
J'aimais beaucoup Christiane Jullien. Christiane, c'était d'abord une image d'Ardillières. Très attachée à « son » hameau, je me rappelle ses sollicitations nombreuses pour telle ou telle intervention qu'elle me transmettait lorsque j'étais élu aux travaux, au sujet de la voirie, de l'éclairage, ou du nettoyage du lavoir auquel elle tenait tant. Cette liste est d'ailleurs non limitative ! Nous avions, avec elle et à sa demande, envisagé de remettre le lavoir en eau, mais un problème technique engendrant des coûts de remise en état important ont conduit à l'arrêt du projet. La commune n'a pu faire tout ce que Christiane souhaitait pour le hameau, mais au moins elle aura toujours répondu (même par la négative) aux demandes de cette forgeoise, une politesse qui semble se perdre aujourd'hui...
Même si Christiane, c'était d'Ardillières, Christiane c'était aussi Forges. Son attachement à la commune se traduisait par un engagement important dans le monde associatif. De nombreux enfants de Forges l'ont connue, à la MCL, où ses « cours » d'arts plastique ont fait le bonheur de plusieurs générations de jeunes, devenus adultes aujourd'hui. Ma fille, graphiste professionnelle, se rappelle bien d'elle, et de son enthousiasme communicatif. Je serais curieux de savoir combien de Forgeoises et Forgeois, entre 15 et 40 ans partagent ces souvenirs. Ceux ci sont, pour citer Mme. Fanny Brisson, aussi ceux « d'une époque où sous la présidence de René Giraud [...] les MJC (ou MCL) représentaient vraiment quelque chose de social et de culturel, tourné vers la jeunesse... À cette époque s'est créé le club des jeunes de Forges. Sans Christiane, il n'aurait pas existé. Céline y était animatrice, moi, je faisais des stages d'impro théâtrale et notre Christiane était bénévole perpétuelle et pleine d'idées... Confidente de la jeunesse Forgeoise, celle qui pardonnait tout, écoutait tout, faisait tout avec rien, mais avait aussi des idées bien précises de ce qui se faisait et ce qui ne se faisait pas ».
Son énergie, Christiane la mettait aussi au service de plusieurs associations, dont Danaya. Comme le dit M. Bernard Terris, fondateur de l'association : « Christiane faisait partie du conseil d'administration de Danaya depuis de nombreuses années, et elle était parmi les fidèles dans notre association : présente à tous les conseils d'administration, à toutes les AG et bien sûr à toutes nos fêtes africaines, avec son dynamisme et sa bonne humeur tellement agréable ». Du temps où les Forgeois organisaient une « vraie » fête de la Châtaigne, Christiane faisait régulièrement partie du volant de bénévoles communaux, participant aux préparatifs et au service. Elle aussi était membre de la commission ouverte Environnement et Développement Durable de la précédente mandature, à une époque où il existait des commissons ouvertes, et pas seulement aux copains ! Son intérêt pour ces thématiques l'avait aussi conduite à aider aux actions de « Forges en Transition », comme on le voit sur la photo d'illustration prise lors d'une sortie vélo organisée par cette association.
Christiane était aussi là, très régulièrement, lors des conseils municipaux, comme conseillère en fin du mandat de M. Antoine Lestien, puis comme citoyenne assistant à presque toutes les séances. Partie prenante de la vie locale, elle intervenait lors des réunions de quartier comme référente pour le hameau d'Ardillières. Elle aidait aussi quasi-systématiquement aux opérations de vote lors de différents scrutins. Avec M. Pierre Audonneau, nous l'avions repérée car elle avait mis en place une technique d'ouverture des enveloppes redoutablement efficace qui nous permettait de « plier », avec le reste de l'équipe, le dépouillement de presque 1000 votes en deux heures environ, sans erreur !
Un souvenir plus personnel me revient : Christiane était « tombée » sur mon blog il y a quelque temps, et elle faisait partie des personnes qui l'appréciait et me transmettait ses retours. Il s'agissait d'avis mais également de suggestions, de corrections orthographiques, car oui, il reste bien sûr des coquilles malgré le soin de la relecture. Nous avions d'ailleurs un jour discuté de l'origine de ce mot de coquille, qui remonterait aux temps anciens de l'imprimerie. Une des étapes du processus faisait alors intervenir du blanc d'oeuf dans lequel il restait parfois de petits morceaux coquilles, rendant illisible une lettre après l'impression. Il existerait une version plus grivoise que je vous laisse rechercher, n'étant pas d'humeur aujourd'hui à vous la proposer. À la suite de cette discussion, Christiane m'avait gentiment offert un petit dictionnaire des expressions françaises, dédicacé, que je garde précieusement. Merci pour cela Christiane, et merci, surtout, pour tout ce que tu as fait pour les autres, urbi et orbi !
En cette période de fête des morts, je ne suis sans doute pas seul à me demander s'il existe une transcendance post-mortem. Je n'en sais rien. Il me semble simplement que la probabilité de cette existence, même si elle ne peut être démontrée comme nulle, est très (très) faible. Ce que je sais, en revanche, c'est que Christiane va nous manquer, ou, bien résumé par M. Antoine Lestien, un de nos précédents maires, que « si le monde n'était composé que de personnes comme Christiane Jullien, la vie serait belle ». Tellement vrai, particulièrement dans les contextes communal et national actuels !