Je m’intéresse depuis longtemps aux questions de l’eau, que cela concerne sa distribution (l’eau potable) ou son assainissement. L’eau est en effet indispensable à la vie ; elle devrait donc être un « bien public » et ne pas être considérée comme un bien marchand. Ceci ne signifie pas que l’eau doit être gratuite car sa mise à la disposition de tous a un coût, mais pour en assurer sa disponibilité seul le juste coût doit être répercuté, sans réalisation de plus-values financières. Par ailleurs, l’eau est un exemple intéressant d’un élément dont nous payons à la fois l’acquisition et l’élimination « propre », pour ce dernier volet au travers des processus d’assainissement.
Dans notre région, comme le savent maintenant les lecteurs du blog, l’eau provient de différentes sources, dont la principale reste les captages souterrains de Saint Maurice Montcouronne et Saint Cyr sous Dourdan. Le captage de l’eau, sa potabilisation, son transport et les facturations associées à la fourniture d’eau potable sont du fait de la régie publique Eau Ouest Essonne, bras « industriel » du syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable Eau Ouest Essonne, regroupant de nombreuses communes de la CCPL et du Dourdannais. La régie assure aussi la facturation de l’épuration, sous les indications des syndicats intercommunaux d’assainissement qui en déterminent les taux, et auxquels elle reverse les redevances d’épuration. Pour plus d’explications, voir un de mes anciens articles (1).
Il me semble intéressant de s’intéresser à l’épuration de l’eau consommée. Celle-ci a pour but de rendre au milieu naturel une eau aussi « propre que possible ». Pour cela, les eaux usées sont dirigées via des réseaux communaux et intercommunaux vers des stations d’épuration (ou StEp). A Forges, deux stations assurent le traitement des eaux. La station communale de Bajolet (située le long de l’A10/11) traite les eaux de Bajolet, Alouetterie et Bois d’Ardeau, renvoyant l’eau épurée vers le ru du fagot. Il s’agit d’une station conventionnelle, dimensionnée pour environ 600 habitants, qui devra sans doute être remplacée à l’échéance de 30/35 ans si les normes environnementales ne se durcissent pas trop. La commune a délégué au Syndicat de l’Orge la gestion de son réseau communal et de la StEp de Forges. Les eaux usées du reste de la commune vont, via le réseau communal puis intercommunal, vers la StEp de Briis sous Forges, dont l’exutoire est la rivière Prédecelle. En été, à l’étiage, le volume d’eau renvoyé par la StEp de Briis contribue pour 30 à 50% au débit de la Prédecelle en aval de la station, d’où la nécessité de renvoyer une eau de qualité vers la rivière. En théorie et en fonctionnement nominal, l’eau de sortie de la station de Briis possède une qualité d’une eau de baignade. Le réseau intercommunal (dit interco) et la station de Briis sont gérés par le SIAL, syndicat d’assainissement de la région de Limours, regroupant les communes de Limours, Forges, Briis et Pecqueuse.
En termes de fonctionnement, une station d’épuration est en réalité un énorme bioréacteur au sien duquel la matière organique est digérée par des microorganismes épurateurs qui s’en « nourrissent ». Une fois les gros objets, sables, et matières grasses enlevés à l'arrivée en station par traitements mécaniques (dégrillage, décantation rapide et dégraissage), l’eau est dirigée vers les digesteurs où des bactéries (pour l’essentiel) utilisent pour leur croissance le carbone et l’azote des eaux à épurer, ainsi que le phosphore qui peut aussi être précipité par un traitement complémentaire à base de sels de fer. La masse bactérienne ainsi générée est très largement retirée de la station, en grande partie sous forme de « boues » que l’on assèche, soit par pressage, chauffage, ou compaction naturelle « en lits végétalisés». Ces boues sont ensuite soit incinérées si elles sont suffisamment sèches, permettant leur valorisation énergétique, soit épandues comme engrais selon des règles très précises. Ces boues sont en effet susceptibles de concentrer des toxiques, certains composés pharmaceutiques que les microorganismes n’auraient pas pu dégrader en totalité, ou des pathogènes microbiens lors d’épidémies, pathogènes et résidus médicamenteux qu’il n’est pas souhaitable de renvoyer sur des parcelles cultivées. À Briis, on fait aussi la chasse aux mauvaises odeurs puisque l’air de la station est pompé et refoulé sous un lit de tourbe, donc riche en carbone, à même de piéger une grande partie des composés volatils odorants produits lors du processus d’épuration.
Un mot complémentaire sur la StEp de Briis dont j’ai suivi le fonctionnement pendant des années avec les collègues du SIAL. Il s’agit d’une station dans laquelle les boues sont maintenues dans le bioréacteur au moyen de membranes dite d’ultrafiltration, qui agissent donc comme des filtres à très haute efficacité, puisque capables de retenir les bactéries épuratrices. Pour mémoire, les bactéries ont une taille de l’ordre du micron (soit 1/1000eme de mm) ce qui signifie que les pores de la membrane sont bien plus petits que cela. C’est cette caractéristique, entre autres, qui assure un retrait quasi total des bactéries et la production en sortie d’une eau de qualité théorique eau de baignade. C'est aussi un point à surveiller car malgré le fait de pouvoir nettoyer ces membranes, leurs pores finissent à long terme pas se boucher, les rendant inefficaces. Par ailleurs les boues sont en partie asséchées par compaction naturelle sur roselière. Cependant, un erreur de conception fait que la surface des roselières a été mal calculée par certains des constructeurs de la station, entraînant la nécessité d’installer des presses de séchage de boues en sortie de StEp et un surcoût de fonctionnement. Après des années de procédure, et en grande partie grâce à l’action de l'ancien Président du SIAL, M. Bernard Véra, marie de Briis à l’époque, le constructeur des roselières a été condamné à verser une indemnité de l’ordre du million d’euros au SIAL.
Reste à assurer maintenant le suivi du fonctionnement de la station, et nous verrons dans un prochain article que cela n’est pas gagné !
Références :
1. Erreurs et désinformation autour de la fourniture d'eau potable...Ce blog.
Crédit illustration :
4 commentaires:
On sent bien le côté pravda ca fait plaisir cette nostalgie de la communication orientée démagogique...
Bonjour
Votre commentaire est difficile à comprendre. Je ne vois pas de communication démagogique dans ce que je dis des réseaux communaux, ou du fonctionnement des stations.
Si vous voulez préciser le fond de votre pensée...
Très intéressant mais qu'est ce qui explique l'augmentation dramatique des tarifs d'assainissement dans les factures d'eau??
Bonjour
Comme je l'expliquais plus tôt, dans notre secteur, le prix de l'eau potable hors assainissement n'a pas bougé depuis le passage en régie et il est très légèrement inférieur à ce qu'il était avant le passage en régie. De mémoire, mais à vérifier, le montant de l'abonnement avait été abaissé.
Ce qui a changé, et qui peut expliquer l'augmentation du prix de l'eau c'est bien la partie assainissement de la facture. Les syndicats d'assainissement font face à un renforcement des normes environnementales, au remplacement de stations vieillissantes, à l'entretien des stations plus modernes, aux extensions de réseaux dues à l'urbanisation. Tout cela a un coût, qui se compte non pas en milliers d'euros mais en millions. De mémoire, la nouvelle station de Fontenay Les Briis par exemple, c'est un coût de 2,5 millions environ.
Pour Briis, j'y reviendrai plus tard, le changement des membranes de filtration ce sera sans doute entre 1 et 1,5 million d'euros... Or, la seule ressource financière des syndicats d'assainissement, c'est la facture d'eau.
Enregistrer un commentaire