lundi 28 juin 2021

PETIT RETOUR SUR L’ABSTENTION...


Beaucoup l’ont constaté, le vainqueur des élections régionales et départementales n’est pas le sortant, LREM, RN, PS, PC ou LR... LE vainqueur est clairement le parti de l’abstention. Plusieurs analystes politiques ont tenté de décrypter ce mouvement, mais peu pour ne pas dire aucun ont évoqué les éléments que je développe ici. Ceci ne signifie bien sur ni que j’ai raison, ni que j’ai tort dans mon propos.

Premier élément d’explication : mes concitoyens ne savent pas vraiment quelles sont les attributions des régions et des départements. Pour être honnête, je partage ce point de vue qui a, lui, été présenté par nombre de commentateurs politiques. En effet, si la commune est proche, et si le maire, ses adjoints sont généralement proches de leurs concitoyens (même si il existe des exceptions), et si la présidentielle est une élection emblématique de la vie politique, tant notre régime ressemble à une monarchie, les élections dites intermédiaires (département et région) semblent pour bon nombre de Français trop techniques, trop éloignées de leur préoccupations quotidiennes.

Deuxième élément explication : le brouillage des cartes autour des valeurs politiques, droite/gauche en particulier. Les notions de droite et de gauche semblent s’estomper dans la population, au point que j’entends nombre de mes relations ou connaissances dire que « droite et gauche, c’est pareil ». Je ne souscris en aucun cas à cette analyse. Il existe des valeurs de droite et des valeurs de gauche. Je reviendrai sur ce point dans un autre article. En revanche, force est de constater que plusieurs politiques ont de facto brouillé le message. Dans ce contexte, la palme revient à mon avis - haut la main - à Ms. François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron. Ce dernier s’est en effet fait élire avec pour positionnement politique, un « ni de gauche, ni de droite» revendiqué. Malheureusement, quelques années plus tard, le ni de droite ni de gauche s’est transformé en « ni de gauche, ni de gauche », tant le dialogue social est à l’arrêt, et tant les « réformes » voulues par l’actuel exécutif se sont révélées être foncièrement antisociales (réforme de l’ISF, des allocations logements, de l’indemnisation des chômeurs, et à venir, réforme des retraites, pour n’en citer que quelques unes). Il faut dire que ce positionnement s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous avons pu constater lors du quinquennat de M. François Hollande, se présentant comme « l’ennemi de la finance », mais mettant en place les lois travail délétères pour les employés, considérant les protections des salariés comme un « coût » pour l’économie, qu’il conviendrait de réduire... Le tout dans une ambiance de véritable haro sur le code du travail ! Dans ce contexte, on comprend mieux la notion de deux gauches irréconciliables proposée par M. Manuel Valls. En réalité, ce ne sont pas deux gauches irréconciliables, mais une gauche et une droite (certes modérée) qui s’opposent, M. Valls ne réalisant pas que son positionnement est plus proche du centre droit que de la gauche. C’est là, à mon avis, la raison du déclin du PS. La ligne de fracture gauche-droite passant au milieu de ce parti, les positions de Ms. Hollande, Valls, ou Strauss-Khan (à l’époque) n’avaient pas grand chose à voir avec celles de Mme Christiane Taubira, ou Ms. Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon, ce qui ne pouvait que conduire à terme à l'éclatement de ce parti.

Accuser le seul PS de ce brouillage serait cependant trop facile. Celui-ci se poursuit en effet lorsque M. Gérald Darmanin accuse Mme. Marine Le Pen d’être trop à gauche... Cette confusion de valeurs s’inscrit, à droite, dans le rapprochement des idées entre l’extrême-droite et certains républicains, tel que Ms. Eric Ciotti, ou Laurent Wauquiez dont les propos ne s’éloignent de ceux de Mme. Marine Le Pen que par l’épaisseur d’une feuille de papier d’un discours de M. Patrick Buisson. Tout cela ne fait que renforcer l’idée que droite et extrême-droite, ou droite et gauche, c’est pareil, ce qui est gravissime à mon sens, car ce sentiment me parait être le terreau dans lequel le « tous pourris » se développera.

Dernier élément explicatif : la couleuvre du vote sur les traités européens. Rappelons les faits. En 2005, le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe conduit à un vote « non », majoritaire (un peu moins de 55% des votants) malgré la campagne médiatique très en faveur du « oui » (plus de 70% du temps de parole télévisé !). J’ai voté contre ce traité, non pas par conviction anti-européenne, au contraire (je comptais en ECU dans mes collaborations européennes plus de 5ou 6 ans avant le passage à l’Euro), mais parce que ce traité ne faisait la part belle qu’à l’économie, et à l’économie envisagée sous son seul angle libéral, oubliant largement les intérêts des peuples et les notions de solidarité. Que s’est-il ensuite passé ? Après une réécriture partielle et l’éclatement du traité dans d’autres accords européens non soumis à référendum, le gouvernement français, sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, a, in fine et contre l’avis du peuple français, ratifié le traité par voie parlementaire en 2008. Une véritable trahison ! A quoi sert le vote dans ce cas, on se le demande encore... C’était il y a 13 ans, mais les Français n’ont pas tous la mémoire courte. Qu’on se le dise !



Crédit illustration :


D’après « les municipales, une mascarade ? »:
https://www.deridet.com/Les-municipales-une-mascarade_a5759.html

dimanche 27 juin 2021

ARRACHEZ-MOI CES BANDEROLES QUE JE NE SAURAIS VOIR !






Il se passe vraiment toujours des événements bizarres à Forges ! Des parents d’élèves s’inquiètent de l’état d’une cour d’école et du manque de poste d’ATSEM, et la marie fait donner la gendarmerie !

Retour sur les faits : lors d’une visite de l’école maternelle en présence des parents des futurs petits écoliers, il est fait mention de l’état de la cour d’école de la maternelle, dont le revêtement se dégrade. Effectivement, ce revêtement est probablement un peu mince, et nous avions déjà été amenés à le refaire dans un précédent mandat. Nos petites têtes blondes sont bien actives dans la cour, et il est effectivement plus que probable qu’un nouvel enrobé approprié soit nécessaire. Par ailleurs, lors d’un récent conseil d’école, les parents d’élèves ont été informés du fait que les effectifs des petites sections de maternelle seront lourds l’année prochaine, un constat qui a conduit les enseignantes à demander à la mairie l’ouverture d’un poste d’ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles). Si j’en crois mes informateurs, cette demande aurait été rejetée au motif que ceci ne figurait pas au budget communal. Effectivement, si ce poste n’est pas au budget, il ne peut être ouvert. Ceci dit, rien n’empêche d’établir rapidement un budget modifié, qui sera alors validé par une décision modificative (DM) prise en conseil municipal, et autorisant l’ouverture de ce poste. Cela peut être réglé en une quinzaine de jours, trois semaines au pire. Il suffit de savoir où sont les priorités : soit dans l’achat de caméras de vidéo surveillance, soit dans l’éducation des enfants. Visiblement la nouvelle municipalité a tranché. Avec les quelques 95 000 euros prévus en année 1 pour l’achat de ces caméras, on pourrait payer quelques 3 ATSEM supplémentaires pendant un an. Choisis ton camp, camarade !

Le plus croquignolesque dans cette histoire est que certains des parents inquiets ont apposé banderoles et affiches aux écoles maternelle et élémentaire, probablement dans la soirée de mercredi à jeudi dernier. Jeudi matin, le 24 juin, branle-bas de combat. Madame la maire, informée de cet affichage, fait donner la gendarmerie pour constater le sacrilège. Les services techniques ont également été mobilisés pour retirer le plus vite possible les traces de ce mouvement d’humeur des parents. Bref, faisons place nette et faisons taire ces parents mécontents...

Je me demande quand même si cela valait la peine de déranger les gendarmes pour cela. Il ne semble pas y avoir eu de dégradation, pas d’effraction, bref rien de criminel, rien de délictueux. Juste l’expression d’une inquiétude. Nous avons été confrontés à des inquiétudes de parents dans la précédente mandature. Certains bien intentionnés se posaient des questions sur la qualité de l’air des écoles, d’autres, moins bien intentionnés, ont fait courir des rumeurs (pour ne pas dire ont propagé des mensonges) sur la présence massive de murs humides, ou de spores de champignons à l’école maternelle. Notre réaction fut simple : des analyses par des bureaux d’études, des mesures d’humidité et de température en continu, des réunions avec les parents, et une visite de l’école avec ces mêmes parents et un enregistreur d’humidité mural, tout cela pour constater qu’il n’y avait pas de problèmes majeurs, pas de spores, pas de murs suintant l’humidité, même si on pouvait encore améliorer la situation en termes de renouvellement d’air. Bref, nous avons informé et nous sommes concertés avec les parents en toute transparence, du moins me semble-t-il. Dans l’histoire que je relate, rien de tout cela. Dois-je alors rappeler les promesses de l’équipe en place autour d’un projet d’école pérenne, construit en concertation et anticipant les évolutions des effectifs, y compris dans le domaine périscolaire ? Parce que vu d’aujourd’hui, et pour rester très correct dans mon propos, ces promesses là ressemblent quand même fortement à de l’affichage. Et l’affichage, on voit ce qu’il en advient dans notre commune !


mardi 22 juin 2021

ERREURS LORS DU VOTE DU 20 JUIN
ET DU DÉPOUILLEMENT À FORGES !



Lors d’élections, la procédure de vote comme le dépouillement ont pour objectif d’assurer la sincérité des résultats. Le code électoral encadre ces opérations de façon fine et si de petits écarts sont tolérés, voire prévus par le code, certaines décisions des membres du bureau de vote, président comme assesseurs, sont susceptibles d’entraîner l’annulation du scrutin. A Forges, on est précisément dans ce cas là.

 Au cours du scrutin d’hier, il semblerait que le dépouillement des votes d’un des trois bureaux (le n°1 pour ne pas le citer) ait été plus que problématique. Entre des élus qui n’avaient pour la plupart jamais participé à un dépouillement, et un cadre administratif aux abonnés absents, incapable d’aider des élus eux-mêmes déboussolés, le dépouillement s’est passé façon calamiteuse, et il s’est conclu sous tension, passé 1 heure du matin. Tout cela pour quelques centaines de bulletins si mon compte est bon. Normalement, si tout s’était passé de façon nominale, l’opération de décompte des votes dans les deux urnes aurait du se terminer vers 22h30... C’est d’ailleurs l’heure à laquelle s’est terminé le dépouillement du bureau n°3, où officiaient des citoyens connaissant les procédures, et de nouveaux élus qui ont eu l’intelligence d’écouter les personnes expérimentées à même de les aider. Comme quoi, on peut quand même garder espoir vis à vis des capacités d’écoute des nouveaux élus forgeois...

Le plus grave s’est produit lors des opérations de vote au cours desquelles des électeurs ont été forcés de signer le registre d’émargement avant de déposer leur bulletin dans l’urne. Le code électoral est clair en ce qui concerne les signatures. Il stipule que si un électeur ne peut signer, il est possible qu’un électeur accompagnant ou un membre du bureau signe à sa place avec la mention « l'électeur ne peut signer lui-même ». Dans le cas d’un refus de signature, c’est le président ou l’assesseur en charge des émargements qui signera à sa place, moyennant l’inscription de l’acte au procès verbal lors du dépouillement. Il arrive rarement, mais cela reste possible, que l’émargement ait été effectué dans la mauvaise case. Cela est sans conséquence. Il suffit là aussi de porter l’information sur le registre et éventuellement au procès-verbal. En revanche, demander à un électeur de signer avant le vote comme cela semble s'être produit au bureau n°1 est gravissime, et peut entraîner l’annulation de l’élection. Je cite  l’avis du conseil constitutionnel du 25 avril 2007:  « Considérant que, dans l'unique bureau de vote de la commune de Vassy (Calvados), où 1 117 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'avoir déposé leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral; [...] que, dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans le bureau de vote considéré ».

Je repense à la phrase lue dans le Petit Forgeois, écrite par la liste majoritaire, qui disait à peu près de mémoire « la compétence ne se décrète, pas elle se prouve »... L'incompétence aussi semble-t-il !

 

lundi 21 juin 2021

LE LENT ABANDON DES MISSIONS RÉGALIENNES DE L’ÉTAT



Depuis presque 30 ans, les privatisations ont fait passer dans le secteur privé toutes une série d’activités relevant de secteurs et d’entreprises publics. Le caractère public de ces entreprises était sans aucun doute lié à la nécessaire reconstruction du pays dans l’après guerre et l’on peut effectivement se demander si la construction de voitures revêtait une importance telle qu’il était nécessaire de la conserver dans le secteur public.

Un certain nombre des privatisations qui ont eu lieu depuis 30 ans ne me choquent donc pas. Les exceptions restent cependant celles qui relèvent de secteurs stratégiques pour l’Etat et donc pour les citoyens, particulièrement dans les domaines de l’énergie et de l’aménagement du territoire, donc des transports. Certaines de ces privatisations ont conduit à des situations ubuesques, bien éloignées de la vision idyllique de la pensée unique qui propose, pour simplifier, que le secteur privé serait moins coûteux, et surtout bien plus efficace que le secteur public. J’ai eu l’occasion d’expliquer en quoi cette affirmation du credo libéral est erronée, en tout cas non généralisable, au travers d’exemples tels que La Poste, les autoroutes, et prochainement les transports publics... On pourrait rajouter l’ex-EDF, ancien établissement public devenu société anonyme, qui, de par la loi NOME voulue par l’Union Européenne, doit brader 25% de sa production nucléaire à ses concurrents, à un prix quasi inchangé depuis plus de 10 ans, pour rendre ses propres concurrents plus... compétitifs ! On pourrait aussi parler du projet de privatisation des barrages hydroélectriques, construits avec l’argent public, pour le seul bénéfice d’actionnaires privés. On retrouve là le célèbre principe de « mutualisation des dettes et des coûts et privatisation des bénéfices ». Sachant que le paramètre dominant deviendrait alors le profit, on peut s’inquiéter des coupes claires qui pourraient intervenir dans l’entretien de ces structures... Sans compter les entreprises publiques privatisées, puis vendues à la découpe. Ceci a entraîné la perte de savoir-faire sensibles au seul profit d’entreprises étrangères. Je pense là à Alcatel, devenu Alcatel Lucent, ou à Alsthom par exemple. Rappelons dans ce dernier cas, que le parquet national financier s'est saisi du dossier. Ce dernier, suite aux travaux d’une commission parlementaire d’enquête, soupçonne l’existence d’un  « pacte de corruption » qui aurait pu bénéficier à M. Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie au moment de la signature de la vente. En effet, il apparaît que « des prestataires qui ont été rémunérés grâce à la vente d’Alsthom Power figuraient parmi les donateurs de la campagne d’Emmanuel Macron » (1).

Ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est qu'abandonnant des secteurs entiers stratégiques en termes de savoir-faire, d’emploi, d’industrie et de technologie de pointe, l’Etat commence également à abandonner ses missions régaliennes. L’exemple le plus frappant est sans doute la baisse drastique du nombre de policiers sous le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy. La conséquence de cela est que dans les villes qui en ont les moyens, et dont les édiles veulent satisfaire un électorat dont l’inquiétude est possiblement à dessein stimulée par des discours anxiogènes de politiques ou de médias, se développent des polices municipales. Je pourrais aussi ajouter, dans le domaine de la sécurité, celle des aéroports, qui échappe totalement aux services de polices ou de gendarmerie, étant assurée par des entreprises privées. Cette implication des entreprises de sécurité privées, véritable brèche dans un domaine régalien, n’est pas propre à la France mais peut être constaté partout en Europe et dans le monde. Ainsi, « le secteur privé de la sécurité représenterait en Europe quelque 1,7 millions de personnes, 50 000 entreprises et un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros ; l’Union européenne compterait 237 agents privés (contre 360 policiers) pour 100 000 habitants » (2). Or, cet abandon des missions régaliennes concerne des secteurs ultra-sensibles pour la sécurité nationale. Ainsi, la vérification des dossiers de demande de visa de ressortissants étrangers pour le compte des consulats de France est assurée, dans certaines pays, non pas par les services consulaires mais par des entreprises privées, comme l’est d’ailleurs la sécurité rapprochée de ces mêmes consultas et des ambassades...

Ne nous leurrons pas. Tout cela résulte d’une conjonction de deux volontés. La première est politique - je l’ai évoquée plus tôt - directement issue d’une vision libérale de la société et de l’économie. Dans ce cadre, l’État occupe encore une place trop importante eu égard à son inefficacité supposée. L’autre vision est économique. Tout cela coûterait trop cher. Derrière ce volet économique se cache entre autres la cour des comptes, qui depuis des lustres exhorte l'Etat à abandonner des missions régaliennes au motif que d’autres collectivités territoriales les exercerait (3). C'est donc le serpent qui se mord la queue et c'est surtout bien loin d’être vrai ! Ainsi, dans le domaine de la pénitentiaire, cette même cour des comptes écrivant dans un rapport de 2006 intitulé « Garde et réinsertion - La gestion des prisons » que « L’administration pénitentiaire a ainsi été l’un des premiers services de l’État à s’être engagé sur une grande échelle dans une démarche de partenariat avec le secteur privé. […] L’idée de faire gérer les établissements pénitentiaires par des opérateurs privés a semblé intéressante en ce qu’elle était l’occasion de moderniser les procédures et les méthodes de l’administration qui auraient ainsi évolué pour passer du « faire » au « faire faire » ». On ne saurait être plus clair !

Plus grave encore, cet abandon commence aussi à concerner la défense nationale. Dès 2000, Un « Guide de l’externalisation » (délicat euphémisme) a été publié par le ministère de la Défense, qui précise qu’elle (l'externalisation)  « consiste à transférer […] hors de l’administration concernée nombre d’activités ou de fonctions jugées autrefois indispensables au sein même de cette dernière » (4). Dans certains pays, l’entrainement des pilotes de chasse, le repliage des parachutes, le « catering » (la logistique nourriture) sont transférés à des entreprises privées. Et aux USA, on se rappelle lors de la guerre d’Irak l’intervention de ce qu’il faut appeler des mercenaires aux ordres de l’entreprise privée « Blackwater », avec un ratio soldat gouvernemental/mercenaire de 1 pour 1,12. Revenant en France, en 2002, cette privatisation de fait de pans entiers de l’activité militaire devenait déjà un phénomène massif : « si l’on exclut les rémunérations et les dépenses pour charges sociales, les crédits d’externalisation représentaient [à cette date] 16,8% du budget annuel de fonctionnement de l’armée » (4). Là où l'on nage en plein délire, c'est lorsque l'on compare les coûts. Selon un rapport récent du ministère de la défense, intitulé observatoire de l'Armée de Terre 2035 :  « Le bénéfice enregistré du fait de l’emploi de contractors [terme de "novlangue" utilisé pour parler d'intervenants extérieurs] reste relatif. Un fonctionnaire, en théorie coûte 25% moins cher pour le gouvernement qu’un contractor. L’avantage du contractor réside dans le non-paiement des retraites. [Cependant] les contractors représentent 50% du coût, alors qu’ils ne constituent que 30% des effectifs ». Comment donc ne pas y voir un choix entièrement idéologique !

Devant cette fuite en avant de l’État, que j'assimile quelque part à une trahison, et qui obéit à la double injonction que je décris ci-dessous, il reste peu de moyens d’actions. De courageux maires de Seine-Saint-Denis viennent de déposer plainte contre l’Etat pour « rupture d’égalité » (5). Et il est à craindre aussi que l’exaspération gagne la population. Le déclassement lié à l’abandon de ces missions régaliennes, la disparition de services publics de certaines zones est ainsi, à mon sens, une des causes du malaise personnalisé par les gilets jaunes. Or à ce jour rien n’est réglé. Ceci fait que je pense possible le retour d’une situation encore plus explosive en France, dès que le couvercle des restrictions sanitaires aura été retiré de la marmite...


Références :

1. Claudia Cohen. Pourquoi la vente controversée d’Alstom à General Electric fait à nouveau parler d’elle ? Le Figaro Economie. Juillet 2019.
Consultable en ligne :
https://www.lefigaro.fr/societes/pourquoi-la-vente-controversee-d-alstom-a-general-electric-fait-a-nouveau-parler-d-elle-20190724

2. Jacques Chevallier. La police est-elle encore une activité régalienne ? Archives de politique criminelle 2011/1 (n° 33), pp. 13-27. Cairn-Info.
Consultable en ligne :
https://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2011-1-page-13.htm

3. Matthieu Quiret. La Cour des comptes exhorte l'Etat à abandonner certaines missions en région. Les Echos. Décembre 2017
Consultable en ligne :
https://www.lesechos.fr/2017/12/la-cour-des-comptes-exhorte-letat-a-abandonner-certaines-missions-en-region-189032

4. Frédéric Rouvillois. L’externalisation ou comment recentrer l’État sur ses compétences essentielles. Fondapol. Avril 2008.
Consultable en ligne :
https://www.fondapol.org/app/uploads/2020/05/HS_Externalisation-1.pdf

5. Aurélien Soucheyre. Inégalités. Des maires portent plainte contre l’État. L’Humanité. Décembre 2018.


Crédit illustration :

Le mauvais procès fait aux fonctionnaires déconstruit en 6 points
Alternatives économiques. Avril 2017.

jeudi 17 juin 2021

RETOUR SUR UNE BONNE PETITE CLAQUE...



La très médiatisée claque reçue par le Président de la République, M. Emmanuel Macron, m’inspire quelques réflexions un peu décalées par rapport à toutes celles que j’ai entendues jusqu’à présent...

Autant le dire tout de suite, je ne soutiens, ni n’excuse, de quelque façon que ce soit ce geste, commis à l’encontre du président de la République. Ce genre d’acte, comme celui de l’enfarinage de Ms. François De Rugy ou Jean-Luc Mélenchon m’est insupportable. Mais on ne m’empêchera pas de penser que le verdict prononcé à l’encontre du coupable est assez emblématique du « deux poids, deux mesures ».

Premier volet de cette réflexion, nous parlons d’une violence physique et d’une condamnation plutôt très sévère pour un acte qui n’a entraîné aucune interruption temporaire de travail (ITT)*. Pour mémoire, l’avocat général avait requis dix-huit mois ferme. Le coupable a été finalement été condamné à dix-huit mois de prison dont quatre fermes pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Points remarquables : cette peine est assortie d’une privation de droits civiques d’une interdiction définitive d’exercer dans la fonction publique (elle sera inscrite au casier judiciaire n°2) et d’un mandat de dépôt à l’audience, signifiant une incarcération immédiate.

Or ce sont cette privation des droits civiques et l’incarcération immédiate qui me gènent… Pas en tant que telles, mais en comparaison d’autres peines pour des délits au moins aussi graves, en tous cas au regard de la loi. Ainsi si je regarde les condamnations de Mme et M. Balkany pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, corruption, prise illégale d’intérêt), il apparaît que ceux-ci ont effectivement été rendus inéligibles pour 10 ans et ont interdiction d’exercer un mandat dans une entreprise de gestions de fonds, mais aucun n’a été privé de ses droits civiques et aucun d’entre eux n’est incarcéré. Il en va de même pour l’inénarrable et ancien président de la République, M. Nicolas Sarkozy, condamné pour délits de « corruption active » et de « trafic d’influence » (appel en cours). Je pourrais ajouter beaucoup d’autres noms de politiques connus à cette liste, dont Ms. Alain Carrignon (5 ans fermes et 5 ans d’inéligibilité pour corruption) qui, lui, a effectué une peine de prison mais n’est pas déchu de ses droits civiques, Jérôme Cahuzac (4 ans dont 2 ans avec sursis, aménagés pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, non incarcéré), Claude Guéant (2 ans dont 1 ferme, interdiction d’exercer toute fonction publique pendant 5 ans, pour détournements de fonds, non incarcéré) ou François Fillion (5 ans dont 2 fermes, non aménageables, assortie de dix ans d’inéligibilité) , mais sans mandat de dépôt et sans privation de droits civiques (appel en cours).

Comme le disait Jean de la Fontaine, « que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Mais alors comment dans ces conditions demander à nos concitoyens de « faire confiance à la justice » ?


* note ajoutée le 22 juin :

J'avais été victime d'une agression similaire il y a trois ou quatre ans. Un récidiviste déjà condamné pour violence sur diverses personnes avait tenté de me frapper et j'avais esquivé son geste qui n'avait conduit qu'à la chute de mes lunettes. J'ai néanmoins déposé plainte. Au tribunal de police, l'individu avait été condamné à 800 euros d'amende et une obligation de soin... 


Crédit illustration :

L'État de fumier sur Twitter
“Fraude sociale contre fraude fiscale . Deux poids, deux mesures !”
Article de Nouvel Espoir

lundi 14 juin 2021

SURRÉALISTE COMMISSION ENVIRONNEMENT ET RURALITÉ




La commission environnement et ruralité s’est tenue voilà une grosse quinzaine de jours sous la forme d’une commission ouverte. Intéressant, pensais-je, cela pouvant permettre aux citoyens de se réapproprier ces thématiques. Espoir vite déçu par une commission aux allures de chambre d’enregistrement, et baignant dans un véritable flou artistique.

Premier élément de surprise, la municipalité n’a pratiquement fait aucune publicité pour cette réunion, hormis un court message perdu au milieu du site web de la mairie. Les participants à la précédente commission n’ont même pas été prévenus...

Premier point à l’ordre du jour, la carrière ECT pour laquelle certains des élus s’inquiètent du volume des dépôts. De façon très surprenante, l’adjointe à l’environnement ne connaît pas le contenu de la convention signée avec la commune, ni celui de l’arrêté préfectoral, documents pourtant disponibles en mairie. L’arrête définit ainsi un nombre camions, les itinéraires systématiquement possibles, ou ceux limités à certaines heures de la journée, et les flux correspondant. Faut juste le chercher et le lire !

Deuxième point, l’hydraulique, avec tout d’abord la transformation du bassin de rétention (ce n’est plus le nom actuel mais tout le monde le comprend) la rue Alice Milliat en zone humide et alimentation par détournement du Petit Muce. Outre que le Petit Muce, à cet endroit, ne coule que lorsque la pluviométrie l’y autorise (il est à sec la plupart du temps), il est important de rappeler que ce bassin est destiné à compenser les surfaces imperméabilisées dans le lotissement pour assurer la transparence hydraulique en exutoire de bassin versant, donc à l’entrée dans le fossé parcouru occasionnellement par le Petit Muce, le long de la départementale. Faire passer le ru dans ce bassin est un non sens, car en cas de très fortes pluies, il sera rempli très largement avec un risque de débordement. Certes ce bassin ne se remplit que lors de très forts événements pluvieux, et en des années de mandat, je ne l’ai vu déborder qu’une seule fois, lors de l’événement centennal que nous avons vécu en juin 2018 ; mais le risque est là. Par ailleurs, retoucher ce bassin - et particulièrement le recreuser - implique, même avec un audit du PNR et au delà un éventuel portage par le syndicat de l’Orge, l’avis de la police de l’eau.

L’autre point hydraulique évoqué est la modification du tracé du Petit Muce. Flou artistique ici autour du fait que les élus présents ce jour n’ont pas présenté de tracé et projet précis. De même, l’entretien des berges du ru semble leur poser problème, les élus ne sachant pas qui doit l’assurer. Pourtant tout est dit dans la Code de l’Environnement et le Code Rural. Il y a aussi un DGS en mairie qui est le référent à qui poser la question... Pas compliqué ! Autre point, et pour éviter toute polémique inutile, je ne citerai pas l’auteur des propos tenus : les bassins du pré aux chevaux et de Vitalis déborderaient. On voit là ceux qui connaissent les dossiers et ceux qui les ignorent. Et ceux qui ne ressortent pas quand il pleut et ceux qui le font, ce qui est pourtant nécessaire pour identifier les origines des arrivées d’eau de ruissellement. Deux précisions donc. Précision numéro 1 : le bassin Vitalis est souterrain, il a la forme d’une cuve étanche, et il ne peut donc déborder ! Précision numéro 2 : les bassins du pré aux chevaux n’ont jamais débordé, grâce à la vigilance des services techniques et des élus d’astreinte qui sont intervenus plusieurs fois pour déboucher les exutoires bloqués par des sacs plastique, du polystyrène et autres matériaux de chantier, même lors des orages de juin 2018, où je les ai vus remplis à ras bord ! Ceci est dit et met un terme à ces propos qui relèvent plus du café du commerce que de la réalité !

L’aspect surréaliste de la commission réside dans le fait que l’adjointe à l’environnement ne paraît pas connaître pas un certain nombre de ses dossiers, ce qui est possible en début de mandat, mais ne devrait plus être le cas un an plus tard, tout en ne mesurant pas les conséquences de ces lacunes… Ainsi, elle semble ne pas être à l'aise avec les chemins ruraux (CR) de Forges. Elle admet avoir été dans l’impossibilité de dire à la gendarmerie où elle se trouvait lors de la rencontre avec des quads ou autres motos de cross sur ces CR, que des proches de l’actuelle liste majoritaire voudraient pourtant tolérer dans ces chemins sous réserve d’une vitesse modérée. Or le problème n’est pas seulement la vitesse, mais aussi le bruit généré par ces engins et les dommages qu’ils causent aux chemins... Au sujet des CR, je rappelle qu’il existe en mairie un guide les décrivant, avec carte, guide que j’avais pondu avec l’aide de M. Pierre Audonneau et de Forgeois intéressés par ce sujet voila une dizaine d’années...

Non moins surréaliste, le fait que la même adjointe à l’environnement semble également ignorer le processus de désherbage de la commune et qu’il existe à Forges une désherbeuse thermique. Elle ne sait pas non plus où interviennent les services techniques sur les trottoirs, ni ceux qui relèvent de voirie privée ou de l’espace public (ceci dit elle n’est pas la seule des adjoints), ni même le nom de certaines rues de la commune. 

Plus grave à mon sens, cette commission dite « ouverte » a pris in fine le visage d’une chambre d’enregistrement. Les projets n’ont qu’à peine été discutés, et les Forgeois n’ont que peu eu la parole, à part un proche de la liste majoritaire actuelle. Tout s’est donc passé comme si les décisions avaient été prises une fois pour toutes « ailleurs », alors que, précisément, le rôle d’une commission communale est de les discuter en profondeur, de les valider ou de les invalider... Sans doute est-ce là la conception de la transparence démocratique de la liste majoritaire.

Par ailleurs, cette commission s’est conclue par un morceau d’anthologie. Interrogée par une des participantes sur la convention « Notre Village – Terre d’Avenir » signée par l’équipe municipale précédente, l’adjointe avoue n’avoir pas pris connaissance de son contenu dont elle ne décrit que l’épaisseur rébarbative du document. Point de vue confirmé par Mme la maire et un de ses proches, décrivant cette convention comme inutile, et n’ayant conduit qu’à la pose d’un totem dans le parc de la mairie. Quelle vision affligeante de l’opération ! Cette convention a, en effet, permis d’engager une réflexion portée sur l’environnement au sens large dans la commune, menée non pas par l’ancienne municipalité (même si elle l’a portée) mais par de nombreux Forgeois. Je ne les ai pas comptés avec précision, mais ce sont  une cinquantaine d’habitants de notre commune qui ont travaillé pendant des soirs et des week-ends entiers sur cette convention, y compris en termes rédactionnels. Le document présenté comme un pavé par les élus municipaux actuels est en fait le fruit du travail des citoyens. Le mépris dont fait preuve, encore une fois, Mme la Maire et son équipe vis à vis de l’implication et de la capacité associative des Forgeois est incommensurable, et témoigne d’une absence de considération des administrés. Pitoyable !


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D'après : 

lundi 7 juin 2021

VOUS AVEZ AIMÉ LA PANNE DES NUMÉROS D’APPEL D’URGENCE ?


Alors vous allez adorer la fin du réseau téléphonique commuté !

Le réseau téléphonique commuté, ou RTC, c’est le réseau historique de téléphonie fixe. Il fait que chaque téléphone fixe est relié, essentiellement par fil de cuivre, au commutateur installé dans un central téléphonique. Chaque appel d’un fixe vers un autre téléphone passe par cette ligne, qui renvoie du commutateur local sur un autre commutateur si l’appel est à destination d’un téléphone fixe, ou vers un autre commutateur et une antenne-relais si l’appel est à destination d’un portable.

L’intérêt du RTC est sa robustesse et le fait que les téléphones fixes qui reçoivent l’appel n’ont pas besoin d’être alimentés en énergie. Le courant d’appel, celui qui fait « sonner » le téléphone est en effet fourni par la ligne RTC, et les appareils de téléphone sont autonomes. Or le RTC vit ses dernières années. Il est ainsi impossible depuis peu de faire ouvrir une ligne fixe utilisant cette technologie et déjà plusieurs communes de France sont passées du RTC à la nouvelle norme, appelée « voix sur IP ». Dans ce système, votre voix captée par le micro fourni un signal analogique qui doit être transformé en signal numérique, seule information transportable dans un système voix sur IP. Le signal numérique sera acheminé jusqu’au correspondant, chez qui il sera décodé et transformé de nouveau en signal analogique, seul signal audible par notre oreille. Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur tous ces points, la lecture des pages wikipédia en référence pourrait s’avérer d’intérêt (1).

La voix sur IP offre bien entendu des avantages tels qu’une meilleure compatibilité avec l’acheminement des autres signaux numériques sur nos lignes, et donc une limitation des équipements destinés à acheminer d’un côté la voix, et de l’autre l’internet, la télé, etc. Cette simplification doit a priori entraîner une réduction des coûts des communications, mais celui-ci pourrait être obéré par la mise en service de la fibre optique. Egalement, le numérique est en théorie au moins, moins sensible aux sons parasites. En réalité, la plupart des avantages de la voix sur IP se trouvent plutôt du côté de l’opérateur, plus que de l’utilisateur qui, lui, ne devrait pas voir de changement majeur pour son quotidien. C’est en tous cas le discours tenu par l’autorité de régulation et par les opérateurs. Car au final, il faut préciser que les anciens téléphones dont nombre de foyers sont encore équipés ne seront plus fonctionnels en voix sur IP. Il faudra donc changer certains de nos appareils et je ne suis pas sur que cela sera pris en charge par l’opérateur.

Ceci dit, le vrai problème que pose cette migration est à mon sens lié au fait que cette technologie ne fonctionne que si les téléphones sont alimentés en énergie. En cas de panne de courant, il n’y aura plus de liaison téléphone, un peu à l’image de ce qui se passe aujourd’hui pour l’accès internet via la « box » familiale. Si la panne est courte, pas de problème. Il sera d’ailleurs toujours possible d’utiliser les téléphones portables, en tous cas pour ceux qui en ont, soit environ 90 à 95 % de la population. Là où l’affaire se compliquera, ce sera lors d’événements climatiques mettant à mal l’alimentation électrique de nos domiciles, et celle des antennes relais. En moyenne, un téléphone portable dispose d’une autonomie de 24 heures, 48 heures au mieux si on coupe les fonctions wi-fi, bluetooth et « data » (2G-4G) et on éteint l’écran. Les antennes relais disposent, elles, d’une autonomie de 2 à 24 heures, très rarement plus, qui dépendra aussi de l’intensité de leur utilisation. Plus il y aura d’appels, moins l’autonomie des antennes sera importante. Cela veut dire que si une région est soumise à une tempête violente, avec des coupures d’alimentation électrique, il sera impossible de téléphoner en fixe lors de la coupure, et par le portable si celle ci-dure plus de 24/36 heures. Pour mémoire, certaines régions de France ont été privées d’électricité pendant 3, 4, voire 5 à 7 jours, encore récemment suite à des aléas climatiques d’importance. À Forges par exemple, la tempête de 2000 avait produit des coupures d’une durée de l’ordre de 5 jours dans certains des secteurs de la commune. Dans ces conditions - où l’ancien réseau en RTC aurait continuer de fonctionner - il sera impossible d’appeler les secours, alors que la probabilité d’en avoir le besoin s’accroîtra. Je rappelle aussi que nombre de dispositifs, tels que télésurveillance des biens et personnes y compris personnes âgées, ou système d’appels de secours des ascenseurs, fonctionnent toujours via le RTC (1)...

Nos sociétés sont des géants aux pieds d’argile, et parfois le progrès ne va pas dans le sens de la résilience, d’autant que la fréquence des événements climatiques violents est, selon toute probabilité, amenée à augmenter...



Références :

1. Pages Wikipédia
Réseau téléphonique commuté :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_t%C3%A9l%C3%A9phonique_commut%C3%A9

Boucle locale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Boucle_locale_en_France

Commutateurs téléphoniques
https://fr.wikipedia.org/wiki/Commutateur_t%C3%A9l%C3%A9phonique

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Telephone Socotel S63
Vu sur Etsy :
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samedi 5 juin 2021

MISÈRE DE LA RECHERCHE PUBLIQUE FRANÇAISE. III. ENTRE DÉFIANCE ET ÉVALUATION PERMANENTE.



Je termine ici la série des articles dédiés à la misère de la recherche publique française en abordant deux problèmes majeurs : la défiance de nos élites vis à vis de la recherche et de la fonction publique, et l’évaluation permanente, pratique issue du « benchmarking » cher aux managers du privé.


Liée à la méconnaissance complète de l’activité de recherche dont font preuve nos élites, il est incontestable que ces dernières se méfient de la recherche ! D’où une volonté de « contrôle » s’exerçant à tous les étages. Ainsi, contrairement à une idée reçue, les scientifiques font partie des gens les plus évalués au monde dans leur travail. Cette évaluation vaut pour les demandes de crédits que j’évoquais dans le premier article, mais aussi lors de la publication de nos données dans les revues scientifiques. Nous devons aussi fournir un rapport succinct d’activité tous les ans, et un rapport approfondi tous les 2 et 5 ans, rapports qui seront examinés en commission d’évaluation. S’y ajoutent les entretiens annuels d’activité… Bref, entre tous ces items, j’estime que le travail d’un chercheur est l’objet d’une évaluation partielle tous les mois voire tous les deux mois en moyenne. De façon paradoxale, une partie de ces évaluations se fait par ce que l’on appelle les pairs, c’est à dire d’autres scientifiques, car on voit mal un administratif évaluer la pertinence d’un projet de recherche pointu. Si ceci paraît normal pour tenter de valider la qualité d’une publication scientifique, il n'en reste pas moins vrai que nos élites, en France, ont toujours estimé que ces évaluations étaient un du. Les personnels ne sont donc pas rémunérés pour cela. Cette « gratuité » de l’évaluation a conduit au cours des 20 dernières années à des abus, avec une multiplication des demandes dévaluations, y compris pour des questions mineures, ou des demandes financières de l'ordre de quelques kilo-euros. Par ailleurs, personnels mais aussi labos, font l’objet d’évaluation a posteriori (ce que l’on peut comprendre puisqu’il s’agit d’argent public dont on peut vérifier la dépense) mais également maintenant a priori, sans qu’une évaluation positive ne se traduise par un engagement de la tutelle à un financement ad hoc.

Pris dans la tenaille de l’évaluation permanente, issue du formatage idéologique du « bench-marking » cher au monde de l’entreprise privée, les chercheurs et enseignants chercheurs, comme d’autres corps de la fonction publique, ont réagi en analysant ce qui les conduit à une bonne ou une mauvaise évaluation. Ils ont donc ajusté leurs comportements pour cocher le maximum de cases des tableaux d'évaluation, ce que j’appelle « l’excelisation » de nos activités. Élément central de l’évaluation : la publication scientifique, étape finale du travail de recherche qui permet à un chercheur de faire partager et connaître ses travaux. Ces publications sont évaluées en partie sur leur qualité, mais aussi et surtout sur la quantité par certains. Or, elles servent d’éléments d’appréciation pour la solidité des projets de recherche que déposera le chercheur. En d’autres termes, plus vous publiez, plus vous êtes crédibles. D’où la dérive du « publish or perish » (publier ou mourir) qui fait que l’on doit publier à tout prix, avec deux conséquences : un saucissonnage des travaux et un risque de fraude scientifique. Le saucissonnage, c’est passer, pour un travail donné, trois articles de moindre intérêt dans des journaux très corrects plutôt qu’un seul, remarquable, dans une revue de haut rang, car cela demande plus de temps et expose à un risque de rejet accrue de la publication. La fraude, c’est de publier des données non vérifiées, voire, et cela arrive malheureusement, des données trafiquées. 

Cette méfiance des élites se retrouve dans le contrôle administratif et financier auquel sont soumis les laboratoires. Il y a quelques années, nous étions astreint à la remise en concurrence au premier euro pour toute commande non interne. Ceci conduisait à demander 3 devis, à trois sociétés non liées. Mon équipe alors passait une dizaine de commandes par semaine, pour des produits tels que gélifiant pour milieu de culture, antibiotique, kit de biologie moléculaire, etc. Rien d’extraordinaire, juste la vie d’un labo lambda. Ces demandes de devis, suivies de leur analyse et du passage des commandes finales, dans lesquels il fallait remplir des codifications invraisemblables, occupait ma technicienne de l’époque une journée par semaine soit un coût consolidé mensuel (incluant les cotisations sociales) de l’ordre de 1000 euros ! J’avoue avoir tenté de bloquer le système un jour en ajoutant des codes inappropriés à la commande (du genre matériel nucléaire protégé, ou peinture de bâtiment) sans que cela ne soulève la moindre interrogation dans la chaîne de traitement de la commande... Tout cela a pris fin après une ou deux années de protestation des chercheurs. Nous avons d’ailleurs reçu un jour la visite de deux messieurs du ministère des finances, venu auditer l'ensemble des équipe du laboratoire et le service finance. Ils sont repartis blêmes trois jours plus tard en nous disant « nous ne réalisions pas le nombre de commandes qu’un laboratoire peut passer toutes les semaines. En laboratoire, le système mis en place ne peut convenir ». Effectivement !

Cette méfiance se retrouve également dans la gestion globale des crédits et dans la façon dont il est possible de les dépenser. Les équipes de recherche, pour palier le manque de succès d’une année sur l’autre aux propositions de projets de recherche qu'elles ont déposées (entre 80 et 90 % de rejet, voir articles précédents), ont tendance à faire des économies, c’est à dire moins dépenser que ce qui est prévu. Ce n’est pas bien du tout pour l’administration centrale, et particulièrement les services financiers sous la coupe de Bercy, qui estime dès lors que nous avons triché dans la demande de crédits en demandant trop et qui nous menace alors de nous retirer les crédits « restant » en fin d’année. Il était possible, il y a encore une dizaine d’années, par des jeux d’écriture légaux, de basculer ces montants sur des lignes de crédits pérennes (appelés fonds propres) mais depuis 4 ou 5 ans, cela devient de plus en plus compliqué et oblige à mettre en place des procédure de type système D, à la limite de la légalité (même si elle restent encore du bon côté), procédures que je ne détaillerai pas ici pour d’évidentes raisons mais qui constituent encore des pertes de temps supplémentaires...

Un mot également sur les déplacements, ce que l’on appelle les missions. Préalable à tout déplacement professionnel, il est nécessaire de remplir une demande d’ordre de mission. C’est un 4 pages, où l’on dit où et pourquoi nous nous déplaçons. Pour l'étranger et certains pays, il faut aussi l'avis du fonctionnaire de défense qui peut, sans justification, bloquer votre demande. Je me rappelle ainsi avoir reçu un avis suspensif en attente d'entretien pour une mission dans un pays où la France négociait un très gros contrat d'armement. Le fonctionnaire de défense de l'époque souhait me rencontrer pour savoir à qui il avait affaire, sans que nous n'ayons jamais évoqué le projet de recherche que je portais... Il faut ensuite acheter les billets de train ou d’avion, sur un site dédié marché public, idem pour la réservation d’hôtel (et non il n’y a pas de secrétaire pour faire cela !). Pendant des années, il fallait avancer les fonds pour se faire rembourser entre 2 et 6 mois plus tard. Je me rappelle avoir du « sortir » pendant longtemps presque 10 000 euros de frais de déplacement tous les ans, dont j’ai bien entendu été remboursé, mais toujours tardivement. Là ou le contrôle est particulièrement visible, c’est qu’il vous est impossible de choisir un hôtel plutôt qu’un autre, sauf si aucun ne figure sur le site du marché public pour la ville de destination. Je me rappelle de deux colloques auxquels j’ai assisté, qui se tenaient dans un centre de conférence avec nombre d’hôtels à proximité. Malheureusement, aucun de ceux-ci ne figurait au catalogue des marchés. J’ai donc été obligé de prendre l’unique hôtel de cette ville au catalogue, à plus de 5 km du centre de conférence, donc éloigné des autres participants, si je tenais à être rembourse à plein, faute de quoi mon allocation nuit tombait à 60 euros. Pour information, mon allocation de déplacement en France en 2019 se montant à environ 120 euros jours, sur lesquels il faut payer hôtel, petit déjeuner déjeuné et dîner. Pas de quoi faire des folies, et pour être franc, la plupart d’entre nous en sommes toujours un peu de notre poche au sortir d’une mission. J’ajoute également qu’il faut prouver que nous avons bien assisté au congrès : pour cela il est nécessaire de demander une attestation de présence à l’organisateur. Événement ubuesque, lors d’un congrès international dont j’étais l’organisateur principal en France, j’ai du signer de ma main une attestation certifiant que j’avais bien assisté à ce colloque, faute de quoi mon administration de tutelle menaçait de ne pas me rembourser de mes frais… Si je compare avec une mission faite aux USA des années plus tôt, il suffisait là bas de demander l’accord du responsable de l’équipe pour partir, puis de remettre au retour ses notes de frais. Remboursement immédiat par le service finance de l’université après un simple appel téléphonique de confirmation à mon responsable d’équipe…

Un dernier mot dans ce long article pour évoquer la question des salaires, ou plus exactement des traitements puisque nous sommes fonctionnaires. Rien de mirobolant, contrairement à des données fantasmées que j’ai lues à droite et à gauche. Chercheur ou enseignants-chercheurs (fac, CNRS, INRA, INSERM), les grilles sont les mêmes sauf au CEA dont les personnels ne relèvent pas de la fonction publique. Salaire de début pour un ou une technicien/technicienne : autour de 1 400 euros net avec une fin de carrière pour 90 % d’entre eux ou elles à environ 2 000 euros net. C’est à ce « tarif » là que notre employeur rémunère des collègues spécialistes de spectrométrie de masse, de chromatographie, dont certains bossent aussi la nuit ou le week-end sur les lignes de lumière du synchrotron (sans supplément salarial bien sur!)… Pour les chercheurs ou enseignants, embauchés à bac + 10 (doctorat plus 2 ans d’expérience à l’étranger) : autour de 1 800 euros net par mois, plus 1 500 euros de prime annuelle. Fin de carrière pour les 2/3 d’entre eux comme maîtres de conférences ou chargés de recherches autour de 3 500 euros net/mois. Les professeurs de fac et autres directeurs de recherches verrons, eux, leur rémunération culminer autour de 4 500 euros net/mois, avec les responsabilités qui vont avec, soit l’encadrement d’une équipe moyenne d’une dizaine de personnes, ou la direction complète d’un département d’une à plusieurs centaines de personnes. Même si on ne peut se plaindre à niveau de revenu, j’ai l’impression que l’État-employeur ne fait pas, globalement, une mauvaise affaire !

Tout ce qui précède montre que les personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur évoluent dans un climat pesant, dans lequel il devient de plus en plus difficile de se mouvoir entre contraintes financières, administration tatillonne, règlements ubuesques, faiblesse des subsides, et globalement méfiance pour ne pas dire défiance des nos élites, si éloignées de la recherche qu’elles n’en comprennent pas le fonctionnement. J’ajoute que le tout n’est pas compensé par des revenus salariaux proportionnels aux compétences ou aux responsabilités. Ma description de la situation ne se veut en aucun cas exhaustive, mais c’est une partie du panorama de l’activité de recherche qui explique pourquoi la France recule dans un domaine qui est compétitif. On ne peut demander à un coureur de courir un 100 mètres comme ses adversaires, si son entraîneur et sa fédération jouent contre lui, et lui imposent le port de boulets aux pieds. Le trait est forcé, mais somme toute, pas tant que cela...


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Loi sur la recherche : pourquoi les chercheurs se mettent en grève ce jeudi. L'Express. Mars 2020.
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/loi-sur-la-recherche-pourquoi-les-chercheurs-se-mettent-en-greve-ce-jeudi_2120119.html


jeudi 3 juin 2021

AU SUJET DE LA RÉSERVE COMMUNALE DE SÉCURITÉ CIVILE

Pris par d'autres projets, et un réinvestissement dans plusieurs associations Forgeoises, j'avais laissé tomber cet article. Je retombe sur une publication ancienne municipale relative à cette thématique, et c'est donc pour moi l'occasion de dire ce que je pense du projet...

Le but de cette réserve est de pouvoir faire face, en cas de crise locale, à des besoins particuliers, en renfort des services municipaux. C'est très cadré (1), et cela peut être intéressant dans le principe. Cependant, la première réflexion qui me vient en tête c'est de me dire que cette tâche est du ressort entier et premier des élus. Avant de demander au citoyen de s'activer, il me semble qu'il faudrait en effet que les élus s'y collent !

Lors de précédents mandats, suite à des pluies violentes, des incendies de maison, c'est l'élu d'astreinte qui réagissait avec les moyens des services techniques, même en pleine nuit ou le week-end. Combien de fois, les adjoints, avons-nous été réveillés par les pompiers ou les gendarmes, qui pour un accident de la route, qui pour un incendie, qui pour entrer dans un domicile, qui pour un suicide, qui pour un déséquilibré menaçant ? Avec des décisions à prendre pour bloquer une route, interner d'office, baliser, casser une porte, aider au nettoyage d'un secteur, etc. Et lorsque l'élu d'astreinte ne suffisait pas, il appelait alors le maire, qui mobilisait les autres adjoints et les autres élus, voire leur famille. Je me rappelle un incendie où il a fallu trouver en urgence des bâches pour protéger une toiture détruite, un accident où il a fallu couper une départementale le temps de procéder au retrait des blessés et des véhicules, la DDE étant inaccessible, un autre incendie où les pompiers ont travaillé de 23h00 à 01H30 avec le soutien de café préparé par la famille d'élu faisant la navette, ou les inondations où nous avons aussi coupé des routes et aidé à sortir des personnes âgées bloquées dans leur voiture avec de l'eau par dessus nos bottes du côté de Pivot...    

Je ne raconte pas tout cela pour me faire mousser, mais juste pour dire que tout cela va avec le mandat municipal. Etre élu, ce n'est pas faire le beau ou la belle au marché ou sur les réseaux dits sociaux ! Or si j'en crois différents retours et mon expérience personnelle, j'ai comme la vague impression (mais peut être me trompé-je) que le téléphone d'astreinte n'est plus d'une grande utilité pour signaler un problème, et que la notion même d'astreinte de certains des adjoints n'est plus trop à l'ordre du jour, ce fameux téléphone sonnant disons de "temps en temps" dans le vide. Alors, mobiliser des Forgeois, pourquoi pas, mais encore faut il que l'exemple vienne d'en haut, et là, y'a comme une grosse marge de progrès !    


Référence :

1. Ministère de l'intérieur. Réserve communale de sécurité civile.
Consultable en ligne :
https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/reserve-communale-securite-civile




mercredi 2 juin 2021

MISÈRE DE LA RECHERCHE PUBLIQUE FRANÇAISE. II. LA MECONNAISSANCE DES DIRIGEANTS.

 


J’expliquais dans un premier article en quoi la recherche en France est dans un état indigne de notre pays. Je faisais le constat de son sous-financement chronique, de la pression constante mise sur les scientifiques pour la chasse aux subsides, du temps perdu qui en résulte, le tout trouvant son origine dans des choix politiques qui font de la recherche et de l’enseignement supérieur, depuis au moins 20 ans, une non-priorité.

Tout ce qui précède peut grandement s’expliquer par la méconnaissance qu’ont nos dirigeants de l’activité de recherche. Ceux-ci ont en effet été formés dans de grandes écoles, formatés pour se conformer à des modèles économiques et des modes de pensée très éloignés de ceux du monde de la recherche, que certains méprisent d’ailleurs. Je me rappelle de réunions où je représentais le département Environnement et Développement Durable du CNRS, et d’autres de mes collègues, de l’INRA, l’INSERM ou d’autres opérateurs de recherche, dans des ministères ou à l’ANSES, où ceux que mes collègues et moi appelions les « costards », repérables à leurs costumes deux ou trois pièces, n’avaient aucun scrupule à nous dire ce que nous devions chercher, et comment, jusqu’à temps qu’on leur démontre que les travaux étaient déjà en cours, voire parfois même terminés. Le problème est que dans ce type de réunion, nous étions 4 ou 5 à représenter les instituts de recherches, et nous trouvions confrontés à 30 personnes de différents ministères et services. Ceci révèle à mon sens un problème généralisé de la fonction publique en France : nous avons trop d’administratifs et pas assez d’opérationnels...

Je me rappelle aussi avoir été sollicité par ma directrice au CNRS pour rédiger à sa place un article sur « recherche fondamentale et recherche appliquée » pour la revue des anciens élèves de l’ENA, où j’ai tenté d’expliquer pourquoi il est difficile, voire illusoire, de piloter la recherche tant les découvertes majeures sont le fruit du hasard et de la capacité des scientifiques à réaliser « qu'ils sont sur quelque chose d'important », ce que les anglo-saxons appelle sérendipité. Je citais pour cela un ancien président de l'académie des sciences qui disait « ce n’est pas en cherchant à améliorer la bougie que l'on a  découvert l’électricité »... Pas sur que cet article ait servi à grand chose. A ce stade, il  me parait important de préciser que ce poids des écoles administrations ou des grandes écoles est une spécificité française. Aux USA, au Canada et dans nombre de pays européens, il suffit de dire que vous êtes docteur (quelle que soit votre spécialité) pour vous ouvrir de nombreuses portes, y compris dans les banques ! En France, il a fallu attendre 2009 pour que la cour de cassation rappelle simplement que le titre de docteur pouvait être porté et mentionné par les titulaires de tout doctorat de troisième cycle (donc pas seulement par les médecins), et la loi de juillet 2013 pour voir cette jurisprudence gravée dans le marbre... Cependant, même aujourd’hui, dans nombre d’entreprises, le diplôme de doctorat reste à peine reconnu, et ceci n'est pas lié à la qualité des doctorants... 

Soyons très clair, le fossé que je décris plus haut entre membres de la haute fonction publique, responsables d’entreprises, cadres sup « plus plus plus », politiques de haut rang d’un coté, et monde de l’enseignement et de la recherche de l’autre s’apparente fortement à un fossé de classe*. Là les dirigeants, et ici les exécutants. Comme le disait « Blondin », joué par M. Clint Eastwood dans un western célèbre « Le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un revolver chargé, et ceux qui creusent. Toi, tu creuses ». Une belle allégorie du capitalisme à mon sens, mais explicatif également d’une partie des problèmes de la recherche. « Certains de leurs certitudes », nos dirigeants appliquent leur cadre intellectuel formaté, à la recherche, sans en connaître les rouages et les complexités. D’où, par exemple, une volonté d’économies maximales ; en effet , dans ce cadre, l'activité de recherche est considérée comme « centre de dépense » et aucunement comme « centre de profit ». Il est vrai qu’il est difficile de savoir ce que rapportent la recherche et l’enseignement supérieur. Mais comme le disait Abraham Lincoln : « si vous pensez que l’enseignement coûte trop cher, essayez l’ignorance »...

Conséquence de cette stricte vision comptable, qui oublie les missions premières, on rogne sur tout, y compris sur les postes en recourant massivement à de la sous-traitance. Quand cela concerne le nettoyage des locaux, ou la restauration, on peut en discuter car l’impact sur l’activité de recherche reste modérée (quoi que !). Quant il s’agit de l’entretien des bâtiments, des machines, des équipements mi-lourds, là, la question de la pertinence de ce choix - autant économique qu’idéologique - se pose. Quand j’ai commencé mon activité à Gif, nous disposions de 6 à 7 personnes aux services techniques pour l’entretien de routine du bâtiment, des appareils légers (petits appareils de laboratoire) et mi-lourds, de type groupes froid, groupes chaud, agitateurs gros volume, congélateurs -80°C, serres de culture, etc. pour un effectif de 120 personnes. C’était en 1990. A ma cessation d’activité, en 2020, dans un institut de 700 personnes, nous ne disposions plus que de 4 personnes pour le petit entretien, tout le reste étant sous-traité à des entreprises privées. Or les pannes sur les groupes froids dans les chambres de culture, ou en serre, nécessitent une intervention immédiate H24, 7 jours sur 7, ce qui était possible avec les personnels CNRS d’astreinte logés pour beaucoup quasiment sur site. Avec le sous-traitant, ce n’est plus possible. L’entreprise de génie climatique se trouvant par exemple dans le département 77, il lui faudra 2 heures pour intervenir en semaine à Gif, largement le temps de voir mourir nombre d’organismes cultivés en labo. Mon équipe, et elle n’est pas la seule, a perdu lors des 15 dernières années où le recours généralisé à la sous-traitance a explosé, au moins 5 à 6 mois de recherche. Si je fais le calcul des pertes en matériel, plus celles en salaire mois/hommes, on s'aperçoit vite que la pseudo économie que nos élites pensaient faire en sous-traitant certains métiers n’est finalement que de la poudre aux yeux. Dans un milieu ou la compétition internationale est forte, 6 mois de retard peuvent vous faire passer du rang de pionnier dans votre domaine, au rang de simple suiveur. Mais vu de Bercy ou de Matignon, quelle importance ?

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* Je reviendrai dans un autre article sur les questions des classes sociales et de leurs intérêts contradictoires, que Marx et d’autres avant lui, comme François Guizot, ont théorisés. D’aucuns prétendent que la lutte des classe n’est plus un sujet aujourd’hui (c’est un des aspects de la pensée macroniste), mais cette vision se trouve contredite par le mouvement des gilets jaunes même si celui-ci ne doit pas être seulement analysé via une grille de lecture architecturée autour de ce concept. 



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Photo: Annik MH de Carufel pour Le Devoir.
https://www.ledevoir.com/societe/science/521442/science-pres-de-4-milliards-pour-la-recherche

lundi 31 mai 2021

LE SIAL EN EAUX TRÈS, TRÈS TROUBLES...



J’ai expliqué dans deux articles précédents comment fonctionnait l’épuration des eaux usées dans notre commune et dans certaines communes avoisinantes qui, comme la notre, ont délégué la gestion intercommunale de ce dossier au syndicat intercommunal d’assainissement de la région de Limours (SIAL) (1). Le problème auquel notre commune et les communes de Briis, Limours et Pecqueuse sont confrontées réside dans l’absence de budget 2021 du SIAL, entraînant de facto le blocage de son fonctionnement.


Depuis, mon dernier article (2), la situation du SIAL s’est sensiblement dégradée. Le débat d’orientation budgétaire (DOB) s’est tenu il y a une quinzaine de jours, dans une ambiance lourde. Les données du DOB, qui permettent à une collectivité (syndicat comme commune) de réfléchir à ses budgets à venir, ont soulevé de nombreuses questions des délégués, dont la plupart sont restées sans réponse de la part du président. Sa démission a été évoquée, mais selon mes informations, ce dernier aurait refusé cette issue honorable. Par voie de conséquence, les délégués ont refusé de prendre acte du DOB, ce point de l’ordre du jour ne donnant pas lieu à vote.

Lors du dernier conseil syndical, le président a néanmoins tenté de présenter un budget pour le SIAL, mais les délégués ont rapidement fait remarquer que le budget était sensiblement erroné tant en recettes qu’en dépenses. Ainsi, les reversements d’assainissement en provenance du SIAEP Eau Ouest Essonne ne semblaient pas y figurer, ni d’ailleurs les sommes à investir pour l’opération de renouvellement des membranes d’ultrafiltration, qui devient très urgente. Assez logiquement, les délégués des communes ont donc décidé de ne pas voter le budget en l’état.

Cette absence de vote peut avoir des conséquences lourdes. La première est financière : le SIAL risque la mise sous tutelle de services préfectoraux qui ne feront aucun cadeau en termes financiers. S’il est nécessaire de lever 1 million d’euros pour le fonctionnement du syndicat, la préfecture recalculera la redevance d’assainissement qu’elle fera imputer sur les factures d’eau. Il n’est pas inenvisageable de voir cette redevance multipliée par 2, ce qui porterait le coût du mètre cube d’eau vendu et épuré autour de 7 euros au lieu de 5 à 5,5 aujourd’hui. Si un tel événement malheureux devait se produire, il faudra que la régie communique en détail, car je pressens que certaines personnes pourraient tenter, sur les réseaux dits sociaux, d’imputer cette hausse à la régie. Soit dit en passant, la régie Eau Ouest Essonne est actuellement impactée par l’absence du budget du SIAL. Elle continue en effet de collecter la redevance d’assainissement pour le compte du SIAL, alors qu’en toute logique elle ne le devrait pas puisque le budget SIAL n’existe pas. Les responsables de la régie ont heureusement pris langue avec les services préfectoraux et le Trésor Public pour gérer au mieux cette situation ubuesque.

Autre problème, technique celui-ci, le risque de voir les membranes de la station se rompre sous l’effet de leur « encrassement ». Il devient en effet nécessaire d’appliquer des différences de pression de plus en plus fortes pour compenser cet encrassement et assurer la filtration, ce qui risque de conduire à une rupture de membrane et donc au déversement dans le milieu naturel d’eaux usées non épurées. Egalement, en cas d’arrêt des pompes et en l’absence de budget permettant leur réparation ou leur échange, on pourrait aussi observer un remplissage anormal des bassins d’aération. Or, comme je le décrivais dans un article précédent, la station est dotée de dispositifs de sécurité, dit « by-passes », qui s’ouvrent en cas de sur-remplissage des bassins. L’effet sera le même que précédemment, à savoir une pollution du milieu naturel par déversement d’eaux non épurées, et cette pollution sera d’autant plus notable que nous arrivons progressivement à l’étiage pour la Prédecelle...

Je ne sais pas quelle solution apporter au problème, même si j’en envisage au moins une. Ce qui est certain, c’est que les communes de Limours et Pecqueuse, ainsi que celle de Forges, à l’exception d’un de ses délégués, qui ont porté l’actuel président du SIAL à ce poste, probablement pour des raisons de basse politique, ont une responsabilité forte dans ce dossier. Elles ont donc l’obligation de trouver une solution au problème. Par ailleurs, je n’aimerais pas que la gestion calamiteuse du SIAL par un membre de l’actuelle majorité municipale conduise à une petite catastrophe environnementale, que les communes voisines ne manqueront pas d’attribuer à Forges...


Références :

1.Histoires d’assainissement. I. Comment cela fonctionne-t-il à Forges ?
Ce blog :
https://dessaux.blogspot.com/2021/04/histoires-dassainissement-i-comment.html

2. Histoires d’assainissement. II. Quel avenir pour le SIAL ?
Ce blog :


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jeudi 27 mai 2021

UN CERTAIN MÉPRIS POUR LE MONDE ASSOCIATIF



J’ai déjà relaté sur ce blog les relations difficiles entre la municipalité et certaines associations Forgeoises, relations difficiles qui se sont exprimées de façon concrète au travers de la mise en place d’une convention-cadre léonine entre ces parties (1). Outre le fait que cette convention comporte nombre de clauses discutables, voire pour certaines illégales, elle traduit assez clairement la façon dont le monde associatif est considéré dans notre commune.

Pour être tout à fait concret sur le traitement d'associations, je vais prendre le cas de deux d'entre elles dont l’activité s’inscrit dans le développement durable pour l’une, et dans l’aide à l’enfance pour l’autre. La première des associations, l’Autre Bureau, a été motrice dans l’installation dans la commune d’un « tiers-lieu », consistant principalement en un site de télétravail. J’ai expliqué dans un article précédent (2) en quoi ce type de lieu, unique dans la CCPL, coche toutes les cases du développement durable puisqu’il promeut à la fois de l’activité économique, du lien social, tout en s’inscrivant dans un processus de réduction des flux routiers, donc de réduction d’empreinte carbone. La précédente municipalité avait aidé au portage du projet ; la nouvelle ne semble pas vraiment décidée à lui emboîter le pas. Elle a ainsi maintenu le lieu fermé à des périodes ou d’autres centres de télétravail restaient ouverts, y compris en Essonne et en Yvelines, sous le motif baroque de l’absence d’un dispositif de location du lieu. Par ailleurs l’association a signalé depuis plusieurs semaines maintenant la non-fonctionnalité d’une des toilettes de la salle, sans que cela ne semble conduire à réparation. Enfin, la dernière pièce qui nécessitait des travaux, et devait être aménagée en cuisine / cafétéria, reste depuis octobre 2020 toujours inutilisable, malgré l’achat des quelques mobiliers nécessaires à sa remise en état, qui sont stockés dans un des locaux municipaux. Les services techniques de Forges ont d’ailleurs reçu l’ordre de ne pas intervenir pour remettre en état cette pièce. Je n’arrive pas à savoir s’il s’agit là de mauvaise volonté caractérisée, de stupidité, ou de mépris vis à vis du projet. Je note simplement que dans le même temps, le parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse dit, dans la dernière mouture de son journal « l’Echo du parc » tout le bien qu’on peut penser de ce type de projet (3), sauf à Forges visiblement...

Deuxième exemple, l’association « Coup de Pouce 91 ». Cette association a pour objectif d’aider au développement et à l’épanouissement d’enfants, de jeunes adolescents, de jeunes adultes avec leurs parents, au travers d’une écoute ciblée, d’ateliers d’expression par le dessin la musique, le chant, la danse, la couture, le travail manuel et de l’accompagnement scolaire individualisé. Lorsque j’ai rejoint cette association, elle était installée dans des locaux extrêmement exigus au sein du pôle PMI, à côté de la maison médicale de Forges. Elle y avait déménagé en provenance de la maison des associations. Fin 2020, la municipalité fait re-déménager « Coup de Pouce 91 » à la maison des associations, où elle pouvait utiliser une salle beaucoup plus grande ainsi que la salle de sport pour les activités danse... Malheureusement, la salle de sport se trouve depuis mars confisquée pour une exposition qui - si on avait eu un peu de logique - aurait du être installée dans une salle d’exposition, telle la salle Floréal. Devant le bazar ainsi généré, la mairie réagit en urgence et demande à l’association, par la voie de Mme. la maire et d’une autre élue, de déménager sans préavis aucun vers la salle polyvalente, en haut pour l’accompagnement scolaire et en bas pour la danse et la musique. Grâce à l’aide des bénévoles de l’association, des parents d’élèves pour la plupart, le déménagement se fait comme il peut, mais il se fait. Problème : la salle du haut est utilisée, par convention et pendant les mêmes créneaux que ceux proposés par la mairie, par l’Autre Bureau, dont le président n’est même pas prévenu de l’arrivée d’une autre association sur site par la mairie… C’est d'une élégance ! Le local du télétravail étant fermé suite aux restrictions dues à la crise sanitaire, « Coup de Pouce 91 » peut pour le moment utiliser les locaux sans trop de difficultés, mais qu’en sera-t-il lorsque le co-working rouvrira, probablement vers la mi-juin ? Par chance, les responsables locaux de ces associations sont des gens raisonnables, et ils s’activent actuellement à trouver une solution satisfaisante... 

Dernier rebondissement en date, malgré les engagements et promesses faites par Mme. la maire, la mairie vient d’interdire à l’association d’utiliser la salle du bas le samedi pour ses activités d’expression musicales et de danse, motivant une exigence d’explication ferme de la présidente de l’association. Demandant de nouveau, et pour la xième fois, une convention d’occupation, un calendrier et des procédures claires et honnêtes, la présidente appelle au respect du calendrier d’occupation des salles qui doit être inscrit dans le marbre puisque, selon elle,  Mme. la maire ne tient pas compte de ses propres engagements verbaux. Par ailleurs, la présidente de l’association estime que les actions de la mairie s’apparentent à du mépris pour les « Coup de pouciens ». Le mépris est effectivement un terme qui convient à la façon dont cette association, mais également d’autres, sont traitées par l’actuelle municipalité...



Références :

1. Désigné volontaire.
Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2021/03/designe-volontaire.html

2. « L’Autre Bureau » ou comment le co-working réenchante durablement nos campagnes.
Ce blog.
https://dessaux.blogspot.com/2020/10/lautre-bureau-ou-comment-le-co-working.html

3. Sophie Martineaud. Tiers-Lieux en gestation aux quatre coins du Parc. L'Echo du Parc n°86. Pp 16-17.
Consultable en ligne :




PIZZAS À LA DEMANDE !



Un distributeur de pizzas arrive prochainement à Forges, en centre ville...

Ce distributeur de pizza serait installé à côté du café-bar géré par M. Ylson Costa. Les produits seraient préparés dans le laboratoire d’un restaurant-pizzeria renommé local, partiellement précuits, puis transportés et stockés à froid dans une machine de type réfrigérateur-distributeur. Lorsqu’un client se présentera, il pourra choisir sa garniture et la machine en assurera la fin de cuisson, fournissant ainsi un produit chaud à l’acheteur.

Je n’ai aucune information sur le prix de vente, mais je sais en revanche que le dispositif est prévu pour fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et qu’il pourrait stocker plusieurs dizaines de pizzas.

Ce dispositif ressemble à celui du distributeur de baguettes, également installé à côté du café. Ce dernier avait fait l’objet de vives critiques lors de son installation, mais il se trouve qu’il rend des services appréciés à la population, surtout en l’absence de boulangerie à Forges*. Il semble même être plébiscité, puisque ce matin encore, toutes les baguettes avaient été vendues dès 11 heures.

Ce genre de dispositif n’a à mon sens pas vocation à se substituer à la consommation de pizzas fraîchement préparées à la maison, en restaurant, ou en « camion », mais simplement à assurer un dépannage ponctuel...

___________________________

* selon les dernières informations, la boulangerie de Forges ne pourra ouvrir cet été compte tenu à la fois de la crise sanitaire et d’importants travaux à réaliser, y compris en termes de confortement et rénovation du bâti. Une réouverture est maintenant envisagée en fin d’année.


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Cuisinons en couleur




lundi 17 mai 2021

LÉGALISER LE CANNABIS ?





Le débat autour de la légalisation du cannabis dit récréatif s’est trouvé réactivé récemment avec une proposition du député écologiste Yannick Jadot en ce sens. Si l’on peut bien évidemment s’amuser de voir un député vert se soucier de légaliser un produit finalement « naturel », il ne faudrait pas croire qu’il s’agisse d’un cas isolé. En effet, très récemment aussi, M. Caroline Janvier, députée LREM de la 2e circonscription du Loiret, et rapporteuse thématique d’une mission d’information sur la réglementation des différents usages du cannabis, a déclaré que cette mission dressait un constat d’échec en matière de répression de l’usage de ce produit. Elle proposait « une légalisation encadrée qui permette à l'État de reprendre le contrôle de la production, de la consommation, de la distribution de cannabis, en contrôlant les substances qui sont vendues » (1).


J’avoue ne pas avoir ni d’idées préconçues, ni de position ferme sur la question de la dépénalisation du cannabis. En matière d'arguments en faveur d’une dépénalisation, je reprends ici ceux présentés dans le rapport de la mission d’information (2). Un des tout-premiers arguments, solide, est que le marché noir de ce produit génère beaucoup de violence et d’insécurité dans de nombreuses zones des grandes agglomérations. En lien, les activités de police et de gendarmerie visant à lutter contre ces trafics mobilisent beaucoup de personnels au sein des forces de l’ordre, pour un « rendement » très faible, puisque le trafic de ce stupéfiant ne diminue pas. Au contraire, celui-ci est en hausse depuis 30 ans et la France est maintenant le premier consommateur européen de ce produit. Le rapport dit d’ailleurs que la politique de la sanction « n’a que peu d’effet dissuasif sur des trafics et une consommation qui se banalisent ». Si le produit était vendu de façon légale et encadrée, on pourrait alors utiliser les compétences des forces de l’ordre pour lutter contre bien d’autres délits et crimes. On voit bien d’ailleurs, que la consommation - et seulement la consommation - fait depuis peu l’objet d’une dépénalisation de fait, les contrevenants s’exposant seulement à une amende forfaitaire en France, sauf dans le cas ou l’usage de ce produit aurait éventuellement causé un dommage à autrui. Le rapport confirme cela lorsque les députés écrivent « La banalisation de la consommation est telle qu’elle aboutit [...] à une dépénalisation de fait dans certains grands centres urbains ».

Deuxième argument, la vente de cannabis s’inscrit dans une économie souterraine qui peut profiter à des entreprises mafieuses, voire terroristes, et qui alimentent des réseaux mondialisé de blanchiment et de corruption. Le rapport précise que le trafic du seul cannabis au niveau mondial aurait rapporté en 2005 plus de 140 milliards de dollars par an. Aujourd’hui, le marché du cannabis en France, c’est un peu plus d’un milliard par an... La légalisation laminerait les revenus de ce trafic.

Deux autres arguments apparaissent également dans le rapport. Il s’agit du fait que les produits à base de cannabis vendus aujourd’hui comportent des taux de tétrahydrocannabinol (ou THC, la substance psychotrope majeure) très variables, et en augmentation constante. Ainsi, des produits saisis dans l’Union Européenne « qui contenaient auparavant en moyenne environ 4 % de THC, présentent aujourd’hui des taux de concentration d’environ 18 %, voire jusqu’à 24 % » (2) et peuvent atteindre parfois 30% du poids du produit. « La puissance de la drogue proposée est donc considérablement plus forte que celle proposée ans les années 1970-1980 » (2), entraînant donc des risques de « surdosage » ou d’accoutumance accrue pour les utilisateurs. Par ailleurs, afin d’accroître leurs bénéfices, certains revendeurs n’hésitent pas à couper leur produit avec des composés de toutes sortes, dont certains peuvent présenter un risque réel pour la santé du consommateur. On peut ainsi trouver comme agent de coupage, du kérosène, de l’huile de vidange, des colles, de la cire, du talc, du cirage, des composés plombés, etc. Le rapport conclut « Pour ces raisons, les produits consommés sont aujourd’hui plus destructeurs que ceux qui étaient disponibles dans les années 1970 ou 1980, et l’association entre des taux de THC excessifs et une composition fréquemment frelatée pose un important problème de santé publique, directement dû à la prohibition ».


Enfin, un dernier argument que je n’ai pas trouvé décrit comme tel dans le rapport (mais il est vrai que je l’ai lu rapidement) m’interpelle. Il est présenté sur le graphe ci-dessus (tiré de 3) dans lequel différents composés psycho-actifs sont classés pour leur niveau de dangerosité pour la personne et pour la société. On constate que le moins dangereux de toutes ces drogues est le cannabis, derrière des composés à vocation thérapeutique (mais dont l’usage peut être détourné) comme les opiacés (morphine, codéine) ou des benzodiazépines (ex. valium, lexomyl) et très, très loin derrière des drogues légales (nicotine, alcool) ou non (crack, cocaïne, héroïne).

Voyons maintenant les arguments qui s’opposent à la dépénalisation. J’en vois plusieurs dans le rapport parlementaire, qui souligne d’ailleurs l’importance de la mise en place d’une politique sanitaire. La légalisation de l’usage récréatif du cannabis pourrait favoriser le développement d’addiction à ce produit, particulièrement au sein de la population la plus jeune, et ce, même si le pouvoir addictif des différents composés cannabinoïdes, THC en tête, est bien inférieur à celui de la cigarette ou de drogues interdites d’usage, comme l’héroïne (2). Ainsi, 20 à 25 % des consommateurs réguliers de cannabis semblent présenter des signes clairs d’addiction (contre presque 100% des fumeurs de tabac). En revanche, l’argument qui place le cannabis comme une première marche vers l’usage d’autres drogues dites plus dures (cocaïne, crack, héroïne) n’est en aucun cas validé. Je cite le rapport : « La théorie de l’escalade (ou « stepping-stone theory ») suppose en effet que la consommation de cannabis mène inexorablement vers la consommation de drogues dites « dures » […]. La théorie se fonde sur le fait qu’une grande partie des consommateurs de drogues dures (héroïne, cocaïne, métamphétamines, etc.) commence par le cannabis, or, dans les faits, cette corrélation n’entraîne pas un lien de causalité dans la mesure où, si la consommation de cannabis a effectivement augmenté de façon importante dans la population générale, la consommation de drogues « dures » n’a pas suivi ».

L’usage de cannabis est également susceptible d’induire un certain nombre de pathologies majeures. Le rapport pointe du doigt un premier risque, les dommages d’ordre cérébral chez les jeunes consommateurs et, par conséquent, de développement de troubles psychiatriques. Je cite : « la consommation de cannabinoïdes augmente sérieusement le risque de troubles psychiatriques, et l’évolution des consommateurs vers la schizophrénie, les troubles anxieux ou dépressifs, est désormais bien démontrée et relativement significative : le risque est en effet doublé pour les jeunes de moins de dix-huit ans et plus grand encore pour ceux débutant leur consommation de cannabis avant l’âge de quinze ans ». Dans ce contexte une augmentation du risque de suicides dans la population jeune peut être crainte. Hors de ces troubles du comportement, l’usage de cannabis peut aussi engendrer des troubles cardiaques. Une augmentation immédiate du risque d’infarctus est désormais avérée, dans l’heure suivant la consommation (2). Des risques d’augmentation de cancers pulmonaires ont aussi été rapportés chez les fumeurs réguliers. En effet, fumer du cannabis, c’est aussi fumer des goudrons très chargés en composés dits aromatiques polycycliques hautement cancérogènes, comme avec la cigarette…

Par ailleurs, l’usage du cannabis conduit à des baisses de vigilance. Ainsi, on observe des temps de réaction considérablement accrus chez les consommateurs occasionnels, de 19 % pour des doses de 10 milligrammes à 27 % pour des doses de 30 milligrammes, qui peuvent se prolonger plus de 15 heures au-delà de la consommation, l’association à l’alcool ayant des effet potentialisant, d’où un risque pour les conducteurs d’engins et de véhicules particuliers. Cette baisse de vigilance se traduit aussi par des baisses de concentrations à l’acquisition de connaissances. Ainsi, des suivis de cohortes menées sur une longue durée par l’Inserm montrent une probabilité de suivre des études supérieures inférieure à 60 % pour les jeunes ayant commencé à fumer avant l’âge de seize ans.

Dernier élément s’opposant à la dépénalisation, d'ordre plus moral ou éthique, au choix. Ce n’est pas parce que l’on n’arrive pas à contrôler un comportement délictueux qu’il faut baisser les bras et le légaliser. Envisagerait-on de dépénaliser les grands excès de vitesse quand on sait qu’une part très importante - pour ne pas dire majoritaire - des accidents de la route est liée à une vitesse excessive ou inadaptée ? Non. Dès lors, quid de la consommation de stupéfiants ?

Je ne prétends en aucun cas avoir fait le tour de la question, mais il me semble qu’il reste nécessaire de réfléchir à cette dépénalisation, tranquillement, en pesant bien le pour et le contre, et sans s’inscrire dans un quelconque effet de mode. Je termine en précisant que cet article n’est en aucun cas un encouragement à consommer du cannabis, hors prescription médicale, car celui-ci reste considéré comme un stupéfiant par l’arrêté du 22 février 1990, consolidé le 1er janvier 2020, et donc interdit de production, distribution et consommation.


Références :

1. Cannabis : des parlementaires demandent une "légalisation encadrée" permettant à l'État de "reprendre le contrôle". France-info. Mai 2021.
Consultable en ligne :
https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/cannabis/cannabis-des-parlementaires-demandent-une-legalisation-encadree-permettant-a-l-etat-de-reprendre-le-controle_4611697.html

2. Rapport parlementaire sur le cannabis récréatif.
Consultable en ligne :
https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/341940/3351816/version/1/file/210505+Rapport+cannabis+recreatif.pdf

3. Page « Drogue ». Wikipedia.
Consultable en ligne :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Drogue


Crédits illustration :

Légalisation du cannabis : le pour et le contre
You tube.
Mise en ligne par : Monkey - l'actu décryptée. Octobre 2018
https://www.youtube.com/watch?v=B5FBNw4wvDQ