppression de jours de RTT dans la fonction publique sans compensation (15). Pour information, j’en ai perdu 8 sur 12 alors que j’étais pourtant en télétravail à la maison !

En même temps, pour reprendre un élément de langage gouvernemental, Madame Muriel Penicaud n’a pas hésité à inciter les entreprises à négocier des baisses de rémunération, des augmentations d’horaires, ou des suppressions de RTT (16). Ces négociations sont autorisées par les « accords de performance collective » créés par les premières ordonnances travail de 2017, que le gouvernement feint de regretter (17). Point important : un salarié refusant de se voir appliquer un tel accord peut être licencié (18). Une belle avancée sociale sans aucun doute !

Toujours en lien avec les urgences sanitaire et économique, et via de nouvelles ordonnances et décrets, le gouvernement a raccourci considérablement les délais d’information et consultation des comités sociaux et économiques (CSE, 19). Depuis janvier 2020, les CSE remplacent et fusionnent les institutions représentatives du personnel dont le Comité d'Hygiène et Sécurité. L’avis des CSE, donc des représentants du personnel, n’est ainsi plus nécessaire pour recourir au chômage partiel (20), et les délais de saisine d’experts par ces CSE sur des sujets d’importances ont été réduits de 3 mois à…. 7 jours, week-end inclus (19) ! En contradiction avec l’esprit des lois, ces mesures – moins favorables aux personnels – sont applicables de façon rétroactive (19)! Quelques jours après promulgation, ces textes permettent au groupe General Electric de démanteler partiellement son site de Belfort (21)...

Je passe sur les textes qui se sont multipliés pour permettre aux employeurs privés ou publics d’imposer des dates de congés ou de prises de RTT en nombre toujours plus importants (voir par exemple 22), l’article étant déjà bien long. Pourtant ne présente-t-il qu’une partie des mesures antisociales voulues par l’actuel président en matière de droit du travail. Les salariés sont donc bien dans le collimateur de ce gouvernement, et ce quelle que soit la communication officielle qui n’hésite jamais, d'ailleurs, à nous servir la petite ritournelle « des Français qui travailleraient moins que les autres pays Européens » (23). Ceci est, bien entendu, faux (24, 25), mais permet de justifier, via un recours subliminal à la « valeur travail » (26) la régression massive que la Macronie a organisée au cours des cinq dernières années dans ce domaine. Il n’y a malheureusement aucune raison de penser que tout changerait si l’actuel président et sa majorité étaient réélues au cours des prochaines élections présidentielles et législatives.


Note :

*Le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi, afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. Assimilées à des règlements, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. Elles ne prennent toutefois valeur législative qu'après avoir été ratifiées par le Parlement dans un délai fixé.

Références :

La référence qui m’a permis la rédaction de cet article est l’excellent site https://macron.watch qui regroupe sous forme de listings l’ensemble des mesures antisociales prises dans différents domaines par le pouvoir en place. Je m’en suis largement inspiré. Les autres références consultées sont les suivantes.

1. Anonyme. Décryptage des ordonnances : le code du travail en lambeaux. L’Humanité. Septembre 2017.
Consultable en ligne :
https://www.humanite.fr/decryptage-des-ordonnances-le-code-du-travail-en-lambeaux-641358

2. Pauline Prépin. La volonté d’extension du CDI de chantier par les ordonnances Macron. Le Petit Juriste. Décembre 2017.
Consultable en ligne :
https://www.lepetitjuriste.fr/volonte-dextension-cdi-de-chantier-ordonnances-macron/

3. Nathalie Samson, Marion Bain. Indemnités aux prud'hommes: le barème prévu par les ordonnances. L’Express. Août 2017.
Consultable en ligne :
https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/indemnites-aux-prud-hommes-les-plafonds-sont-connus_1939406.html

4. Olivier Samain. Plafonnement des indemnités prud'homales : Nicole Belloubet réplique aux jugements récalcitrants. Europe 1. Mars 2019.
Consultable en ligne :
https://www.europe1.fr/economie/information-europe-1-plafonnement-des-indemnites-prudhomales-nicole-belloubet-replique-aux-jugements-recalcitrants-3869000

5. Anonyme. Pour licencier sans risque, le gouvernement propose six lettres "clés en mains". L’Express. Novembre 2017.
https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/pour-licencier-sans-risque-le-gouvernement-propose-six-lettres-cles-en-mains_1965260.html

6. Anonyme. La santé grande perdante de la fusion des CE et CHSCT, selon une enquête. L’Express. Janvier 2020.
Consultable en ligne :
https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/la-sante-grande-perdante-de-la-fusion-des-ce-et-chsct-selon-une-enquete_2116095.html

7. Catherine Quignon. Des substances cancérigènes exclues du nouveau compte pénibilité. Le Monde. Novembre 2017.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2017/11/16/des-substances-cancerigenes-exclues-du-nouveau-compte-penibilite_5215862_1698637.html

8. Dan Israel. Contre l’avis de l’inspection du travail, le licenciement d’un syndicaliste à SFR est validé par la ministre. Mediapart. Mars 2019.

9 Anonyme. Whirlpool: Le ministère du Travail autorise le licenciement des salariés protégés.
La production de l'usine avait été délocalisée en Pologne. 20 Minutes (avec AFP). Mai 2019.
Consultable en ligne :
https://www.20minutes.fr/economie/2517951-20190514-whirlpool-ministere-travail-autorise-licenciement-salaries-proteges

10. Geoffroy Clavel. Droit de retrait à la SNCF: Pénicaud contredit (un peu vite) l'inspection du travail. Huffington Post. Octobre 2019.
Consultable en ligne :
https://www.huffingtonpost.fr/entry/droit-de-retrait-a-la-sncf-penicaud-contredit-un-peu-vite-linspection-du-travail_fr_5daebefae4b0422422cb0724

11. Anonyme. Inspection du travail : la CGT alerte sur la suppression de 15 % des effectifs. BatiActu. Février 2019.

12. Mathilde Goanec, Dan Israel. Travail détaché : l’inspection du travail s’indigne d’une «consigne» de l’exécutif. Mediapart. Novembre 2019.

13. Bertrand Bissuel. Temps de travail, chômage partiel, congés payés… Le droit du travail bousculé par ordonnances. Le Monde. Mars 2020.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/25/temps-de-travail-chomage-partiel-le-droit-du-travail-bouscule-par-ordonnances_6034357_823448.html

14. Anne Rodier. L’état d’urgence sanitaire ne limite pas le recours au droit de retrait, sauf pour le personnel réquisitionné. Le Monde. Mars 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2020/03/25/l-etat-d-urgence-sanitaire-ne-limite-pas-le-recours-au-droit-de-retrait-sauf-pour-le-personnel-requisitionne_6034323_1698637.html 

15. Louis Nadau. Congés payés et RTT rognés à cause du Covid-19 : les règles du jeu pour les fonctionnaires. Marianne. Avril 2020.
Consultable en ligne :
https://www.marianne.net/societe/conges-payes-et-rtt-rognes-cause-du-covid-19-les-regles-du-jeu-pour-les-fonctionnaires

16. Paul Louis. Baisser les salaires pour éviter les licenciements: une alternative aux plans sociaux intéressante? BFM business. Juin 2020
Consultable en ligne :
https://www.bfmtv.com/economie/baisser-les-salaires-pour-eviter-les-licenciements-une-alternative-aux-plans-sociaux-interessante_AV-202006010146.html

17. Frantz Durupt. Baisser son salaire pour garder son emploi ? Le gouvernement dénonce un «chantage» que ses lois ont permis. Libération. Juin 2020.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/france/2020/06/02/baisser-son-salaire-pour-garder-son-emploi-le-gouvernement-denonce-un-chantage-que-ses-lois-ont-perm_1790070/

18. Leïla de Comarmond. Baisses de salaire : les accords de performance collective, un outil très souple pour les entreprises. Les Echos. Juin 2020.
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/economie-france/social/baisses-de-salaire-les-accords-de-performance-collective-un-outil-tres-souple-pour-les-entreprises-1208026

19. Bernard Domergue. Le gouvernement envisage de réduire à 8 jours le délai de consultation du CSE. Les éditions législatives. Avril 2020.

20. Catherine Pellerin. Les mesures d'urgence en matière d'activité partielle. Les éditions législatives. Mars 2020.

21. Martine Orange. Au nom du Covid-19, General Electric démantèle un peu plus Belfort. Mediapart. Mai 2020.

22. Bertrand Bissuel. Vers un plus grand nombre de jours de congés décidés par l’employeur. Le Monde. Avril 2021.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/04/14/vers-un-plus-grand-nombre-de-jours-de-conges-decides-par-l-employeur_6076732_823448.html

23. Loïc LeClerc. Emmanuel Macron: "Nous sommes un pays qui travaille moins que les autres. Regards.fr. Octobre 2021.
Consultable en ligne :
http://www.regards.fr/politique/article/nous-sommes-un-pays-qui-travaille-moins-que-les-autres-emmanuel-macron-ment

24. Pierre Breteau et Mathilde Damgé. Non, les salariés français ne travaillent pas moins que leurs voisins. Le Monde. Avril 2019.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/04/29/non-les-salaries-francais-ne-travaillent-pas-moins-que-leurs-voisins_5456229_4355770.html

25. Luc Peillon. Les Français travaillent-ils moins que «les autres», comme l’affirme Emmanuel Macron. Libération. Octobre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/checknews/les-francais-travaillent-ils-moins-que-les-autres-comme-laffirme-emmanuel-macron-20211014_6QRZLSHMPVAA3PGNJF7OWJZ62E/

26. Ante Electionibus. I. La valeur travail. Ce blog.
Consultable en ligne :
https://dessaux.blogspot.com/2021/07/ante-electionibus-i-la-valeur-travail.html


Crédit illustration :

Dessin de Lupo. La confédération Nationale du Travail
http://www.cnt-f.org/la-machine-de-guerre-anti-sociale-est-en-marche-en-marche-sur-le-code-du-travail.html


jeudi 9 septembre 2021

LE RAIL EN PACA : UNE PRIVATISATION TRÈS POLITIQUE



La région PACA vient d’annoncer qu’elle allait proposer à la signature des élus un contrat d’affermage de 10 ans, de trains régionaux auprès de l’opérateur privé, Transdev. Derrière cette annonce, se cachent de multiples considérations politiques.

M. Renaud Muselier, président LR de la région PACA, était tout fier d’annoncer voilà quelques heures que ce contrat en préparation avec la société Transdev, filiale de la caisse des dépôts et de Veolia, proposé à la signature, allait se traduire par un doublement de la fréquence des trains sur la ligne Marseille-Nice, sans augmentation de coût pour la région et pour l’usager. Pour un montant de quelques 870 millions d’euros, on passerait de 7 aller-retours à 14 aller-retours quotidiens. Le conditionnel est de rigueur, car cet itinéraire est assez chargé en certains points du réseau, voire quasi saturé à certaines heures (ex. gare de Marseille), et il est sensible à de nombreux aléas tels qu’incendies, chutes de pierres, glissement de terrains, etc. Ces derniers ne seront pas du ressort de l’opérateur privé mais de l’entité réseau de la SNCF (INFRA) chargé de l’entretien des voies. Ceci dit, ce doublement de fréquence mis en avant pas la région PACA ne se fera pas sans difficultés. Je pressens, sans être grand visionnaire, quelques retards et suppressions de trains assez réguliers sur cette ligne. On verra ce qu’il en est, surtout en regard des critiques incessantes que faisait depuis des années M. Renaud Muselier à la SNCF. Cette dernière avait sans doute une part de responsabilités dans les retards existants, et dans l’exploitation de la ligne, mais comment ne pas y voir, aussi et surtout, la conséquence de choix politiques libéraux qui, depuis des années, appliquent à la société nationale des critères et une grille de lecture issus du monde l’entreprise à vocation lucrative.

Les grands perdants de l’histoire seront les cheminots SNCF dont certains seront automatiquement transférés vers Transdev, avec un risque élevé de perte de leur statut social. Ceci entraîne pour eux une réduction des primes, des montants de frais de repas du midi et du soir, et induisent un risque de licenciement sec en cas de réduction du trafic ou de difficulté financières de l’opérateur. Il est vrai que vu de la droite, les aspects sociaux de l’opération ne comptent que très peu, voire pas du tout. C’est particulièrement vrai pour le monde ferroviaire : la haine du cheminot s’est en effet révélée être un marqueur constant de la droite politique depuis 30 ans... 

D’autres lignes de la région resteront néanmoins du ressort de la SNCF, seul opérateur ayant postulé pour les liaisons jusqu’à Vintimille, sur les itinéraires Les Arcs-Draguignan, Nice-Tende et Cannes-Grasse. Pour ceux qui ont la connaissance du réseau, il est évident que ces liaisons SNCF sont les moins rentables de la région PACA. L’opérateur publique pourrait même essuyer des pertes sur ces secteurs. La ligne Marseille-Nice, représente, quant à elle, un peu plus de 10 % des distances kilométriques, et presque 35 % des revenus du réseau ferré local. Elle est rentable. On vérifie donc, dans cette privatisation rampante, le bien connu motto « privatisation des bénéfices, mutualisation des pertes » ! Ceci posé, le transfert vers une société privé de l’exploitation de la ligne la plus rentable permet aux élus de droite d’éviter de se ridiculiser. Ceux-ci critiquent la SNCF depuis des lustres. Qu’aurait-on pensé du sérieux de ces critiques si l’exploitation de l’artère Marseille-Nice avait de nouveau été confiée à la SNCF ? Il est donc fort probable que l’attribution de l’exploitation à Transdev soit, pour la région PACA, une façon de justifier a posteriori ces critiques. On est bien loin de l’intérêt de l’usager qui pourrait se retrouver, comme cela se voit dans la région de Melun, ou de Montmorency, confronté à des fermetures totales de lignes Transdev, suite à des mouvements sociaux liés à la politique antisociale menée par cette entreprise, vis à vis de ses employés.


Crédit illustration :


Wikipedia : train X40.

Note: ces trains ne sont pas en service en France puisque propriété des chemins de fer suédois. Des trains régionaux semblables construits par Alstom, sont en revanche opérationnels dans notre pays.
L'image est utilisée comme simple illustration de l'article. 


lundi 21 juin 2021

LE LENT ABANDON DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L’ÉTAT



Depuis presque 30 ans, les privatisations ont fait passer dans le secteur privé toutes une série d’activités relevant de secteurs et d’entreprises publics. Le caractère public de ces entreprises était sans aucun doute lié à la nécessaire reconstruction du pays dans l’après guerre et l’on peut effectivement se demander si la construction de voitures revêtait une importance telle qu’il était nécessaire de la conserver dans le secteur public.

Un certain nombre des privatisations qui ont eu lieu depuis 30 ans ne me choquent donc pas. Les exceptions restent cependant celles qui relèvent de secteurs stratégiques pour l’Etat et donc pour les citoyens, particulièrement dans les domaines de l’énergie et de l’aménagement du territoire, donc des transports. Certaines de ces privatisations ont conduit à des situations ubuesques, bien éloignées de la vision idyllique de la pensée unique qui propose, pour simplifier, que le secteur privé serait moins coûteux, et surtout bien plus efficace que le secteur public. J’ai eu l’occasion d’expliquer en quoi cette affirmation du credo libéral est erronée, en tout cas non généralisable, au travers d’exemples tels que La Poste, les autoroutes, et prochainement les transports publics... On pourrait rajouter l’ex-EDF, ancien établissement public devenu société anonyme, qui, de par la loi NOME voulue par l’Union Européenne, doit brader 25% de sa production nucléaire à ses concurrents, à un prix quasi inchangé depuis plus de 10 ans, pour rendre ses propres concurrents plus... compétitifs ! On pourrait aussi parler du projet de privatisation des barrages hydroélectriques, construits avec l’argent public, pour le seul bénéfice d’actionnaires privés. On retrouve là le célèbre principe de « mutualisation des dettes et des coûts et privatisation des bénéfices ». Sachant que le paramètre dominant deviendrait alors le profit, on peut s’inquiéter des coupes claires qui pourraient intervenir dans l’entretien de ces structures... Sans compter les entreprises publiques privatisées, puis vendues à la découpe. Ceci a entraîné la perte de savoir-faire sensibles au seul profit d’entreprises étrangères. Je pense là à Alcatel, devenu Alcatel Lucent, ou à Alsthom par exemple. Rappelons dans ce dernier cas, que le parquet national financier s'est saisi du dossier. Ce dernier, suite aux travaux d’une commission parlementaire d’enquête, soupçonne l’existence d’un  « pacte de corruption » qui aurait pu bénéficier à M. Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie au moment de la signature de la vente. En effet, il apparaît que « des prestataires qui ont été rémunérés grâce à la vente d’Alsthom Power figuraient parmi les donateurs de la campagne d’Emmanuel Macron » (1).

Ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est qu'abandonnant des secteurs entiers stratégiques en termes de savoir-faire, d’emploi, d’industrie et de technologie de pointe, l’Etat commence également à abandonner ses missions régaliennes. L’exemple le plus frappant est sans doute la baisse drastique du nombre de policiers sous le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy. La conséquence de cela est que dans les villes qui en ont les moyens, et dont les édiles veulent satisfaire un électorat dont l’inquiétude est possiblement à dessein stimulée par des discours anxiogènes de politiques ou de médias, se développent des polices municipales. Je pourrais aussi ajouter, dans le domaine de la sécurité, celle des aéroports, qui échappe totalement aux services de polices ou de gendarmerie, étant assurée par des entreprises privées. Cette implication des entreprises de sécurité privées, véritable brèche dans un domaine régalien, n’est pas propre à la France mais peut être constaté partout en Europe et dans le monde. Ainsi, « le secteur privé de la sécurité représenterait en Europe quelque 1,7 millions de personnes, 50 000 entreprises et un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros ; l’Union européenne compterait 237 agents privés (contre 360 policiers) pour 100 000 habitants » (2). Or, cet abandon des missions régaliennes concerne des secteurs ultra-sensibles pour la sécurité nationale. Ainsi, la vérification des dossiers de demande de visa de ressortissants étrangers pour le compte des consulats de France est assurée, dans certaines pays, non pas par les services consulaires mais par des entreprises privées, comme l’est d’ailleurs la sécurité rapprochée de ces mêmes consultas et des ambassades...

Ne nous leurrons pas. Tout cela résulte d’une conjonction de deux volontés. La première est politique - je l’ai évoquée plus tôt - directement issue d’une vision libérale de la société et de l’économie. Dans ce cadre, l’État occupe encore une place trop importante eu égard à son inefficacité supposée. L’autre vision est économique. Tout cela coûterait trop cher. Derrière ce volet économique se cache entre autres la cour des comptes, qui depuis des lustres exhorte l'Etat à abandonner des missions régaliennes au motif que d’autres collectivités territoriales les exercerait (3). C'est donc le serpent qui se mord la queue et c'est surtout bien loin d’être vrai ! Ainsi, dans le domaine de la pénitentiaire, cette même cour des comptes écrivant dans un rapport de 2006 intitulé « Garde et réinsertion - La gestion des prisons » que « L’administration pénitentiaire a ainsi été l’un des premiers services de l’État à s’être engagé sur une grande échelle dans une démarche de partenariat avec le secteur privé. […] L’idée de faire gérer les établissements pénitentiaires par des opérateurs privés a semblé intéressante en ce qu’elle était l’occasion de moderniser les procédures et les méthodes de l’administration qui auraient ainsi évolué pour passer du « faire » au « faire faire » ». On ne saurait être plus clair !

Plus grave encore, cet abandon commence aussi à concerner la défense nationale. Dès 2000, Un « Guide de l’externalisation » (délicat euphémisme) a été publié par le ministère de la Défense, qui précise qu’elle (l'externalisation)  « consiste à transférer […] hors de l’administration concernée nombre d’activités ou de fonctions jugées autrefois indispensables au sein même de cette dernière » (4). Dans certains pays, l’entrainement des pilotes de chasse, le repliage des parachutes, le « catering » (la logistique nourriture) sont transférés à des entreprises privées. Et aux USA, on se rappelle lors de la guerre d’Irak l’intervention de ce qu’il faut appeler des mercenaires aux ordres de l’entreprise privée « Blackwater », avec un ratio soldat gouvernemental/mercenaire de 1 pour 1,12. Revenant en France, en 2002, cette privatisation de fait de pans entiers de l’activité militaire devenait déjà un phénomène massif : « si l’on exclut les rémunérations et les dépenses pour charges sociales, les crédits d’externalisation représentaient [à cette date] 16,8% du budget annuel de fonctionnement de l’armée » (4). Là où l'on nage en plein délire, c'est lorsque l'on compare les coûts. Selon un rapport récent du ministère de la défense, intitulé observatoire de l'Armée de Terre 2035 :  « Le bénéfice enregistré du fait de l’emploi de contractors [terme de "novlangue" utilisé pour parler d'intervenants extérieurs] reste relatif. Un fonctionnaire, en théorie coûte 25% moins cher pour le gouvernement qu’un contractor. L’avantage du contractor réside dans le non-paiement des retraites. [Cependant] les contractors représentent 50% du coût, alors qu’ils ne constituent que 30% des effectifs ». Comment donc ne pas y voir un choix entièrement idéologique !

Devant cette fuite en avant de l’État, que j'assimile quelque part à une trahison, et qui obéit à la double injonction que je décris ci-dessous, il reste peu de moyens d’actions. De courageux maires de Seine-Saint-Denis viennent de déposer plainte contre l’Etat pour « rupture d’égalité » (5). Et il est à craindre aussi que l’exaspération gagne la population. Le déclassement lié à l’abandon de ces missions régaliennes, la disparition de services publics de certaines zones est ainsi, à mon sens, une des causes du malaise personnalisé par les gilets jaunes. Or à ce jour rien n’est réglé. Ceci fait que je pense possible le retour d’une situation encore plus explosive en France, dès que le couvercle des restrictions sanitaires aura été retiré de la marmite...


Références :

1. Claudia Cohen. Pourquoi la vente controversée d’Alstom à General Electric fait à nouveau parler d’elle ? Le Figaro Economie. Juillet 2019.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/societes/pourquoi-la-vente-controversee-d-alstom-a-general-electric-fait-a-nouveau-parler-d-elle-20190724

2. Jacques Chevallier. La police est-elle encore une activité régalienne ? Archives de politique criminelle 2011/1 (n° 33), pp. 13-27. Cairn-Info.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2011-1-page-13.htm

3. Matthieu Quiret. La Cour des comptes exhorte l'Etat à abandonner certaines missions en région. Les Echos. Décembre 2017
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/2017/12/la-cour-des-comptes-exhorte-letat-a-abandonner-certaines-missions-en-region-189032

4. Frédéric Rouvillois. L’externalisation ou comment recentrer l’État sur ses compétences essentielles. Fondapol. Avril 2008.
Consultable en ligne :
https://www.fondapol.org/app/uploads/2020/05/HS_Externalisation-1.pdf

5. Aurélien Soucheyre. Inégalités. Des maires portent plainte contre l’État. L’Humanité. Décembre 2018.


Crédit illustration :

Le mauvais procès fait aux fonctionnaires déconstruit en 6 points
Alternatives économiques. Avril 2017.

lundi 7 juin 2021

VOUS AVEZ AIMÉ LA PANNE DES NUMÉROS D’APPEL D’URGENCE ?


Alors vous allez adorer la fin du réseau téléphonique commuté !

Le réseau téléphonique commuté, ou RTC, c’est le réseau historique de téléphonie fixe. Il fait que chaque téléphone fixe est relié, essentiellement par fil de cuivre, au commutateur installé dans un central téléphonique. Chaque appel d’un fixe vers un autre téléphone passe par cette ligne, qui renvoie du commutateur local sur un autre commutateur si l’appel est à destination d’un téléphone fixe, ou vers un autre commutateur et une antenne-relais si l’appel est à destination d’un portable.

L’intérêt du RTC est sa robustesse et le fait que les téléphones fixes qui reçoivent l’appel n’ont pas besoin d’être alimentés en énergie. Le courant d’appel, celui qui fait « sonner » le téléphone est en effet fourni par la ligne RTC, et les appareils de téléphone sont autonomes. Or le RTC vit ses dernières années. Il est ainsi impossible depuis peu de faire ouvrir une ligne fixe utilisant cette technologie et déjà plusieurs communes de France sont passées du RTC à la nouvelle norme, appelée « voix sur IP ». Dans ce système, votre voix captée par le micro fourni un signal analogique qui doit être transformé en signal numérique, seule information transportable dans un système voix sur IP. Le signal numérique sera acheminé jusqu’au correspondant, chez qui il sera décodé et transformé de nouveau en signal analogique, seul signal audible par notre oreille. Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur tous ces points, la lecture des pages wikipédia en référence pourrait s’avérer d’intérêt (1).

La voix sur IP offre bien entendu des avantages tels qu’une meilleure compatibilité avec l’acheminement des autres signaux numériques sur nos lignes, et donc une limitation des équipements destinés à acheminer d’un côté la voix, et de l’autre l’internet, la télé, etc. Cette simplification doit a priori entraîner une réduction des coûts des communications, mais celui-ci pourrait être obéré par la mise en service de la fibre optique. Egalement, le numérique est en théorie au moins, moins sensible aux sons parasites. En réalité, la plupart des avantages de la voix sur IP se trouvent plutôt du côté de l’opérateur, plus que de l’utilisateur qui, lui, ne devrait pas voir de changement majeur pour son quotidien. C’est en tous cas le discours tenu par l’autorité de régulation et par les opérateurs. Car au final, il faut préciser que les anciens téléphones dont nombre de foyers sont encore équipés ne seront plus fonctionnels en voix sur IP. Il faudra donc changer certains de nos appareils et je ne suis pas sur que cela sera pris en charge par l’opérateur.

Ceci dit, le vrai problème que pose cette migration est à mon sens lié au fait que cette technologie ne fonctionne que si les téléphones sont alimentés en énergie. En cas de panne de courant, il n’y aura plus de liaison téléphone, un peu à l’image de ce qui se passe aujourd’hui pour l’accès internet via la « box » familiale. Si la panne est courte, pas de problème. Il sera d’ailleurs toujours possible d’utiliser les téléphones portables, en tous cas pour ceux qui en ont, soit environ 90 à 95 % de la population. Là où l’affaire se compliquera, ce sera lors d’événements climatiques mettant à mal l’alimentation électrique de nos domiciles, et celle des antennes relais. En moyenne, un téléphone portable dispose d’une autonomie de 24 heures, 48 heures au mieux si on coupe les fonctions wi-fi, bluetooth et « data » (2G-4G) et on éteint l’écran. Les antennes relais disposent, elles, d’une autonomie de 2 à 24 heures, très rarement plus, qui dépendra aussi de l’intensité de leur utilisation. Plus il y aura d’appels, moins l’autonomie des antennes sera importante. Cela veut dire que si une région est soumise à une tempête violente, avec des coupures d’alimentation électrique, il sera impossible de téléphoner en fixe lors de la coupure, et par le portable si celle ci-dure plus de 24/36 heures. Pour mémoire, certaines régions de France ont été privées d’électricité pendant 3, 4, voire 5 à 7 jours, encore récemment suite à des aléas climatiques d’importance. À Forges par exemple, la tempête de 2000 avait produit des coupures d’une durée de l’ordre de 5 jours dans certains des secteurs de la commune. Dans ces conditions - où l’ancien réseau en RTC aurait continuer de fonctionner - il sera impossible d’appeler les secours, alors que la probabilité d’en avoir le besoin s’accroîtra. Je rappelle aussi que nombre de dispositifs, tels que télésurveillance des biens et personnes y compris personnes âgées, ou système d’appels de secours des ascenseurs, fonctionnent toujours via le RTC (1)...

Nos sociétés sont des géants aux pieds d’argile, et parfois le progrès ne va pas dans le sens de la résilience, d’autant que la fréquence des événements climatiques violents est, selon toute probabilité, amenée à augmenter...



Références :

1. Pages Wikipédia
Réseau téléphonique commuté :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_t%C3%A9l%C3%A9phonique_commut%C3%A9

Boucle locale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Boucle_locale_en_France

Commutateurs téléphoniques
https://fr.wikipedia.org/wiki/Commutateur_t%C3%A9l%C3%A9phonique

Crédit illustration :

Telephone Socotel S63
Vu sur Etsy :
https://img1.etsystatic.com/053/0/10014352/il_fullxfull.748091713_k3ej.jpg

 


lundi 21 décembre 2020

« PRIVATISATION » DE LA RATP : BEAUCOUP DE QUESTIONS, PEU DE RÉPONSES ET DES RISQUES !




De par le droit européen, les transports publics sont un secteur ouvert à la sacro sainte concurrence libre et non faussée. Dès janvier 2025 et jusqu’en 2039, l’ensemble des réseaux de trains, de RER, de métro et de bus de la région parisienne, ainsi que ceux d’autres métropoles, vont disparaître du secteur public pour se retrouver dans le giron du secteur privé. Quel est l’intérêt de cette privatisation et quelles seront les conséquences pour les usagers ? Les résultats des autres services publics privatisés, dans le secteur du transport par exemple, mais pas seulement, n’incitent pas à un optimisme débridé.


La privatisation des transports parisiens est donc en route. Même si elle n’est présentée que comme une mise en concurrence, il en va, dans les faits de façon très différente. Il semblerait en effet que la RATP en tant que telle ne pourra répondre aux appels d’offres car elle est un EPIC, c’est à dire une entreprise publique à caractère industriel et commercial. Pour y répondre la RATP devra donc le faire via des filiales entièrement de droit privé. La raison est paradoxale : avec son statut d’établissement public, la RATP serait trop concurrentielle par rapport aux entreprises privées...

La première vague d’ouverture au privé touchera en 2025 les services de bus de Paris et de la proche couronne, avec une question majeure. Comment cela se passera-t-il ? L’appel d’offre sera-t-il conduit ligne par ligne, dépôt par dépôt, secteur géographique par secteur géographique. Rien n’est sur et les syndicats de la régie sont pour le moment dans le flou le plus total, aucune réponse à ces questions ne leur ayant été fournie. La même interrogation se posera au plus tard en 2033 pour le RER et en 2039 pour les lignes de métro. Cependant, l‘actuelle présidente de région, également présidente d’Ile de France mobilité (l’ex STIF) qui coordonne les transports dans la région, Mme. Valérie Pécresse (LR) souhaite accélérer de 10 ans ce processus (1).

Du côté des salariés de la RATP, cette ouverture à la concurrence est de très mauvais augures. Si la RATP filialisée ne remporte pas les marchés, les personnels seront transférés à la concurrence sans leur consentement, avec licenciement en cas de refus, et avec les pertes de certains éléments du statut et du rattachement à l’EPIC. Selon les dires gouvernementaux, ils conserveraient néanmoins rémunération au titre de l’article L 3221-3 du code du travail et l’accès aux centres de santé de la RATP. Mais qu’en est-il de l’organisation du travail et des horaires, des heures supplémentaires, et des points de détail comme le temps de changements de tenue qui « font le métier » ? Rien n’est clair là dessus. Les syndicats l'on bien compris, des cadres de la CFE-CGC aux membres de l'UNSA, de Solidaires, de la CGT ou de SUD... Je cite M. Frédéric Ruiz, président de la CFE-CGC (qu'on ne peut qualifier de « dangereux gauchiste » !) du groupe RATP : « L’ouverture à la concurrence nous est présentée depuis une vingtaine d’années comme une décision européenne inéluctable. En fait, il s’agit d’un « choix dogmatique » qui vise à instaurer un marché unique européen, dans tous les secteurs économiques, y compris les services publics. La France, en bonne élève de la « pensée unique », a ainsi transformé ses entreprises publiques en groupes qui se privatisent, la RATP étant l’une des dernières à subir ce sort. Pourtant, les diverses crises qui se succèdent montrent que cette évolution n’est plus pertinente, tant sur le plan social qu’environnemental. Car les choses sont désormais claires, pour l’autorité organisatrice IDFM la concurrence dans les transports publics urbains vise prioritairement à réduire les coûts, c’est-à-dire la masse salariale, et à diminuer l’influence de la RATP, trop encombrante à ses yeux. Le gouvernement poursuit donc son travail législatif et réglementaire mettant en place des « usines à gaz » dont il ne mesure pas lui-même les implications. Le Covid-19 a pourtant démontré que l’EPIC RATP, avec sa multi-modalité et ce qui lui reste d’intégration, était un modèle d’organisation particulièrement efficace, réactif et humain. Dans ce contexte où les plans sociaux se multiplient, la CFE-CGC Groupe RATP estime que la concurrence dans les services publics devrait être re-questionnée en urgence. Dans tous les cas, les salariés en général et les encadrants de la RATP en particulier ne sauraient être la variable d’ajustement des évolutions d’organisation ».
 

Ce qui est également peu clair aussi, c’est le bénéfice de l’ouverture à la concurrence pour l’usager. Ainsi quid des titres de transports à l’unité. Seront-ils valables pour les bus d’une entreprise, et pas de l’autre ? De façon plus « macro », si l’on regarde les résultats de la privatisation d’autres ex-entreprises ou services publics, on peut légitimement se poser des questions. Premier exemple : la Poste. Depuis la transformation en société anonyme, avons-nous bénéficié d’un meilleur service, soit en termes de qualité, soit en termes de prix ? Objectivement, la réponse est non. Des bureaux ferment à tour de bras pour des raisons de rentabilité (on l’a vu à Forges et dans bien d’autres communes) et l’on demande à la puissance publique, en l’occurrence les communes des territoires sacrifiés, de se substituer à l’entreprise privée déficiente en ouvrant des agences postales et en rémunérant leurs agents... Le tout sous l’œil compatissant d’élus locaux affiliés à des partis qui sont précisément ceux qui ont voté la privatisation de la Poste. Quant au coût du timbre, entre 2010 (date de privatisation) et 2020, il a été globalement multiplié par deux, passant de 0,56 euros en juin 2010 à 1,16 euros aujourd’hui. Pour quelle amélioration de service, on peut se le demander ?

On m’objectera que la Poste n’est pas une entreprise de transport (quoi que). Prenons alors le cas de la privatisation des autoroutes. Le même constat que le précédent peut facilement être fait en posant les mêmes questions. Depuis la privatisation, survenue en 2005, le service s’est il amélioré et/ou le coût pour l’usager s’est il réduit ? Là aussi les réponses sont deux fois non, les péages augmentant d’ailleurs plus vite que l’inflation (2). De plus, alors que les investissements avaient été consentis sur de l’argent public, la vente des autoroutes au privé l’a été à vil prix : autour de 15 milliards, valeur sous estimée de 10 milliards selon la cour des comptes (2). Cette vente a aussi eu lieu au moment où l’Etat aurait pu commencer à toucher les bénéfices de ses investissements. Cette privatisation respecte donc l’adage bien connu « mutualisation des dettes (ou des coûts), privatisation des bénéfices ». A ce sujet, rappelons que les actionnaires ont empoché plus de 40 milliards d’euros depuis la privatisation (3), soit plus d’1,5 milliards d’euros par an (2).

Les fervents défenseurs de la privatisation objecteront alors que les autoroutes ne sont ni le rail, ni les transports en commun. Certes. Tournons-nous alors vers la privatisation de British Rail au Royaume-Uni. Dans ce pays ultra-libéral si il en est, « les prix du billet sont six fois supérieurs à la moyenne européenne pour un service de moindre qualité et ils ont bondi de 25 % (hors inflation) depuis 1995 » (4). Dans la période suivant la privatisation de 1993, des accidents sérieux se sont produits, tels que ceux de Southall en 1997, Ladbroke Grove en 1999, Hatfield en 2000 et Potters Bar en 2002. Depuis 1993, date de la privatisation, 80 personnes ont été tués et plus de 1 300 blessés dans des accidents survenu sur le réseau ferré britannique (5). Les enquêtes ont montré que ces accidents était liés à la fois à un mauvais entretien chronique du réseau et des dispositifs de sécurité (4). Ceci a obligé la puissance publique britannique a réagir entre autres en injectant massivement des capitaux publics dans le réseau, toujours le fameux principe du « mutualisation des pertes, privatisations des bénéfices » (6). Cela a néanmoins permis la remise à niveau du réseau, maintenant un des plus surs d’Europe. En matière de service, en revanche, la dégradation est sensible et persistante. Je cite Wikipédia : « Les chemins de fer privatisés n'ont pas démontré les améliorations espérées en matière de ponctualité et de fiabilité. Les contrats mis en place entre les sociétés étaient conçus pour inciter à des améliorations dans ces domaines, mais du fait de la grande augmentation du nombre de trains mis en circulation, avec plus ou moins le même matériel et sur un réseau identique, il y eut moins de marge de manœuvre en cas de problèmes, avec les effets subséquents sur la ponctualité » (7). Aujourd’hui, la situation est tellement dégradée en termes de service qu’un retour du rail dans le giron public est plus qu’envisagé. Il est temps, car la facture pour les usagers a augmenté de façon astronomique, un Anglais dépensant environ 6 fois plus qu’un Français pour se rendre au travail par le train (8). Vint cinq ans après sa privatisation, le rail britannique est d’ailleurs aujourd’hui le plus cher d’Europe (9)...

On voit bien au travers de l’exemple précédent tous les risques associés à la privatisation de secteurs qui relèvent de l’aménagement du territoire. Les exemples que j’ai cités montrent que l’intérêt de la privatisation de la RATP pour les usagers sera nul. Ils montrent aussi qu’un risque de dégradation du service existe, le tout accompagné d’une hausse des coûts essentiellement destinée non pas à l’amélioration du service mais à la rétribution d’actionnaires improductifs et dont les prélèvements sur les recettes d’exploitation ne peuvent que nuire au service proposé. Seuls les libéraux et les politiques qui les soutiennent n’en font pas le constat, probablement parce qu’il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir...


Références

1. Anonyme. Valérie Pécresse veut « accélérer la mise en concurrence » de la RATP et de la SNCF en Ile-de-France. 20 minutes et AFP. 20 minutes. Février 2020.
Consultable en ligne : 
https://www.20minutes.fr/paris/2711519-20200205-valerie-pecresse-veut-accelerer-mise-concurrence-ratp-sncf-ile-france 

2. Maxime Fayolle et la cellule investigation de Radio France. La très rentable privatisation des sociétés d’autoroutes. Octobre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.franceinter.fr/societe/la-tres-rentable-privatisation-des-societes-d-autoroutes

3. Vincent Vérier. Autoroutes : un pactole de 40 milliards d’euros pour les actionnaires. Le Parisien. Septembre 2020

4. Julian Mischi et Valérie Solano. Accélération de la privatisation du rail en Europe. Le Monde Diplomatique. Juin 2016

5. List of rail accidents in the United Kingdom. Wikipedia en anglais.
Consultable en ligne :
https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_rail_accidents_in_the_United_Kingdom#1995_onwards:_Post-privatisation

6. Owen Jones. Crédits publics pour le secteur privé britannique. Le socialisme existe, pour les riches. Le Monde diplomatique. Décembre 2014.
Consultable en ligne :
https://www.monde-diplomatique.fr/2014/12/JONES/51051

7. Privatisation de British Rail. Wikipedia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Privatisation_de_British_Rail#Effets_de_la_privatisation

8. Sasha Mitchell . Au Royaume-Uni, la privatisation des chemins de fer déraille. La Tribune. Janvier 2017.
Consultable en ligne :
https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/au-royaume-uni-la-privatisation-des-chemins-de-fer-deraille-628489.html

9. Anonyme. Au Royaume-Uni, les billets de train “les plus chers d’Europe” provoquent la colère. Le courrier international. Janvier 2018.
Consultable en ligne :
https://www.courrierinternational.com/article/au-royaume-uni-les-billets-de-train-les-plus-chers-deurope-provoquent-la-colere 


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Le blog Ca n'empêche pas Nicolas