lundi 8 mai 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… DE LA FRANCE INSOUMISE ET DE LA NUPES


Dernier volet de cette série de billets, portant cette fois sur LFI et la NUPES, tout en distinguant l’une et l’autre.

J’ai aussi quelques amis et relations à LFI. Avant de dire en quoi certaines de leurs positions me conviennent ou non, je commencerai par un rappel historique. LFI n’a, en réalité, pas 10 d’existence. On peut assez légitimement, me semble-t-il, la considérer comme un agrégat (n’y voir aucune connotation péjorative) de personnalités issues de nombreux mouvements de gauche. La composante principale en est le parti de gauche (PG), lancé en 2008 par Ms. Marc Dolez et Jean-Luc Mélenchon, tous deux des « anciens du PS ». M. Marc Dolez s’éloignera ensuite du PG en raison de divergences de vues avec M. Jean-Luc Mélenchon. En 2009, le PG, des éléments du PS, du mouvement républicain et citoyen de M. Jean-Pierre Chevènement, et du parti communiste français (PCF) forment une alliance en vue des élections européennes, le « front de gauche ». Le PG sera très actif entre 2009 et 2016, lors de divers mouvements sociaux, bien que sa présence militante ne se soit pas traduite de façon spectaculaire dans les diverses élections qui ont jalonné cette période. En particulier, le PG essuie un désaveu lors des élections régionales de 2015.

C’est à nouveau à l’occasion d’une élection que le mouvement évolue. En 2016, LFI est créée en vue des présidentielles de l’année suivante, se présentant dès l’origine comme une plate-forme de réflexion commune et ouverte à tous, et pas comme un parti politique, ce qu’elle devient pourtant en 2017. Le candidat proposé aux suffrages est M. Jean-Luc Mélenchon qui, déjouant nombre de sondages, recueillera un peu moins de 20% des voix, le plaçant en 4eme position, presque à égalité avec M. François Fillion, candidat des Républicains. Ce score plutôt impressionnant est dû, selon plusieurs analystes, aux qualités orales de M. Mélenchon, mais également à une campagne de haut vol s’appuyant sur les technologies internet. On se rappellera sans doute les meetings de Lyon et Paris où le candidat apparaitra en direct sous forme d’un hologramme, une première mondiale ! De même, le site YouTube diffusera une vidéo de 5 heures au cours de laquelle les généraux du mouvement, dont l’économiste atterré Jacques Généreux, développeront leur programme. Le succès à la présidentielle se traduira par un demi-succès aux législatives, qui enverront 17 députés LFI à l’Assemblée Nationale. Le succès électoral de 2017 se confirmera en 2022. À la présidentielle, M. Jean-Luc Mélenchon arrivera 3e cette fois, avec presque 22% des voix. Ce résultat sera à l’origine d’un conflit avec le PCF, dont le candidat, M. Fabien Roussel, avait maintenu sa candidature au premier tour. S’il n’est pas certain qu’une candidature unique eût été suffisante pour porter M. Jean-Luc Mélenchon au second tour, un tel renoncement du candidat communiste aurait pu mathématiquement suffire à inverser les positions de M. Mélenchon de de M. Marine Le Pen, arrivée deuxième.

Encore une fois, la perspective des législatives de 2022 conduit à une modifications des périmètres. Dès avril, LFI vise à rassembler divers partis de gauche autour d’une bannière unique. Ce sera la NUPES. Je cite Wikipédia (1) : « des discussions sont engagées, notamment avec Europe Écologie Les Verts (EÉLV), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Le mouvement Génération.s, fondé par Benoît Hamon, rejoint en premier LFI, dès le 29 avril. Dans la nuit du 1er au 2 mai, un accord est conclu avec EÉLV sous la bannière commune de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). Le 3 mai, le Parti communiste français rejoint cette union. Le 4 mai, le Parti socialiste annonce avoir conclu un accord, demandant encore à être ratifié par une instance interne, avec la France insoumise. Cet accord est validé dans la nuit du 5 au 6 mai par le conseil national du PS. En parallèle, le NPA annonce dans un communiqué ne pas être en mesure de trouver d'accord pour rejoindre l'union ». La NUPES réalisera une excellente campagne électorale aux législatives. Je cite de nouveau Wikipédia (1): « à l'issue du premier tour des législatives, la coalition NUPES fait quasiment jeu égal avec la coalition de la majorité présidentielle Ensemble avec 21 000 voix de moins qu'elle. Au second tour, la NUPES se classe second parti de France, et première force d'opposition, avec 131 députés élus (contre 245 pour la coalition présidentielle). Parmi ces 131 députés, 75 sont issus de LFI ».

J’arrête ici cet historique bien qu’il m’ait semblé nécessaire pour comprendre la genèse de LFI et de la NUPES. Au plan programmatique, autant le dire tout de suite, je suis favorable à plusieurs propositions de LFI, dont une réflexion sur une nouvelle constitution pour une 6e République. On voit bien aujourd’hui les dérives de la 5e République, portée par M. Michel Debré dans les années 50 et taillée sur mesure pour le Général De Gaulle. Son défaut majeur, à mon sens, est d’accorder un pouvoir bien trop important au Président de la République, même s’il reste possible pour l’Assemblée de censurer le gouvernement. Ceci dit, cela ne s’est produit qu’une seule fois depuis presque 60 ans, le premier gouvernement Pompidou ayant été censuré en 1962 (2). On mesure dès lors combien le « coup est passé finalement très près » lors du vote de la motion de censure proposée par le groupe LIOT voilà quelques semaines, et repoussée par seulement 9 voix, en regard de l’usage du 49.3 pour avaliser la contre-réforme des retraites (3). Je soutiens également l’abrogation des lois travail, en particulier celles relatives à la réglementation du travail de nuit et à l’inversion de la hiérarchie des normes (primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche). Je soutiens de même l’instauration de pratiques plus vertes et plus vertueuses, pour protéger les biens communs que sont l’air, l’eau, l’énergie, et la santé et la suppression des traités de libre échange qui se traduisent systématiquement par des moins disant sociaux, économiques et environnementaux. Je suis en revanche en désaccord avec le retour d’un âge de retraite à 60 ans. Je considère que la retraite ne peut être acquise que par une durée de cotisation donnée, et que l'âge à laquelle elle est accessible doit dépendre de la pénibilité du travail effectué, en lien avec l’âge de début de carrière. Je suis également en désaccord sur la mise en place d’un plan de transition énergétique vers 100% d’énergies renouvelables, car il est intenable sans des économies drastiques d’énergie pour le moment non financées et non finançables, et assez irréalistes. Il suffit pour s'en convaincre de lire ce que dit l'ADEME d'un tel scénario. D’autres mesures sont discutables, telle la révocation des élus par référendum, s’agissant là d’en définir les modalités pour assurer un fonctionnement fluide des institutions et le non recours systématique à de telles procédures pour des raison de basse politique. Je souhaite également réexaminer la position de LFI sur l’Union Européenne, qui me semble plutôt opaque possiblement parce qu'objet de divergences de vue en interne.

Au-delà de ce qui précède, je ferai un certain nombre de critiques à LFI. La première est que selon plusieurs observateurs, dont certains internes au mouvement, il semblerait que le fonctionnement de LFI ne soit pas très démocratique. Soyons clair, cela pourrait bien être un reproche fait à nombre de partis. Mais quand on se veut intransigeant et capable de « laver plus blanc que blanc », on doit l’être en interne. L’affaire Guénolé est à cet égard emblématique. Ce militant LFI a en effet dénoncé assez vertement « le simulacre » de démocratie interne à LFI, parlant même de « dictature » et de « méthodes staliniennes ». L’affaire aurait pu s’arrêter là si l’intéressé n’avait pas fait l’objet de dénonciations sans preuve pour harcèlement sexuel (4). Dans un intéressant ouvrage, « la chute de la maison Mélenchon », M. Thomas Guénolé révèle en effet certains aspects des arrières cuisines de LFI, et cela ne sent pas trop bon, en particulier pour l’ancien candidat à la présidence et pour sa proche conseillère, Mme Sophia Chikirou. Tous deux sont accusés d’autoritarisme pathologique, et de pratiquer « la délégitimation systématique et le procès en opportunisme […] contre tous ceux qui critiquent ». L’ex-candidat est y même décrit comme un tyran colérique et paranoïaque. C’est bien là d’ailleurs bien là un problème de fond pour LFI, et ma deuxième critique. Alors que M. Mélenchon a incontestablement contribué à la création de LFI et de la NUPES, il en est sans doute aussi le pire ennemi. Il a ainsi tenté par le biais des avocats du parti de retarder la sortie du livre de M. Guénolé. En sus, on se rappellera sans aucun doute sa réaction disproportionnée lors de la perquisition au siège du parti de gauche ou de LFI, suffisamment grave pour que le parquet de Paris ouvre une enquête pour « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique », enquête étendue à Ms. Alexis Corbière et Adrien Quatennens. Comment ne pas évoquer ici aussi le comportement de ce dernier, qui bien que relevant du domaine privé, est orthogonal aux prises de positions de LFI sur le respect dû aux femmes ? Comment expliquer le soutien de M. Jean-Luc Mélenchon à ce dernier, alors même que LFI comporte en son sein une instance de suivi des violences sexistes et sexuelles (CVSS) ? Peut-être, faut-il se référer à ce que dit Mme. Hélène Franco, magistrate et ancienne militante LFI, à ce sujet : « ce comité est devenu au fil du temps un rasoir à deux lames. La première sert à dire à l’extérieur que l’on s’occupe du sujet et évite que l’on dépose plainte. La seconde, c’est pour dégager les emmerdeurs, ceux qui veulent des places ou contestent le fonctionnement interne » (5). En plus, il semble avéré que LFI ait tenté de ficher ses militants ouvertement critiques du comportement de M. Quatennens (6). Bref, un gros désordre et un paradoxe de plus au sein d'un parti qui donne la parole à des députés issus de catégories socio-professionnelles que l'on n'a pas l'habitude d'entendre !

La personnalité de M. Mélenchon est donc à mon sens un vrai problème pour LFI et pour la NUPES. On le voit au travers de la crise qui a agité le PS lors des élections au secrétariat national, où M. Olivier Faure et certains de ses collègues socialistes se sont opposés, entre autres sur l’adhésion à la NUPES, avec en toile de fond l’image de son « leader », M. Jean Luc Mélenchon. En disant cela, je n’oublie pas l’exploit qui est d’avoir réussi, en très peu de temps, à rassembler dans cette NUPES des partis divers, marqué par leur propre histoire, et d’avoir assuré une visibilité réelle de la gauche en général lors des dernière élections. Mes chers amis de la NUPES, vous comptez nombre de personnes de qualité en vos rangs. Je n’en citerai aucune pour n’en oublier aucune ! Par ailleurs, vos divergences sont bien plus limitées que vous ne le pensez, et bien plus limitées que vos points de convergence. Vous représentez un espoir majeur en termes de préservation environnementale. Vous êtes aussi cet espoir majeur pour nombre de personnes des classes moyennes ou défavorisées, laminées par la politique anti-sociale voulue par M. Emmanuel Macron, soutenue sans le dire ouvertement par nombre de Républicains. Vous représentez aussi et surtout à mes yeux une contreproposition solide aux faux semblants mis en avant par le rassemblement national (RN), à qui la politique de l’actuelle majorité ouvre un boulevard. Passez sur vos divergences, comme l’ont fait les socialistes de façon brouillonne mais courageuse voilà peu, n’oubliez pas le PCF dans la mesure où celui-ci ne poursuivra pas son isolement, et soyez tous ensemble cette « gauche morale », comme le disait M. Marcel Gauchet, historien et sociologue, qui refuse les compromissions de la pseudo-gauche de gouvernement. La France et  nombre de Français ont besoin de vous !


Références :

1. la France Insoumise. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_France_insoumise#Programme

2. Gouvernement Georges Pompidou. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernement_Georges_Pompidou_(1)

3. Laurie-Anne Virassamy. Motion de censure après le 49.3 sur la réforme des retraites : qu’ont voté vos députés ? France-Info. Mars 2023.
Consultable en ligne :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/motion-de-censure-apres-le-49-3-sur-la-reforme-des-retraites-qu-ont-vote-vos-deputes-2736946.html

4. Abel Mestre. Thomas Guénolé rompt violemment avec La France insoumise : « C’est une dictature ». Le Monde. Avril 2019.

Anonyme. Mis en cause pour harcèlement sexuel, Guénolé dénonce des « méthodes staliniennes ». Huffington Post. Avril 2019.
Consultable en ligne :
https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/thomas-guenole-signale-pour-harcelement-sexuel-denonce-des-methodes-staliniennes-a-la-fi_143589.html

5. Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. Jean-Luc Mélenchon, ses lieutenants et les féministes « insoumises ». Le Monde. Septembre 2022.

6. Pauline Graulle. Jean-Luc Mélenchon tente d’entraver la publication d’un ouvrage… puis se ravise. Mediapart. Octobre 2019.


Crédit illustration : 

Logo LFI. Page Wikipedia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_France_insoumise




mardi 2 mai 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… ÉCOLOGISTES

L’écologie politique en France : René Dumont candidat (1974)
 
Je poursuis, dans la lignée de mon article précédent, m’intéressant ce jour aux « écologistes politiques », parmi lesquels je compte aussi quelques relations et amis.


Je le dis tout de suite, je m’intéresse aux questions écologiques depuis très longtemps, depuis la campagne électorale menée par René Dumont en 1974. Je n’avais pas le droit de vote à l’époque, mais je m’étais très attaché à comprendre les propos de cet agronome. Si on les reprend aujourd’hui, presque 50 ans plus tard, on ne peut que constater qu’il avait vu juste sur nombre de points. Vêtu de son traditionnel pull-over rouge, ce militant de la cause environnementale circulait beaucoup à vélo avant que cela ne soit habituel. Il se présentait aussi à la télévision avec une pomme et un verre d’eau sur sa table, pour dire que ces ressources étaient précieuses et qu’elles allaient un jour manquer. Je me rappelle très bien qu’il annonçait aussi les pénuries de carburants fossiles et la hausse de leur coût qui s’en suivrait. Les thèmes qui lui étaient chers, et je cite ici la page Wikipédia qui lui est consacrée (1), étaient « le contrôle des naissances, les économies d'énergie, la coopération internationale avec les pays en développement, et la protection et la remédiation des sols… ». Ajoutons à cela que la politique qu’il prônait, et je cite toujours la même source, était « pacifiste, contre le capitalisme agressif [l'agronome n'a rien contre la propriété foncière si elle n'est pas à l'origine d'un partage trop inégal des fruits du travail et si les droits des agriculteurs sont respectés], pour la solidarité entre les peuples » prenant en compte les intérêts et les fragilités des pays dits en voie de développement.

Ces différents volets ont ensuite été développés dans un courant que l’on appelle l’écologie politique, dont la définition est malaisée, probablement parce qu’elle s’est incarnée dans des mouvements aussi divers que les mouvements pour la paix, les anti-nucléaires, l’écologie libertaire, ou plus près de nous, les zadistes, l’écoféminisme, Greenpeace ou d’une certaine façon, le véganisme, une liste non limitative. Une des « externalités positives » de l’écologie politique est qu’elle a sans aucun doute permis une prise de conscience généralisée de l’urgence qu’il y a à intégrer dans nos activités de tous les jours les contingences imposées par notre vie sur une planète finie. Cette prise de conscience a percolé même parmi les tenants d’un capitalisme échevelé. Je ne citerai par exemple que M. Elon Musk, libertaire et capitaliste assumé, qui déclarait au sujet de nos défis à venir « le changement climatique est la plus grande menace à laquelle l’humanité est confrontée au cours de ce siècle ». Le créateur de Tesla ajoutait que l’objectif de son entreprise était « de contribuer à accélérer le passage d'une économie fondée sur l'exploitation minière et l'énergie fossile à une économie électrique solaire » sans que cette dernière constitue « une solution exclusivement durable ». Il écrivait également que le schéma directeur de son entreprise était une espèce de « guide pour transformer les transports et sauver la planète de la pollution ». On peut ensuite, bien entendu, discuter de la pertinence qu'il y a à développer des véhicules électriques ou des pollutions que cette production implique. On peut également discuter de ses autres objectifs, tels l’exploration spatiale ou la mise en place de satellites, à l’aune de considérations tant philosophiques qu’environnementales. Il agit d’autres questions ; reste que la prise de conscience est là, Chez M. Elon Musk comme chez d'autres "capitaines d'industrie" .

Alors quels sont les griefs que je peux avoir vis à avis de mes amis écologistes ? J’en exprimerai deux. Le premier est, pour une partie non négligeable de l’écologie politique et surtout militante, de s’être construite sur une vision quasi religieuse - et quelque peu biaisée - des équilibres biologiques. Je m’explique. Il me semble, mais peut être me trompè-je, que certains écologistes activistes développent une vision messianique de la nature et du vivant, et en en faisant quasiment des objets de culte. Dans une intéressante étude à laquelle je souscris, M. Stéphane François, politologue et historien des idées, écrivait : « l’écologie comporte de facto un aspect néo-païen qui fait d’elle une sorte de religion néo-animiste fondée sur la sacralisation de la nature et sur le retour de cultes archaïques consacrés à la déesse Terre » (2). Cette analyse est intéressante car elle explique alors, dans un raisonnement que l’on peut bien sur contester, pourquoi une part non négligeable de l’écologie militante est opposée à ce qu’elle appelle la technique et à la science. Dans la vision originelle de ses promoteurs « l’écologie radicale [est] une philosophie de la vie, distincte de l’écologie-science et centrée sur l’idée de réalisation de soi ». Dans ce référentiel, « l’homme ne serait qu’une des nombreuses formes de la réalité vivante, sans valeur intrinsèque supérieure ». Celui-ci s’inscrirait dans un monde à l’image de celui relevant de l’hypothèse Gaïa, une théorie panthéiste qui promeut une vision déiste de la nature en opposition avec les concepts des religions du Livre, porteuses, elles, d’une modernité technoscientifique. Dans l’article en référence, M. Stéphane François cite d’autres auteurs influencés par cette vision païenne de la nature. Ainsi, M. Mirce Eliade, historien des religions, écrivait : « la science moderne n’aurait pas été possible sans le judéochristianisme qui a évacué le sacré du cosmos et l’a ainsi « neutralisé » et « banalisé » […] Par sa polémique antipaïenne, le christianisme a désacralisé le cosmos […] et a rendu possible l’étude objective, scientifique de la nature […] La « technique », la civilisation occidentale, est le résultat indirect du christianisme, qui a remplacé le mythe dans l’Antiquité » (3). On peut être d'accord ou non avec cette grille de lecture. Au moins explique-t-elle pourquoi il existe une opposition quasi systématique d’écologistes radicaux avec tout ce qui pourrait apparaître comme issu de la science. Ainsi, le dernier avatar de cette position quasi-religieuse se retrouve dans le refus de nombreux écologistes militants de refuser la vaccination, particulièrement celle reposant sur la technologie ARN, à l’image des témoins de Jéhovah refusant les transfusions sanguines… On se rappellera ainsi les propos tenus par Le CriiGen, organisation environnementale militante, sur cette vaccination, propos qui ne m’ont pas étonné connaissant les liens entre cet organisme et la mouvance antivax. Ainsi, deux membres notables du CriiGen, M. Michel Georget (maintenant décédé) et Mme Isabelle Chivilo, sont ou ont été des militants antivaccination notoires (4).

Le deuxième reproche que je ferai à mes amis écologistes découle du premier : votre combat, pour juste qu’il soit, ne vous autorise pas à travestir les consensus scientifiques, ni à manipuler l’opinion. J’ai personnellement été confronté à cette manipulation de la part d’écologistes militants ou radicaux, en particulier dans le débat autour des variétés végétales dites OGM (organismes génétiquement modifiés). J’ai passé plus de 15 ans de ma carrière d’écologue à étudier les conséquences de la culture de tels organismes, et je crois très bien connaitre le sujet. J'ai toujours dit sans contrainte de ma tutelle ce que j'avais observé : parfois un impact, parfois aucun, en tous cas aucun de quantifiable... J’avais donc, il y a maintenant de nombreuses années, été interviewé par le journal du CNRS au sujet de l’action de faucheurs qui avaient détruit un essai en champ de vignes génétiquement modifiées. Ces essais étaient destinés à précisément évaluer les impacts environnementaux de la culture. J’avais alors utilisé les termes d’obscurantiste et dénoncé un certain nombre des approximations, pour ne pas dire des mensonges, propagées par ces activistes (5). Cela m’avait valu les foudres d’un écologiste militant, M. Fabrice Nicolino, qui avait attaqué et sensiblement déformé mes propos dans un journal et dans son blog (6). Deux ans plus tard, je discutais avec des militants de la Confédération Paysanne, peu suspect d'activisme pro-OGM, qui nous félicitaient,  pour le travail fait lors d’une très grosse étude d’impact de ces mêmes variétés. Celle-ci avait été copilotée par un des mes collègues de l’INRA et par moi même, pour le compte du Ministère de l’agriculture et du Ministère de l’écologie… De même, j’avais eu à discuter auprès de l’Offfice Parlementaire des Choix Scientifique et Technologiques du travail de M. Gilles-Eric Séralini, chercheur résolument anti-OGM, dont l’étude sur des rats nourris aux OGM l'avait conduit, dans un aveuglement militant, à des conclusions erronées masquées par une communication très contrôlée. J’avais alors parlé d’instrumentalisation de la science, une position que je maintiens aujourd’hui encore. J’avais également du expliquer que nous consommons des produits OGM depuis plus de 40 ans, contrairement, là aussi, à ce qu’assènent un certain nombre d'écolos militants. Ainsi, toutes les lignées d’orge cultivées en France sont OGM au sens de la directive de l’UE qui les définit (7). Il en va donc de même de nos bières, nos mueslis, notre whisky, etc. En l'occurrence, ici je ne juge pas, je ne promeus pas, je constate et j'énonce un simple fait ! Dans le même ordre d'idées, je n'ai pas la place de développer ici l'analyse des propos tenus par certains écologistes autour du nucléaire, mode de production d’énergie pourtant fortement décarboné, et qui aura tué bien moins de personnes dans le monde que le charbon ou le pétrole…

Ainsi mes chers amis écologistes, je considère que vos alertes sur les dangers environnementaux que nous encourons sont pertinentes. Je considère aussi que vous « mettez dans le mille » avec votre questionnement autour de la surexploitation de notre planète, sans aucun doute liée à notre système capitaliste. Vous avez cent fois raisons de nous alerter de tout cela, mais vous ne devez pas céder aux sirènes des intégristes naturalistes. Ceux-ci proposent, sans doute sans s’en rendre compte, une vision qui s’apparente à « un antihumanisme, aux assises misanthropes : le genre humain, responsable des désastres écologiques, doit disparaître []. Dans certains cas extrêmes, nous assistons même à un renversement : l’homme y est parfois inférieur aux animaux, voire traité d’espèce nazie » (1). Comprenez qu’en tolérant en votre sein de tels attitudes ou propos, vous donnez les bâtons pour vous faire frapper par vos opposants, des tenants d’une économie sans frein aux négationnistes du changement climatique. Or, ceux-ci sont suffisamment puissants et organisés pour ne pas les aider de la sorte. Revenez à une vision plus raisonnable, plus rationnelle – et surtout plus honnête – des enjeux, et de nos difficultés. Vous gagnerez en crédibilité. C'est urgent !



Références :


1. René Dumont. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Dumont

2. Stéphane François (2012). Antichristianisme et écologie radicale. Revue d'éthique et de théologie morale 272, 79-98.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2012-4-page-79.htm#pa1

3. Mircea Eliade (1973). Fragments d’un journal I. 1945-1969. Gallimard, Paris.

4. Anonyme. OGM, vaccins, même combat. Agriculture et environnement. Septembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.agriculture-environnement.fr/2021/09/13/ogm-vaccins-meme-combat

5. Julien Bourget (2010). Fauchage des vignes OGM, une perte pour la recherche. Le journal du CNRS 250, 17.
Consultable en ligne :
http://fr.1001mags.com/parution/cnrs-le-journal/numero-250-novembre-2010/page-16-17-texte-integral

6. Fabrice Nocolino. Mettre en taule les obscurantistes (avis autorisé du CNRS). Planète sans visa.
Décembre 2010.
Consultable en ligne :
https://fabrice-nicolino.com/?p=1024

7. Anonyme. Ces OGM méconnus que la France produit par millions. TerraEco. Aout 2013.
Consultable en ligne :
https://www.terraeco.net/Ces-OGM-meconnus-que-la-France,50776.html


Crédit illustration :

Document INA - autorisation de partage non commercial.
https://clio-texte.clionautes.org/ecologie-politique-france-canditature-rene-dumont-1974.html

S'agissant d'une capture d'écran TV, la qualité du document reste médiocre. Merci de m'en excuser.

 



vendredi 28 avril 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… SOCIALISTES

Illustration.
 

Voilà quelque temps que je songeais à une série d’articles autour des différentes sensibilités constituant ce qu’il est convenu d’appeler la gauche de l’échiquier politique. Je commence par mon ressenti vis-à-vis du parti socialiste (PS), dont j’ai été assez proche, intellectuellement parlant, jusqu’à l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République.

A dire vrai, j’ai beaucoup d’admiration pour ce que représente, au plan historique, le PS. En quelques mots, celui-ci est issu du Parti Socialiste Français, lui-même résultant de la fusion de trois mouvements, dont l’un, porté par Paul Brousse était largement influencé par le marxisme. Un autre de ces mouvements, le parti des socialistes indépendants, comptait dans ses rangs Jean Jaurès. Ce dernier aura largement contribué à la mise en place de la loi de séparation des églises et de l’Etat, en 1905. À cette même date, la fusion du Parti Socialiste Français avec le Parti Socialiste de France conduit à la formation de la Section Française de l’Internationale Ouvrière, la SFIO, codirigée par Jean Jaurès et par Jules Guesde. Jusqu’au front populaire, la SFIO hésitera « entre discours révolutionnaire et pratiques réformistes et parlementaires, ni purement réformiste, ni réellement révolutionnaire » (1). Cette ambivalence se retrouvera tout au cours de l’histoire du PS. Malgré les scissions, dont l’une conduira à la formation du Parti Socialiste Unifié (PSU), malgré les départs, les recompositions (telle celle du congrès d’Alfortville en 1969), la SFIO perdurera jusqu’au congrès d’Epinay en 1971. Celui-ci verra le regroupement des différentes sensibilités de la grande famille socialiste, à l’exception du PSU, sous le nom de Parti Socialiste, vocable proposé par M. Pierre Joxe (2). M. François Mitterrand est alors nommé premier secrétaire, et M. Pierre Mauroy secrétaire à la coordination, c'est-à-dire numéro 2 officieux du PS.

Cette courte revue historique vous dit d’ores et déjà, mes chers amies et amis socialistes, quels grands personnages ont marqué l’histoire de votre parti. Citons entre autres, Jean Jaurès, déjà mentionné plus haut, pacifiste et humaniste, fondateur de « l’Huma », à qui on ne peut que reprocher sa prise de position précoce dans l’affaire Dreyfus, mais aussi Léon Blum, déporté en 1941, qui refusa courageusement les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, ou Pierre Mendès-France, honni des réactionnaires de droite, furieux de voir le nom de France porté par un israélite, qui conclura la paix en Indochine et actera l’indépendance de la Tunisie. On peut également penser ce que l’on veut de M. François Mitterrand, dont certaines amitiés sont discutables, mais on ne peut nier qu’il fut l’un des plus grands hommes politiques de la seconde moitié du XXe siècle. Rappelons qu’il a soutenu la suppression de la peine de mort, nommé la première premier ministre femme à Matignon, accordé la 5e semaine de congés payés, entre autres réformes sociales… Tout cela sans compter sa remarquable érudition. Les présidents qui lui succèderont ne signeront qu’une lente décadence de la fonction présidentielle : M. Jacques Chirac comme M. Nicolas Sarkozy arrivant même à se signaler comme les deux premiers présidents de la République condamnés par la justice, l’un pour détournement de fonds et abus de confiance, l’autre pour financement illégal de campagne électorale, corruption et trafic d’influence, et sous le coup d’une mise en examen pour association de malfaiteurs, rien que cela ! Quant au « président normal », j’y reviendrai plus loin dans ce billet. J’avais, de mon côté, eu la chance de rencontrer deux fois M. Michel Rocard, lors de réunions publiques. On avait pu échanger et je dois dire que j’étais très admiratif de sa hauteur de vue, de son niveau de réflexion, et de la simplicité avec lequel on pouvait l’aborder. J’étais néanmoins en en désaccord avec sa vision de la nouvelle gauche, qui, quelques 35 ans plus tard, se traduira par l’élection de M. François Hollande, et la mise en place de politiques socialement délétères.

C’est donc ici que je m’accorderai quelques coups de patte envers mes chers amies et amis socialistes. Le parti, me semble-t-il, a toujours, depuis son origine et tout au long de l’existence de la SFIO, hésité entre un positionnement à gauche, voire même quasi révolutionnaire à l’origine, et un positionnement que l’on pourrait qualifier de centriste. De même, depuis 1968, il existe un clivage entre les tenants d’une alliance des gauches, y compris avec le parti communiste français, et des personnalités comme Ms. Michel Rocard ou Jacques Delors. Ces deux derniers furent les promoteurs de la traduction en français des ouvrages de M. Fredrich Hayek, penseur et économiste qui aura influencé la révolution libérale des années 1980, largement incarnée par M. Ronald Reagan aux Etats-Unis et Mme M. Thatcher au Royaume Uni. Ce clivage s’est également bien ressenti dans la comparaison des positions politiques de personnalités telles que Ms. Dominique Strauss-Kahn (lui aussi ayant eu maille à partir avec la justice, soit dit au passage), Laurent Fabius, François Lamy, et plus récemment, de Ms. François Hollande et Manuel Valls, avec celles de personnalités comme Ms. Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, ou Benoît Hamon. On retrouve là la théorie des « deux gauches irréconciliables » chère à M. Manuel Valls. Je partage son point de vue, à ceci près que « la gauche de gouvernement », telle que l’appelle l’ancien premier ministre, est tout sauf une gauche, même si on ne doit pas oublier la loi Taubira, dite du mariage pour tous, ou des avancées sur la fin de vie. D’une façon générale, de très nombreuses positions, décisions, et discours de cette gauche de gouvernement ont révélé in fine un positionnement centriste, voire de centre-droit, et une certaine forme de mépris pour les Français. Je cite en vrac les « sans-dents », les mensonges sur « la finance, mon ennemi », les lois Macron sur le travail de nuit et du dimanche, la loi El-Khomri, qui réécrit totalement la partie du code du travail relative à l’aménagement du temps de travail et permet aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branches en matière de temps de travail, d’heures supplémentaires ou de congés, et les privatisations de « pépites industrielles » telles que Safran, EADS, les aéroports de Toulouse et de Paris, pour n’en citer que quelques-unes.

Comment, mes chers amies et amis socialistes, avez-vous pu laisser passer tout cela ? Vous qui avez sans aucun doute adhéré au PS, ou avez agi en compagnons de route en regard des engagements humanistes de ce parti ? Comment avez-vous toléré ces régressions, alors que tout dans votre ADN, vous poussait au progrès social ? À quels appels avez-vous cédé, quels chants des sirènes vous auront fait dévier de votre course naturelle, pour conduire votre navire au naufrage ? Le problème majeur, outre celui de l’affaiblissement massif du PS, est que ces épisodes néolibéraux auront brouillé le paysage politique, et les notions mêmes de droite et de gauche. Comme le dit fort justement  M. Jean-Claude Michea, philosophe et essayiste, « depuis maintenant plus de trente ans, dans tous les pays occidentaux, le spectacle électoral se déroule essentiellement sous le signe d’une alternance unique entre une gauche et une droite libérale qui, à quelques détails près, se contentent désormais d’appliquer à tour de rôle le programme économique défini et imposé par les grandes institutions capitalistes internationales ». Ce dernier rappelle d’ailleurs « le rôle moteur que la gauche française (Jacques Delors, Pierre Bérégovoy et Pascal Lamy en tête) a joué dans la construction d’une Europe procédurière et marchande », son « ralliement progressif – depuis maintenant plus de trente ans – en France comme dans tous les autres pays occidentaux, au culte du marché concurrentiel de la compétitivité internationale des entreprises et de la croissance illimitée » (3). Et pour reprendre la conclusion de cet auteur, à laquelle j’adhère, cela aura pour conséquence principale que ces « trente années de ralliement inconditionnel au libéralisme économique et culturel [auront] largement contribué à discréditer [la gauche] aux yeux des catégories populaires, aujourd’hui plus désorientées et désespérées que jamais » (3).

Il est temps de sortir de ce sommeil des lotophages, pour reprendre l’analogie avec les sirènes de l’Odyssée d’Ulysse, afin de reconstituer avec les autres forces de gauche, un bloc capable de s’opposer aux politiques socialement délétères, telle la contre-réforme des retraite proposée, ou plutôt imposée par le gouvernement de M. Emmanuel Macron. Votre chance est que certains de vos anciens coreligionnaires, ex. membres du PS et de sa pseudo « gauche de gouvernement », tels Ms. Olivier Dussopt, Gabriel Attal, Stanislas Guérini, sans oublier la cheffe de gouvernement, Mme Elisabeth Borne ont révélé leur vraie nature. Vous devez ce sursaut à Guesde, Brousse et Jaurès !



Références

1 Notre histoire. Parti socialiste / Fédération 75.
Consultable en ligne :
https://www.parti-socialiste.paris/histoire

2. Congrès d’’Épinay. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_d%27%C3%89pinay

3. Jean-Claude Michea, cité par Gérard Mauger. Le PS est-il « de gauche » ? Savoir/Agir, 23, 95-98 (2013).
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2013-1-page-95.htm


Crédit photo :

Jean Jaurès par Nadar. Wikipédia.
Image du domaine public.
http://www.museehistoirevivante.com/img/expositions/2009/Jaures/Jaures8.jpg


mercredi 12 avril 2023

MÉTIERS DU RAIL : ENCORE UN QUI N'Y CONNAÎT RIEN !



J'ai récemment entendu un chroniqueur TV parler des cheminots de façon très méprisante. Face aux mouvements sociaux, celui-ci s'énervait de constater que ces personnes veuillent faire grève alors que ces « gens n'ont qu'à pousser un joystick assis au chaud dans un siège confortable »… Encore un qui ne connaît rien à ce travail et qui aurait mieux fait de se taire. Explications.

Il se trouve que j'ai de nombreuses relations dans le ferroviaire et que je connais assez bien, je le pense, ce monde particulier. Sans rentrer dans trop de détails, disons que j'ai pu voir de très près à quoi ressemblait l'activité de conduite de train, et les contraintes qu'elle impose. Car, oui, il y a des contraintes ! Certes, le confort de conduite des rames à grand parcours ou même celui des rames de banlieue d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui des machines à vapeur des années 50, voire celui des machines Diesel des années 60/70 qui les ont remplacées. À ce sujet, évacuons de suite la prétendue « prime de charbon » qui serait toujours en cours à la SNCF. Cela fait au moins 40 ans qu'elle a été supprimée ! Donc oui, on est mieux assis et moins soumis aux intempéries dans les trains modernes que dans les anciens. Quoique… Lorsqu'il n'y a aucun problème, c'est bien le cas. Mais dès que des problèmes arrivent, tout peut alors changer très vite. Ainsi, sur une panne de freinage, ce qui est heureusement rare, un conducteur devra descendre de sa machine et parcourir tout le train pour identifier le ou les wagons (on parle ici de train de fret) défaillants, isoler le freinage du wagon, puis retester le freinage, une série d'opérations qui implique de passer de la cabine à la queue de train assez régulièrement, et ce de nuit, de jour, qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige. De même pour les trains de voyageurs, en cas de panne, ou plus fréquemment de signal d'alarme « tiré ». Le conducteur ainsi peut être amené à se déplacer tout le long de la rame, agir sur divers dispositifs et prendre la responsabilité de repartir avec des restrictions dues au freinage qui pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité si elles n’étaient pas maîtrisées pleinement. Ce genre de vérification peut durer entre 20 minutes au mieux, et deux heures par exemple sur des trains longs ou des pannes complexes à détecter. Comparativement à une certaine époque, on peut dire que le confort du métier ne s’est finalement pas tant amélioré dans le sens où la technique évoluant, certaines contraintes ont été remplacées par d’autres telles que celles liées aux vitesses élevées pratiquées (donc temps de réaction plus restreint), au stress, où à la difficile gestion des voyageurs, etc.

J'ajoute à cela que le travail de conduite n'est qu'une partie du travail des roulants. Il faut en effet aller prendre son service, parfois à des heures de distance de son lieu d'habitation, surtout lorsque l'on répond en « astreinte ». Ces astreintes font d'ailleurs partie intégrante du travail régulier des roulants, parfois à raison de plusieurs journées par semaine, où l'on peut être appelé à à peu près n'importe quelle heure, de jour comme de nuit, dans un large périmètre géographique. Seule une partie du temps de prise en charge est comptabilisée comme temps de travail. De plus, ces astreintes ne permettent pas au personnel de bénéficier de toutes les primes, ce qui fait qu'elles sont finalement payées à un niveau inférieur à celui d'un roulement « normal ». Par ailleurs, peu de gens savent que lors d'une prise en charge programmée d'un train, le mécanicien doit parfois marcher des kilomètres pour retrouver « son » train garé, puis effectuer toute une série d’opérations pour remettre en fonctionnement la machine ou la rame, celles-ci incluant des purges de circuit, des vérifications de niveau, des essais de freins, des systèmes de sécurité, etc. Tout cela ne se fait pas en 5 minutes, mais reste en revanche comptabilisé comme temps de travail !

De même, on ne pense que rarement aux agents qui conduisent les trains d’entretien, ou plus largement à ceux qui assurent l'entretien des voies, là aussi de jour et souvent de nuit, quelle que soit la météo. Sur certaines lignes du Massif Central, des Alpes, des Pyrénées, des Vosges ou du Jura, les opérations de déneigement, pour permettre la circulation des premiers trains du matin, peuvent être éreintantes, par des températures polaires. Évidemment, le journaliste qui méprisait le travail des roulants, n'en n'a cure !

Il ne se soucie sans doute pas plus du fait de savoir que conduire un train implique la connaissance pointue de plusieurs éléments. Le premier est la réglementation ferroviaire dont l'objet premier est d'assurer la sécurité des circulations. Il y a bien sur tout un volet lié à la signalisation qui est bien plus complexe que les seuls feux verts, jaunes et rouges de la circulation automobile. Sans aller trop loin dans les détails, et s’agissant là d'un sujet que je ne maîtrise que partiellement, un feu rouge allumé sur un signal peut impliquer différentes obligations ou autorisations selon le type de signal et le régime d'exploitation de la ligne. Certains signaux ne s’adressent également qu'à certains trains, d'autres ne s’appliquent qu'à certaines heures. En d'autres termes, il faut des semaines et des semaines d'apprentissage pour maîtriser le seul volet signalisation. Les règles de gestion des urgences sont également complexes : comment réagir en cas d'action sur le signal d'alarme, sur la réception d'un signal d'alerte radio, comment franchir lorsque cela est possible un signal au rouge (signal dit fermé), etc. Tout cela représente des centaines de pages de règlement à assimiler et à mémoriser. De plus, ces règlements, véritables articles de loi, évoluent sans cesse, et pas toujours pour faciliter le travail du mécanicien. Outre le fait que ce dernier se doit de maintenir ses connaissances à jour, à ses frais au passage, il a aussi la responsabilité de leur exécution. En cas de manquement, on parlera pudiquement « d’écart de sécurité », pouvant entraîner une mise à pied et, si la faute provoque un accident, une comparution devant un tribunal. Ainsi, le conducteur travaille avec, sans cesse, une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

La conduite d'un train ne consiste pas non plus qu'à pousser un joystick. Cette conduite nécessite une connaissance parfaite du fonctionnement de la machine ou de la rame, permettant la compréhension du résultat des actions sur les diverses commandes de marche ou de sécurité. Comme pour tous les engins roulants ou volants, le mécanicien avant d'être « lâché » seul, passera des mois en formation sur simulateur et/ou sur rame en service. Cette connaissance du matériel est si nécessaire que l'habilitation délivrée à l'issue ne sera valable que sur les matériels sur lesquels la personne a été formée. C'est un peu comme si on obtenait un permis de conduire des Renault, mais pas des Citroën, des Peugeot, ou pas des Volkswagen… Dans le même ordre d'idée, un mécanicien ne sera habilité que sur certaines lignes, la connaissance forte du réseau parcouru constituant un autre gage de sécurité des circulations. Pour reprendre l'analogie avec le routier, imaginez que votre permis, valable sur Peugeot et Citroën seulement, ne vous autorise qu'à parcourir les routes d’Île de France, ou de la région PACA, mais pas au-delà...

Je n'ai couvert que quelques aspects des spécificités du métier. Je voudrais en ajouter trois. La première est un point que je n'aborde jamais avec les roulants, sauf si ils le font d'eux-mêmes. C'est celui de l’accident et de l'accident de personnes (euphémisme pour souvent parler de suicides) en particulier. Comme me l'ont dit plusieurs mécaniciens, la question n’est pas de savoir si on connaîtra cet accident de personne mais de savoir quand. De tels évènements sont bien évidemment traumatisants, et, jusqu'il y a peu, ils n'étaient pas bien pris en charge par la SNCF. Le second volet est la responsabilité que portent les mécaniciens liée au fait qu'ils assurent seuls la responsabilité de trains pouvant transporter plusieurs centaines, voire un millier de passagers. Pour avoir échangé souvent avec des roulants, je peux affirmer que plusieurs m'ont dit que cette responsabilité était toujours très présente à leur esprit et qu'elle était parfois lourde. Même si les trains sont munis de divers dispositifs de sécurité, et de radios, une erreur humaine, voire une défaillance mécanique peut toujours avoir des résultats catastrophiques. Le dernier point, ce sont les horaires imprévisibles ou décalés. Une semaine d'un roulant, ce sont bien sur des jours de repos, mais aussi des astreintes, où l'on ne sait si on travaillera et où, et des conduites programmées. Mais d'un jour à l’autre, cette programmation change. J'ai demandé à un roulant de me communiquer son programme sur une semaine de travail, et effectivement, on constate très vite la présence d'horaires très variables et de découchés, c'est à dire de repos de nuit passés hors du domicile. Ce même roulant m'a indiqué qu'il avait cette année travaillé le jour de Noël et le jour de l'An. Dans le même ordre d'idée on lira avec intérêt l'article de blog en référence pour se faire une idée plus précise d'un journée, certes chargée, d’un mécanicien français, bien loin des clichés propagés par une certain presse (1).

Pour conclure, quelques remarques en vrac. Tout d'abord, ce travail en horaires décalés de façon systématique provoque une usure qui peut justifier la mise en place d'un régime spécial de retraite. Ce régime spécial, comme d'autres régimes spéciaux, ne vise pas seulement à compenser la fatigue accumulée sur des années, mais aussi à rendre le métier attractif à l'embauche. Le changement de statut des cheminots, comme celui de nombre de roulants de la RATP, la fin de régimes spéciaux, tout cela se traduit par des problèmes de recrutement massifs qui conduisent actuellement la SNCF à supprimer des trains, et la RATP à diminuer les fréquences des bus, métros ou RER. Si le métier était un métier de « planqués » ou de « profiteurs », comme on l'entend ou le lit régulièrement, comment expliquer cette désaffection ? Les gens à la recherche d'un emploi devraient s'y ruer, non ? Sur un autre plan, je continue de penser que si la majorité des travailleurs s’étaient comporté comme les personnels de la SNCF ou de la RATP en matière de défense des conditions de travail, nous n'en serions pas là en termes de régression sociale généralisée. Certes une grève dans les transports, c'est casse-pied, comme sont perturbantes aussi les grèves dans l'éducation nationale, le ramassage des ordures ou les raffineries, toutes catégories professionnelles longtemps méprisées. Ne nous leurrons pas : la quasi totalité des avancées sociales n'a été acquise que par l’instauration d'un rapport de force entre le monde du travail et celui du pouvoir économique. Celui-ci l'a bien compris en faisant main basse sur les moyens de communication (radio, journaux, chaîne de télévision, etc.) sur lesquels il déverse régulièrement une certaine forme de propagande. Les propos du journaliste que j’évoquais plus haut s’inscrivent, à n'en pas douter, dans cette démarche de décrédibilisation des mouvements sociaux, et dans ce que l'on appelle la bataille de l'opinion, que le pouvoir économique et financier doit gagner s'il veut pouvoir imposer ses règles, systématiquement défavorables au monde du travail. Quitte à raconter des bêtises ou à mentir !

Remerciements :

Merci à Franck, Valentin, et tous les autres pour leurs témoignages et leur dévouement à faire que les trains roulent en sécurité et autant que possible à l'heure ! 

Référence :

1. Vesper. La journée type d'un conducteur de train. Mediapart.
Consultable en ligne :
https://blogs.mediapart.fr/vesper/blog/031120/journee-type-dun-conducteur-de-trains-10

Crédit illustration : 

Thomas Wolf
Machine SNCF série BB37000 tractant un train de fret
Image libre de droits.






lundi 3 avril 2023

L'ÉCRITURE INCLUSIVE :
UNE FAUSSE BONNE IDÉE



L'écriture inclusive est présente de façon visible dans la sphère publique depuis une petite dizaine d'années. Son objectif, fort louable intellectuellement, était de tenter de ne pas renforcer certaines inégalités de genre. Dernier avatar en date, partant toujours de bons sentiments, des néologismes destinés à respecter le ressenti des personnes d'identité sexuelle indéterminée. Pour mémoire, l’orientation de genre correspond au degré d’adhésion ou de conformité qu'un individu manifeste à l’égard des différents comportements et rôles assignés à son sexe biologique. Malheureusement, le diable se cache dans les détails...

Malgré les objectifs louables évoqués plus haut, l'écriture inclusive pose de nombreux problèmes. En effet, le français, comme l'espagnol et l'italien, langues latines que je parle ou comprend bien ou partiellement, possèdent deux genres visibles, le masculin et le féminin. Tel n'est pas le cas de l'anglais, langue dans laquelle les genres sont grandement absents. « The sun » ou « the moon » ne sont ni masculin, ni féminin. On dira cependant « his book » ou « her book » selon que le livre appartient à un homme ou une femme. De plus, l'anglais bénéficie du neutre que l'on retrouve par exemple dans le pronom « it ». Je ne suis pas linguiste, aussi dois-je dire que selon mes lectures, l'absence quasi complète de genre se retrouve dans le chinois, le japonais ou le turc, toutes langues je ne maîtrise en aucun cas. Dans ce cadre, les pronoms iel et iels, nouvellement apparus, sont problématiques, même si ils ont fait leur entrée dans le dictionnaire Robert. Celui-ci les définit (1) comme : « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier (iel) et du pluriel (iels), employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ». Exemple : « Les stagiaires ont reçu les documents qu'iels doivent signer ». La question qui me vient tout de suite à l'esprit est comment accorder les adjectifs qualificatifs. Iel est beau ou belle ? Iels sont heureux ou heureuses ? Ou, puisque l'usage de iels implique de ne pas « genrer » , peut-on proposer en écriture inclusive : sont-iels b.eaux.elles ? On voit tout de suite la difficulté, intrinsèquement liée à notre langue : l'accord des qualificatifs avec ces pronoms iel et iels pose plus de problèmes qu'il n'en résout.

L'écriture inclusive, c'est aussi une écriture qui tente de gommer les inégalités sociales liées au genre. Loin de moi l'idée de nier que ces inégalités existent, même si des progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies, ne serait-ce qu'au travers de la reconnaissance du fait social. Pour expliciter mon propos, je constate qu'en inclusif, l'entreprise Dupont et Durand souhaiterait recruter « Un.e dirig.eant.eante expérimenté.e d'équipe réseau », pour désigner une personne capable de diriger avec efficacité une telle équipe. N'y a-t-il pas là une distinction à faire entre le métier, la profession, et le poste ou la fonction ? En d'autres termes, je trouve tout à fait légitime et bénéfique de féminiser des noms de profession : une auteure, une avocate, une grutière, une chirurgienne, etc. Cependant, il me semble que contrairement au métier, lié intrinsèquement aux savoir-faire de celui ou de celle qui l'exerce, la fonction reste, elle, impersonnelle. On n'est pas sa fonction, on l'occupe. En d'autres termes, une fonction est une responsabilité exercée, sans lien avec quelconque identité sexuelle. Maintenant, si certaines femmes préfèrent voir leur fonction féminisée, je peux l'entendre, et je respecterai ce choix, à la condition que celles qui préfèrent conserver la désignation générique neutre, analogue au masculin, puissent aussi le faire.

Au delà de ces arguties, il me semble que l'écriture inclusive pose d'autres problèmes bien plus graves. Le premier est qu'elle rend les textes difficiles, voire très difficiles à lire. La multiplications des points ou astérisques et autres parenthèses, les terminaisons succédant les unes aux autres, conduisent à une perte de fluidité, quand ce n'est pas à une perte de sens. Pour expliciter mon propos, je reviens sur la fable « le corbeau et le renard » que d'aucun ou d'aucune avaient rédigée en inclusif. Ceci donnait (extraits) :

« Maitre.sse corbeau sur un arbre perché.e….
Maitre.sse renard.e par l'odeur alléché.e...
Hé bonjour Madame/Monsieur du/de la/di corbeau
Que vous êtes joli.e, que vous me semblez b.eau.elle...»

J’arrête là le pastiche, pour ne pas dire le massacre. Même si l'exercice est caricatural, et qu'il a été décrié par certains et certaines, d'une façon non exempte d'arrière-pensées sexistes ou féministes militantes, je ne peux qu'évoquer les jeunes gens que j'aide dans le cadre du soutien scolaire. Certains achoppent sur les mots, la syntaxe, sur la compréhension de la structure même des phrases. Ils ne sont pas les seuls ! Pour mémoire, presque 30% des jeunes Français de moins de 16 ans ont des difficultés de compréhension et d’apprentissage du français. Est-il dès lors pertinent de renforcer ces difficultés de compréhension, de rajouter de la complexité à une langue déjà complexe ? J'en doute fort !

Je complète ce qui précède en affirmant que le manque de fluidité à l'écrit est encore aggravé à l'oral. Je pense ici à un de mes proches, aveugle, qui utilise la reconnaissance vocale sur sa tablette et son PC. Un texte en inclusif est inaudible ! Pour vous en convaincre, essayez de lire à haute voix le texte de M. De La Fontaine. Clairement, l'écriture inclusive n'est pas la traduction d'une langue orale. Ce découplage entre oral et écrit qu'induit l'écriture inclusive est, me semble-t-il, orthogonal à ce qu'est une langue, c'est à dire un véhicule de communication, permettant et facilitant les échanges entre individus. Ce hiatus est la conséquence d'une cause fondamentale, que j'identifie comme étant l'absence de toute logique linguistique sous-tendant l'écriture inclusive.

Il me semble, par ailleurs, que le problème qui a conduit à l'écriture inclusive est l'absence de forme visible du genre neutre en français. Celui-ci existe pourtant, il est analogue au masculin. Ainsi, elle ne neige pas, elle ne pleut pas, et manger cinq fruits et légumes par jour n'est pas bonne pour votre santé ! L'erreur fondamentale est d’avoir dit et répété à des générations d'enfants que pour l'accord des pluriels, ou des sujets multiples avec le verbes, « le masculin l'emporte sur le féminin ». Cette formulation est effectivement inacceptable telle quelle et elle a sans doute induit, de façon fort compréhensible, un rejet par une partie de la société la plus sensibilisée à ces questions (2). En revanche, y voir comme certains l'ont fait une volonté politique de faire disparaître le féminin de l'espace public par le biais de la langue me semble a minima exagéré.

On pourrait résoudre bien des difficultés avec deux options. La première est de proposer que le genre neutre soit analogue au féminin ou que l’on puisse utiliser le féminin et le masculin indifféremment. Dans ce cas, oui, elle pleuvrait et elle neigerait… L'autre possibilité, que je trouve intéressante, est de revenir à une règle de proximité facultative. En deux mots, il s'agit d'offrir la possibilité d'accorder adjectifs et subordonnées avec le genre du nom le plus proche. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je ne peux que proposer la lecture de la page Wikipédia qui s'y rapporte (3). On pourrait alors écrire, comme le dit l'encyclopédie en ligne citant la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics »…

Pour conclure, je dirais que les mots n'ont pas de sexe, mais ils ont un genre, qu'on le veuille ou non. Ainsi comme l'écrivait M. Franck Neveu, professeur de linguistique : « si au restaurant je commande un lapin aux pruneaux, je ne demande pas qu’on me serve un lapin mâle. Si j’évoque les sentinelles qui gardent l’entrée d’un bâtiment militaire, je ne féminise pas les soldats qui occupent cette fonction ». Plus globalement, l'écriture inclusive prend le problème de l'égalité entre homme et femme à l'envers.  En accord, M. Jean-Claude Milner, philosophe passé par le maoïsme et peu suspect d'être un dangereux réactionnaire, expliquait au sujet de l'écriture inclusive : « On invente une convention orthographique, pour ne pas regarder la réalité en face. […] Croire qu’en manipulant les signes inscrits sur un support, on change le monde, c’est pire que de l’idéologie, c’est de la pensée magique. Le temps des runes est revenu » (4). C'est aussi mon sentiment !


Références :

1. Le Robert. Dico en ligne.
Consultable en ligne :
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/iel

2. Nous n'enseignerons plus que « le masculin l'emporte sur le féminin ».
Slate. Novembre 2017.
Consultable en ligne :
https://www.slate.fr/story/153492/manifeste-professeurs-professeures-enseignerons-plus-masculin-emporte-sur-le-feminin

3 Règle de proximité. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_de_proximit%C3%A9

4. Jean-Claude Milner. Ils ont honte de leur langue natale. Propos recueillis par I. Barbéris et F. Neveu. Cités n°2, 2021, 129-140.

mardi 28 mars 2023

QUAND MADAME LA MAIRE DÉRAPE…


 

Voila un mois que je n’ai pas publié d’article sur ce blog. La raison en est simple. Je suis très occupé par ailleurs avec une nouvelle association qui se développe, la préparation d’une conférence sur l’eau à venir, et surtout, par des échanges de courrier surréalistes avec Madame la maire de Forges qui semble avoir dérapé assez largement dans sa dernière missive. Je reviendrai sur la question de l’eau plus tard, pour me concentrer ici sur les seuls échanges avec la mairie.

Les lecteurs de ce blog suivent de près, je le sais, les péripéties de la relation compliquée, pour ne pas dire impossible, entre la mairie et le monde associatif. Pour ceux qui auraient manqué des épisodes, je ne peux que vous renvoyer à la lecture de plusieurs de mes articles précédents (1). La situation s’est tellement dégradée, qu’une dizaine d’associations ont décidé d’envoyer tout début février une lettre à Madame la maire, pour lui demander une clarification de la politique de son équipe vis-à-vis du monde associatif, et au-delà, de préciser sa vision de l’interaction entre son équipe et les associations. Dans le même temps, en ma qualité de président de l’association l’Autre Bureau, j’avais été dans l’obligation d’écrire à Madame la maire, au sujet de menaces qu’elle avait émises à deux reprises vis-à-vis du matériel associatif situé dans le local que l’association utilisait. Elle se proposait, dans l’hypothèse où nous ne le déménagerions pas, de s’en débarrasser en le donnant à d’autres associations. Cette action est parfaitement illégale, et j’avais donc mis en garde Madame la maire contre une telle opération, qui m’aurait contraint à engager des poursuites pénales.

Mi-mars, les associations signataires de la lettre collective reçoivent une magnifique missive de Madame la maire qui vaut son pesant de cacahuètes, puisqu’adressée à l’Autre Bureau, puis à Mesdames et Messieurs, et à moi, nommément. Personne dans le monde associatif ne comprend ce qui se passe. On m’appelle, on échange, bref, on en déduit que quelque chose a du « beuguer », quelque part. C'est d'autant plus surprenant que je ne suis en rien à l'origine de la lettre collective, mais bon, faut bien une "tête de Turc" ! Tout cela serait sans importance si la lettre adressée par Madame la maire à une dizaine d’associations ne contenant pas des propos erronés, et d’autres, possiblement diffamatoires. Je vais passer sur la plupart des propos erronés, qui montrent qu’en 3 ans de mandat, l’actuelle équipe n’a pas pris la mesure de nombre de dossiers municipaux, pour me concentrer sur ce qui m’est reproché.

Le premier reproche qui m’est fait est d’avoir décidé de transformer le haut de la salle polyvalente à destination de l’association l’Autre Bureau, association dont j’aurais favorisé la création, et que j’ai ensuite présidé à la fin de mon mandat, le tout pour un montant estimé à plusieurs de dizaines de milliers d’euros. Tout cela est un amalgame assez grossier. En effet, je n’ai pas favorisé la création de l’association l’Autre Bureau, comme on peut s’en convaincre en regardant les PV de création. C’est l’association qui a décidé de contacter la mairie pour proposer son projet de site de coworking, nuance. Également, je n’ai pas décidé de transformer la salle pour cette seule association. Le lieu était défraîchi, et nous avons donc envisagé collectivement en commission travaux et en conseil municipal, de retaper ces locaux de façon à pouvoir offrir aux associations un lieu complémentaire pour leur activité. De nombreuses associations, dont l'Autre Bureau, tout comme des particuliers forgeois, ont ainsi pu bénéficier de cette salle rénovée et ont pu y tenir des réunions. Le tout, bien en tendu gratuitement et sans limitation de durée, donc totalement à l’opposé de ce que propose l’actuelle municipalité… Quant au coût, il s’élève à 10 000 euros environ de mémoire, ces travaux ayant été réalisés en régie. Enfin, maniant le pathos et paraissant soucieuse de nos employés municipaux qui ont du mal à se loger, Madame la maire me reproche aussi d’avoir supprimé un logement communal, en raison de la transformation de la salle. Là, elle se moque du monde, puisque le logement était inoccupé depuis 2008, et que nous avons dans la précédente mandature recréé un autre logement municipal, plus grand, ailleurs dans la commune. Enfin, elle omet consciencieusement de préciser que sa propre équipe va supprimer deux logements municipaux lors des travaux de l’école sur lesquelles je reviendrai… Bref, on voit bien que les arguments présentés, et l’amalgame fait par Madame la maire sont a minima erronés, et qu’ils constituent ni plus ni moins qu’une réécriture de l’histoire.

Autre reproche, adressé sans la nommer à l’ancienne maire de Forges et de nouveau à moi, celui d’avoir décidé d’une subvention de plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’association Monde en Marge, Monde en Marche. Nouvel amalgame : notre ancienne maire est devenue directrice de l’association en question à l’issue de son mandat. Sous-entendu non énoncé tel quel : cela sent le conflit d’intérêt… Le propos est de nouveau erroné, et lui aussi possiblement diffamatoire, puisqu’en aucun cas la précédente mandature n’a attribué de subvention de plusieurs dizaines de milliers d’euros à ladite association. Il s’est en réalité agi de décider d’instaurer une surcharge foncière, opération blanche pour la commune puisque payée par le promoteur Pierreval lors de l’achat des terrains. Ceci permet de mobiliser des fonds complémentaires de l’Etat pour un programme social, ce qui nous a permis de faire rénover les deux bâtiments patrimoniaux du secteur Vitalis. Nous sommes donc très loin de l’éventuel conflit d’intérêt… Par ailleurs, l'actuelle maire oublie toujours aussi consciencieusement de préciser qu’elle avait alors donné son accord pour cette opération à coût zéro, décidé en conseil municipal, alors qu'elle était adjointe au maire dans la précédente mandature. Dernier point, à mon avis le plus grave, sa diatribe permet de révéler le peu de compréhension des élus majoritaires de Forges vis-à-vis de l’aide nécessaire aux plus défavorisées. Elle et son équipe n‘ont, en effet, pas hésité à refuser très élégamment le prêt d’une salle municipale à Forges pour le Noël de ces populations (2). Cette navrante histoire, combinée au courrier assez lamentable adressée par Madame la maire aux associations, mélangeant approximations, sous-entendus, et attaques personnelles montre à quel point de déliquescence intellectuelle et - je le pense - morale, la commune est parvenue en seulement trois ans de mandature. Des associations méprisées, moquées, un traitement de faveur de certains et pas d’autres, bref tout cela me conduit à penser que Madame la maire et une partie de son équipe n’ont en aucun cas pris la mesure de la tâche et du rôle qui leur incombent.



Références :

1. On pourra consulter cette série de billets :

Côté association : du bon et du moins bon ! Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/05/cote-association-du-bon-et-du-moins-bon.html

Associations : Quand La Mairie Se Moque Du Monde (1)... Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/09/asociations-quand-la-mairie-se-moque-du.html 

Associations : Quand La Mairie Se Moque Du Monde (2)... Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/09/associations-quand-la-mairie-se-moque.html

Associations : Quand La Mairie Se Moque Du Monde (3)... Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/10/associations-quand-la-mairie-se-moque.html 

Associations : Quand La Mairie Se Moque Du Monde (4)... Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/10/associations-quand-la-mairie-se-moque_21.html

Un Certain Mépris Pour Le Monde Associatif. Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/05/un-certain-mepris-pour-le-monde.html



2. Pour Noël, les forgeois fragiles sont priés d'aller se faire voir... Ailleurs. Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2022/12/pour-noel-les-forgeois-fragiles-sont.html



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Imitville.com. Image libre de droits.