mercredi 2 février 2022

VIDÉOSURVEILLANCE : « GAME OVER » !



J’ai déjà expliqué sur ce blog pourquoi il me semblait que la vidéosurveillance ressemblait à un fantasme sécuritaire. En quelques mots, elle coûte cher et elle est globalement inefficace en termes de prévention de la délinquance. Tout au mieux peut-on espérer qu’elle permette, dans un petit nombre de cas, la résolution de quelques affaires a posteriori.

Cette opinion se fondait non pas sur un sentiment personnel, un a priori, un dogme, mais sur l’examen raisonné de plusieurs articles de presse, travaux de recherches (1-3), ou de structures gouvernementales dont la plus emblématique, me semble t il, reste la Cour des Comptes. Je rappelle que cet organisme avait produit en 2020 un rapport très critique sur la vidéosurveillance, dont une des conclusions marquantes était : « qu’au vu des constats locaux résultant de l’analyse de l’échantillon de la présente enquête, aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéo protection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation » (4). Difficile d’être plus clair.

Depuis, et suite aux observations de la Cour des Comptes, un autre travail a fait l’objet d’une publication, et il a d’ailleurs été en partie commenté dans la presse. L’intérêt de ce dernier opus est d’avoir été commandité par le service de recherche de la Gendarmerie Nationale. Cette étude, une première en France, par son volume et sa durée, a porté sur 4 ans et presque 2000 délits : cambriolages, vol aux voitures, violence, infraction à la législation sur les stupéfiants. Une synthèse des résultats est disponible sur la Gazette des Communes (5).

Première observation : en termes de dissuasion, la vidéosurveillance est inefficace. Je cite la synthèse du rapport : « les données collectées ne révèlent cependant aucun impact [d’un éventuel effet dissuasif des caméras de voie publique] ». En particulier, il n’y a « pas de constat de diminution significative du volume d’infractions enregistré après l’installation de caméras », pas plus que de « volumes inférieurs ou d’évolution plus favorable des niveaux d’infractions sur les territoires équipés vis-à-vis des territoires témoins ».

Deuxième observation : le recours des enquêteurs aux données de vidéosurveillance est globalement décevant, en termes de fréquence ou de résultat. La synthèse du rapport stipule que « le recours à la vidéo protection s’avère considérablement moins simple, naturel et fluide que la culture populaire le laisse croire ». Il cite plusieurs raisons à cela dont le fait que les enquêteurs doivent passer beaucoup d’heures à visionner les vidéos, le fait que les données ne soient pas toujours exploitables (ex. pas d'angle de vue ou d’images utilisables) et le fait que les réquisitions appropriées doivent être faites rapidement pour éviter un écrasement automatique des données. En d'autres termes, toujours selon la synthèse du rapport « les enquêteurs procèdent, consciemment ou non, à un ratio entre l’investissement nécessaire en temps et en efforts d’investigation par rapport aux bénéfices espérés ou à l’importance de l’affaire traitée ».

Troisième observation : la vidéosurveillance permet, dans certains cas, de collecter quelques indices complémentaires. Cependant, in fine, quel que soit le délit « la découverte d’éléments probants, peu importe la thématique considérée, présente des niveaux comparables et s’avère faible (systématiquement inférieure à 3 %) ».

Enfin, dernière observation : la vidéosurveillance ne permet pas de résoudre un nombre important d’affaires. Sur les 1939 enquêtes analysées, 1561 n’ont pas été élucidées, 363 l’ont été sans recours à la vidéo, et seulement... 22 (soit un peu plus de 1% !) ont été résolues avec le concours de la vidéosurveillance.

Pour être complet, je cite in extenso les conclusions de l’étude. « Les enregistrements de vidéoprotection contribuent à la résolution d’enquête judiciaire, en apportant des indices ou des preuves, mais dans des proportions particulièrement ténues (environ 1 % des enquêtes étudiées). Les indices et preuves issues des enregistrements de vidéoprotection se révèlent trop mesurés pour influencer globalement le niveau d’élucidation judiciaire sur un territoire, peu importe la configuration ou la thématique étudiée. Malgré un plébiscite dans les discours, les enquêteurs ne semblent pas véritablement consacrer les enregistrements de vidéoprotection comme une ressource incontournable dans leur travail d’investigation au quotidien. Les configurations de réseaux de vidéoprotection et modalités d’exploitation ont une influence sur la propension de cette technologie à contribuer favorablement aux investigations. Un partenariat étroit et durable entre la brigade locale et les propriétaires de réseaux publics, l’inscription forte dans les réflexes des enquêteurs ou la qualité et la conception des dispositifs apparaissent comme des critères majeurs d’une plus-value maximale ».

Un mot pour dire qu’en tant qu’ancien scientifique, je trouve la démarche du service de recherche de la Gendarmerie très intéressante. Comme le dit la synthèse du rapport dans son préambule, ce service a voulu, suite aux recommandations de la Cour des Comptes, aborder la question de l’utilité de la vidéosurveillance « sans tabou ». Cette démarche « neutre » a donc permis de conforter de façon argumentée les études précédentes démontrant l’inefficacité globale de la surveillance vidéo, en termes à la fois de prévention et de résolution de crimes et délits.

Il reste donc une question centrale : qu’est ce qui fait que nombre de communes souhaitent installer des caméras de vidéosurveillance ? Mon sentiment, et il ne s’agit là que d’un sentiment n’ayant pas d’analyses précises pour le confirmer ou l’infirmer, est qu’il existe une sorte de dogme de la surveillance vidéo. Ce dogme est tout simplement « c’est utile », et c’est tellement évident que cela ne demande pas confirmation. Bref, certains de nos édiles se font tromper par ce faux truisme, bien que de nombreuses études démontrent pourtant le contraire. Je peux les en excuser. Deuxième version : certains élus pourraient être beaucoup plus cyniques et se dire « mes concitoyens pensent que la surveillance vidéo est bénéfique, je vais donc leur donner de la surveillance vidéo ». On est là dans une attitude qui, pour moi, est populiste, dans le mauvais sens du terme. J’ai en effet toujours considéré qu’un élu doit être exemplaire, dire la vérité et tirer ses administrés vers le haut, même et surtout si c’est difficile. J’ai donc beaucoup de mal à accepter que des élus informés de l’inefficacité de la surveillance vidéo maintiennent leur position sur un éventuel équipement communal. Cette attitude est constitutive, à mon sens, d’une volonté de tromper, ou de ne pas détromper, et caractéristique d’une forme de malhonnêteté intellectuelle et de démagogie consommée. Or, comme le disait Jean-Jacques Rousseau « Le démagogue est le pire ennemi de la démocratie »...

Note ajoutée le 5 février :

Un élu d'une commune de la CCPL m'indique que les caméras sont installées également parce que la brigade de gendarmerie de Limours "pousse" fortement à cela. Dont acte. Ceci dit, les élus locaux ont toute légitimité pour décider ou non de la pertinence de ces installations. Cet élu m'indique que les représentants de la brigade locale semblent également douter des analyses scientifiques dont j'ai parlé. Pourquoi pas. Les études sont tout à fait susceptibles d'être discutées. Plus dérangeant, les conclusions du rapport du Sénat ainsi que l'enquête menée par le service recherche de la Gendarmerie Nationale semblent être aussi remis en cause localement. Pour avoir été élu plus de 12 ans à Forges, je sais l'engagement quotidien des services de gendarmerie de la BT de Limours, au service de la population. Avec le respect dû à ces militaires, leur engagement permanent ne les autorise pas, cependant, à balayer d'un trait les rapports précités, ni d'ailleurs les chiffres de la délinquance donnés par leurs propres services et services de police, sauf à présenter des arguments étayés en ce sens.    

Références :

1. Tanguy Le Goff. Le faux et coûteux miracle de la vidéosurveillance. Après-Demain. Avril 2010.
Consultable en ligne :
Citant :
Tanguy Le Goff, Vidéosurveillance et espaces publics - Etat des lieux des évaluations conduites en France et à l’étranger, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme (IAU) d’Ile-de-France, Paris, octobre 2008.

2. Hervé Jouanneau. La vidéosurveillance est un gaspillage de l’argent public. La gazette des communes. Mars 2018.

3. Martin Gill, Angela Spriggs. Study 292 Assessing the impact of CCTV. Home Office Research. Development and Statistics Directorate. Fevrier 2005.
Consultable en ligne :
https://techfak.uni-bielefeld.de/~iluetkeb/2006/surveillance/paper/social_effect/CCTV_report.pdf

4. Les polices municipales. Cour des comptes. Rapport public thématique. Octobre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/276784.pdf

5. Gabriel Thierry. Une étude de la gendarmerie met en doute l’efficacité de la vidéosurveillance. La gazette des communes. Décembre 2021.
Résumé du rapport consultable en ligne :
https://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/2021/12/synthese-detude-v1.pdf


Crédit illustration :

Crédit photo montage : Yves Dessaux

samedi 29 janvier 2022

BONNE NOUVELLE :
DES TRAVAUX À LA SALLE POLYVALENTE !

J’ai suffisamment dit ce qui n’allait pas bien - voire pas du tout - dans notre commune pour ne pas dire - aussi - ce qui va !

Ainsi lorsque la municipalité a décidé, en octobre dernier, d’engager des travaux dans la salle polyvalente suite aux infiltrations d’eau, je l’ai rapporté dans ce blog (1). Il me semble donc normal de faire part aujourd’hui de l’avancé de la réfection de la cuisine de l’étage de cette salle, un projet qui se trouvait à l’arrêt, grosso modo, depuis 14 mois.

Depuis quelques jours, en effet, les équipes des services techniques (ST) interviennent à l’étage du bâtiment pour reprendre ce chantier (voir illustration). L'alimentation électrique a été retravaillée. De la toile a été posée au mur et peinte. Une crédence a été installée. Les caissons de mobilier commencent aussi à être positionnés et, très important, la cuisine comme les WC vont sans doute pouvoir être réalimentés en eau ! Question hygiène, c’est un vrai gros progrès car cela évite de faire la vaisselle ou de boire en utilisant l’unique robinet de l’étage, celui desservant le lavabo destiné au lavage des mains dans le cabinet de toilettes de l’entrée.

La salle sera ainsi plus présentable pour les professionnels qui voulaient y télétravailler. L’association « L’Autre Bureau » a en effet « loupé » l’adhésion de plusieurs télétravailleurs, dont deux ou trois de la société Hewlett-Packard, et une ou deux autres de Thalès, quelque peu découragés par l’aspect peu engageant de la salle.

Je ne cherche plus à comprendre le pourquoi de certaines décisions communales, qui semblent échapper parfois à la logique. Tout ce que je sais est que l’arrêt du chantier était motivé ni par des raisons budgétaires (le matériel était déjà disponible voilà plus d’un an et stocké aux ST), ni par des raisons d’organisation du travail. Considérons cependant que « mieux vaut tard que jamais ». Il convient donc de remercier les ST de la commune et, au delà, la municipalité, pour avoir repris ces travaux de réfection pour la plus grande satisfaction des associations qui y travaillent. Espérons aussi que cela pourrait laisser présager l’émergence d’une nouvelle politique communale vis à vis du monde associatif, bien que d’autres actions seront nécessaires pour confirmer cette espérance !  


Référence :

1. Alleluia ! Miracle ! Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/10/alleluia-miracle.html

 

mardi 25 janvier 2022

25 000 LECTURES !

Ce blog franchit une nouvelle étape en termes de visibilité puisqu’il a passé hier les 25 000 lectures. Ceci ne signifie pas 25 000 lecteurs car la majeure partie du lectorat est constituée de personnes qui reviennent sur le blog. Il existe cependant quelques points qui méritent analyse.

Premier point d’intérêt : le blog ayant été véritablement lancé en septembre 2020, la moyenne des lectures mensuelles ressort à 1390 lectures, et la médiane à 1485. Ce qui signifie que grosso modo, un mois sur deux, plus de 1485 lecteurs lisent le blog. Un mois creux, ce sont mille lectures, un mois plein, jusqu’à 2400. Les « geeks » seront peut être intéressés de savoir que 60% des lectures se font sur téléphone portable (60 à 65% de ces portables étant dotés d’un système d’exploitation Android). Toujours pour nos amis geeks, les lectures sur ordinateur se font à 80% sur des systèmes équipés d’OS Windows, 12 % d’OS Mac, le reste des machines opérant sous Linux ou Unix. La moitié des connectés utilisent le navigateur Chrome. Viennent ensuite les navigateurs Safari et Firefox.

Moins anecdotique, je connais les pays d’origine des lecteurs, en assumant que ces derniers n’utilisent pas de VPN. Plus de 94 % des connexions proviennent bien sur de France. Je sais également que le référenceur principal est « google ». Cependant, je précise pour ceux qui craindraient pour leur vie privée que je ne vois pas les adresses IP de connexion. Tout cela pour dire aux lecteurs que je ne peux pas savoir qui parcourt le blog, ni combien de personnes sont des lecteurs uniques, sauf si ces personnes me font des retours oraux ou par mail ou téléphone. C’est très bien ainsi ! 

En termes de publications, j’ai produit 148 articles (si j’excepte celui-ci et le premier mois d’existence du blog). Ceci correspond à un volume de 6 à 11 articles mensuels, soit en moyenne 8 articles par mois, soit un article tous les 4 jours environ. Il me faut entre 1h30 et 4 heures par article, là aussi en moyenne, en raison du temps lié à la recherche des informations et des sources. Animer ce blog représente donc un effort personnel non négligeable.

En termes statistiques, les 3 articles les plus lus depuis l’ouverture du blog sont les suivants. En n°3, « Les étranges certificats demandés par la mairie aux parents d’élèves », puis n°2 « Projets communaux 2. Vers une réouverture de la boulangerie ? » et au premier rang « Si vous pensez que l’éducation coûte trop cher, essayez l’ignorance ! ». Tout trois ont allègrement franchi la barre des 500 lectures. En tout, une dizaine d’articles ont rassemblé plus de 200 lecteurs, et parfois plus de 300. Parmi ceux-ci, se trouvent l’article sur les élections à la CCPL, celui sur les étranges ressemblances entre Forges et des municipalités« frontistes », et « Désigné volontaire ! » qui présentait le surréaliste « cadre de partenariat » que la commune a tenté d’imposer aux associations.

Il ressort de ce qui précède que les articles les plus lus sont les articles traitant de problèmes ou d’événements locaux. Les articles de politique nationale sont moins lus, entre 30 et 70 selon les thèmes. Il en va de même pour les articles à coloration scientifique, de 30 à 120 lectures. Je continuerai néanmoins à publier ces deux catégories d’articles. Dans un cas, ces articles me permettent d’exercer ma liberté d’expression. Dans l’autre cas, ces articles constituent des efforts de vulgarisation scientifique à destination du grand public. Je n’oublie pas que même à la retraite, je reste payé par de « l’argent public ». Ces articles constituent donc une modeste contribution en retour vis à vis de la société. J’envisage cependant de simplifier les catégories en en réduisant le nombre. Cela demandera un peu de travail autour de la structuration du blog, ce que j’entreprendrai au cours de ce premier trimestre 2022.

Deux derniers points. Primo, je redis ici que je n’ai pas de lien avec la presse papier. Les articles du Républicain concernant de fâcheux événements communaux ne me sont pas attribuables. Secundo, je confirme ne pas avoir d’ambition électorale locale. J’ai laissé tomber mes mandats communaux et ne compte pas y revenir dans un avenir de moyen ou de long terme, considérant qu’à 65 ans, je ne représente pas l’avenir de la commune. Je reste néanmoins très attaché à son fonctionnement, parce que, comme individu et pendant une grosse douzaine d’années, j’y ai passé beaucoup de temps et laissé beaucoup d’énergie, ce que je continue à faire à plus petite vitesse. Cela a permis de faire sortir de terre nombre de projets et de réalisations structurantes dont la communauté bénéficie aujourd’hui, mais aussi de développer et participer à une vie locale, associative ou non, riche et diverse. Or, je considère que l’équipe majoritaire actuelle ne suit pas ce chemin. Elle poursuit en effet un autre agenda, contraire, à mon avis, à l'intérêt général. Il est fait d’étroitesse et d’enfermement intellectuel et social plutôt que d’ouverture - ce que j’appelle l’entre-soi - le tout mâtiné d’un certain mépris (pour ne pas dire mépris certain) pour les initiatives citoyennes. Et je ne parle pas de la réputation de la commune auprès des communes voisines, au sein des syndicats intercommunaux par exemple, réputation qui a beaucoup souffert en un an et demi de mandat ! Or, la communication officielle biaisée autour de problèmes que les élus majoritaires ont, très souvent, eux-mêmes créés peut suffire à masquer cette situation. Une des finalités du blog est donc de remettre quelque peu les pendules à l’heure, à mon niveau, avec mes moyens et hors réseaux sociaux. « Je maintiendrai » (pour reprendre la devise des Pays-Bas) cette démarche tant que l’état d’esprit des édiles majoritaires n’aura pas évolué.

Pour terminer, merci aux lectrices, lecteurs et pour leurs commentaires. Sachez que j’ai publié plus de 95 % de ces derniers, la modération m’ayant conduit à retirer 3 interventions seulement car je les trouvais non porteuses d’éléments de débat, et inutilement agressives, non pas vis à vis de moi, mais de personnes citées dans le blog. Les commentaires font vivre le blog, intellectuellement s’entend. N’hésitez donc pas à apporter votre contribution surtout si cet avis, cette critique est constructive. Prochain point d’étape à 50 000 lectures !


Crédit illustration :

https://whc.ca/blog/whc-continue-de-grandir-25-000-clients-et-comptage/


 

dimanche 23 janvier 2022

UN NOUVEAU MAUVAIS COUP
PORTÉ AUX ASSOCIATIONS FORGEOISES (2)


Cet article constitue une courte suite à l’article que j’ai posté plus tôt au cours de ce mois de janvier 2022. Suite à des discussions récentes, j’ai appris qu’un des justificatifs du montant de location des salles forgeoises, donné en conseil municipal par les élus majoritaires, était la similitude des prix de location retenus dans notre commune et de ceux pratiqués dans des communes voisines. J’ai donc cherché à vérifier ces propos.

Commençons par un petit rappel des prix proposés pour l’utilisation des salles forgeoises. Sauf erreur de ma part, ces tarifs sont : salle polyvalente (bas) 400 euros, Floréal 700 euros, Messidor, 950 euros, ce quelle que soit la durée. J’oublie volontairement de mentionner ici les montants des cautions demandées. Pour que ces comparaisons aient un sens, je me suis intéressé aux tarifs proposés aux associations ou particuliers forgeois et à ceux proposés aux associations ou particuliers de chacune des communes concernées, dans leurs propres communes. Ces tarifs ont été obtenus soit via les secrétariats de mairie, soit via les sites des communes.

Commençons par Saint-Maurice Montcouronne. Pour les associations saint-mauriciennes, la salle du Bidon (capacité 100 personnes), d’une surface comparable à celle de la salle Floréal, est louée 290 € pour le week-end, et 145 € la journée, soit un tarif proposé 5 fois moins cher que celui de la salle Floréal pour cette dernière option. La salle Alfred Lucas (capacité 400 personnes, comparable, voire plus grande que la salle Messidor) est louée aux associations 570 € pour le week-end et 285 € pour la journée seule, soit un tarif presque 4 fois moins élevé que notre tarif forgeois. À noter : ces montants s’entendent ménage compris. De plus, à la différence de ce qui se pratique à Forges, des prix très inférieurs sont proposés pour les habitants de la commune.

J’ai également consulté les tarifs de location de salles à Fontenay-Lès-Briis. La salle des Marronniers, d’une taille légèrement inférieure à la salle Messidor (capacité 185 personnes) est louée à des tarifs variables selon la durée. Ceux-ci varient de 150 €, un montant 6 à 7 fois inférieur à celui qui se pratique à Forges, pour une utilisation en semaine (du lundi au vendredi, de 16h30 à 9h00 le lendemain), à 800 € pour un week-end complet (du vendredi 17h30 au dimanche 23h00), en passant par 300 € pour toute la journée de dimanche. Il n’y a pas de frais obligatoires de nettoyage, ce nettoyage étant proposé en option.

A Briis sous Forges, la salle des fêtes de la place de la mairie, d’une taille équivalente à la salle floréal est louée au tarif de 450 euros du samedi au dimanche, un tarif réduit pouvant être proposé pour une éventuelle location quelques heures le soir en semaine, correspondant à montant 2 fois moindre que le montant forgeois.

Enfin à Limours, toutes les salles sont prêtées gratuitement, à l’exception de La Scène (capacité 600 personnes). Cette dernière est louée 175 € la demi-journée et 350 € la journée, l’ouverture et la fermeture de ce lieu se faisant en présence d’un régisseur. Pour cette option journalière, le coût est quasiment 3 fois inférieur à celui de la location de la salle Messidor dont la jauge est pourtant grosso modo 3 fois inférieure à celle de La Scène. Ce coût est par ailleurs quasiment 6 fois moindre pour une location à la demi-journée ! À noter : il est possible de disposer pour une journée de la présence d’un agent technique pour un montant supplémentaire de 370 €.

Ce rapide tour d’horizon montre donc que l’argument de « tarif équivalent » présenté en conseil municipal par l’équipe majoritaire ne repose pas sur une réalité. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que des contrevérités (pour ne pas dire plus) sont assénées avec un aplomb sans faille en conseil municipal ou dans les publications communales. À ce stade, je n’arrive pas à savoir si cela résulte d’une stratégie délibérée ou d’un dilettantisme consommé. Dans les deux cas, il me semble cependant important de continuer à porter ces faits à la connaissance des Forgeois.


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mercredi 19 janvier 2022

DES RÉVOLUTIONS
SILENCIEUSES EN BIOLOGIE


Au cours des 40 dernières années, la biologie - et particulièrement la biologie moléculaire - ont connu un essor exceptionnel. Ceci est dû à une meilleure connaissance des mécanismes biologiques, à l’amélioration des techniques expérimentales, mais également au développement d’une science particulière : la bioinformatique. Cette science nouvelle combine des approches statistique et comparative de données biologiques, la puissance de calcul des ordinateurs permettant le traitement simultané d’un très grand nombre de ces données.

Le premier domaine dans lequel la bioinformatique s’est illustrée dès la fin des années 80 est l’analyse des génomes des êtres vivants. Ces génomes sont constitués très majoritairement d’ADN, les exceptions à cette règle étant, entre autres, les virus à ARN. Un brin d’ADN est constitué de la succession de 4 molécules appelées bases nucléotidiques, symbolisées par les lettres A, T, G, C. La structure en double hélice provient de l’association d’un brin d’ADN avec un second brin, copie miroir du premier, permettant à une base A d’un brin de faire toujours face à une base T de l’autre brin. De même, une base C fait toujours face à une base G (voir illustration ci-dessus). Le génome d’un virus à ADN tel que celui responsable de la varicelle et du zona contient environ 120 000 paires de bases, celui d’une bactérie en moyenne 5 millions de paires de bases, celui de l’homme quelques 3,2 milliards de paires de bases, et les génomes les plus complexes, ceux des plantes, pourraient contenir jusqu’à 150 milliards de paires de bases. On comprend aisément, devant ces chiffres, qu’aucun traitement humain de ces données n’est possible. Dans ce domaine, ce sont les ordinateurs qui « font le job ». Pour donner au lecteur une idée de la vitesse de calcul des machines actuelles, je prends le cas de la comparaison d’une séquence d’ADN de 1 000 paires de bases issue d’une bactérie X avec les séquences des quelques 225 milliards de paires de bases disponibles dans les serveurs, dont certains sont situés à l’autre bout de la planète. Entre l’envoi de la séquence de 1 000 paires de base à partir de mon ordinateur de bureau, le traitement de la comparaison au niveau des serveurs, et le renvoi des résultats vers mon PC, il peut se passer seulement… 15 secondes alors que la vie d’un homme dédiée à cette tâche unique n'y aurait pas suffi ! Cet exemple explique bien comment la bioinformatique a pu révolutionner la génomique, mais également, au-delà, les sciences de l’évolution, ou, plus parlant aujourd’hui, l’épidémiologie. C’est effectivement parce que nous sommes en capacité de séquencer, puis comparer plus rapidement les génomes que nous pouvons facilement détecter l’apparition d’un nouveau variant du virus SARS-CoV2.

L’apport de la bioinformatique à la biologie ne se limite pas à l’analyse des génomes. Cette discipline a également permis des progrès fantastiques en biologie structurale. Pour expliquer cela, j’ai besoin de revenir à nouveau à quelques données fondamentales. Les génomes regroupent l’ensemble des gènes d’un individu. Ces gènes sont des séquences d’ADN de plus ou moins grande taille. La plupart des gènes sont lus ou lisibles par la machinerie cellulaire, qui transcrit puis traduit la séquence ADN via l’ARN messager, en séquence protéique. Les protéines jouent des rôles fondamentaux dans les cellules, assurant des fonctions très diverses, telles que, liste non limitative, la réplication de l’ADN et sa lecture, la signalisation hormonale, ou le métabolisme cellulaire puisque l’ensemble des enzymes assurant la transformation d’un produit A en produit B sont des protéines. Toutes ces protéines sont constituées d’un enchaînement de plus petites molécules appelées acides aminés. Il existe en tout et pour tout vingt acides aminés protéiques. Si certaines structures protéiques comme les hormones peuvent être de petite taille, la plupart des protéines sont des molécules de grande taille, constituées de l’enchaînement de plusieurs dizaines, et le plus souvent de plusieurs centaines de ces 20 acides aminés de base, formant une sorte de « collier de perles », de « ruban » moléculaire (voir illustration ci-dessous). L’une des découvertes majeures de la biologie moléculaire a été l’identification du code génétique qui permet, à partir de la séquence d’ADN d’un gène, de déduire avec certitude la séquence de la protéine synthétisée par la cellule. En parallèle du développement des bases de données contenant des séquences ADN, d’autres bases se sont constituées contenant des séquences de protéines dont la comparaison peut également être effectuée par bioinformatique. il est possible de déterminer la fonction d’une protéine par comparaison avec celles de protéines semblables. Il restait cependant un obstacle majeur à l’exploitation des données des séquences protéiques : que peut-on dire de la fonction d’une protéine qui ne ressemble à aucune protéine contenue dans les bases de données ? Une des façons de répondre à cette question est de déterminer la structure dans l’espace (structure dite 3D ou tridimensionnelle) de la protéine et de comparer ces structures 3D avec d’autres. Malheureusement, jusqu’à très récemment, cela était impossible. On ne pouvait, à partir de la séquence d'acides aminés, déterminer la structure 3D ! Tout au plus pouvait-on prédire avec une bonne probabilité de réussite, des éléments des structures locales de la protéine, dites structures secondaires (telles les zones en forme de ressort visibles sur le schéma ci-dessous, appelées hélices alpha).

            Protéine représentée sous forme de "ruban" constitué de
        l'enchaînement des acides aminés (non figurés individuellement)

Le verrou de l’impossibilité de prédiction des structures 3D des protéines a sauté, là aussi grâce à la bioinformatique et au développement de l’intelligence artificielle (IA). Le programme IA « DeepMind » de la société Google a été mis à profit pour développer le logiciel Alphafold. Au moyen d’un processus d’apprentissage progressif des données génétiques et de la structure de protéines, la première version du logiciel prédisait la distance séparant 2 acides aminés d’une protéine. Par itérations successives, la première version du logiciel pouvait alors proposer un ou plusieurs modèles consensuels, de ce que à quoi la protéine pouvait ressembler. La précision obtenue n’étant pas encore suffisante, les chercheurs ont alors eu recours à un réseau d’ordinateurs pour incorporer au système d’intelligence artificielle des informations sur les contraintes physiques et géométriques qui déterminent la façon dont une protéine se replie. Ils lui ont également confié une tâche plus complexe : au lieu de seulement s’intéresser aux seules relations entre acides aminés voisins, le réseau devait identifier les relations spatiales entre acides aminés pour des protéines de structures connues. Au final, le programme Alphafold2 et le réseau IA ont pu proposer dès 2020 la structure 3D de plusieurs protéines dont seule la séquence d’acides aminés était connue. Pour certaines de ces séquences, lorsque la structure réelle a été obtenue, il s'est avéré que la prédiction était exacte à une distance atomique près, ce qui est absolument remarquable (voir ci-dessous).

              Comparaison des structures de 2 protéines différentes
                 Structure réelle en vert, structure prédite en bleu 

Tout aussi remarquable est le développement par des chercheurs de l’université de l’État de Washington à Seattle, d’un autre logiciel, RoseTTAFold. Ce dernier, s’appuyant également sur des processus d’apprentissage et d’intelligence artificielle, permet depuis juillet 2021 de prédire la structure de protéines isolées, comme le fait Alphafold2, mais également celle de protéines associées à d’autres molécules. Cette dernière avancée est critique car la plupart des protéines interagissent, soit avec d’autres protéines, soit avec de petites molécules dont elles peuvent être le récepteur, ou qu’elles transforment dans le cas où ces protéines seraient des enzymes. Or bon nombre des protéines réceptrices ou enzymatiques sont la cible de molécules à visée thérapeutique, qui réduisent ou augmentent l’affinité de ces protéines pour les petites molécules naturelles dont elles sont le récepteur ou qu’elles transforment. Au-delà de la compréhension accrue de mécanismes fondamentaux en biologie, il est évident que la possibilité maintenant offerte par la bioinformatique de prédire très finement la structure d’une protéine en association avec sa molécule cible accélérera considérablement le développement de nouveaux médicaments. L’efficacité de ces nouvelles molécules pourrait ainsi être plus facilement et plus rapidement testée non plus chez l’animal en première intention, mais dans des modèles informatiques, par des approches dites in silico (dans le silicium, c'est à dire au moyen de l'ordinateur). On pourrait également envisager sur un plus long terme de tester, là aussi in silico, les effets potentiels de ces nouvelles molécules sur des protéines non-cibles* dans l’organisme auquel elles sont destinées. Cela permettra d’identifier les interactions - donc les effets - indésirables potentiels de ces nouveaux médicaments.

Le développement de ces nouveaux programmes constitue une véritable révolution silencieuse en biologie, qui a permis de résoudre la question du repliement des protéines, un problème vieux de plus de 60 ans. Il est à noter que ces deux programmes, comme leurs codes-sources, ont été mis gratuitement à disposition de la communauté scientifique qui peut en disposer librement.

*protéines non-cibles : protéines qui ne sont pas celles visées par les nouvelles molécules. 


Crédit illustrations :

De haut en bas :



mercredi 12 janvier 2022

LES ÉTRANGES CERTIFICATS DEMANDÉS PAR LA MAIRIE AUX PARENTS D’ÉLÈVES


En raison de l’épidémie de CoViD-19, et de l’absence d’un certain nombre des personnels municipaux, la mairie a réduit le service de restauration. Elle vient aussi de demander aux parents d’élèves qui télé-travaillent de ne pas déposer leur(s) enfant(s) au périscolaire le matin, et de venir récupérer leur progéniture juste après les cours. L’accès au périscolaire serait alors réservé aux seuls parents pouvant produire une attestation de « non recours au télétravail » de l’employeur.

Loin de moi l’idée d’attribuer à l’actuelle municipalité la situation sanitaire globale. Il faut faire juste avec. Certes, mais il faut aussi rester dans la légalité, et j’ai de gros doutes sur la façon dont la commune gère l’accès aux services périscolaires en cette période difficile. J’ai donc pris contact avec deux juristes spécialisées en droit du travail pour obtenir leurs avis éclairés sur la question. Je précise que l’une est juge dans un tribunal de commerce et l’autre préside un tribunal de prud'hommes. Je les remercie du temps qu’elles ont bien voulu consacrer à la réponse à mes questions. J’ajoute que leurs avis sont totalement concordants. Ils me conduisent à penser que la mairie outrepasse ses droits, et que ses demandes risquent fortement de mettre des parents d’élèves dans une situation compliquée.

En lien et premier point, l’employeur n’est en aucun cas tenu de délivrer une attestation de non recours au télétravail. Il n’y a pas d’obligation légale à cela. L’employeur peut le faire, comme il peut le refuser*. Soyons un peu sérieux d’ailleurs. Considérant que les dispositions actuelles imposent 3 jours de télé-travail par semaine, et considérant que certaines entreprises refusent la mise en œuvre de cette disposition à leur personnel (alors qu’elles le pourraient), comment voulez-vous qu’un employeur atteste d’un non télétravail ? Un tel document mettrait en évidence son comportement contraire aux dispositions gouvernementales. Cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied en avouant de facto ne pas respecter les directives.

Deuxième point, même si on télé-travaille, on reste à la « disposition de l’employeur » et on doit se conformer à des règles de temps de travail, avec des plages horaires précises. Pas question de sortir faire une course, son footing, ou même faire son ménage à la maison. Si on considère une journée moyenne de 7h45 de temps de travail avec une pause méridienne de 45 minutes, cela fait qu’une personne commençant à 07h30 ne finira qu’à 16h00, ou qu’une personne commençant à 09h00 ne finira qu’à 17h30. Dans un cas comme dans l’autre, il faudra pouvoir bénéficier d’un accueil au périscolaire, soit le matin, soit le soir. Étrange demande de la mairie, donc, qui me fait penser qu’un certain nombre d’élus Forgeois n’ont pas l’expérience du télétravail...

Dernier point, non juridique cette fois, la commune ne peut pas, moralement parlant, demander à ses administrés des documents que ceux-ci ne peuvent pas légalement fournir pour bénéficier d’un service communal. Je reconnais que la situation est tendue en raison de l’épidémie de CoViD et particulièrement de la vague liée au variant Omicron. Mais plutôt que de « punir » les parents, d’autres solutions à l’échelle municipales existent. Les élus peuvent prendre le relais, a minima, si ce n’est déjà fait. Il est aussi possible de demander à des Forgeoises et Forgeois de donner un coup de main, moyennant la résolution de l’importante question assurantielle. Des communes voisines le font. A titre personnel, je pourrais trouver au moins une dizaine, voire une douzaine de bénévoles qui auraient été prêts à s’investir pour cela. Problème, la plupart sont des membres d’associations très maltraitées par l’actuelle municipalité. Difficile dans ce cas de motiver ces personnes qui n’ont connu, de la part des élus actuels, que moqueries, mépris voire pour certains, propos grossiers. Il est plus que temps que les élus majoritaires de Forges considèrent les associations comme des richesses, et plus comme des centres de dépenses, ou des simili-entreprises dont la seule finalité serait de faire du profit. On a le droit de rêver, non ?


* Note ajoutée le 13 janvier :

En accord avec ce que j'écrivais, un lecteur du blog me signale avoir demandé l'attestation souhaitée par la mairie au responsable des ressources humaines de son secteur. Réponse : je ne peux pas signer des centaines d'attestation de ce type !  


Crédit illustration : 

Classe fermée en Indre-et-Loire - © Guillaume Bonnefont/IPE/MaxPPP

mercredi 5 janvier 2022

UN NOUVEAU MAUVAIS COUP
PORTÉ AUX ASSOCIATIONS FORGEOISES



Je ne vois, pour le moment, aucune raison de penser que l’actuelle municipalité ait changé quoi que ce soit à sa vision du monde associatif. Tout se passe comme si, dans le référentiel municipal local, une association serait avant tout une entreprise, un « business » censé faire du profit. Il conviendrait donc de les faire cracher au bassinet dès que possible. Démonstration avec les dernières décisions du conseil municipal de Forges.

La dernière session du conseil municipal avait à l’ordre du jour un point concernant l’utilisation des salles municipales, que la majorité locale a décidé de ne prêter aux associations que pour deux événements par an. Au delà, les associations devront louer les salles, rien de moins.

Sur le principe, il est à mon sens assez honteux de demander au monde associatif Forgeois de payer l’utilisation de salles que la plupart de leurs membres financent déjà au travers de l’imposition locale. Encore aurait-on pu discuter d’une location symbolique, mais en l’occurrence les tarifs imposés sont simplement prohibitifs. Exemples, sauf erreur de ma part, par salle : polyvalente (bas) 400 euros, Floréal 700 euros, Messidor, 950 euros et ce quelle que soit la durée ! S’ajoutent à ces montants des frais de nettoyage : 60 euros pour la polyvalente, 100 euros pour la salle Floréal et 150 euros pour Messidor. Enfin, il faut aussi prévoir une caution qui peut atteindre 1500 euros pour la salle Messidor ! Ces sommes sont, comme je le disais plus haut, prohibitives. Il faut à tout casser 45 minutes de ménage pour nettoyer la polyvalente, soit un coût de l’ordre de 25 euros au maximum, et une heure pour Floréal, soit 35 euros maximum. A raison de 700 voire 950 euros par location, je ne vois pas les « petites associations » (par le nombre d’adhérents) ou des associations à finalité sociale, pouvoir se payer ce qui va ressembler rapidement à un luxe !

Ces montants de locations sont aussi probablement attaquables car si le code général des collectivités territoriales prévoit qu’une commune puisse louer ses salles, elle doit le faire en tenant compte de critères objectifs de coût (CC, chambre civile, mai 2014). Je doute fort que louer une salle pour une journée comme pour une heure présente les mêmes coûts objectifs et je doute également fort qu’une heure de location de la salle Floréal revienne objectivement à 700 euros. Ou alors, il faut m’expliquer comment... Par ailleurs, il convient de rappeler que nombre de communes prêtent, gracieusement donc (désolé pour le pléonasme), leurs salles aux associations d’intérêt général, cet intérêt général n’ayant pas à être démontré dans le cas où celles-ci ont une visée sociale ou syndicale, par exemple.

Je le redis, toutes ces mesures délétères proviennent du fait que l’actuelle majorité communale n’a pas compris les différences entre une association loi de 1901 et une entreprise. Une association n’est pas, par définition, un business. En effet, ces associations sont par essence désintéressées ; elles ne cherchent pas à faire des bénéfices, et si le bilan de fin d’année est excédentaire, cet autofinancement reste non distribué, car réinvesti dans l’association. Enfin, une association n’a pas à viser à une autonomie financière qu’elle n’atteindrait que via ses cotisations, surtout si elle a pour objet une activité sociale, d’intérêt général. 

Engluée dans sa vison d’un entre-soi malsain, l’actuelle majorité communale ne comprend pas que les associations sont un « trait caractéristique de la modernité démocratique », comme l’indique Arnaud Trenta, dans l’éditorial de La Fonda, magazine de la Fabrique Associative dans son numéro d’octobre 2021. Ces associations « correspondent à l’engagement volontaire d’individus libres et égaux dans des groupes, plus ou moins durables, qui interviennent dans l’espace public ». Miner l’activité associative, c’est miner l’engagement, que la commune ne pourra contraindre comme elle a tenté de le faire par des mesures comminatoires. Cela conduira à la transformation progressive et inéluctable d’une commune où il existe de vraies énergies en cité dortoir... Au delà, et parce que le monde associatif est celui « d’une citoyenneté active », pour citer le même auteur, entraver l’activité associative, c’est entraver la citoyenneté. C’est à mon sens, très préoccupant, démocratiquement parlant.


Crédit illustration :

https://www.gaillard.fr/associations/



lundi 3 janvier 2022

POURQUOI l'ÉMERGENCE D'OMICRON N’EST PAS UNE SI MAUVAISE NOUVELLE ?


Le blog reprend son activité après quelques jours de congés avec un nouvel article sur le virus SARS-CoV2. Drôle de façon de commencer l’année direz-vous, pas très originale non plus. Sans doute. Néanmoins, je souhaitais apporter quelques éléments d’optimisme en regard de la pandémie et des inquiétudes que suscitent ce nouveau variant et sa dispersion massive.

Tout en restant encore prudent, il semblerait bien, comme l’indiquaient des informations préliminaires, que le variant omicron soit moins virulent que les variants précédents, tout en étant plus contagieux. Si ces propriétés du virus se confirmaient au cours du temps, celles-ci pourraient constituer des informations importantes en termes d’évolution virale. Pour comprendre ceci j’ai besoin de faire appel, avec mes excuses pour l’utilisation d’anglicismes, à 3 notions d’écologie : la fitness, le trade-off (ou compromis) et le cul-de-sac évolutif.

Avant d’expliquer ces 3 notions, il est bon de rappeler le principe général d’évolution. Chaque reproduction d’un être vivant, quel qu’il soit, s’accompagne de processus de mutations et de brassage génétique dans le cas de la reproduction sexuée. Il en résulte, dans la descendance, l’apparition de nouveaux caractères, variables d’un individu de la descendance à l’autre, dont « l’intérêt » pour l’individu dépendra des conditions environnementales. Ces conditions constituent le crible qui conduira à la sélection des individus les plus adaptés à l’environnement qui se multiplieront à leur tour (voir schéma récapitulatif ci-dessus). Ceci me permet d'aborder ici la notion de fitness, parfois appelée valeur sélective. La fitness d’un individu peut être estimée par le nombre de ses descendants, qui, parce que mieux adaptés à l’environnement, atteindront à terme la maturité sexuelle. Cette notion s’applique aussi aux organismes se reproduisant de façon non sexuée, leur fitness correspondant cette fois-ci à leur capacité à se multiplier efficacement en produisant le plus grand nombre de descendants. 

Dans le schéma que je décris ci-dessus, il apparaît que le variant omicron pourrait être bien mieux adapté que le variant delta à l’environnement actuel, puisqu’il est en train de prendre, à peu près partout dans le monde, la place de ce variant. En termes d’évolution, ce nouveau variant semble donc disposer d’une valeur adaptative supérieure à celle du variant delta. Je n’ai aucune information permettant d'expliquer cette observation. Des hypothèses peuvent cependant être émises. Cette fitness supérieure pourrait s’expliquer par des changements de conformation des protéines à la surface du virus facilitant son entrée dans les cellules, par le fait qu’il rencontre une population maintenant majoritairement vaccinée plus résistante à delta, ou par le fait qu’il résisterait mieux et plus longtemps à la dessiccation dans les gouttelettes de salive qui permet sa propagation. Cette liste de propositions est bien sûr non limitative ; bien d’autres explications sont envisageables.

Le point le plus intéressant dans cette nouvelle émergence de variant réside dans le fait qu’il semble moins virulent que les variants précédents et moins virulent que le virus d’origine. Sans que je puisse l’affirmer sur la base d’éléments scientifiques avérés, il se pourrait que cette observation relève du phénomène de trade-off (ou compromis évolutif) que j’évoquais plus tôt. Pour simplifier, ce phénomène décrit une situation dans laquelle on observe dans la descendance d’un individu la diminution voire la perte d’un caractère, que ce soit de façon qualitative ou quantitative, en échange d’un gain d’autres caractères, dont certains peuvent déterminer une fitness accrue. Notons qu’en termes d’évolution, il ne s’agit pas d’un choix d’une espèce d’un individu, mais simplement de la simple application du principe de sélection par l’environnement. Mon hypothèse, car à ce stade il ne s’agit que d’une hypothèse, est que l’accroissement du pouvoir contaminant du virus s’accompagne, dans le cadre d’un processus de compromis, de la réduction de virulence. En accord avec ce point de vue, l'objectif évolutif du virus est avant tout de se propager. Un virus hautement virulent, qui tuerait très vite son hôte, pourrait en réalité perdre sa capacité à se propager efficacement. Le virus doit donc, pour subsister, trouver un équilibre entre virulence et pouvoir de dissémination.  

Bien que nous soyons là encore dans le domaine de la spéculation, si tel était le cas, le variant omicron pourrait alors constituer, troisième notion à expliquer, un cul-de-sac évolutif. Cette notion avait été évoquée pour la reproduction par autofécondation relativement commune chez les plantes et les animaux hermaphrodites. Bien que ce processus de reproduction présente des avantages de court terme lorsqu’on le compare à la reproduction sexuée, des travaux relativement récents d’ex-collègues montpelliérains portant sur des lignées d’escargots d’eau douce hermaphrodites révèlent que ces individus réagissent moins vite à la pression de sélection que ceux qui se reproduisent par fécondation croisée. Dans le cas des variants omicron et delta, le fait que le premier nommé semble présenter une meilleure valeur adaptative pourrait conduire à la disparition du variant delta, ou de ses ascendants, bien plus pathogènes. Or, omicron possède une meilleure fitness : il sera donc plus efficace que delta en termes de contamination. Si rien ne change, le retour en arrière ne sera pas possible, d'où le cul-de-sac évolutif. L’hypothèse optimiste que l’on peut faire à ce stade est que tout nouveau variant qui présenterait une fitness accrue par rapport au variant oméga serait contraint également, par le biais du phénomène de trade-off, « d’échanger » son caractère de propagation accrue contre la perte encore plus marquée de sa virulence. Attention cependant, il ne s’agit que d’une hypothèse, et rien, absolument rien, ne permet d’affirmer que tel sera le cas. On pourrait même, hypothèse pessimiste, proposer que le prochain variant regagne une partie de sa virulence perdue. Il ne reste pas moins vrai que pour le moment, l’émergence d’omicron n’est pas une si mauvaise nouvelle...


Crédit illustration : 

Adapté de :
Hussain A., Shad Muhammad Y. Trade-off between exploration and exploitation with genetic algorithm using a novel selection operator. Complex & Intelligent Systems 6, 1–14 (2020).

dimanche 2 janvier 2022

BONNE ANNÉE !

 

Je n'ose plus souhaiter, en dépit du titre de ce court article, une bonne année à quiconque. Je me contente de souhaiter la meilleure année possible, tout en me doutant que 2022 sera encore difficile au moins dans ses premiers mois...

Pour présenter mes meilleurs et sincères vœux pour 2022, m'est revenu en mémoire un poème que j'avais appris à l'école élémentaire, voila presque 55 ans. Il a été écrit par une femme, la poétesse française des XIXe et XXe siècles, Louise-Rose-Étiennette Gérard, plus connue sous le nom de Rosemonde Gérard, dont l'œuvre a parfois été injustement moquée. Pourtant sa poésie est d'une grande sensibilité et a inspiré nombre de musiciens et d'auteurs. 

Ce poème s'intitule simplement "bonne année".

Bonne année à toutes les choses,
Au monde, à la mer, aux forêts,
Bonne année à toutes les roses,
Que l’hiver prépare en secret.

Bonne année à tous ceux qui m’aiment,
Et qui m’entendent ici-bas,
Et bonne année aussi, quand même,
A tous ceux qui ne m’aiment pas. 


Crédit illustration :

Raymond Joyeux.
https://raymondjoyeux.com/2014/12/31/bonne-annee/banniere-bonne-annee/


mercredi 22 décembre 2021

LE BLOG PREND DES CONGÉS...
ET MOI AUSSI !



En cette fin d'année, le blog prend quelques congés pour revenir plus en forme et encore plus informé à son retour...

Les articles en préparation continueront à traiter de questions de politique nationale, avec le dernier volet de l'examen du quinquennat de Monsieur Emmanuel Macron, principalement sous l'angle des mesures environnementales.

Je continuerai également à parler de politique locale. Les articles qui s’y rapportent sont clairement les plus lus du blog. Sur ce point, on me demande parfois pourquoi je critique souvent l'actuelle municipalité. Je vais être très clair. Je n'ai pas voté pour cette liste, compte tenu de l'absence notable d'une vision globale pour la commune, qu'avait révélée la campagne. Cependant,  j'avais réellement espéré qu'une fois élues, les personnes qui la composent se comporteraient « en responsabilité », permettant, par exemple le développement d'un vivre-ensemble et d'une véritable vie locale, intellectuelle, sociale et associative. J'ai eu tout faux sur ces points ou presque. Le vivre ensemble s'est transformé en entre soi et la vie associative est entravée... J'espérais aussi que ces personnes auraient à coeur de maintenir l'implication forte de la commune dans les instances intercommunales. Il faut en effet des années pour construire une bonne réputation et quelques mois seulement pour la détruire. Force est de constater qu'au niveau intercommunal, il y a eu, malheureusement, comme des faiblesses, et c'est un euphémisme ! Enfin j'espérais que l'actuelle majorité tiendrait ses engagements en matière d’équité et de vie démocratique ; là aussi, « je m'ai gouré ». Je m'en réfère pour cela à la réduction drastique de la place laissée dans le journal communal à l'expression de chaque liste municipale ou à l'absence de traitement impartial des associations. Egalement et jusqu’à présent, la consultation de la population sur des sujets sensibles est passée à la trappe. Je pense là, particulièrement, à la mascarade qu'a été la « concertation » façon « circulez, y'a rien à voir » sur le sujet des caméras de vidéosurveillance.

Parmi les prochains articles, le comportement discutable de la municipalité vis à vis des associations n'ayant pas évolué sur le fond - au contraire - il me semble toujours nécessaire de réexaminer un certain nombre des décisions communales récentes. J'attends également confirmation d'éléments suggérant un possible fonctionnement dégradé du service périscolaire*. Je dispose également de nouvelles informations sur l'utilité des caméras de vidéosurveillance que je présenterai. Enfin, un dernier article "dans les tuyaux" traitera du rôle très étrange des réseaux sociaux à Forges. Sur ce dernier point j’attends là aussi des confirmations de nouvelles informations révélant de nouveau le mépris avec lequel certaines associations sont considérées.

Enfin, je continuerai mon travail de vulgarisation scientifique. Ces articles ne sont pas forcément les plus lus, mais j’ai des retours oraux et écrits souvent très positifs. Ils me permettent aussi de faire le point sur l’épidémie de CoViD-19, de façon aussi objective que possible, en sachant que l’objectivité n’est pas un critère absolu car on « parle toujours de quelque part ». Je tente cependant de dire ce qui est connu au jour où j’écris, ce qui est sujet au doute, et ce qui est ignoré. C’est ma façon de contredire les complotistes échevelés qui pullulent dans certaines émissions de télévision, ou dans les réseaux sociaux. Deux articles sont en préparation : l’un sur des concepts écologiques qui résonnent étrangement aujourd’hui avec la situation sanitaire et celle de l’espèce humaine, et l’autre sur une révolution en biologie, permise par les progrès fantastiques de la bio-informatique couplée à l’intelligence artificielle.

En attendant je souhaite aux lectrices et lecteurs de passer de bonnes fêtes de fin d’années, et j’hésite à souhaiter à tous et toutes une bonne année 2022, même si j’espère très sincèrement que ces 12 prochains mois nous permettront de sortir de la crise sanitaire que nous traversons.

* Note ajoutée le 23/12:
Le Républicain publie ce jour un article sur la situation dégradée du périscolaire à Forges, raccord avec mon article:
https://www.le-republicain.fr/a-la-une/a-forges-les-bains-une-soixantaine-denfants-colles-comme-du-betail-pour-la-sieste
Pour ceux qui se poseraient la question, je ne suis pour rien dans la production de l'article du Républicain, n'ayant pas de contact avec la presse.


Crédit illustration :

http://gifsadoudou.centerblog.net/6557495-blog-en-pause-vacances-


lundi 20 décembre 2021

BILAN DE CINQ ANNÉES EN MACRONIE.
IV. LES SERVICES PUBLICS



Cet avant-dernier volet du bilan du quinquennat de Monsieur Emmanuel Macron traitera de la question des services publics, avec un examen plus marqué, crise sanitaire oblige, du secteur de la santé.

Dans ce domaine comme dans d’autres, autant le dire tout de suite, le quinquennat qui s’achève ne s’est pas fondamentalement distingué des précédents. Les services publics continuent d’être maltraités, avec des suppressions de moyens, autant financiers qu’humains, dans nombre de domaines. Par ailleurs, les privatisations se sont peut être quelque peu ralenties en nombre, mais elles ont concerné des secteurs de plus en plus stratégiques de l’économie française, quand elles ne se sont pas directement infiltrées au niveau des fonctions régaliennes de l’État (1).

Un des premiers secteurs affectés est sans doute celui des transports. J’ai récemment écrit sur l’ouverture au secteur privé (ou semi privé) de lignes SNCF dans la région PACA (2). Ce qui se passe en PACA résulte en grande partie de la réforme de la SNCF décidée en 2018 par l’actuelle majorité gouvernementale (3). Celle-ci se concentrait essentiellement sur le statut des cheminots et l’ouverture à la concurrence en oubliant assez systématiquement la nécessaire réflexion du financement des lignes d’intérêt local. Ainsi, les opérateurs de trains à grandes vitesse et de TER pourront décider seuls des lignes qu’ils couvrent avec le risque de supprimer les dessertes de ville de moyenne importance pas suffisamment attractive pour l’actionnaire (3). Ce serait alors à l’opérateur public de prendre le relais, comme je l’ai décrit pour ce qui se passe en région PACA (1). La SNCF a cependant besoin de présenter un budget équilibré, et en réponse à cette réforme, elle annonçait en 2019 de nouvelles fermetures sur son réseau, portant au total sur 56 lignes et 120 gares (4).

Si la presse s’est faite assez largement l’écho de cette ouverture à la concurrence, dont le dernier avatar est l’exploitation de la radiale Paris-Lyon par la société italienne Trenitalia (filiale privée mais détenue à 100% par les FS, l’équivalent de la SNCF), elle a, sauf exception, passé quasi sous silence la vente par la SNCF en 2018 de la Gare du Nord à Ceetrus, filiale du groupe Auchan (5). Il s’agissait de créer avant tout sur le site un centre commercial reléguant l’aspect transport de voyageurs au second plan. « Qu’il aille à Soissons (Aisne) ou à Bruxelles, expliquait un groupe d’architectes, d’urbanistes et d’historiens, le voyageur devra d’abord monter à 6 mètres de hauteur dans le centre commercial, tout à l’est de la gare, puis accéder aux quais par des passerelles, des escaliers et des ascenseurs. Cela veut dire : plus de distance à parcourir, des temps d’accès nettement augmentés. Indécent » (6). Presque 4 ans plus tard, le projet a du plomb dans l’aile en raison de dérapages budgétaires et de calendrier (6). L’efficacité de la privatisation, sans doute !

Autre secteur très touché : celui de l’énergie. Le projet Hercule, chez EDF, a été largement dénoncé dès son annonce, par l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, SUD) de cet établissement. Il s’agissait de facto d’un projet de démantèlement de l’opérateur EDF facilitant la privatisation d’une partie de ses activités (7). Ce projet visait à diviser EDF en 3 entités : « une entreprise publique (EDF bleu) pour les centrales nucléaires ; une autre (vert) cotée en Bourse pour la distribution d’électricité et les énergies renouvelables ; et une troisième (azur) qui coifferait les barrages hydroélectriques dont les concessions seraient remises en concurrence sous la pression de Bruxelles » (8). Le souhait était de conserver la branche nucléaire hors privatisation, car celle-ci, prise isolément, pourrait être plombée financièrement par le coût des démantèlements d’installations rendant ainsi la mariée moins attractive pour le privé. Or cette privatisation, pour le moment repoussée (8), a été très fortement soutenue par le président lui-même (9) ainsi que par le gouvernement qui souhaitait procéder à son adoption par ordonnance (7, 9). Pourtant, soyons clair, jusqu’ici l’ouverture à la concurrence dans le domaine de l’énergie électrique n’a été qu’une mascarade. L’opérateur historique est ainsi obligé de vendre depuis 2007, sans indexation sur l’inflation, donc quasi à perte maintenant, 25 % de sa production nucléaire, une proportion que le « régulateur » voudrait voir encore augmentée (10), malgré les risques pour EDF (11). Alors que la construction de ces réacteurs a été menée sur financements publics, et alors que les risques liés à leur exploitation sont pris par la seule entité EDF, et par une branche qui serait restée publique si le projet Hercule avait été mené à son terme, on vérifie donc bien, encore une fois, la règle qui préside aux transferts vers le privé d’activités publiques : « privatisation des bénéfices, mutualisation des coûts (ou des dettes) ».

En Macronie, les services publics dérangent. Rappelons qu’à l’origine de son mandat, l’actuel président des « marcheurs », M/ Stanislas Guerini, voulait supprimer 150 000 postes de fonctionnaires avant 2022 (12). Il semblerait que cet objectif soit aujourd’hui moins prioritaire, la crise sanitaire étant passée par là. Néanmoins, les objectifs d’économie sur le dos de la fonction publique sont toujours présents, et pour y travailler le gouvernement recourt aux services de groupes d’experts privés, ceux des cabinets Accenture et McKinsey (13). Ce dernier cabinet bénéficie d’ailleurs des largesses gouvernementales, puisque l’exécutif lui avait commandé pour pas moins de quatre millions d’euros de contrats sur différents sujets, dont plusieurs en lien avec la gestion de la crise sanitaire. La raison officielle serait, je cite, le fait que « la direction générale de la santé (DGS) s’est trouvée démunie en moyens humains pour gérer la crise. Le ministère a senti le besoin d’être aidé » (14). Or, si la direction de la santé manque de moyens humains, c’est précisément parce que l’on y a réduit le nombre de fonctionnaires ! Comme le constate la députée Véronique Louwagie (LR), qui s’est intéressée à cette question, la mise à disposition de personnel de ces cabinets auprès du ministère comme auprès de Santé Publique France, dans le cadre de la gestion des stocks de vaccins, a un coût non négligeable qu’elle estime à 250 000 € de contrat par semaine soit 50 000 € par jour ouvré. Pour établir un parallèle, le salaire d’un agent de catégorie A s’élève à environ 40 000 € annuels, auxquels faut ajouter les cotisations sociales pour quelques 32 000 €. En d’autres termes, en 2 jours de contrat on financerait largement le salaire annuel d’un agent de l’État, et en 10 jours ceux des 5 agents mis à disposition par le cabinet auprès mystère (14). Cette aberration pourrait ne rien devoir au hasard puisque plusieurs élus soupçonnent surtout des « liens d’intérêts » entre certains cabinets et le gouvernement, voire Emmanuel Macron lui-même (14, 15).Signalons pour l'anecdote que le cabinet Mac Kingsley est domicilié dans un paradis fiscal (13).

Je pourrais ajouter plusieurs autres exemples de privatisations en cours ou souhaitées. Une des plus intéressantes concerne la fondation Egis (filiale à 75 % de la Caisse des Dépôts et détenu à 25 % par des cadres partenaires et des salariés, et spécialisée en ingénierie environnementale) au seul bénéfice d’un fonds hautement spéculatif (16). J’évoquais aussi en début d’article les privatisations qui ont affecté certaines des fonctions régaliennes de l’État. J’ai déjà décrit le recours à la sous-traitance privée dans le cadre des missions des armées (1). Je pourrais ajouter, toujours dans le domaine régalien, la privatisation en cours à la banque de France. Cette dernière s’apprête à fermer 13 caisses régionales et à supprimer plus de 130 emplois en lien avec l’abandon de sa mission de destruction des billets usagés qu’elle envisage de confier à des banques privées. L’institution prévoit en plus de les payer chaque année pour assurer cette tâche (17). Enfin, je peux rappeler le récent fiasco de la distribution des documents électoraux aux citoyens pour les élections régionales et départementales : dans de nombreuses communes, les documents de présentation électorale des candidats n’ont pas été distribués aux électeurs (18). Pour tenter de rattraper le coup, on a dû avoir recours dans certaines régions au service départemental d’incendie de secours, qui a peut-être mieux à faire que de pallier les déficiences d’une entreprise privée, remplissant, très curieusement, les missions qui relèvent du domaine régalien de l’État (19). Pour mémoire, cette entreprise bénéficie d’un contrat de 200 millions d’euros pour remplir la tâche que l’État a décidé de ne plus effectuer (20). Cet abandon des missions régaliennes est particulièrement inquiétant dans la mesure où, comme on l’a vu dans le cas des élections locales, le moindre dysfonctionnement peut avoir des conséquences majeures. Il est également particulièrement inquiétant parce qu’il crédibilise le rôle de l’État et questionne, in fine, la notion même d’État.

Last but not least, on ne peut terminer ce tour d’horizon des services publics sans parler du service public de santé. Cela avait mal commencé avec un budget 2018 destiné à réaliser 1,6 milliards d’euros d’économie, dont quasiment 1 milliard sur le dos des établissements de santé (21). Des fermetures ont été particulièrement visibles dans le cas des maternités, regroupées à marche forcée au motif que les petits établissements ne seraient pas sûrs, avec paradoxalement des risques accrus pour la mère et l’enfant dès lors que l’on se trouve en zone blanche. Pour Madame Évelyne Combier, chercheuse au CHU de Dijon, qui évalue un risque plus élevé au delà de 45 minutes de trajet entre domicile et maternité « Ne pas pouvoir accoucher en maternité multiplie le risque de mortalité par 6,5 [...] Pour le bébé, il est multiplié par 3,5 » (22). Avec 3 fois moins d’établissements en 2016 par rapport à 1975 (1369 en 1975, 498 en 2016), cette diminution s’est accompagnée de fermetures de lits sans rapport avec la baisse de la natalité. Comme le dit une sage-femme de ma connaissance  « On ne fait en réalité qu’expédier les mères le plus vite possible chez elles ». Entre 1990 et 2020, la durée du séjour en maternité à été globalement divisé par 2. La cure d’austérité pour l’hôpital public s’est poursuivie en 2019 et 2020 (23). Devant la crise des urgences, la fatigue des personnels hospitaliers, le gouvernement a vite communiqué sur une hausse des budgets de 1,5 milliards sur 3 ans mais c’est un trompe l’œil, car il s'agit de sommes cumulées. L'argent nouveau mis dans le système n'est que de 700 millions sur 3 ans, soit moins de 250 millions chaque année en moyenne (24). Devant l’indigence des soutiens d’Etat, certains hôpitaux ont donc lancé un appel aux dons sur les réseaux sociaux (25). Quant au « Ségur de la santé », on est là, en partie, dans de la « com ». L’effort historique vanté par le Premier Ministre, M. Jean Castex, est également en partie un autre trompe-l’œil. Malgré la reprise de la dette des hôpitaux par l'État, un minimum quand on sait que ce sont les gouvernements successifs qui ont creusé le trou, les revalorisations des salaires ont été limitées à 60% des montants demandés, et obtenues en échange d’une flexibilité accrue (26). En dépit de la promesse d’embauche de 15 000 personnes vantée par l’exécutif, seuls 7 500 postes sont des postes nouvellement créés, les 7 500 autres sont des postes déjà ouverts et non pourvus. Enfin, le « Ségur de la santé » ne prévoit aucune création de nouveaux lits en hôpital. Le manque de lits a pourtant été pointé du doigt à l’occasion de la crise du CoViD-19. Le Ségur maintient aussi la « tarification à l’activité » favorisant une logique de rentabilité avant une logique de soins (26). Malgré un objectif de dépense d’assurance maladie (ONDAM) en hausse, en grande partie - il faut le reconnaître - lié aux objectifs d’accroissements des salaires des personnels, le budget 2021 prévoit un « nouveau tour de vis » avec 900 millions d’économie sur le dos de l’hôpital. Pour arriver à ce chiffre, il faut retrancher de l’ONDAM les coûts liés aux accords et à la CoViD-19. « En excluant ces deux catégories, l'objectif de dépenses tombe à 86 milliards d'euros. Soit une hausse de 2,1 milliards par rapport à 2020. Ce surcroît est à comparer à la hausse tendancielle de ces charges, qui se produirait en 2021 sans mesures d'économies : le texte indique qu'elles progresseraient de 3,6%, soit 3 milliards d'euros. Résultat : 900 millions d'écart, qui seront autant d'économies à réaliser l'an prochain pour les établissements de santé » (27). Corollaire, les fermetures de lits vont se poursuivre comme ceci est le cas à Nantes (28) ou à Nice. Dans cette dernière ville, c’est un service d’urgence gériatrique qui a dû être transféré vers le CHU. Sauf qu’avant la crise, le CHU avait dû renoncer à ouvrir 6 lits supplémentaires, faute de personnel (29) ! Au total, le quinquennat Macron aura vu la fermeture de plus de 17 000 lits ! On voudrait casser l'hôpital que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Impossible pour moi de ne pas vous parler également, dans le domaine santé, du faible effort de recherche consenti en France, non seulement de façon générale (30) mais aussi spécifiquement en regard du virus SARS-CoV2 et de la CoViD 19. Alors que l’Allemagne et le Royaume-Uni, pays comparables au nôtre, ont investi environ 1 500 et 1 300 millions d’euros dans cette recherche, respectivement, la France a injecté 500 millions seulement, soit 3 fois moins, dans un écosystème déjà en difficulté (31).

J’ai volontairement évité de parler, dans la section traitant de la santé, des errements (pour rester politiquement correct) des gouvernements sur les stratégies développées vis à vis des masques, vaccins, du confinement, des personnes à risques, du rôle de l’école, etc. Ce sont d’autres sujets qui mériteraient débat sans aucun doute. Je me suis concentré sur le sort réservé aux services publics en France, pour monter comment leur recul, leur dégradation constante, se poursuit. En conséquence, j’estime que ceci ne peut qu’être le résultat d’une volonté politique, dont un des objectifs serait d’autoriser le transfert de biens publics vers des intérêts privés, sans amélioration du service rendu. Si l’actuel président devait être réélu, il n’y a aucune raison de penser que cette stratégie change. Au contraire.


Références :

1. Le lent abandon des missions régaliennes de l'Etat.
Ce blog :
2. Le rail en PACA : une privatisation très politique.
3. Martine Orange. Loi sur la SNCF: une entreprise de démolition. Mediapart. Juin 2018.

4. Anonyme. SNCF : quelles sont les lignes menacées ? FranceInfo. Mars 2019.
Consultable en ligne :
https://urlz.fr/h0PY

5. Martine Orange. Première privatisation à la SNCF: la gare du Nord. Mediapart. Juillet 2018

6. Damien Dole. Le projet de rénovation de la Gare du Nord sur la voie de garage. Libération. Septembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/economie/transports/le-projet-de-renovation-de-la-gare-du-nord-sur-la-voie-de-garage-20210921_ULZOXFVQFJHF3BMAPSCKD6MMQ4

7. Martine Orange. Démantèlement d’EDF: le saccage d’un bien commun essentiel. Mediapart. Décembre 2020.

8. Erwan Benezet. EDF : cinq minutes pour comprendre la fin du projet de réforme Hercule. Juillet 2021.
Consultable en ligne :
https://www.leparisien.fr/economie/edf-cinq-minutes-pour-comprendre-la-fin-du-projet-de-reforme-hercule-29-07-2021-KGI4AYWGSVDWTPAEFZ3BKCYQDI.php 

9. Martine Orange. Démantèlement d’EDF : au bon plaisir d’Emmanuel Macron. Mediapart. Juin 2021.

10. Jean-Michel Bezat. EDF est contrainte de vendre moins cher son électricité à ses concurrents. Le monde. Juin 2007.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2007/06/29/edf-est-contrainte-de-vendre-moins-cher-son-electricite-a-ses-concurrents_929574_3234.html

11. Muriel Motte. Paul Marty (Moody’s): « Obliger EDF à vendre à ses concurrents à 42 euros le MWh risque de peser sur sa rentabilité ». L’Opinion. Novembre 2016.
Consultable en ligne :
https://www.lopinion.fr/economie/paul-marty-moodys-obliger-edf-a-vendre-a-ses-concurrents-a-42-euros-le-mwh-risque-de-peser-sur-sa-rentabilite

12. Anonyme. Fonction publique: 120.000 postes en moins est un objectif « tenable », selon Guerini. Public Sénat. Mars 2019.
Consultable en ligne :
https://www.publicsenat.fr/article/politique/fonction-publique-120000-postes-en-moins-est-un-objectif-tenable-selon-guerini?amp

13. Romaric Godin, Antton Rouget. Accenture et McKinsey embauchés par l’Etat pour faire un milliard d’économies. Medipart. Février 2021.

14. Pierre Maurer. McKinsey, Citwell, Accenture… Ce que l’on sait des commandes passées par le gouvernement à des cabinets de conseil. Public Sénat. Mars 2021.
Consultable en ligne :
https://www.publicsenat.fr/article/politique/mckinsey-citwell-accenture-ce-que-l-on-sait-des-commandes-passees-par-le

15. François Krug. McKinsey, un cabinet dans les pas d’Emmanuel Macron. Février 2021.

16. Laurent Mauduit. Egis: une privatisation sans précédent au profit d’un fonds spéculatif. Mediapart. Mai 2021.

17. Martine Orange. Banque de France: un plan social pour privatiser la gestion de la monnaie usagée. Mediapart. Mai 2021.

18. Anaïs Condomines, Emma Donada. Régionales 2021 : quelle est l’ampleur du dysfonctionnement dans les livraisons des professions de foi par Adrexo ? Libération. Juin 2021.
Consultable en ligne :
https://www.liberation.fr/checknews/regionales-2021-quelle-est-lampleur-du-dysfonctionnement-dans-les-livraisons-des-professions-de-foi-par-adrexo-20210621_UCVFQG2G7ZAZTGNCMU6S33G534/

19. Vincent Ballester. Haut-Rhin : appel aux pompiers pour remplir les enveloppes des élections, « c'est hallucinant ». France3 Grand Est. Juin2021.
Consultable en ligne :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/colmar/haut-rhin-appel-aux-pompiers-pour-remplir-les-enveloppes-des-elections-c-est-hallucinant-2154586.html

20. Martin Terrien. « Vous saviez que le fiasco était à venir » : Adrexo ciblé par les députés pour les couacs dans la distribution des plis électoraux. Le Monde. Juin 2021.
Consultable en ligne :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/06/30/vous-saviez-que-le-fiasco-etait-a-venir-adrexo-ciblee-par-les-deputes-pour-les-couacs-dans-la-distribution-des-plis-electoraux_6086331_823448.html

21. Laurent Fargues. Malgré les promesses de Macron, l'hôpital fera bien près d'un milliard d'économies. Challenges. Mai 2018.
Consultable en ligne :
https://www.challenges.fr/economie/malgre-les-promesses-d-emmanuel-macron-l-hopital-fera-bien-pres-d-un-millard-d-economies-en-2018_584177

22. Céline Hussonnois-Alaya. Fermetures de maternités: quand les femmes accouchent seules.
BFM TV. Novembre 2019.
Consultable en ligne :
https://www.bfmtv.com/sante/fermetures-de-maternites-quand-les-femmes-accouchent-seules_AN-201911040042.html

23. Romaric Godin. Sécurité sociale: l’austérité se poursuit dans la santé. Mediapart. Septembre 2019.

24. Romaric Godin. La charité pour l’hôpital. Mediapart. Novembre 2019.

25. Maeliss Innocenti. Coronavirus : les Hôpitaux de Paris lancent un appel aux dons sur Facebook. RTL. Mars 2020.
Consultable en ligne :
https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/coronavirus-les-hopitaux-de-paris-lancent-un-appel-aux-dons-sur-facebook-7800281562

26. Caroline Coq-Chodorge. Ségur de la santé: un petit accord sur les salaires contre une plus grande flexibilité. Mediapart. Juillet 2020.

27. Sébastien Grob. Hôpital : après le Ségur, le gouvernement prévoit un nouveau tour de vis budgétaire. Octobre 2020.
Consultable en ligne :
https://www.marianne.net/societe/sante/hopital-apres-le-segur-le-gouvernement-prevoit-un-nouveau-tour-de-vis-budgetaire

28 Hugo Bossard. Nantes. Nouvelle mobilisation contre le projet de futur CHU sur l’Île Beaulieu. Ouest-France. Mars 2021.
Consultable en ligne :
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-nouvelle-mobilisation-contre-le-projet-de-futur-chu-sur-l-ile-beaulieu-0d6dd8ce-85b1-11eb-9a14-aaaf3655ac04

29. Laure Bruyas. En pleine crise Covid-19, un service de réanimation va fermer à Nice. Nice-Matin. Mars 2021.

30. Les naufrageurs.
Ce blog :
https://dessaux.blogspot.com/2021/11/les-naufrageurs.html

31. Anonyme. Le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cour des comptes. Juillet 2021.
Consultable en ligne :
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-financement-de-la-recherche-publique-dans-la-lutte-contre-la-pandemie-de-covid-19


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Dessin de Mykolas
L'actu de Mykolas 
Avril 2019



lundi 13 décembre 2021

VARIANT OMICRON :
PLUS D’INCERTITUDES QUE DE CERTITUDES



A moins d’être privé de radio, télévision, et de lecture de la presse, il est difficile d’avoir échappé aux annonces de l’émergence d’un nouveau variant du virus SARS-CoV2, le variant omicron. Cette émergence inquiète, à juste titre, et il m’a donc semblé important de faire le point sur les dernières données scientifiques le concernant. Pour cela, j’ai criblé ce jour la presse scientifique via le site bibliographique PubMed.

Omicron est un nouveau variant du virus SARS-CoV2, apparu en Afrique du Sud en novembre 2021 et présent dans (au moins) 57 pays (1). Ce variant est caractérisé par l’existence d’une cinquantaine de mutations de toutes sortes, dont 30 induisent des changements de séquence de la protéine dite Spike (1,2). Cette protéine, située à l’extérieure de la particule virale, permet son entrée dans les cellules humaines. Elle est également la cible de la grande majorité des vaccins utilisés dans le monde en prévention de développement de formes graves de la COViD19.

Trois questions importantes en termes de santé publique se posent : Omicron est-il plus contaminant que l’actuel variant delta ? Omicron risque-t-il d’échapper à la stratégie vaccinale en place ? Et Omicron induit-il des formes plus graves de la maladie ? La réponse à la première question est « possiblement ». Ainsi, au Royaume Uni, la fréquence de « détection » d’Omicron dans les tests PCR augmente rapidement (2). De même, ce variant est de plus en plus souvent détecté dans les événements de contamination de groupe. À Oslo, 19 des 120 personnes contaminées lors d’une fête étaient positives à Omicron, et au Danemark, ce sont 53 des 150 élèves d’un collège qui ont participé à un événement collectif qui ont été testés positifs à Omicron. Comme le dit le Dr. Kristian Andersen, chercheur en maladies infectieuses à Scripps Research « tout cela ne prouve pas [formellement] qu’il est plus transmissible [...] mais puisque Omicron est globalement rare, le fait de le trouver associé à des événements super-contaminants est réellement inquiétant » (2). Cet avis est confirmé par les observations faites aux Royaume-Uni où il apparaît que ce variant se propage plus vite que n’importe quel autre variant connu. Le secrétaire d’État à la santé, M. Sajid Javid, disait d’ailleurs : « nous estimons que le « temps de doublement » de sa détection est de l’ordre de deux jours et demi à trois jours, ce qui signifie qu’à ce rythme, nous pourrions avoir à la fin du mois [de décembre] un million d’infections dans la population du Royaume Uni » (1). Cet avis est cohérent avec les modélisations 3D des protéines et les calculs fait par une approche de type « intelligence artificielle » par un groupe de recherche basé au Michigan, qui suggèrent que le nouveau variant pourrait être jusqu’à 10 fois plus contaminant que le SARS-CoV2 d’origine et 2 fois plus que le variant Delta (3). Ce travail doit cependant être relu par un comité de lecture scientifique et confirmé par d'autres chercheurs. Sur cette question, nous en sommes donc encore à des travaux préliminaires nécessitant validation.

La question principale à ce jour est donc : quels sont les risques d’échappement de ce variant en regard de la stratégie vaccinale en place ? Une première micro-étude portant sur 12 personnes en Afrique du Sud avait montré que l’efficacité du vaccin Pfizer-BioNTech pourrait être réduite, avec un niveau de neutralisation du virus par les anticorps environ 40 fois inférieur à ce qu’il est avec le variant Delta (1). Les travaux du laboratoire Pfizer vont d’ailleurs dans le même sens en révélant une perte d’efficacité de neutralisation de 25 fois environ. Attention toutefois, ces chiffres qui paraissent élevés pour un non-spécialiste ne signifient en aucun cas que la protection vaccinale s’effondrera. Ils disent simplement que l’affinité des anticorps générés par la vaccination est 25 à 40 fois plus faible pour le variant Omicron qu'elle ne l'est pour Delta (3). Une étude très récente confirme l’efficacité de neutralisation réduite des anticorps issus de sérums par rapport au variant delta, de 8 fois et demi environ (4). Mais comme l’organisme produit des « montagnes » d’anticorps, cette réduction d’affinité pourrait se traduire in fine par une faible perte d’efficacité vaccinale. D’autant que la neutralisation du virus s’effectue dans notre organisme par deux voies, la voie humorale (ou circulante), largement dépendante des anticorps produits par les lymphocytes B, et une voie cellulaire mettant en jeu un nombre de réactions complexes et d’interactions entre différents types de lymphocytes. Cette voie, aussi stimulée par la vaccination, jouerait de plus un rôle majeur dans la réponse à l’agression du coronavirus, et donc dans la sévérité des symptômes observés dans le cas de la CoViD19 (5). Cette réduction de l’efficacité des anticorps a été confirmée dans l’étude des chercheurs américains du Michigan, déjà citée, qui suggère que les vaccins pourraient être 2 fois moins efficaces vis à vis du nouveau variant, par rapport au variant Delta. L’inquiétude porte donc sur une perte d’efficacité des vaccins qui activent les deux voies de l’immunité mais aussi sur la perte d’efficacité des traitements anti-CoViD19, à base d’anticorps (3). Quelle est la gravité de la question ? Comme le dit le Dr. Justin Lessler, épidémiologiste à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill « l’importance du problème ne dépendra que de savoir si les vaccinations et les infections passées protégeront des formes graves de la maladie ». A ce stade, donc pas de certitude.

Reste effectivement la question de la gravité des infections à variant Omicron. Là aussi pas de certitude mais des indications peut-être plus rassurantes. Ainsi, le taux d’occupation des lits en soins intensifs entre le 14 novembre et le 4 décembre 2021 en Afrique du Sud, pays fortement touché par le variant, ressort à 6,3%, ce que l’organisation mondiale de la santé décrit comme un taux « très bas » comparé à ce qu’il était à la même période l’année passée, alors que le pays était en plein pic du variant Delta (1). Dans ce pays on observe, semble-t-il, plus de formes modérées que précédemment, même si, comme le disent les médecins hospitaliers « notre hypothèse de travail reste que les syndromes associés à ce variant sont les mêmes que ceux associés aux autres variant ». Sage précaution, car même si il se confirmait que le variant était moins virulent, le fait qu’il soit plus contaminant, et que plus de personnes soient malades, pourrait quand même conduire à une saturation des services de santé, en particulier en réanimation. Comme le dit le Dr. Mads Albertsen de l’Université d’Aalborg au Danemark, « un faible pourcentage d'un grand nombre reste un grand nombre » (2).

Au delà de cet examen des dernières données de la littérature scientifique, l’émergence de ce nouveau variant remet elle en cause la stratégie vaccinale ? Certainement pas, mais il s’agit là d’un avis personnel fondé néanmoins sur le fait que même réduite, toute protection vaccinale contre la maladie est « bonne à prendre ». De plus, la technologie ARN messager permet d’envisager le développement de vaccins adaptés au nouveau variant dans des délais très raisonnables (une centaine de jours avant essais), et possiblement de multi-vaccins dirigées contre les différents variants viraux, à l’image de ce qui se fait pour la vaccination anti-grippale. Plusieurs entreprises ont d'ailleurs déjà commencé à développer ces vaccins (6). Néanmoins, et il s'agit là toujours d'un avis personnel, la vaccination, si elle nécessaire, n'est pas suffisante à ce stade pour contrôler la pandémie. 

Enfin, et j’y reviendrai dans un autre article, il n’est pas impossible que ce dernier avatar du coronavirus SARS-CoV2 soit un cul de sac évolutif. J’aborderai cette notion et d’autres, si j’en ai le temps, dans un prochain article. Comme je le disais en introduction, aujourd'hui nous avons plus de questions, d’incertitudes, que de certitudes. Raison de plus pour continuer - sans paniquer - à appliquer les gestes simples tels que port du masque dans les rassemblements et endroits clos recevant du public, ventilation des locaux et lavage des mains réguliers.


Références :

1. Elisabeth Mahase. Covid-19: Do vaccines work against omicron—and other questions answered. The British Medical Journal, 10 décembre 2021.
Consultable en ligne :
doi: https://doi.org/10.1136/bmj.n3062

2. Kai Kupferschmidt, Gretchen Vogel. How bad is Omicron? Some clues are emerging, and they’re not encouraging. Science, 7 décembre 2021.
Consultable en ligne :
doi: 10.1126/science.acx9782

3. Jiahui Chen et coll. Omicron (B.1.1.529): Infectivity, vaccine breakthrough, and antibody resistance. ArXiv. Preprint, 1er décembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8647651/

4. Li Zhang et call. The significant immune escape of pseudotyped SARS-CoV-2 variant Omicron. Emerging Microbes & Infections, 10 décembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/22221751.2021.2017757

5. Carolyn R. Moderbacher et coll. Antigen-specific adaptive immunity to SARS-CoV-2 in acute COVID-19 and associations with age and disease severity. Cell, 12 novembre 2020.
Consultable en ligne :
https://urlz.fr/gYnN

6. Elie Dolgin. Omicron is supercharging the COVID vaccine booster debate. Nature, 2 décembre 2021.
Consultable en ligne :
https://www.nature.com/articles/d41586-021-03592-2


Crédit illustration :

Ana Kova.
Nature. Référence 6, ci-dessus.