vendredi 2 juin 2023

LAXISTE UN JOUR, TROP SÉVÈRE UN AUTRE, FAUDRAIT SAVOIR !


Voilà une quinzaine de jours, M. Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République, a été de nouveau condamné à trois ans de prison dont un an ferme dans le cadre de l’affaire dite « Bismuth ». Ceci signifie qu'il a été reconnu coupable en première instance, puis en appel à la mi-mai 2023. Néanmoins, ce bon connaisseur des procédures judiciaires - auxquelles il semble être abonné - se pourvoit en cassation. Même si cette cour ne jugera pas le fond de l'affaire, et s'intéressera seulement (et en théorie) à la validité de la procédure, il doit donc de nouveau bénéficier de la présomption d’innocence.

Ceci posé, M. Nicolas Sarkozy semble attirer les casseroles judiciaires, comme d'autres attirent les casseroles de cuisine vers 20H00 le soir ! Mais dans le cas de l'ancien Président, nous avons franchi, me semble-t-il, un palier supplémentaire dans l'indécence. Tout d'abord, il n'en n'est pas à sa première condamnation, et possiblement pas à sa dernière. Si le jugement en cassation confirmait la validité de la décision de première instance et de l'appel, cela signifierait que nous avons bien été gouvernés par un multi-délinquant pendant des années. 

J'ai ensuite été frappé par le fait que M. Nicolas Sarkozy, comme nombre de ses soutiens, s'énervent contre une justice bien trop rapide et sévère, voire partiale. Je cite au hasard M. Henri Guaino, qui déclare : « On me dit que c’est l’intention qui compte. Mais l’intention de quoi ? L’intention, c’est d’aller voit quelqu’un, de l’inviter à déjeuner et de lui dire si tu me passes le marché public, je te donne tant. Ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé » ... Le président du groupe LR de l’Assemblée nationale, M. Olivier Marleix, en fait de même en minimisant l'affaire : « Des écoutes illégales, une enquête hors normes, au final le simple soupçon d’une « tentative » de délit… Oui, à l’évidence Nicolas Sarkozy est victime d’un acharnement ». Peut-être est-il utile de rappeler que dans la loi, et en l'occurrence tel qu'explicité par l'article 121-3 du Code Pénal, « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Il existe néanmoins quelques exceptions en matière délictuelle, en particulier en cas de défaut de prudence, comme ce qui pourrait advenir dans un accident de la route ou du travail. Dans le cas de notre ancien Président, avocat de surcroit, difficile d'imaginer qu'il ne savait pas que ce sa présumée demande au magistrat incriminé était non seulement pénalement répréhensible, mais particulièrement grave... C'est aussi ce que dit l'association Anticor par la voie de sa présidente, Mme Elise Van Beneden : « Cette condamnation intervient pour corruption et trafic d’influence. Ces deux délits d’une extrême gravité sont prévus à l’article 432-11 du Code Pénal aux termes duquel « est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui : 1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ; 2° Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».

Pour rester dans l'absurde, je me rappelle aussi le fait que M. Nicolas Sarkozy, tout comme ses défenseurs, sont précisément ceux qui ont répété jusqu’à plus soif que la justice en France était laxiste. Et je ne peux que m'amuser de citer le même Président de la République qui pérorait, menton viril en avant, sur le fait que « quand un individu revient devant un tribunal pour la 17e fois, il doit être condamné pour l'ensemble de son œuvre ». Je m’amuse également du fait que certains de ses soutiens s'offusquent de son assignation sous bracelet électronique. Je cite M. Jérôme Bascher, sénateur LR de l’Oise, qui déclarait : « est-ce que Nicolas Sarkozy a besoin de bracelet pour qu’on sache où il est ? C’est un dispositif ridicule. On sait où est Nicolas Sarkozy à chaque instant, il y a même un officier de sécurité qui est chargé de cela. Cette peine du bracelet est ridicule ». Condamné à un an ferme, cette décision est d'autant plus généreuse que le même Président de la République, le même menton en avant, affirmait son souhait « qu'il n'y ait pas d’aménagement de peine pour les peines supérieures à six mois »... Sic Transit Gloria Mundi !

Je complète mon propos ici par ceux de l'association Anticor, récemment exprimés par sa présidente, qui remet bien en perspective les tenants et les aboutissants de cette nouvelle affaire Sarkozy / Bismuth: « alors que le Code pénal reconnait l’immense gravité de la corruption en prévoyant une peine de prison de dix ans, le monde politique s’est au contraire ému d’une peine jugée sévère. L’est-elle ? L’ancien Président de la République a été puni d’une peine de trois ans de prison dont un an ferme, un an aménageable. Il n’ira pas en prison mais devra seulement porter un bracelet électronique autour de sa cheville, seule trace d’une trahison inacceptable de la République et des citoyens français. Pour Alain Finkielkraut [Note de YD : philosophe et essayiste classé politiquement à droite], cette décision de justice est contestable car elle reviendrait à « invoquer l’État de droit pour museler l’action politique ». En réalité, comme de nombreux responsables politiques, éditorialistes et philosophes, M. Finkielkraut véhicule une culture de l’impunité et s’inscrit dans une critique infondée de l’institution judiciaire, qui est pourtant la seule qui combat les abus de pouvoir. Ce que ses mots signifient en réalité c’est que pour lui, les hommes politiques sont au-dessus des lois et qu’il faudrait, pour permettre leur action politique, les exonérer du respect de la loi. C’est en effet abandonner l’état de droit et c’est en réalité compromettre toute l’action politique qui impacte à son tour toute la société. C’est aussi renoncer à la démocratie, car un régime dans lequel des citoyens ne sont pas égaux devant la loi n’est pas une démocratie. La cour d’appel a, en outre, prononcé une interdiction des droits civiques de trois ans pour M. Sarkozy, ce qui le rend inéligible. L’inéligibilité est une sanction efficace dès lors qu’elle a le mérite de tenir les personnes dangereuses pour la démocratie à l’écart de la vie publique. Mais est-ce suffisant pour mettre fin au sentiment d’impunité de certains responsables politiques ? À Anticor, nous pensons que la peine prononcée contre M. Sarkozy est loin d’être exemplaire et qu’il est temps que nos responsables politiques assument les conséquences de leurs actes, comme tout citoyen qu’ils sont ». On ne peut mieux dire, en effet !

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mercredi 24 mai 2023

FORGES LES BAINS, COMMUNE EN P.L.S.

J’avais commencé la rédaction de cet article voilà quelque temps, le 1er mai pour être exact, date à laquelle j’ai traversé la commune et j'ai remarqué la place de l’église vide des traditionnels vendeurs de muguet à destination de la caisse des écoles…

Il est vrai que l’actuelle municipalité tente de fermer cette caisse des écoles au motif que cela lui aurait été suggéré par le Trésor Public, qui assure in fine la certification des comptes communaux. C’est possible, mais cela n’est en rien une obligation. Mon sentiment, dans cette histoire, est que notre municipalité actuelle est enfermée dans sa tour d’ivoire, et qu’elle n’a pas du tout envie de voir des Forgeois s’intéresser de trop près à ce qu’elle fait et surtout à ce qu’elle ne fait pas ! En effet, le fonctionnement de la caisse des écoles implique la présence à certaines réunions des représentants des donateurs, donc des Forgeois, pas forcément parents d’élèves d’ailleurs. En lien, je ne peux que mentionner de nouveau l'éviction des mêmes Forgeois bénévoles pour la préparation de crêpes au profit de cette caisse. Procédant de la même « bunkerisation », la suppression de nombre de commissions ouvertes, qui ne restent maintenant ouvertes qu’au profit de certains proches de l’équipe municipale, constitue un autre marqueur de leur enfermement intellectuel !

On me dira que j’exagère et que cela ne fait pas de Forges une commune en PLS. Cela serait vrai, sans doute, si seule la caisse des écoles était concernée. Mais le malaise est plus profond. Une dizaine d’associations ont récemment contacté la municipalité pour leur faire part des difficultés relationnelles qu’elles constatent. Force est de constater que la mairie n’a rien compris aux problèmes évoquées, la seule réponse municipale ayant été de ressortir de ses poubelles un pseudo contrat de partenariat, que toutes les associations forgeoises avaient déjà rejeté. Ce contrat, bourré de clauses léonines, placerait les associations en situation de prestataires de services pour la commune, les obligeant même à agir hors du cadre de l’objet même de l’association, ce qui est illégal.

Plus grave que cela, la municipalité se plaint de ne pas disposer de bénévoles, mais dans le même temps elle refuse assez systématiquement le prêt de salle pour des activités associatives, sous des motifs, ou plutôt des prétextes parfois fallacieux et parfois illégaux. Exemple d’argument illégal que j’avais déjà évoqué : « votre association fait de la politique, or nous sommes apolitiques, donc pas de salle » ! Il faut savoir que ce genre de propos peut conduire la municipalité au tribunal… Autre exemple d’argument, bidon cette fois : la salle est occupée ce jour. Vérifications faites, et cela à plusieurs reprises, la salle n’est pas du tout occupée ces jours-là. Faire le coup une fois, ça va, c’est sans doute une annulation, deux fois pas de chance, mais quand cela se reproduit 5 ou 6 fois, on ne peut plus croire à une coïncidence. Autre prétexte : prêter une salle couterait trop cher. On est là dans le fallacieux. D’abord, ces salles appartiennent aux Forgeois, qui les ont payées avec leurs impôts, et deuxièmement, le cout du prêt est en fait dérisoire. J’avais calculé pour la salle Floréal un cout de l’ordre de 50 euros pour une fin d’après-midi et une soirée d’hiver avec chauffage et sans cuisine. On tomberait à une dizaine d’euros pour une après-midi sans chauffage et sans cuisine… Bref, à ce niveau, l’argument est mensonger…

Autre exemple, l’association Forges en Transition voulait organiser la retransmission vidéo des conférences TEDx Saclay, à Forges. Cette soirée de conférences tous publics, une tous les ans, permet de réfléchir en commun sur un thème varié. Des intervenants de qualité sont soit invités (ex. Cédric Villani, Jean-Baptiste Djebbari, Thierry Marx, pour n’en citer que quelque uns des éditions passées), soit sectionnés après un exposé public. Le thème de cet année était « Cercles et Libertés ». À la demande de prêt de salle, la commune a répondu qu’elle n’avait aucun intérêt pour ce projet et que la date retenue était la même que celle de la fête des Thermes, donc qu’elle ne pouvait prêter la salle. On voit bien ici la faiblesse de ce que je n’ose pas qualifier d’argumentation. Premièrement le prêt de la salle Floréal ce même soir ne gêne en rien le déroulé de la fête des Thermes, et deuxièmement, ce n’est pas à la commune de décider de ce que l’association veut faire. Mais ce dernier point est visiblement trop compliqué à comprendre pour nos élus qui se sont, au passage, quelque peu ridiculisés en avouant leur désintérêt total pour un évènement de réflexion ! Nos sommes donc allés proposer la retransmission à une commune très voisine qui a sauté sur l’occasion, et nous accueillera avec un prêt de salle gratuit pour organiser l’évènement.

Il faut aussi savoir que l’Autre Bureau, association que je préside pour quelque temps encore, ne peut plus fonctionner, la convention d’occupation dont il bénéficiait n’ayant pas été renouvelée. Exit donc le télétravail dans notre commune, projet pourtant très en avance sur le sujet. Pour être remplacé par qui, par quoi ? Mais par rien, bien sûr !

Enfin, je constate que plusieurs communes ont entamé des cycles de réflexion autour du développement durable : Limours, Briis, Fontenay, pour n’en citer que quelque unes… Des conférences sont données, des ateliers montés, des entreprises œuvrant dans ce secteur sont invitées à participer. L’association Forges en Transition a même été invitée à Cernay la Ville pour y présenter ses ateliers cosmétiques… À Forges, on a dû organiser ces ateliers chez des particuliers, ou dans une salle aimablement prêtée par un professionnel. Côté mairie, en revanche, nada, que dalle, rien, juste le vide intersidéral, un assourdissant silence comme si on n’avait aucun problème de développement durable à Forges !

Pas besoin d’être grand clerc pour deviner qu’avec ce manque de soutien communal, d’autres activités présentes sur la commune ou d’autres associations pourraient disparaitre également dans un avenir plus ou moins proche. Tout se passe comme si l’activité associative, les projets de Forgeois, les idées nouvelles ennuyaient la municipalité. Je ne sais pas ce qui peut animer l’équipe actuelle ; dans les faits pas grand-chose sinon le dénigrement du passé et la méfiance vis-à-vis des habitants. Ceci posé, son attitude très peu réactive et généralement positionnée dans le refus, lié à un manque de vision globale, lui-même lié à une absence de plus en plus flagrante de projet politique, font qu’elle est doucement mais surement en train d’anesthésier notre commune, qui finira sans doute par se retrouver d’ici peu, effectivement, en P.L.S…


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jeudi 18 mai 2023

DE SAINT BREVIN À… FORGES LES BAINS

 

L’agression du maire de Saint Brévin, M. Yannick Morez, a fait, à juste titre me semble-t-il, le tour de la presse conventionnelle, et des journaux des radios et télévisions. Rappelons que le domicile de cet élu a fait l’objet de dégradation par incendie volontaire, après qu’il ait reçu, pendant des semaines, des menaces y compris des menaces de mort en lien avec l’ouverture d’un centre pour migrants à proximité d’une école…

Ce triste épisode résonne d’une façon très particulière dans notre commune. Rares seront les lecteurs du blog qui n’ont pas eu connaissance d’évènements très similaires survenus à Forges. Rappelons brièvement les faits : mi-août 2016, les élus forgeois entendent dire que, par décision préfectorale, prise en concertation avec la ville de Paris et le département de la Seine, un lieu d’hébergement pour migrants ouvrirait dans les locaux de l’ancien centre d’accueil de cette même ville, situé à Forges, rue du Général Leclerc. Le temps de vérifier l’information, celle-ci est rendue publique fin août. En septembre, le centre d’accueil, encore vide, est incendié et l’adduction d’eau potable sabotée, provoquant une inondation des bâtiments. Une réunion publique organisée par la préfecture et la municipalité rassemble plusieurs centaines de personnes, dont certaines venues d’autres communes que Forges. L’ambiance, malgré la présence de Madame le Préfet de l’Essonne et des responsables de l’association Emmaüs qui gèrera le centre, est délétère. En cause et à la manœuvre, des élus du FN, mais également quelques activistes locaux, qui s’ingénient à créer ce qui se transformera en véritable psychose collective. Des paroles racistes sont entendues dans l’auditoire. On s’inquiète aussi pour la valeur de l’immobilier  qui s’effondrerait en cas d’arrivé de migrants (à chacun ses priorités), on parle d’augmentation des vols et de la délinquance (comme d'habitude), et cerise sur le gâteau, on mentionne un surcroit de criminalité liée au viol des enfants en raison de la proximité des écoles. Bref, on nage dans un délire complet, malgré la présence des forces de gendarmerie que d’aucun accuseront froidement, pendant la réunion, de mentir.

La municipalité de l’époque organise par la suite une votation, pour transmettre l’avis de la population à la préfecture, tout en ne cachant pas aux Forgeois que la commune n’a aucunement la main sur le dossier. Grace à cela, nous avons pu négocier l’accueil de 100 personnes au lieu des 200 initialement prévues (ce qui représentait 5% de la population), et ce pour une durée limitée à 2 ans au lieu des 4 ans renouvelables. C’était sans doute encore trop pour certains. En septembre, l’association catholique intégriste Civitas, très proche des milieux d’extrême droite, perturbe la brocante de la commune et distribue des tracts dans les boites aux lettres, au contenu foncièrement haineux. Des activistes forgeois propagent des informations mensongères sur les réseaux sociaux. Pire que cela, en octobre 2016, certains se joignent ouvertement et sans sourcilier à une manifestation où l’on retrouve des cadres du FN, tels M. Wallerand de Saint-Just, trésorier au national et président du groupe politique du FN au conseil régional d'Île-de-France, et Mme. Audrey Guibert, une élue départementale du FN. Parmi les quelques 250 Forgeois présents ce jour, on retrouve aussi des élus de l’actuelle majorité municipale et leurs proches, qui n’ont visiblement pas craint de s’associer sur le bitume aux représentants d’un parti ouvertement raciste et xénophobe…

Malgré tout cela, la précédente municipalité a tenu bon. Et plus remarquable à mon sens, elle a tenu bon en raison d’une vision partagée par ses membres sur le fait que même si la commune n’était pas candidate à un tel accueil, il existait un devoir moral d’asile, en regard de valeurs telles la déclaration des droits de l’Homme. Aidée par une bonne centaine de bénévoles qui ont dispensé aide et cours de français entre autres, l’association Emmaüs a donc géré le centre pendant deux ans, au cours desquels, comme prévu, aucun trouble à l’ordre public - strictement aucun - n’a été relevé dans la commune. Plusieurs Forgeois, très opposés à la venue de ces demandeurs d’asile, ont même finalement reconnu qu’ils étaient d’un contact plutôt agréable, et polis dans la rue où dans les commerces. L’hystérie est progressivement retombée, mais la détestation de cette population, toujours attisée par les réseaux sociaux, a perduré chez les plus extrémistes jusqu’à la fermeture du centre…

Contrairement à ce qui s’est passé à Saint Brévin, la municipalité a été bien aidée par la préfecture de l’Essonne. Le préfet de l’époque, Mme. Josiane Chevalier, nous a reçu à plusieurs reprises pour discuter des mesures à mettre en œuvre pour assurer la sécurité publique. Une caméra a été installée devant le centre à la demande des parents d’élèves. Bien que n’étant pas du tout un « aficionado » de la télésurveillance, j’avoue que je trouvais cette installation pertinente, comme placebo vis-à-vis des inquiétudes démesurées des Forgeois, et surtout parce je pensais qu’elle pourrait peut-être être utile pour la sécurité des demandeurs d’asile hébergés, tant la détestation de certains à leur endroit était prégnante. Les forces de gendarmerie ont aussi été très efficaces en assurant des rondes régulières plusieurs fois par jour, et la nuit, dans ce secteur. De même, Mme. Chantal Castelnot, sous-préfet de l’Essonne, nous a aussi beaucoup aidés, en particulier pour mettre en place les réunions participatives destinées à réfléchir à la reconversion du centre d’accueil.

Ceci posé, comme à Saint Brévin, et bien que nous ayons peu communiqué sur le sujet, il est important que les lecteurs du blog sachent que les élus forgeois de 2016 ont été plusieurs fois menacés, voire agressés, lors de l’arrivée des migrants. J’inclus dans la liste de ces agressions, des petites aux grandes, des gens qui ne vous parlent plus (pas grave !), des gens qui changent de trottoir en vous voyant (pas grave non plus), des insultes dans les boites aux lettres et des appels téléphoniques répétés de nuit (cela m’est arrivé). Pour certains, leurs propriétés ont subi des dégradations, comme des pneus crevés, des carrosseries rayées, etc. Plus grave, des pressions ont été exercées contre des membres de leur famille, y compris leurs enfants, et plusieurs élus ont également reçu des menaces de mort. Je dois dire qu’à cette époque, j’ai eu honte du comportement de nombre de mes concitoyens, que je n’excuse a posteriori que parce que je réalise maintenant qu’ils ont été manipulés par des personnes toxiques. Un certain nombre de ces « toxiques » sont encore présents sur la commune et ils manifestent toujours vis-à-vis, qui de leurs voisins, qui des gens de leur rue, qui des gens de leur hameau, une détestation assimilable à de la haine raciste ou sociale. Celle-ci devra être exposée, un jour, à la vue de toutes et tous…

 

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Le centre d'accueil. Image Wikipédia. Licence Creative commons.

jeudi 11 mai 2023

DES MANOEUVRES POUR FAIRE TAIRE L'ASSOCIATION ANTICOR !

Comme les lecteurs du blog le savent, je suis membre de l'association Anticor, qui lutte contre la corruption en politique et dans le monde des affaires. Cette association a à son actif d'avoir permis le déclenchement de procédures judiciaires contre des personnalités du milieu politico-financier, et non des moindres, au comportement possiblement douteux. Il se pourrait cependant que la possibilité qu'a l'association de poursuivre ce type d'activité soit menacée, peut etre parce que le pouvoir présidentiel serait menacé. Cela serait gravissime. Explications.

Comme l'indique le site de l'association (1), celle ci dispose de deux agréments officiels : l’un délivré pour trois ans par le Premier ministre, en date du 2 avril 2021, l’autre délivré pour trois ans également par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), en date du 4 octobre 2022. Ce dernier agrément avait été obtenu, semble-t-il, malgré des pressions exercées sur la HATVP et directement sur Anticor (2). Le premier agrément permet à l’association de représenter en justice l’intérêt général face à des comportements non conformes à la probité et constitutifs des infractions pénales listées à l’article 2-23 du Code de procédure pénale. Comme le dit un des avocats de l'association: « Tous les jours, des citoyens se battent pour faire reconnaître leur intérêt à agir dans des affaires de ce type. Le soutien d’Anticor a été un levier incontestable pour établir la recevabilité de la partie civile ». Il faut également savoir que les agréments délivrés permettent à l'association de couvrir un très large domaine où la corruption existe. Celui-ci s'étend de la corruption et du trafic d’influence passifs à la prise illégale d’intérêts, du favoritisme au détournement de fonds publics, en passant par le trafic d’influence actif, les entraves à l’exercice de la justice, le recel et le blanchiment de l’ensemble de ces infractions, l’achat de voix et les différentes entraves à l’exercice du droit de vote.

Il est aussi vrai qu'Anticor avait eu l'outrecuidance de s'intéresser à différentes personnalités influentes. Citons par exemple le cas de M. Hubert Falco. Ce dernier, « maire de Toulon depuis 2001 et ancien président du conseil départemental du Var (1994-2002) est soupçonné d’avoir bénéficié d’avantages indus de la part du département du Var, après la fin de son mandat. Dans ce procès dit « du frigo », M. Falco est soupçonné d’avoir bénéficié » de la prise en charge de frais de bouche dont le montant a été évalué « par la Police Judiciaire de Marseille, à près de 300.000 euros, soit 1.600 euros par mois à la charge du contribuable » (1). Plus près de nous, Anticor s'est aussi intéressé à la ville d'Etampes, où une subvention à une association a curieusement atterri sur le compte d'un particulier !  « Anticor s’interroge également sur la gestion des ressources humaines de différents services de la ville, tant s’agissant des modalités de recrutement que s’agissant des heures supplémentaires qui ont été versées par la ville, dans un contexte où une élue avait dénoncé une pratique de paiement d’heures non effectuées » (1). Signalons aussi en vrac les dossiers suivants (1) :

. L'affaire l’Haÿ-Les-Roses :
Fin janvier 2022, Anticor a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour « favoritisme, détournement de biens publics, prise illégale d’intérêts et trafic d’influence », portant sur des montages financiers liés à deux importantes opérations immobilières menées à L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne.

. L'affaire du SYDEME :
Le 27 mars 2021, Anticor a déposé plainte auprès du Procureur de Sarreguemines pour « détournement de fonds publics », « favoritisme » et « prise illégale d’intérêts » dans la gestion du syndicat des déchets ménagers de Moselle-Est. Une nouvelle plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 14 décembre 2021.

. L'affaire Cholet :
En juillet 2021, Anticor a saisi le parquet d’Angers des indemnités versées au maire et aux conseillers de la majorité de Cholet, qui auraient perçu à tort 219 513,96€ par an depuis 7 ans !

Et encore, ne s'agit-il là que 3 dossiers parmi les dizaines et dizaines de dossiers qu'Anticor a étudié ou transmis aux autorités. Parmi les autres, on retrouve quelques « gros poissons ». Ainsi, en avril 2021, Anticor, Greenpeace France et l’association d’anciens élèves de l’École Polytechnique « la Sphinx » déposent plainte auprès du Parquet de Paris contre M. Patrick Pouyanné, PDG de Total, et contre X, pour prise illégale d’intérêts. Plus politique encore, en octobre 2020, Anticor a deposé plainte devant la Cour de justice de la République contre M. Eric Dupond-Moretti pour des soupçons de « prise illégale d’intérêts ». Suite à cela, en janvier 2021, le Procureur Général, M. François Molins, annonce qu'une information judiciaire va bien être ouverte contre le ministre de la Justice, pour « prise illégale d'intérêts ». Enfin, « last but not least », Anticor s'est intéressé en mars 2017 à la déclaration de patrimoine de M. Emmanuel Macron, président de la République. L'association avait alerté la HATVP sur ces déclarations d’intérêts et de patrimoine, signées le 24 octobre 2014. En effet, au regard du revenu perçu de 2009 à 2014 (3,3 millions d’euros !) et du patrimoine net déclaré en 2014 (200 000 d’euros), l’association demandait à la Haute Autorité « de vérifier le caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration de patrimoine de M. Macron ». Très rapidement, c'est à dire seulement 10 jours plus tard, celle-ci avait répondu qu'il n'y avait globalement rien à redire sur cette déclaration présidentielle. L'affaire a cependant rebondi récemment après une enquête de la chaine « Off investigation ». Dans celle-ci, un témoin proche de la banque Rothschild qui employait alors M. Emmanuel Macron, suggère que celui-ci aurait  pu profiter « d’un système de trust permettant aux associés de la banque de ne pas déclarer une part de leur rémunération » (3).

 Difficile, donc, de ne pas interpréter la saisine du tribunal administratif en vue de faire annuler l'agrément d'Anticor, présentée par deux avocats spécialistes, comme un coup destiné à faire taire l'association. C'est en ce sens que Mme. Elise Van Beneden, la présidente de l'association nous a écrit ce qui suit.

« L'association Anticor, organisation dédiée depuis plus de 20 ans à la lutte contre la corruption et à la promotion de l'éthique en politique, a récemment été informée d'une procédure en annulation de son agrément. La décision sera rendue par le tribunal administratif de Paris demain [note : vendredi 12 mai 2023]. Le tribunal a été saisi par deux plaignants et un cabinet d'avocats parisiens, car ils considèrent que le texte de l’arrêté d’agrément, rédigé par le Premier ministre est irrégulier.

L’annulation de l'agrément de l'association Anticor serait un coup porté à la démocratie et à la lutte contre la corruption en France. Ce serait une nouvelle tentative d'étouffer notre voix, et celles des citoyens qui nous soutiennent. Ce serait prendre le risque de restreindre la capacité de la société civile à agir en justice contre la corruption, dans un contexte où les affaires politico-financières s’accumulent et les libertés associatives reculent et ce serait mettre en danger les lanceurs d'alerte qui seraient obligés de porter seuls leurs dossiers.

De nombreuses affaires en cours, au plus haut niveau, pourraient alors être menacées si Anticor voyait sa capacité à se porter partie civile au nom de tous les Français restreinte [...] Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. Il est de notre devoir de défendre nos valeurs et de continuer à lutter pour une société plus juste et plus éthique. Si l’agrément d’Anticor devait être annulé, nous ferons bien sûr appel de cette décision, ferons une demande de sursis à statuer et demanderons un nouvel agrément. Anticor continuera par ailleurs à agir, grâce à vous, que ce soit à travers des signalements, l'accompagnement de lanceurs d'alerte ou les interventions citoyennes auprès des citoyens et des institutions ».

Pour bien comprendre les enjeux, sachez que les dossiers susceptibles d'annulation sont (liste non limitative) :
. celui portant sur les relations entre l’ex-ministre Mme. Sylvie Goulard et l’institut américain Berggruen,
pour corruption passive, trafic d’influence passif, prise illégale d’intérêts et abus de confiance ;
. celui portant sur la très controversée cession de la branche énergie d’Alstom à General Electric, une affaire où le nom du président de la République, alors ministre du gouvernement Hollande apparaît
(4) ;
. et enfin celui sur les contrats russes de M. Alexandre Benalla. 

On retrouve dans ce dernier dossier également là le nom du président de la République. En effet,  la justice pourrait s'intéresser ici au rôle qu'aurait joué M. Alexandre Benalla « dans la signature de deux contrats passés avec les oligarques russes Iskander Makhmudov, sulfureux industriel milliardaire, et Farkhad Akhmedov, un homme d'affaires qui a fait fortune notamment dans l'énergie. Alexandre Benalla était alors adjoint au chef de cabinet du président Emmanuel Macron, chargé des questions de sécurité » (5). Bref, Anticor dérange, et dérange en très haut lieu !


Références :


1. Site de l'association Anticor.
Consultable en ligne :
https://www.anticor.org/

2. Samuel Laurent, Anne Michel. Le gouvernement renouvelle l’agrément d’Anticor après six mois de suspense. Le Monde. Avril 2021. 

3. Alix Coutures. Patrimoine caché de Macron? "Il n’y a pas assez de preuves pour lancer une enquête", juge Éric Alt, vice-président d'Anticor. Challenge. Avril 2022.
Consultable en ligne :
https://www.challenges.fr/politique/patrimoine-cache-de-macron-il-n-y-a-pas-assez-de-preuves-pour-lancer-une-enquete-juge-eric-alt-vice-president-d-anticor_807449

4. Anonyme. Vente d'Alstom à GE : ouverture d'une enquête pour corruption et recel. Capital (avec l'AFP). Juillet 2022.
Consultable en ligne :
https://www.capital.fr/entreprises-marches/vente-dalstom-a-ge-ouverture-dune-enquete-pour-corruption-et-recel-1441482

5. Anonyme. Contrats russes en lien avec Alexandre Benalla : Anticor souhaite la désignation d'un juge d'instruction. Le Figaro (avec l'AFP). Juillet 2022.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/contrats-russes-en-lien-avec-alexandre-benalla-anticor-souhaite-la-designation-d-un-juge-d-instruction-20220712


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Logo de l'association. Référence 1.




lundi 8 mai 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… DE LA FRANCE INSOUMISE ET DE LA NUPES


Dernier volet de cette série de billets, portant cette fois sur LFI et la NUPES, tout en distinguant l’une et l’autre.

J’ai aussi quelques amis et relations à LFI. Avant de dire en quoi certaines de leurs positions me conviennent ou non, je commencerai par un rappel historique. LFI n’a, en réalité, pas 10 d’existence. On peut assez légitimement, me semble-t-il, la considérer comme un agrégat (n’y voir aucune connotation péjorative) de personnalités issues de nombreux mouvements de gauche. La composante principale en est le parti de gauche (PG), lancé en 2008 par Ms. Marc Dolez et Jean-Luc Mélenchon, tous deux des « anciens du PS ». M. Marc Dolez s’éloignera ensuite du PG en raison de divergences de vues avec M. Jean-Luc Mélenchon. En 2009, le PG, des éléments du PS, du mouvement républicain et citoyen de M. Jean-Pierre Chevènement, et du parti communiste français (PCF) forment une alliance en vue des élections européennes, le « front de gauche ». Le PG sera très actif entre 2009 et 2016, lors de divers mouvements sociaux, bien que sa présence militante ne se soit pas traduite de façon spectaculaire dans les diverses élections qui ont jalonné cette période. En particulier, le PG essuie un désaveu lors des élections régionales de 2015.

C’est à nouveau à l’occasion d’une élection que le mouvement évolue. En 2016, LFI est créée en vue des présidentielles de l’année suivante, se présentant dès l’origine comme une plate-forme de réflexion commune et ouverte à tous, et pas comme un parti politique, ce qu’elle devient pourtant en 2017. Le candidat proposé aux suffrages est M. Jean-Luc Mélenchon qui, déjouant nombre de sondages, recueillera un peu moins de 20% des voix, le plaçant en 4eme position, presque à égalité avec M. François Fillion, candidat des Républicains. Ce score plutôt impressionnant est dû, selon plusieurs analystes, aux qualités orales de M. Mélenchon, mais également à une campagne de haut vol s’appuyant sur les technologies internet. On se rappellera sans doute les meetings de Lyon et Paris où le candidat apparaitra en direct sous forme d’un hologramme, une première mondiale ! De même, le site YouTube diffusera une vidéo de 5 heures au cours de laquelle les généraux du mouvement, dont l’économiste atterré Jacques Généreux, développeront leur programme. Le succès à la présidentielle se traduira par un demi-succès aux législatives, qui enverront 17 députés LFI à l’Assemblée Nationale. Le succès électoral de 2017 se confirmera en 2022. À la présidentielle, M. Jean-Luc Mélenchon arrivera 3e cette fois, avec presque 22% des voix. Ce résultat sera à l’origine d’un conflit avec le PCF, dont le candidat, M. Fabien Roussel, avait maintenu sa candidature au premier tour. S’il n’est pas certain qu’une candidature unique eût été suffisante pour porter M. Jean-Luc Mélenchon au second tour, un tel renoncement du candidat communiste aurait pu mathématiquement suffire à inverser les positions de M. Mélenchon de de M. Marine Le Pen, arrivée deuxième.

Encore une fois, la perspective des législatives de 2022 conduit à une modifications des périmètres. Dès avril, LFI vise à rassembler divers partis de gauche autour d’une bannière unique. Ce sera la NUPES. Je cite Wikipédia (1) : « des discussions sont engagées, notamment avec Europe Écologie Les Verts (EÉLV), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Le mouvement Génération.s, fondé par Benoît Hamon, rejoint en premier LFI, dès le 29 avril. Dans la nuit du 1er au 2 mai, un accord est conclu avec EÉLV sous la bannière commune de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). Le 3 mai, le Parti communiste français rejoint cette union. Le 4 mai, le Parti socialiste annonce avoir conclu un accord, demandant encore à être ratifié par une instance interne, avec la France insoumise. Cet accord est validé dans la nuit du 5 au 6 mai par le conseil national du PS. En parallèle, le NPA annonce dans un communiqué ne pas être en mesure de trouver d'accord pour rejoindre l'union ». La NUPES réalisera une excellente campagne électorale aux législatives. Je cite de nouveau Wikipédia (1): « à l'issue du premier tour des législatives, la coalition NUPES fait quasiment jeu égal avec la coalition de la majorité présidentielle Ensemble avec 21 000 voix de moins qu'elle. Au second tour, la NUPES se classe second parti de France, et première force d'opposition, avec 131 députés élus (contre 245 pour la coalition présidentielle). Parmi ces 131 députés, 75 sont issus de LFI ».

J’arrête ici cet historique bien qu’il m’ait semblé nécessaire pour comprendre la genèse de LFI et de la NUPES. Au plan programmatique, autant le dire tout de suite, je suis favorable à plusieurs propositions de LFI, dont une réflexion sur une nouvelle constitution pour une 6e République. On voit bien aujourd’hui les dérives de la 5e République, portée par M. Michel Debré dans les années 50 et taillée sur mesure pour le Général De Gaulle. Son défaut majeur, à mon sens, est d’accorder un pouvoir bien trop important au Président de la République, même s’il reste possible pour l’Assemblée de censurer le gouvernement. Ceci dit, cela ne s’est produit qu’une seule fois depuis presque 60 ans, le premier gouvernement Pompidou ayant été censuré en 1962 (2). On mesure dès lors combien le « coup est passé finalement très près » lors du vote de la motion de censure proposée par le groupe LIOT voilà quelques semaines, et repoussée par seulement 9 voix, en regard de l’usage du 49.3 pour avaliser la contre-réforme des retraites (3). Je soutiens également l’abrogation des lois travail, en particulier celles relatives à la réglementation du travail de nuit et à l’inversion de la hiérarchie des normes (primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche). Je soutiens de même l’instauration de pratiques plus vertes et plus vertueuses, pour protéger les biens communs que sont l’air, l’eau, l’énergie, et la santé et la suppression des traités de libre échange qui se traduisent systématiquement par des moins disant sociaux, économiques et environnementaux. Je suis en revanche en désaccord avec le retour d’un âge de retraite à 60 ans. Je considère que la retraite ne peut être acquise que par une durée de cotisation donnée, et que l'âge à laquelle elle est accessible doit dépendre de la pénibilité du travail effectué, en lien avec l’âge de début de carrière. Je suis également en désaccord sur la mise en place d’un plan de transition énergétique vers 100% d’énergies renouvelables, car il est intenable sans des économies drastiques d’énergie pour le moment non financées et non finançables, et assez irréalistes. Il suffit pour s'en convaincre de lire ce que dit l'ADEME d'un tel scénario. D’autres mesures sont discutables, telle la révocation des élus par référendum, s’agissant là d’en définir les modalités pour assurer un fonctionnement fluide des institutions et le non recours systématique à de telles procédures pour des raison de basse politique. Je souhaite également réexaminer la position de LFI sur l’Union Européenne, qui me semble plutôt opaque possiblement parce qu'objet de divergences de vue en interne.

Au-delà de ce qui précède, je ferai un certain nombre de critiques à LFI. La première est que selon plusieurs observateurs, dont certains internes au mouvement, il semblerait que le fonctionnement de LFI ne soit pas très démocratique. Soyons clair, cela pourrait bien être un reproche fait à nombre de partis. Mais quand on se veut intransigeant et capable de « laver plus blanc que blanc », on doit l’être en interne. L’affaire Guénolé est à cet égard emblématique. Ce militant LFI a en effet dénoncé assez vertement « le simulacre » de démocratie interne à LFI, parlant même de « dictature » et de « méthodes staliniennes ». L’affaire aurait pu s’arrêter là si l’intéressé n’avait pas fait l’objet de dénonciations sans preuve pour harcèlement sexuel (4). Dans un intéressant ouvrage, « la chute de la maison Mélenchon », M. Thomas Guénolé révèle en effet certains aspects des arrières cuisines de LFI, et cela ne sent pas trop bon, en particulier pour l’ancien candidat à la présidence et pour sa proche conseillère, Mme Sophia Chikirou. Tous deux sont accusés d’autoritarisme pathologique, et de pratiquer « la délégitimation systématique et le procès en opportunisme […] contre tous ceux qui critiquent ». L’ex-candidat est y même décrit comme un tyran colérique et paranoïaque. C’est bien là d’ailleurs bien là un problème de fond pour LFI, et ma deuxième critique. Alors que M. Mélenchon a incontestablement contribué à la création de LFI et de la NUPES, il en est sans doute aussi le pire ennemi. Il a ainsi tenté par le biais des avocats du parti de retarder la sortie du livre de M. Guénolé. En sus, on se rappellera sans aucun doute sa réaction disproportionnée lors de la perquisition au siège du parti de gauche ou de LFI, suffisamment grave pour que le parquet de Paris ouvre une enquête pour « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique », enquête étendue à Ms. Alexis Corbière et Adrien Quatennens. Comment ne pas évoquer ici aussi le comportement de ce dernier, qui bien que relevant du domaine privé, est orthogonal aux prises de positions de LFI sur le respect dû aux femmes ? Comment expliquer le soutien de M. Jean-Luc Mélenchon à ce dernier, alors même que LFI comporte en son sein une instance de suivi des violences sexistes et sexuelles (CVSS) ? Peut-être, faut-il se référer à ce que dit Mme. Hélène Franco, magistrate et ancienne militante LFI, à ce sujet : « ce comité est devenu au fil du temps un rasoir à deux lames. La première sert à dire à l’extérieur que l’on s’occupe du sujet et évite que l’on dépose plainte. La seconde, c’est pour dégager les emmerdeurs, ceux qui veulent des places ou contestent le fonctionnement interne » (5). En plus, il semble avéré que LFI ait tenté de ficher ses militants ouvertement critiques du comportement de M. Quatennens (6). Bref, un gros désordre et un paradoxe de plus au sein d'un parti qui donne la parole à des députés issus de catégories socio-professionnelles que l'on n'a pas l'habitude d'entendre !

La personnalité de M. Mélenchon est donc à mon sens un vrai problème pour LFI et pour la NUPES. On le voit au travers de la crise qui a agité le PS lors des élections au secrétariat national, où M. Olivier Faure et certains de ses collègues socialistes se sont opposés, entre autres sur l’adhésion à la NUPES, avec en toile de fond l’image de son « leader », M. Jean Luc Mélenchon. En disant cela, je n’oublie pas l’exploit qui est d’avoir réussi, en très peu de temps, à rassembler dans cette NUPES des partis divers, marqué par leur propre histoire, et d’avoir assuré une visibilité réelle de la gauche en général lors des dernière élections. Mes chers amis de la NUPES, vous comptez nombre de personnes de qualité en vos rangs. Je n’en citerai aucune pour n’en oublier aucune ! Par ailleurs, vos divergences sont bien plus limitées que vous ne le pensez, et bien plus limitées que vos points de convergence. Vous représentez un espoir majeur en termes de préservation environnementale. Vous êtes aussi cet espoir majeur pour nombre de personnes des classes moyennes ou défavorisées, laminées par la politique anti-sociale voulue par M. Emmanuel Macron, soutenue sans le dire ouvertement par nombre de Républicains. Vous représentez aussi et surtout à mes yeux une contreproposition solide aux faux semblants mis en avant par le rassemblement national (RN), à qui la politique de l’actuelle majorité ouvre un boulevard. Passez sur vos divergences, comme l’ont fait les socialistes de façon brouillonne mais courageuse voilà peu, n’oubliez pas le PCF dans la mesure où celui-ci ne poursuivra pas son isolement, et soyez tous ensemble cette « gauche morale », comme le disait M. Marcel Gauchet, historien et sociologue, qui refuse les compromissions de la pseudo-gauche de gouvernement. La France et  nombre de Français ont besoin de vous !


Références :

1. la France Insoumise. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_France_insoumise#Programme

2. Gouvernement Georges Pompidou. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernement_Georges_Pompidou_(1)

3. Laurie-Anne Virassamy. Motion de censure après le 49.3 sur la réforme des retraites : qu’ont voté vos députés ? France-Info. Mars 2023.
Consultable en ligne :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/motion-de-censure-apres-le-49-3-sur-la-reforme-des-retraites-qu-ont-vote-vos-deputes-2736946.html

4. Abel Mestre. Thomas Guénolé rompt violemment avec La France insoumise : « C’est une dictature ». Le Monde. Avril 2019.

Anonyme. Mis en cause pour harcèlement sexuel, Guénolé dénonce des « méthodes staliniennes ». Huffington Post. Avril 2019.
Consultable en ligne :
https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/thomas-guenole-signale-pour-harcelement-sexuel-denonce-des-methodes-staliniennes-a-la-fi_143589.html

5. Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. Jean-Luc Mélenchon, ses lieutenants et les féministes « insoumises ». Le Monde. Septembre 2022.

6. Pauline Graulle. Jean-Luc Mélenchon tente d’entraver la publication d’un ouvrage… puis se ravise. Mediapart. Octobre 2019.


Crédit illustration : 

Logo LFI. Page Wikipedia.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_France_insoumise




mardi 2 mai 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… ÉCOLOGISTES

L’écologie politique en France : René Dumont candidat (1974)
 
Je poursuis, dans la lignée de mon article précédent, m’intéressant ce jour aux « écologistes politiques », parmi lesquels je compte aussi quelques relations et amis.


Je le dis tout de suite, je m’intéresse aux questions écologiques depuis très longtemps, depuis la campagne électorale menée par René Dumont en 1974. Je n’avais pas le droit de vote à l’époque, mais je m’étais très attaché à comprendre les propos de cet agronome. Si on les reprend aujourd’hui, presque 50 ans plus tard, on ne peut que constater qu’il avait vu juste sur nombre de points. Vêtu de son traditionnel pull-over rouge, ce militant de la cause environnementale circulait beaucoup à vélo avant que cela ne soit habituel. Il se présentait aussi à la télévision avec une pomme et un verre d’eau sur sa table, pour dire que ces ressources étaient précieuses et qu’elles allaient un jour manquer. Je me rappelle très bien qu’il annonçait aussi les pénuries de carburants fossiles et la hausse de leur coût qui s’en suivrait. Les thèmes qui lui étaient chers, et je cite ici la page Wikipédia qui lui est consacrée (1), étaient « le contrôle des naissances, les économies d'énergie, la coopération internationale avec les pays en développement, et la protection et la remédiation des sols… ». Ajoutons à cela que la politique qu’il prônait, et je cite toujours la même source, était « pacifiste, contre le capitalisme agressif [l'agronome n'a rien contre la propriété foncière si elle n'est pas à l'origine d'un partage trop inégal des fruits du travail et si les droits des agriculteurs sont respectés], pour la solidarité entre les peuples » prenant en compte les intérêts et les fragilités des pays dits en voie de développement.

Ces différents volets ont ensuite été développés dans un courant que l’on appelle l’écologie politique, dont la définition est malaisée, probablement parce qu’elle s’est incarnée dans des mouvements aussi divers que les mouvements pour la paix, les anti-nucléaires, l’écologie libertaire, ou plus près de nous, les zadistes, l’écoféminisme, Greenpeace ou d’une certaine façon, le véganisme, une liste non limitative. Une des « externalités positives » de l’écologie politique est qu’elle a sans aucun doute permis une prise de conscience généralisée de l’urgence qu’il y a à intégrer dans nos activités de tous les jours les contingences imposées par notre vie sur une planète finie. Cette prise de conscience a percolé même parmi les tenants d’un capitalisme échevelé. Je ne citerai par exemple que M. Elon Musk, libertaire et capitaliste assumé, qui déclarait au sujet de nos défis à venir « le changement climatique est la plus grande menace à laquelle l’humanité est confrontée au cours de ce siècle ». Le créateur de Tesla ajoutait que l’objectif de son entreprise était « de contribuer à accélérer le passage d'une économie fondée sur l'exploitation minière et l'énergie fossile à une économie électrique solaire » sans que cette dernière constitue « une solution exclusivement durable ». Il écrivait également que le schéma directeur de son entreprise était une espèce de « guide pour transformer les transports et sauver la planète de la pollution ». On peut ensuite, bien entendu, discuter de la pertinence qu'il y a à développer des véhicules électriques ou des pollutions que cette production implique. On peut également discuter de ses autres objectifs, tels l’exploration spatiale ou la mise en place de satellites, à l’aune de considérations tant philosophiques qu’environnementales. Il agit d’autres questions ; reste que la prise de conscience est là, Chez M. Elon Musk comme chez d'autres "capitaines d'industrie" .

Alors quels sont les griefs que je peux avoir vis à avis de mes amis écologistes ? J’en exprimerai deux. Le premier est, pour une partie non négligeable de l’écologie politique et surtout militante, de s’être construite sur une vision quasi religieuse - et quelque peu biaisée - des équilibres biologiques. Je m’explique. Il me semble, mais peut être me trompè-je, que certains écologistes activistes développent une vision messianique de la nature et du vivant, et en en faisant quasiment des objets de culte. Dans une intéressante étude à laquelle je souscris, M. Stéphane François, politologue et historien des idées, écrivait : « l’écologie comporte de facto un aspect néo-païen qui fait d’elle une sorte de religion néo-animiste fondée sur la sacralisation de la nature et sur le retour de cultes archaïques consacrés à la déesse Terre » (2). Cette analyse est intéressante car elle explique alors, dans un raisonnement que l’on peut bien sur contester, pourquoi une part non négligeable de l’écologie militante est opposée à ce qu’elle appelle la technique et à la science. Dans la vision originelle de ses promoteurs « l’écologie radicale [est] une philosophie de la vie, distincte de l’écologie-science et centrée sur l’idée de réalisation de soi ». Dans ce référentiel, « l’homme ne serait qu’une des nombreuses formes de la réalité vivante, sans valeur intrinsèque supérieure ». Celui-ci s’inscrirait dans un monde à l’image de celui relevant de l’hypothèse Gaïa, une théorie panthéiste qui promeut une vision déiste de la nature en opposition avec les concepts des religions du Livre, porteuses, elles, d’une modernité technoscientifique. Dans l’article en référence, M. Stéphane François cite d’autres auteurs influencés par cette vision païenne de la nature. Ainsi, M. Mirce Eliade, historien des religions, écrivait : « la science moderne n’aurait pas été possible sans le judéochristianisme qui a évacué le sacré du cosmos et l’a ainsi « neutralisé » et « banalisé » […] Par sa polémique antipaïenne, le christianisme a désacralisé le cosmos […] et a rendu possible l’étude objective, scientifique de la nature […] La « technique », la civilisation occidentale, est le résultat indirect du christianisme, qui a remplacé le mythe dans l’Antiquité » (3). On peut être d'accord ou non avec cette grille de lecture. Au moins explique-t-elle pourquoi il existe une opposition quasi systématique d’écologistes radicaux avec tout ce qui pourrait apparaître comme issu de la science. Ainsi, le dernier avatar de cette position quasi-religieuse se retrouve dans le refus de nombreux écologistes militants de refuser la vaccination, particulièrement celle reposant sur la technologie ARN, à l’image des témoins de Jéhovah refusant les transfusions sanguines… On se rappellera ainsi les propos tenus par Le CriiGen, organisation environnementale militante, sur cette vaccination, propos qui ne m’ont pas étonné connaissant les liens entre cet organisme et la mouvance antivax. Ainsi, deux membres notables du CriiGen, M. Michel Georget (maintenant décédé) et Mme Isabelle Chivilo, sont ou ont été des militants antivaccination notoires (4).

Le deuxième reproche que je ferai à mes amis écologistes découle du premier : votre combat, pour juste qu’il soit, ne vous autorise pas à travestir les consensus scientifiques, ni à manipuler l’opinion. J’ai personnellement été confronté à cette manipulation de la part d’écologistes militants ou radicaux, en particulier dans le débat autour des variétés végétales dites OGM (organismes génétiquement modifiés). J’ai passé plus de 15 ans de ma carrière d’écologue à étudier les conséquences de la culture de tels organismes, et je crois très bien connaitre le sujet. J'ai toujours dit sans contrainte de ma tutelle ce que j'avais observé : parfois un impact, parfois aucun, en tous cas aucun de quantifiable... J’avais donc, il y a maintenant de nombreuses années, été interviewé par le journal du CNRS au sujet de l’action de faucheurs qui avaient détruit un essai en champ de vignes génétiquement modifiées. Ces essais étaient destinés à précisément évaluer les impacts environnementaux de la culture. J’avais alors utilisé les termes d’obscurantiste et dénoncé un certain nombre des approximations, pour ne pas dire des mensonges, propagées par ces activistes (5). Cela m’avait valu les foudres d’un écologiste militant, M. Fabrice Nicolino, qui avait attaqué et sensiblement déformé mes propos dans un journal et dans son blog (6). Deux ans plus tard, je discutais avec des militants de la Confédération Paysanne, peu suspect d'activisme pro-OGM, qui nous félicitaient,  pour le travail fait lors d’une très grosse étude d’impact de ces mêmes variétés. Celle-ci avait été copilotée par un des mes collègues de l’INRA et par moi même, pour le compte du Ministère de l’agriculture et du Ministère de l’écologie… De même, j’avais eu à discuter auprès de l’Offfice Parlementaire des Choix Scientifique et Technologiques du travail de M. Gilles-Eric Séralini, chercheur résolument anti-OGM, dont l’étude sur des rats nourris aux OGM l'avait conduit, dans un aveuglement militant, à des conclusions erronées masquées par une communication très contrôlée. J’avais alors parlé d’instrumentalisation de la science, une position que je maintiens aujourd’hui encore. J’avais également du expliquer que nous consommons des produits OGM depuis plus de 40 ans, contrairement, là aussi, à ce qu’assènent un certain nombre d'écolos militants. Ainsi, toutes les lignées d’orge cultivées en France sont OGM au sens de la directive de l’UE qui les définit (7). Il en va donc de même de nos bières, nos mueslis, notre whisky, etc. En l'occurrence, ici je ne juge pas, je ne promeus pas, je constate et j'énonce un simple fait ! Dans le même ordre d'idées, je n'ai pas la place de développer ici l'analyse des propos tenus par certains écologistes autour du nucléaire, mode de production d’énergie pourtant fortement décarboné, et qui aura tué bien moins de personnes dans le monde que le charbon ou le pétrole…

Ainsi mes chers amis écologistes, je considère que vos alertes sur les dangers environnementaux que nous encourons sont pertinentes. Je considère aussi que vous « mettez dans le mille » avec votre questionnement autour de la surexploitation de notre planète, sans aucun doute liée à notre système capitaliste. Vous avez cent fois raisons de nous alerter de tout cela, mais vous ne devez pas céder aux sirènes des intégristes naturalistes. Ceux-ci proposent, sans doute sans s’en rendre compte, une vision qui s’apparente à « un antihumanisme, aux assises misanthropes : le genre humain, responsable des désastres écologiques, doit disparaître []. Dans certains cas extrêmes, nous assistons même à un renversement : l’homme y est parfois inférieur aux animaux, voire traité d’espèce nazie » (1). Comprenez qu’en tolérant en votre sein de tels attitudes ou propos, vous donnez les bâtons pour vous faire frapper par vos opposants, des tenants d’une économie sans frein aux négationnistes du changement climatique. Or, ceux-ci sont suffisamment puissants et organisés pour ne pas les aider de la sorte. Revenez à une vision plus raisonnable, plus rationnelle – et surtout plus honnête – des enjeux, et de nos difficultés. Vous gagnerez en crédibilité. C'est urgent !



Références :


1. René Dumont. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Dumont

2. Stéphane François (2012). Antichristianisme et écologie radicale. Revue d'éthique et de théologie morale 272, 79-98.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2012-4-page-79.htm#pa1

3. Mircea Eliade (1973). Fragments d’un journal I. 1945-1969. Gallimard, Paris.

4. Anonyme. OGM, vaccins, même combat. Agriculture et environnement. Septembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.agriculture-environnement.fr/2021/09/13/ogm-vaccins-meme-combat

5. Julien Bourget (2010). Fauchage des vignes OGM, une perte pour la recherche. Le journal du CNRS 250, 17.
Consultable en ligne :
http://fr.1001mags.com/parution/cnrs-le-journal/numero-250-novembre-2010/page-16-17-texte-integral

6. Fabrice Nocolino. Mettre en taule les obscurantistes (avis autorisé du CNRS). Planète sans visa.
Décembre 2010.
Consultable en ligne :
https://fabrice-nicolino.com/?p=1024

7. Anonyme. Ces OGM méconnus que la France produit par millions. TerraEco. Aout 2013.
Consultable en ligne :
https://www.terraeco.net/Ces-OGM-meconnus-que-la-France,50776.html


Crédit illustration :

Document INA - autorisation de partage non commercial.
https://clio-texte.clionautes.org/ecologie-politique-france-canditature-rene-dumont-1974.html

S'agissant d'une capture d'écran TV, la qualité du document reste médiocre. Merci de m'en excuser.

 



vendredi 28 avril 2023

MES CHERS AMIS ET AMIES… SOCIALISTES

Illustration.
 

Voilà quelque temps que je songeais à une série d’articles autour des différentes sensibilités constituant ce qu’il est convenu d’appeler la gauche de l’échiquier politique. Je commence par mon ressenti vis-à-vis du parti socialiste (PS), dont j’ai été assez proche, intellectuellement parlant, jusqu’à l’arrivée de François Hollande à la présidence de la République.

A dire vrai, j’ai beaucoup d’admiration pour ce que représente, au plan historique, le PS. En quelques mots, celui-ci est issu du Parti Socialiste Français, lui-même résultant de la fusion de trois mouvements, dont l’un, porté par Paul Brousse était largement influencé par le marxisme. Un autre de ces mouvements, le parti des socialistes indépendants, comptait dans ses rangs Jean Jaurès. Ce dernier aura largement contribué à la mise en place de la loi de séparation des églises et de l’Etat, en 1905. À cette même date, la fusion du Parti Socialiste Français avec le Parti Socialiste de France conduit à la formation de la Section Française de l’Internationale Ouvrière, la SFIO, codirigée par Jean Jaurès et par Jules Guesde. Jusqu’au front populaire, la SFIO hésitera « entre discours révolutionnaire et pratiques réformistes et parlementaires, ni purement réformiste, ni réellement révolutionnaire » (1). Cette ambivalence se retrouvera tout au cours de l’histoire du PS. Malgré les scissions, dont l’une conduira à la formation du Parti Socialiste Unifié (PSU), malgré les départs, les recompositions (telle celle du congrès d’Alfortville en 1969), la SFIO perdurera jusqu’au congrès d’Epinay en 1971. Celui-ci verra le regroupement des différentes sensibilités de la grande famille socialiste, à l’exception du PSU, sous le nom de Parti Socialiste, vocable proposé par M. Pierre Joxe (2). M. François Mitterrand est alors nommé premier secrétaire, et M. Pierre Mauroy secrétaire à la coordination, c'est-à-dire numéro 2 officieux du PS.

Cette courte revue historique vous dit d’ores et déjà, mes chers amies et amis socialistes, quels grands personnages ont marqué l’histoire de votre parti. Citons entre autres, Jean Jaurès, déjà mentionné plus haut, pacifiste et humaniste, fondateur de « l’Huma », à qui on ne peut que reprocher sa prise de position précoce dans l’affaire Dreyfus, mais aussi Léon Blum, déporté en 1941, qui refusa courageusement les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, ou Pierre Mendès-France, honni des réactionnaires de droite, furieux de voir le nom de France porté par un israélite, qui conclura la paix en Indochine et actera l’indépendance de la Tunisie. On peut également penser ce que l’on veut de M. François Mitterrand, dont certaines amitiés sont discutables, mais on ne peut nier qu’il fut l’un des plus grands hommes politiques de la seconde moitié du XXe siècle. Rappelons qu’il a soutenu la suppression de la peine de mort, nommé la première premier ministre femme à Matignon, accordé la 5e semaine de congés payés, entre autres réformes sociales… Tout cela sans compter sa remarquable érudition. Les présidents qui lui succèderont ne signeront qu’une lente décadence de la fonction présidentielle : M. Jacques Chirac comme M. Nicolas Sarkozy arrivant même à se signaler comme les deux premiers présidents de la République condamnés par la justice, l’un pour détournement de fonds et abus de confiance, l’autre pour financement illégal de campagne électorale, corruption et trafic d’influence, et sous le coup d’une mise en examen pour association de malfaiteurs, rien que cela ! Quant au « président normal », j’y reviendrai plus loin dans ce billet. J’avais, de mon côté, eu la chance de rencontrer deux fois M. Michel Rocard, lors de réunions publiques. On avait pu échanger et je dois dire que j’étais très admiratif de sa hauteur de vue, de son niveau de réflexion, et de la simplicité avec lequel on pouvait l’aborder. J’étais néanmoins en en désaccord avec sa vision de la nouvelle gauche, qui, quelques 35 ans plus tard, se traduira par l’élection de M. François Hollande, et la mise en place de politiques socialement délétères.

C’est donc ici que je m’accorderai quelques coups de patte envers mes chers amies et amis socialistes. Le parti, me semble-t-il, a toujours, depuis son origine et tout au long de l’existence de la SFIO, hésité entre un positionnement à gauche, voire même quasi révolutionnaire à l’origine, et un positionnement que l’on pourrait qualifier de centriste. De même, depuis 1968, il existe un clivage entre les tenants d’une alliance des gauches, y compris avec le parti communiste français, et des personnalités comme Ms. Michel Rocard ou Jacques Delors. Ces deux derniers furent les promoteurs de la traduction en français des ouvrages de M. Fredrich Hayek, penseur et économiste qui aura influencé la révolution libérale des années 1980, largement incarnée par M. Ronald Reagan aux Etats-Unis et Mme M. Thatcher au Royaume Uni. Ce clivage s’est également bien ressenti dans la comparaison des positions politiques de personnalités telles que Ms. Dominique Strauss-Kahn (lui aussi ayant eu maille à partir avec la justice, soit dit au passage), Laurent Fabius, François Lamy, et plus récemment, de Ms. François Hollande et Manuel Valls, avec celles de personnalités comme Ms. Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg, ou Benoît Hamon. On retrouve là la théorie des « deux gauches irréconciliables » chère à M. Manuel Valls. Je partage son point de vue, à ceci près que « la gauche de gouvernement », telle que l’appelle l’ancien premier ministre, est tout sauf une gauche, même si on ne doit pas oublier la loi Taubira, dite du mariage pour tous, ou des avancées sur la fin de vie. D’une façon générale, de très nombreuses positions, décisions, et discours de cette gauche de gouvernement ont révélé in fine un positionnement centriste, voire de centre-droit, et une certaine forme de mépris pour les Français. Je cite en vrac les « sans-dents », les mensonges sur « la finance, mon ennemi », les lois Macron sur le travail de nuit et du dimanche, la loi El-Khomri, qui réécrit totalement la partie du code du travail relative à l’aménagement du temps de travail et permet aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branches en matière de temps de travail, d’heures supplémentaires ou de congés, et les privatisations de « pépites industrielles » telles que Safran, EADS, les aéroports de Toulouse et de Paris, pour n’en citer que quelques-unes.

Comment, mes chers amies et amis socialistes, avez-vous pu laisser passer tout cela ? Vous qui avez sans aucun doute adhéré au PS, ou avez agi en compagnons de route en regard des engagements humanistes de ce parti ? Comment avez-vous toléré ces régressions, alors que tout dans votre ADN, vous poussait au progrès social ? À quels appels avez-vous cédé, quels chants des sirènes vous auront fait dévier de votre course naturelle, pour conduire votre navire au naufrage ? Le problème majeur, outre celui de l’affaiblissement massif du PS, est que ces épisodes néolibéraux auront brouillé le paysage politique, et les notions mêmes de droite et de gauche. Comme le dit fort justement  M. Jean-Claude Michea, philosophe et essayiste, « depuis maintenant plus de trente ans, dans tous les pays occidentaux, le spectacle électoral se déroule essentiellement sous le signe d’une alternance unique entre une gauche et une droite libérale qui, à quelques détails près, se contentent désormais d’appliquer à tour de rôle le programme économique défini et imposé par les grandes institutions capitalistes internationales ». Ce dernier rappelle d’ailleurs « le rôle moteur que la gauche française (Jacques Delors, Pierre Bérégovoy et Pascal Lamy en tête) a joué dans la construction d’une Europe procédurière et marchande », son « ralliement progressif – depuis maintenant plus de trente ans – en France comme dans tous les autres pays occidentaux, au culte du marché concurrentiel de la compétitivité internationale des entreprises et de la croissance illimitée » (3). Et pour reprendre la conclusion de cet auteur, à laquelle j’adhère, cela aura pour conséquence principale que ces « trente années de ralliement inconditionnel au libéralisme économique et culturel [auront] largement contribué à discréditer [la gauche] aux yeux des catégories populaires, aujourd’hui plus désorientées et désespérées que jamais » (3).

Il est temps de sortir de ce sommeil des lotophages, pour reprendre l’analogie avec les sirènes de l’Odyssée d’Ulysse, afin de reconstituer avec les autres forces de gauche, un bloc capable de s’opposer aux politiques socialement délétères, telle la contre-réforme des retraite proposée, ou plutôt imposée par le gouvernement de M. Emmanuel Macron. Votre chance est que certains de vos anciens coreligionnaires, ex. membres du PS et de sa pseudo « gauche de gouvernement », tels Ms. Olivier Dussopt, Gabriel Attal, Stanislas Guérini, sans oublier la cheffe de gouvernement, Mme Elisabeth Borne ont révélé leur vraie nature. Vous devez ce sursaut à Guesde, Brousse et Jaurès !



Références

1 Notre histoire. Parti socialiste / Fédération 75.
Consultable en ligne :
https://www.parti-socialiste.paris/histoire

2. Congrès d’’Épinay. Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_d%27%C3%89pinay

3. Jean-Claude Michea, cité par Gérard Mauger. Le PS est-il « de gauche » ? Savoir/Agir, 23, 95-98 (2013).
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2013-1-page-95.htm


Crédit photo :

Jean Jaurès par Nadar. Wikipédia.
Image du domaine public.
http://www.museehistoirevivante.com/img/expositions/2009/Jaures/Jaures8.jpg


mercredi 12 avril 2023

MÉTIERS DU RAIL : ENCORE UN QUI N'Y CONNAÎT RIEN !



J'ai récemment entendu un chroniqueur TV parler des cheminots de façon très méprisante. Face aux mouvements sociaux, celui-ci s'énervait de constater que ces personnes veuillent faire grève alors que ces « gens n'ont qu'à pousser un joystick assis au chaud dans un siège confortable »… Encore un qui ne connaît rien à ce travail et qui aurait mieux fait de se taire. Explications.

Il se trouve que j'ai de nombreuses relations dans le ferroviaire et que je connais assez bien, je le pense, ce monde particulier. Sans rentrer dans trop de détails, disons que j'ai pu voir de très près à quoi ressemblait l'activité de conduite de train, et les contraintes qu'elle impose. Car, oui, il y a des contraintes ! Certes, le confort de conduite des rames à grand parcours ou même celui des rames de banlieue d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui des machines à vapeur des années 50, voire celui des machines Diesel des années 60/70 qui les ont remplacées. À ce sujet, évacuons de suite la prétendue « prime de charbon » qui serait toujours en cours à la SNCF. Cela fait au moins 40 ans qu'elle a été supprimée ! Donc oui, on est mieux assis et moins soumis aux intempéries dans les trains modernes que dans les anciens. Quoique… Lorsqu'il n'y a aucun problème, c'est bien le cas. Mais dès que des problèmes arrivent, tout peut alors changer très vite. Ainsi, sur une panne de freinage, ce qui est heureusement rare, un conducteur devra descendre de sa machine et parcourir tout le train pour identifier le ou les wagons (on parle ici de train de fret) défaillants, isoler le freinage du wagon, puis retester le freinage, une série d'opérations qui implique de passer de la cabine à la queue de train assez régulièrement, et ce de nuit, de jour, qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige. De même pour les trains de voyageurs, en cas de panne, ou plus fréquemment de signal d'alarme « tiré ». Le conducteur ainsi peut être amené à se déplacer tout le long de la rame, agir sur divers dispositifs et prendre la responsabilité de repartir avec des restrictions dues au freinage qui pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité si elles n’étaient pas maîtrisées pleinement. Ce genre de vérification peut durer entre 20 minutes au mieux, et deux heures par exemple sur des trains longs ou des pannes complexes à détecter. Comparativement à une certaine époque, on peut dire que le confort du métier ne s’est finalement pas tant amélioré dans le sens où la technique évoluant, certaines contraintes ont été remplacées par d’autres telles que celles liées aux vitesses élevées pratiquées (donc temps de réaction plus restreint), au stress, où à la difficile gestion des voyageurs, etc.

J'ajoute à cela que le travail de conduite n'est qu'une partie du travail des roulants. Il faut en effet aller prendre son service, parfois à des heures de distance de son lieu d'habitation, surtout lorsque l'on répond en « astreinte ». Ces astreintes font d'ailleurs partie intégrante du travail régulier des roulants, parfois à raison de plusieurs journées par semaine, où l'on peut être appelé à à peu près n'importe quelle heure, de jour comme de nuit, dans un large périmètre géographique. Seule une partie du temps de prise en charge est comptabilisée comme temps de travail. De plus, ces astreintes ne permettent pas au personnel de bénéficier de toutes les primes, ce qui fait qu'elles sont finalement payées à un niveau inférieur à celui d'un roulement « normal ». Par ailleurs, peu de gens savent que lors d'une prise en charge programmée d'un train, le mécanicien doit parfois marcher des kilomètres pour retrouver « son » train garé, puis effectuer toute une série d’opérations pour remettre en fonctionnement la machine ou la rame, celles-ci incluant des purges de circuit, des vérifications de niveau, des essais de freins, des systèmes de sécurité, etc. Tout cela ne se fait pas en 5 minutes, mais reste en revanche comptabilisé comme temps de travail !

De même, on ne pense que rarement aux agents qui conduisent les trains d’entretien, ou plus largement à ceux qui assurent l'entretien des voies, là aussi de jour et souvent de nuit, quelle que soit la météo. Sur certaines lignes du Massif Central, des Alpes, des Pyrénées, des Vosges ou du Jura, les opérations de déneigement, pour permettre la circulation des premiers trains du matin, peuvent être éreintantes, par des températures polaires. Évidemment, le journaliste qui méprisait le travail des roulants, n'en n'a cure !

Il ne se soucie sans doute pas plus du fait de savoir que conduire un train implique la connaissance pointue de plusieurs éléments. Le premier est la réglementation ferroviaire dont l'objet premier est d'assurer la sécurité des circulations. Il y a bien sur tout un volet lié à la signalisation qui est bien plus complexe que les seuls feux verts, jaunes et rouges de la circulation automobile. Sans aller trop loin dans les détails, et s’agissant là d'un sujet que je ne maîtrise que partiellement, un feu rouge allumé sur un signal peut impliquer différentes obligations ou autorisations selon le type de signal et le régime d'exploitation de la ligne. Certains signaux ne s’adressent également qu'à certains trains, d'autres ne s’appliquent qu'à certaines heures. En d'autres termes, il faut des semaines et des semaines d'apprentissage pour maîtriser le seul volet signalisation. Les règles de gestion des urgences sont également complexes : comment réagir en cas d'action sur le signal d'alarme, sur la réception d'un signal d'alerte radio, comment franchir lorsque cela est possible un signal au rouge (signal dit fermé), etc. Tout cela représente des centaines de pages de règlement à assimiler et à mémoriser. De plus, ces règlements, véritables articles de loi, évoluent sans cesse, et pas toujours pour faciliter le travail du mécanicien. Outre le fait que ce dernier se doit de maintenir ses connaissances à jour, à ses frais au passage, il a aussi la responsabilité de leur exécution. En cas de manquement, on parlera pudiquement « d’écart de sécurité », pouvant entraîner une mise à pied et, si la faute provoque un accident, une comparution devant un tribunal. Ainsi, le conducteur travaille avec, sans cesse, une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

La conduite d'un train ne consiste pas non plus qu'à pousser un joystick. Cette conduite nécessite une connaissance parfaite du fonctionnement de la machine ou de la rame, permettant la compréhension du résultat des actions sur les diverses commandes de marche ou de sécurité. Comme pour tous les engins roulants ou volants, le mécanicien avant d'être « lâché » seul, passera des mois en formation sur simulateur et/ou sur rame en service. Cette connaissance du matériel est si nécessaire que l'habilitation délivrée à l'issue ne sera valable que sur les matériels sur lesquels la personne a été formée. C'est un peu comme si on obtenait un permis de conduire des Renault, mais pas des Citroën, des Peugeot, ou pas des Volkswagen… Dans le même ordre d'idée, un mécanicien ne sera habilité que sur certaines lignes, la connaissance forte du réseau parcouru constituant un autre gage de sécurité des circulations. Pour reprendre l'analogie avec le routier, imaginez que votre permis, valable sur Peugeot et Citroën seulement, ne vous autorise qu'à parcourir les routes d’Île de France, ou de la région PACA, mais pas au-delà...

Je n'ai couvert que quelques aspects des spécificités du métier. Je voudrais en ajouter trois. La première est un point que je n'aborde jamais avec les roulants, sauf si ils le font d'eux-mêmes. C'est celui de l’accident et de l'accident de personnes (euphémisme pour souvent parler de suicides) en particulier. Comme me l'ont dit plusieurs mécaniciens, la question n’est pas de savoir si on connaîtra cet accident de personne mais de savoir quand. De tels évènements sont bien évidemment traumatisants, et, jusqu'il y a peu, ils n'étaient pas bien pris en charge par la SNCF. Le second volet est la responsabilité que portent les mécaniciens liée au fait qu'ils assurent seuls la responsabilité de trains pouvant transporter plusieurs centaines, voire un millier de passagers. Pour avoir échangé souvent avec des roulants, je peux affirmer que plusieurs m'ont dit que cette responsabilité était toujours très présente à leur esprit et qu'elle était parfois lourde. Même si les trains sont munis de divers dispositifs de sécurité, et de radios, une erreur humaine, voire une défaillance mécanique peut toujours avoir des résultats catastrophiques. Le dernier point, ce sont les horaires imprévisibles ou décalés. Une semaine d'un roulant, ce sont bien sur des jours de repos, mais aussi des astreintes, où l'on ne sait si on travaillera et où, et des conduites programmées. Mais d'un jour à l’autre, cette programmation change. J'ai demandé à un roulant de me communiquer son programme sur une semaine de travail, et effectivement, on constate très vite la présence d'horaires très variables et de découchés, c'est à dire de repos de nuit passés hors du domicile. Ce même roulant m'a indiqué qu'il avait cette année travaillé le jour de Noël et le jour de l'An. Dans le même ordre d'idée on lira avec intérêt l'article de blog en référence pour se faire une idée plus précise d'un journée, certes chargée, d’un mécanicien français, bien loin des clichés propagés par une certain presse (1).

Pour conclure, quelques remarques en vrac. Tout d'abord, ce travail en horaires décalés de façon systématique provoque une usure qui peut justifier la mise en place d'un régime spécial de retraite. Ce régime spécial, comme d'autres régimes spéciaux, ne vise pas seulement à compenser la fatigue accumulée sur des années, mais aussi à rendre le métier attractif à l'embauche. Le changement de statut des cheminots, comme celui de nombre de roulants de la RATP, la fin de régimes spéciaux, tout cela se traduit par des problèmes de recrutement massifs qui conduisent actuellement la SNCF à supprimer des trains, et la RATP à diminuer les fréquences des bus, métros ou RER. Si le métier était un métier de « planqués » ou de « profiteurs », comme on l'entend ou le lit régulièrement, comment expliquer cette désaffection ? Les gens à la recherche d'un emploi devraient s'y ruer, non ? Sur un autre plan, je continue de penser que si la majorité des travailleurs s’étaient comporté comme les personnels de la SNCF ou de la RATP en matière de défense des conditions de travail, nous n'en serions pas là en termes de régression sociale généralisée. Certes une grève dans les transports, c'est casse-pied, comme sont perturbantes aussi les grèves dans l'éducation nationale, le ramassage des ordures ou les raffineries, toutes catégories professionnelles longtemps méprisées. Ne nous leurrons pas : la quasi totalité des avancées sociales n'a été acquise que par l’instauration d'un rapport de force entre le monde du travail et celui du pouvoir économique. Celui-ci l'a bien compris en faisant main basse sur les moyens de communication (radio, journaux, chaîne de télévision, etc.) sur lesquels il déverse régulièrement une certaine forme de propagande. Les propos du journaliste que j’évoquais plus haut s’inscrivent, à n'en pas douter, dans cette démarche de décrédibilisation des mouvements sociaux, et dans ce que l'on appelle la bataille de l'opinion, que le pouvoir économique et financier doit gagner s'il veut pouvoir imposer ses règles, systématiquement défavorables au monde du travail. Quitte à raconter des bêtises ou à mentir !

Remerciements :

Merci à Franck, Valentin, et tous les autres pour leurs témoignages et leur dévouement à faire que les trains roulent en sécurité et autant que possible à l'heure ! 

Référence :

1. Vesper. La journée type d'un conducteur de train. Mediapart.
Consultable en ligne :
https://blogs.mediapart.fr/vesper/blog/031120/journee-type-dun-conducteur-de-trains-10

Crédit illustration : 

Thomas Wolf
Machine SNCF série BB37000 tractant un train de fret
Image libre de droits.






lundi 3 avril 2023

L'ÉCRITURE INCLUSIVE :
UNE FAUSSE BONNE IDÉE



L'écriture inclusive est présente de façon visible dans la sphère publique depuis une petite dizaine d'années. Son objectif, fort louable intellectuellement, était de tenter de ne pas renforcer certaines inégalités de genre. Dernier avatar en date, partant toujours de bons sentiments, des néologismes destinés à respecter le ressenti des personnes d'identité sexuelle indéterminée. Pour mémoire, l’orientation de genre correspond au degré d’adhésion ou de conformité qu'un individu manifeste à l’égard des différents comportements et rôles assignés à son sexe biologique. Malheureusement, le diable se cache dans les détails...

Malgré les objectifs louables évoqués plus haut, l'écriture inclusive pose de nombreux problèmes. En effet, le français, comme l'espagnol et l'italien, langues latines que je parle ou comprend bien ou partiellement, possèdent deux genres visibles, le masculin et le féminin. Tel n'est pas le cas de l'anglais, langue dans laquelle les genres sont grandement absents. « The sun » ou « the moon » ne sont ni masculin, ni féminin. On dira cependant « his book » ou « her book » selon que le livre appartient à un homme ou une femme. De plus, l'anglais bénéficie du neutre que l'on retrouve par exemple dans le pronom « it ». Je ne suis pas linguiste, aussi dois-je dire que selon mes lectures, l'absence quasi complète de genre se retrouve dans le chinois, le japonais ou le turc, toutes langues je ne maîtrise en aucun cas. Dans ce cadre, les pronoms iel et iels, nouvellement apparus, sont problématiques, même si ils ont fait leur entrée dans le dictionnaire Robert. Celui-ci les définit (1) comme : « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier (iel) et du pluriel (iels), employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ». Exemple : « Les stagiaires ont reçu les documents qu'iels doivent signer ». La question qui me vient tout de suite à l'esprit est comment accorder les adjectifs qualificatifs. Iel est beau ou belle ? Iels sont heureux ou heureuses ? Ou, puisque l'usage de iels implique de ne pas « genrer » , peut-on proposer en écriture inclusive : sont-iels b.eaux.elles ? On voit tout de suite la difficulté, intrinsèquement liée à notre langue : l'accord des qualificatifs avec ces pronoms iel et iels pose plus de problèmes qu'il n'en résout.

L'écriture inclusive, c'est aussi une écriture qui tente de gommer les inégalités sociales liées au genre. Loin de moi l'idée de nier que ces inégalités existent, même si des progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies, ne serait-ce qu'au travers de la reconnaissance du fait social. Pour expliciter mon propos, je constate qu'en inclusif, l'entreprise Dupont et Durand souhaiterait recruter « Un.e dirig.eant.eante expérimenté.e d'équipe réseau », pour désigner une personne capable de diriger avec efficacité une telle équipe. N'y a-t-il pas là une distinction à faire entre le métier, la profession, et le poste ou la fonction ? En d'autres termes, je trouve tout à fait légitime et bénéfique de féminiser des noms de profession : une auteure, une avocate, une grutière, une chirurgienne, etc. Cependant, il me semble que contrairement au métier, lié intrinsèquement aux savoir-faire de celui ou de celle qui l'exerce, la fonction reste, elle, impersonnelle. On n'est pas sa fonction, on l'occupe. En d'autres termes, une fonction est une responsabilité exercée, sans lien avec quelconque identité sexuelle. Maintenant, si certaines femmes préfèrent voir leur fonction féminisée, je peux l'entendre, et je respecterai ce choix, à la condition que celles qui préfèrent conserver la désignation générique neutre, analogue au masculin, puissent aussi le faire.

Au delà de ces arguties, il me semble que l'écriture inclusive pose d'autres problèmes bien plus graves. Le premier est qu'elle rend les textes difficiles, voire très difficiles à lire. La multiplications des points ou astérisques et autres parenthèses, les terminaisons succédant les unes aux autres, conduisent à une perte de fluidité, quand ce n'est pas à une perte de sens. Pour expliciter mon propos, je reviens sur la fable « le corbeau et le renard » que d'aucun ou d'aucune avaient rédigée en inclusif. Ceci donnait (extraits) :

« Maitre.sse corbeau sur un arbre perché.e….
Maitre.sse renard.e par l'odeur alléché.e...
Hé bonjour Madame/Monsieur du/de la/di corbeau
Que vous êtes joli.e, que vous me semblez b.eau.elle...»

J’arrête là le pastiche, pour ne pas dire le massacre. Même si l'exercice est caricatural, et qu'il a été décrié par certains et certaines, d'une façon non exempte d'arrière-pensées sexistes ou féministes militantes, je ne peux qu'évoquer les jeunes gens que j'aide dans le cadre du soutien scolaire. Certains achoppent sur les mots, la syntaxe, sur la compréhension de la structure même des phrases. Ils ne sont pas les seuls ! Pour mémoire, presque 30% des jeunes Français de moins de 16 ans ont des difficultés de compréhension et d’apprentissage du français. Est-il dès lors pertinent de renforcer ces difficultés de compréhension, de rajouter de la complexité à une langue déjà complexe ? J'en doute fort !

Je complète ce qui précède en affirmant que le manque de fluidité à l'écrit est encore aggravé à l'oral. Je pense ici à un de mes proches, aveugle, qui utilise la reconnaissance vocale sur sa tablette et son PC. Un texte en inclusif est inaudible ! Pour vous en convaincre, essayez de lire à haute voix le texte de M. De La Fontaine. Clairement, l'écriture inclusive n'est pas la traduction d'une langue orale. Ce découplage entre oral et écrit qu'induit l'écriture inclusive est, me semble-t-il, orthogonal à ce qu'est une langue, c'est à dire un véhicule de communication, permettant et facilitant les échanges entre individus. Ce hiatus est la conséquence d'une cause fondamentale, que j'identifie comme étant l'absence de toute logique linguistique sous-tendant l'écriture inclusive.

Il me semble, par ailleurs, que le problème qui a conduit à l'écriture inclusive est l'absence de forme visible du genre neutre en français. Celui-ci existe pourtant, il est analogue au masculin. Ainsi, elle ne neige pas, elle ne pleut pas, et manger cinq fruits et légumes par jour n'est pas bonne pour votre santé ! L'erreur fondamentale est d’avoir dit et répété à des générations d'enfants que pour l'accord des pluriels, ou des sujets multiples avec le verbes, « le masculin l'emporte sur le féminin ». Cette formulation est effectivement inacceptable telle quelle et elle a sans doute induit, de façon fort compréhensible, un rejet par une partie de la société la plus sensibilisée à ces questions (2). En revanche, y voir comme certains l'ont fait une volonté politique de faire disparaître le féminin de l'espace public par le biais de la langue me semble a minima exagéré.

On pourrait résoudre bien des difficultés avec deux options. La première est de proposer que le genre neutre soit analogue au féminin ou que l’on puisse utiliser le féminin et le masculin indifféremment. Dans ce cas, oui, elle pleuvrait et elle neigerait… L'autre possibilité, que je trouve intéressante, est de revenir à une règle de proximité facultative. En deux mots, il s'agit d'offrir la possibilité d'accorder adjectifs et subordonnées avec le genre du nom le plus proche. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je ne peux que proposer la lecture de la page Wikipédia qui s'y rapporte (3). On pourrait alors écrire, comme le dit l'encyclopédie en ligne citant la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics »…

Pour conclure, je dirais que les mots n'ont pas de sexe, mais ils ont un genre, qu'on le veuille ou non. Ainsi comme l'écrivait M. Franck Neveu, professeur de linguistique : « si au restaurant je commande un lapin aux pruneaux, je ne demande pas qu’on me serve un lapin mâle. Si j’évoque les sentinelles qui gardent l’entrée d’un bâtiment militaire, je ne féminise pas les soldats qui occupent cette fonction ». Plus globalement, l'écriture inclusive prend le problème de l'égalité entre homme et femme à l'envers.  En accord, M. Jean-Claude Milner, philosophe passé par le maoïsme et peu suspect d'être un dangereux réactionnaire, expliquait au sujet de l'écriture inclusive : « On invente une convention orthographique, pour ne pas regarder la réalité en face. […] Croire qu’en manipulant les signes inscrits sur un support, on change le monde, c’est pire que de l’idéologie, c’est de la pensée magique. Le temps des runes est revenu » (4). C'est aussi mon sentiment !


Références :

1. Le Robert. Dico en ligne.
Consultable en ligne :
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/iel

2. Nous n'enseignerons plus que « le masculin l'emporte sur le féminin ».
Slate. Novembre 2017.
Consultable en ligne :
https://www.slate.fr/story/153492/manifeste-professeurs-professeures-enseignerons-plus-masculin-emporte-sur-le-feminin

3 Règle de proximité. Page Wikipédia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_de_proximit%C3%A9

4. Jean-Claude Milner. Ils ont honte de leur langue natale. Propos recueillis par I. Barbéris et F. Neveu. Cités n°2, 2021, 129-140.